Maroc-Presse
Maroc-Presse est un journal marocain francophone basé à Casablanca et fondé en 1949 qui traitait de l'actualité générale à l'époque du Protectorat au Maroc. Il faisait partie des journaux réformistes qui ont soutenu l'action des Libéraux du Maroc[1]. Cette presse souhaitait se distinguer du ton procolonialiste des journaux de Pierre Mas.
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Histoire
Après la Première Guerre mondiale, le quotidien Le Petit Marocain, propriété de Pierre Mas, est acquis par les syndicats marocains, en vertu d'une des ordonnance du gouvernement provisoire de 1944 sur la dissolution des monopoles de presse[2]. L'initiative revient à trois de ses salariés parmi lesquels le rédacteur en chef Antoine Mazzella, qui était déjà journaliste dans ce titre avant la guerre.
Après quelques années il en a démissionné pour protester contre le contrôle du PCF[3] tandis que le titre est affaibli sur le plan publicitaire, car sa régie appartient à l'ancien propriétaire, Pierre Mas, qui le rachète mais sans parvenir une équipe réunie autour d'Antoine Mazzella de continuer à le faire paraitre sous la forme d'un quotidien du soir. Une souscription avait alors été organisée auprès des colons français afin de créer un autre titre quotidien, mais du matin, qui est baptisé Maroc-Presse[4].
Maroc-Presse est ainsi créé en juin 1949 par la fusion de deux autres quotidiens francophones[5]. Il a ensuite racheté le quotidien Le Petit Marocain. La famille de Jean Walter, active dans le secteur minier, le finance, parmi d'autres journaux réformistes au Maroc[1].
Maroc-Presse a ensuite pour rédacteur en chef Antoine Mazzella[2]. Le journaliste le représente à Paris lorsque des attentats le menace. Avec Henri Sartout, ex-commandant de l'armée française et président d'honneur des anciens d'Indochine, directeur du journal, il en fait le « fer de lance du mouvement libéral » pour l'indépendance du Maroc[6]. Au début de 1953, lorsque le pouvoir colonial organise l'éviction, la destitution puis l'exil, à partir de l'été, du sultan du Maroc, c'est le seul journal à s'y opposer[7]. Le sultan est malgré cela exilé avec sa famille en Corse puis à Madagascar.
C'est aussi en août 1953 que le quotidien se dote d'une ligne éditoriale « reflétant l'opinion des milieux libéraux français partisans d'une révisions des rapports entre le Maroc et la France », observe Le Monde[5].
Le 11 mai 1954, Maroc-Presse affiche à la "Une", la "lettre au Président de la République des Français du Maroc", datée de trois jours plus tôt, qui « marque un tournant décisif »[8] dans la décolonisation car les 75 personnalités signataires réclament un changement de politique coloniale[8] - [9] et pointent du doigt « l'intimidation érigée en politique depuis plusieurs années », qui selon eux « risque de compromettre tout rapprochement des Français et des Marocains »[9]. L'écrivain François Mauriac, qui vient de rejoindre L'Express, fondé en mai 1953 à Paris, renchérit et dénonce «le médecin militaire donne du bistouri dans les ganglions sans rien vouloir connaître du cancer dont ils sont le signe »[9].
Antoine Mazzella est ensuite visé par deux attentats au Maroc, d'autres signataires sont évincés de leur travail[9]. Cette "Lettre des 75" devient le point de départ et la "Charte" du Mouvement "Conscience française", créé pour demander des réformes profondes[8] et le nouveau président du conseil Pierre Mendès-France ordonne rapidement des libérations de militants[9] en juin 1954.
Christiane Darbor, l'une des plus actives au sein de ce groupe de Français dits « libéraux », fit partie de l'équipe rédactionnelle de Maroc-Presse et avait également participé à la rédaction de l'hebdomadaire Al-Istiqlal, organe francophone du Parti éponyme, aux côtés de Mehdi Ben Barka, M'hamed Boucetta et Abderrahim Bouabid, avant de devenir correspondante de United Press International puis du journal Le Monde[10]. Le quotidien est acheté en avril 1955 par Jacques Lemaigre-Dubreuil, patron de société des huiles Lesieur, mais deux mois après il est assassiné à Casablanca le 11 juin 1955.
Le journal a en particulier mis en cause Philippe Boniface, préfet de région de Casablanca, comme étant partie prenante du « contre-terrorisme » en favorisant l'impunité des activistes français[11]. Lemaigre Dubreuil y signe des éditoriaux qui ont un grand retentissement dans l'opinion au Maroc.
Il en fait aussi une tribune libre dans laquelle s'expriment, entre autres, des personnalités proches de l'Istiqlal[11].
Après l'indépendance du Maroc en 1956, le quotidien a préféré mettre la clé sous la porte[4]. Maroc-Presse annonce ainsi à la fin avril 1956 qu'il cesse de paraître[5] alors qu'il ne tirait plus qu'à une vingtaine de milliers d'exemplaires par jour et perdait de l'argent[5].
Notes et références
- « La conversion libérale de Jacques Lemaigre Dubreuïl au Maroc (1950-1955) », par Clotilde De Gastines, dans Outre-mers, Revue d'histoire, 2009
- Biographie Maîtron d'Antoine Mazzella .
- "Un ami du Maroc s'en va" dans Maroc-Hebdo du 7 mai 2014 .
- "Adieu Maroc ! témoignage d'un rapatrié du Maroc" par Charles Dehedin, aux Editions des quatre fils Aymon en 1959 .
- « Le quotidien Maroc-Presse cesse de paraître » dans Le Monde du 30 avril 1956 .
- "Jacques Reitzer : l'ardent combat pour la justice" par Anne-Marie Rozelet, dans la revue Horizons maghrébins - Le droit à la mémoire en 1996 .
- « Le culte d’un héros ou les fondements spirituels de la Résistance », dans Maroc diplomatique le 20 août 2020 .
- "Chronique d'une décolonisation. Jacques Lemaigre Dubreuil au Maroc 1950-1955" le 21 juin 2006" tiré du Mémoire de maîtrise, dirigé par M Dieter Langewiesche et Jean-Claude Triault des Universités de Tübingen et Aix-Marseille I en juin 2006).
- "Les 75 du Maroc" par Jacques Molénat, dans L'Express du 17 mai 2005.
- Nécrologie dans Libération le 22 mai 2009 .
- Clothilde de Gastines, « Chronique d'une décolonisation – Jacques Lemaigre Dubreuil au Maroc, 1950-1955 » [PDF], dans La Lettre de la coopération française au Maroc, no 20, mai 2006, p. 16/36, sur le site ambafrance-ma.org, consulté le 11 mars 2010. Texte intégral sur le site de l'auteure.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Passeurs d'espérance. Français libéraux dans le Maroc en crise 1945-1955, par Anne-Marie Rozelet. Éditions Afrique-Orient en 1998.