MĂ©nandre Ier
Ménandre Ier, aussi nommé Minedra ou Menadra (en sanskrit Milinda)[1], est un roi indo-grec qui succÚde à la dynastie gréco-bactrienne en Afghanistan, au Pakistan et en Inde du Nord. Il rÚgne d'environ 160 à et administre un large territoire en Inde du Nord-Ouest depuis sa capitale Sagala (actuelle Sialkot, au Pakistan).
Il est unanimement considĂ©rĂ© par les historiens et les numismates comme lâun des plus grands souverains indo-grecs, sinon le plus grand[2]. Son rĂšgne est Ă©galement un des plus longs parmi les rois indo-grecs, comme lâatteste le grand nombre de ses monnaies retrouvĂ©es.
Il rĂšgne sur un territoire sâĂ©tendant de la vallĂ©e de Kaboul Ă lâouest jusquâĂ la Ravi Ă lâest, et de la vallĂ©e du Swat au nord jusquâĂ lâArachosie au sud.
Il est connu pour avoir Ă©tĂ© un protecteur du bouddhisme durant son rĂšgne, et il sây serait mĂȘme converti. Il est le seul souverain indo-grec mentionnĂ© par la littĂ©rature indienne. Il y est considĂ©rĂ© comme un chef de guerