Mafia bulgare
Le terme mafia bulgare décrit de manière informelle les organisations criminelles en provenance de Bulgarie et impliquées dans des activités telles le trafic de drogue, la contrebande, le trafic d'êtres humains, le proxénétisme, le trafic d'organes, le trafic d'antiquités, l'extorsion de fonds (par le biais souvent d'entreprises légales comme des cabinets d'assurance ou des entreprises de sécurité) et le trafic d'armes. Elles possèdent des connexions avec la mafia russe, la mafia croate, la mafia serbe, la mafia macédonienne et Cosa nostra.
Mafia bulgare | |
Lieu | Bulgarie |
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Activités criminelles |
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En Bulgarie, le crime organisé bulgare est grupirovka. Leur structure est divisée en cinq niveaux.
Historique
La plupart des mafieux de l'ère postcommuniste sont d'anciens sportifs de haut niveau pratiquant particulièrement la lutte durant la période communiste (1944-1989). La Bulgarie avait développé un réseau d'école performant de sport pour fabriquer des champions de haut niveau comme le « grand frère » l'URSS. Lorsque ces écoles ont fermé au début des années 1990, faute de financement, certains anciens élèves se sont tournés vers le racket en se regroupant en petite brigade de lutteurs[1]. Les frères Iliev, Krasimir « Big Marge » Marinov et Ilya Pavlov étaient tous des étudiants de l'école pour futurs champions « espoir olympique » ou en bulgare : Олимпийски надежди.
En Bulgarie, durant cette période, la loi du plus fort prévalait sur tout autre ordre. Tous ces réseaux sont organisés en cercle concentrique. Ces groupes criminels, appelé "grupirovki" font appel pour leurs basses œuvres, à d'anciens sportifs de haut niveau (gang des lutteurs, des nageurs, des rameurs...), et pour les tâches les plus difficiles, ils font appel à d'ex-paras et autres commandos de l'armée[2].
Après 1990, le mot борец (« lutteur ») devient un synonyme de « mafieux » (un autre est synonyme мутра, transcrit « Mutra » littéralement « gueule » ou « gueule de voyou »). Le stéréotype du Bulgare « Mutri » désigne un physique solide, portant une veste noire, des lunettes de soleil, un crâne rasé, des chaines en or et des manières de « nouveau riche ». Cette image est devenue le symbole d'une Bulgarie en transition du communisme vers le libéralisme[3].
Les « Mutri » infiltrèrent le monde politique bulgare (le SIC et VIS sont en relation avec les deux principaux partis du pays, le Parti socialiste bulgare et l'Union des forces démocratiques bulgare (UDF)). De cette transition, plus de 200 millionnaires sont apparus en 2011.
Selon un rapport d'Interpol de 2008, certains criminels dit bulgares sont aussi des Turcs ou des Roms installés en Bulgarie. Tandis que les Bulgares turquisés règnent sur le trafic d'héroïne en provenance d'Afghanistan en passant par la Turquie, les Roms dirigent des réseaux d'enlèvements de femmes dite d'ethnie bulgare[4].
Sous le gouvernement du Mouvement national Siméon II (2001-2005), les assassinats devinrent une chose fréquente. Des preuves furent apportées quant aux liens qui unissaient le milieu criminel au milieu politique et des fonctionnaires. Le patron de l'UDF Ivan Tatartchev a été photographié avec Ivo Karamanski, idem pour le ministre des finances du SGEN-II Milen Velchev, photographié jouant aux cartes avec Ivan « Le Docteur » Todorov, et le ministre de l'Intérieur du BSP Rumen Petkov négociait avec les frères Galev, grâce à la médiation d'Alexeï Petrov.
Sous la pression de la Commission de Bruxelles, Rumen Petkov a été contraint de démissionner en . Il est soupçonné d'avoir détourné les subventions reçues pour le développement du pays au profit du crime organisé. De plus, il fut accusé d'avoir livré l'identité d'un agent infiltré dans un réseau de trafic d'êtres humains, mettant la vie de policiers en danger[4].
Activités
Proxénétisme
Les groupes mafieux bulgares soumettent et exportent les femmes bulgares pour les prostituer en Europe de l'Ouest : Allemagne, Italie, France, Espagne, Pays-Bas... Le plus souvent, sous la forme d'une prostitution de rue.
Selon un rapport d'Interpol en 2008, beaucoup de ces réseaux sont tenus par des bulgares qui enlèvent des femmes d'ethnies dite Bulgarex de préférence blondes aux yeux bleus prisées dans le monde entier. Selon une estimation faite par ce même rapport, les patrons gagneraient entre 900 millions et 1,8 milliard € soit 3,6 % à 7,2 % du PIB bulgare[4].
Trafic de drogue
Elles se spécialisent dans les drogues de synthèses de type méthamphétamine ou speed.
Pillage des distributeurs automatiques de carburant (DAC)
Les DAC permettent aux bulgares d'utiliser un téléphone portable pour transmettre des coordonnées bancaires en simultané partout dans le monde[5]
Extorsion de fond
Les groupes mafieux bulgares extorquent et rackettent les entreprises bulgares en proposant un service de « protection » ou d'assurance par le biais d'entreprises légales de protection ou d'assurance. Les plus connues sont le SIC et le VIS.
Contrats d'assassinat
Depuis la chute du communisme en 1989, 157 assassinats de type mafieux ont été perpétrés en Bulgarie, fréquemment dans le centre-ville de la capitale Sofia, en plein jour. Selon différentes sources, il n'y a eu qu'une seule condamnation pour ce type d'affaires à ce jour. On reproche surtout aux différents niveaux de l'autorité judiciaire leur corruption, notamment au niveau du bureau du procureur[3].
Le coût d'un contrat d'assassinat par un tireur professionnel est estimé approximativement à 20 000 £.
Quelques-uns des plus importants assassinats de ces dernières années (dans l'ordre chronologique)
- Vassil Iliev - Fondateur du VIS1 et VIS2. Piégé par un tueur inconnu sur le chemin de la discothèque « Le Mirage » le [6].
- Ivo Karamanski, alias « Le Parrain » - Il est abattu à la suite d'un différend avec un alcoolique à son domicile le [7].
- Pantiou Pantev, alias « Polly » - trafiquant de drogue, affilié au VIS initialement, plus tard avec le SIC. Des rumeurs affirmaient qu'il avait volé une demi-tonne de cocaïne à la mafia russe ou à un cartel des Colombiens. Il échappa à plusieurs tentatives d'assassinats, dont une incluant un missile, l'obligeant à quitter le pays et à se cacher. Il fut abattu à Aruba dans les Caraïbes le .
- Ilya Pavlov - Fondateur du Multigroup et l'homme le plus riche de Bulgarie. Il n'existe pas de preuves officielles de son implication dans des activités criminelles mais il était considéré comme un chef mafieux. D'anciens employés ont témoigné de son implication dans un réseau de prostitution. Il est abattu en face de ses bureaux le (il avait déjà échappé à une autre tentative en 1997).
- Konstantin Dimitrov, alias « Samokovetsa » - trafiquant de drogue et milliardaire, en relation avec le VIS, il est abattu le en plein centre-ville d'Amsterdam.
- Dimitar Hristov, alias « Mitko La Petite » - Abattu le dans un café accompagné de son garde du corps Kaloyan Sayov et Jivo Mitev par deux tueurs déguisés en prêtres orthodoxes.
- Milcho Bonev, alias « Baj Mile » - Un des fondateurs de la SIC et proche associé de Mladen Mihalev alias « Madzho ». Il est soupçonné d'être l'intermédiaire principal dans le trafic de drogue et les réseaux de distribution dans les Balkans selon les enquêtes menées par les services spéciaux bulgare et serbe. Il survécut à une tentative d'assassinat en . Bonev fut abattu dans un restaurant en plein jour à Sofia le avec 5 de ses gardes du corps[8].
- Georgi Iliev - Frère de Vassil Iliev et à la tête de VIS2. Il a été abattu en face de sa discothèque à Sunny Beach en Bulgarie le [9].
- Emil Kioulev - Ancien nageur de haut niveau et banquier, connecté avec le SIC. Il est abattu au volant de sa voiture sur le boulevard de Bulgarie à Sofia le [10].
- Anton Miltenov, alias « le bec » - trafiquant de drogue, bras-droit de Konstantin « Samokovetsa » Dimitrov. Il est abattu dans un café populaire du centre de Sofia le (il était accompagné d'Ivan « Le fantôme » et Nikolaï Todorov « Les lunettes » Dobrev). Une précédente tentative d'assassinat le avait échoué.
- Ivan Todorov, alias « Le Docteur » - trafiquant de drogue et millionnaire. Il est abattu le [3]. Il avait survécut à une tentative d'assassinat le dans laquelle sa Mercedes avait explosé.
- Georgi Stoev - Ancien lutteur de haut niveau, en contact avec le VIS et le SIC. Il avait écrit neuf livres sur les chefs mafieux bulgares, la plupart disaient le connaître personnellement. Il est abattu à Sofia le [11].
D'autres assassinats liés à la mafia
- Georgi Kalapatirov - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en 1995.
- Georgi Prodanov - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en 1995.
- Petar Petrov - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en 1998.
- Georgi Iliev - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en .
- Nikolaï Popov - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en 2005.
- Alexandre Tassev - Président de l'équipe de football du Lokomotiv Plovdiv, abattu en .
- Yanko Yankov - Le maire de la ville balnéaire Elin Pelin, abattu en .
- Dimitar Yankov - Président du conseil municipal de la ville balnéaire de Nesebar, abattu en [12].
- Borislav Georgiev - Directeur de la AtomEnergoRemont, l'une des grandes entreprises énergétiques de la Bulgarie. Abattu en [13].
- Petar Lupov - Juriste, il était dans l'équipe de défense d'un groupe d'actionnaires de l'ancienne banque Trakya contre DZI Bank. Il est abattu le à Veliko Tarnovo[14].
Poursuites judiciaires et lutte contre les réseaux criminels
En 2006, l'UE dépêche sur place Klaus Jansen, chef du bureau d'enquête criminel d'Allemagne pour évaluer les progrès de la Bulgarie dans la lutte contre le crime organisé. Il conclut que la Bulgarie n'a pas réussi à mettre en œuvre les principes et méthodes modernes de lutte contre la criminalité, critiquant entre autres, le faible engagement des forces de police du pays à lutter contre le crime organisé. Le rapport dit que « les actes d'accusation, poursuites, procès, condamnations et peines dissuasives dans la lutte contre la corruption de haut niveau restent rares » et décrit les efforts déployés pour combattre le crime comme un « gâchis total ». Jansen remarque aussi que des informations rassemblées par les personnalités politiques européennes à Sofia pourraient se retrouver aux mains de la mafia. Dans une réaction au rapport, le ministre de l'Intérieur, Roumen Petkov, décrit les conclusions comme exagérées et proteste contre Jansen[15]. Mais il démissionne peu après.
Dans le système judiciaire bulgare, le procureur général est élu par la majorité qualifiée des deux niveaux de tous les membres du conseil supérieur de la magistrature et il est nommé par le président de la République. Le Conseil judiciaire suprême est chargé de l'auto-administration et de l'organisation de la magistrature.
En 2009, la Commission de Bruxelles commande une étude au criminologue Tihomir Bezlov, ancien prestataire de service de Lehman Brothers et de la Deutsche Bank, pour mesurer l'ampleur du phénomène et le combattre. Selon Bezlov, en Roumanie et en Bulgarie, le crime organisé s'est lancé dans la politique pour capter ses postes clefs à tous les échelons du pouvoir et de l'administration. En 2008, la Commission avait déjà livré un rapport révélateur sur la corruption sévissant au sein du pouvoir et les liens tissés entre la classe politique bulgare et le milieu[4].
La Commission a gelé son utilisation de 500 millions d'euros pour l'aide à la Bulgarie au motif qu'elle craint que son aide soit détournée par la mafia. En 2009, la même commission menace de suspendre les milliards de fonds structurels de développement[4].
Liste des procureurs généraux dans la Bulgarie post-1989
- Boris Velchev - En service depuis le
- Nikola Filchev - employé des Services de Sécurité de l'État avant 1989
- Général Ivan Tatartchev
- Martin Gounev
Personnes soupçonnées d'activité criminelle
- Mladen Mihalev, alias Madzho, cofondateur du SIC[8].
- Lyuben Gocev, ancien agent des services secrets bulgares[16].
- Krasimir Marinov, alias The Marguins est à la tête avec son frère d'un empire du crime organisé autour de la drogue. Il est soupçonné de trois meurtres, dont un journaliste en [17].
- Nikolay Marinov, frère du précédent, actuellement disparu.
- Stoil Slavov, cofondateur du SIC et propriétaire de l'Interpetrolium and Partners[18].
- Georgi Slavov, fils de Stoil Slavov alias Zhoro Glavata « le cerveau »[19].
Notes et références
- Le Point de jeudi 13 juin 2013 n.2126 : Ces mafias qui pillent le France "Les outsiders du crime" p.84
- http://stern.blog.tdg.ch/archive/2008/10/21/bulgarie-voyage-aux-coeur-de-la-mafia.html
- La mafia de Sofia inquiète Bruxelles, L'Express, 5 janvier 2006.
- « Le crime organisé en Bulgarie s'est lancé dans la politique afin d'occuper des… », sur recherches-sur-le-terrorisme.com (consulté le ).
- Le Point n.2027 : La mafia en France : Les Bulbasha et les mutri p.48
- (en) « HugeDomains », sur HugeDomains (consulté le ).
- « Europe - Bulgarian mafia boss shot dead », sur bbc.co.uk (consulté le ).
- Bulgaria, mobster, murder, trial, bomb: Bulgarian Mobster Suspect Widow Testifies in Court - Novinite.com - Sofia News Agency
- (en) « Bulgarian football boss shot dead », BBC News, 26 août 2005.
- http://www.focus-fen.net/index.php?r=1&catid=99&ch=0&newsid=75115
- « eurotopics.net/fr/search/resul… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « Typical news from Bulgaria, the newest EU member state », sur blogspot.com (consulté le ).
- « Cadavres exquis à Sofia : règlements de compte, mafia et politique en Bulgarie », sur Le Courrier des Balkans (consulté le ).
- « Prominent Veliko Tarnovo Lawyer Shot in Broad Daylight - Novinite.com - Sofia News Agency », sur novinite.com (consulté le ).
- « Kapital Quarterly #15/ Business report », sur http://www2.capital.bg/ (consulté le ).
- http://www.groundreport.com/Politics/Bulgaria-Statehood-in-Crisis/2860602
- (en) « Hollywood Goodfella-Anthony Fiato : Krasimir Marinov », sur Hollywood goodfella, (consulté le ).
- « WHO IS WHO : Stoil Slavov - Novinite.com - Sofia News Agency », sur novinite.com (consulté le ).
- « Georgi Slavov has been admitted for emergency surgery at Plovdiv's University Hospital St George », sur blogspot.com (consulté le ).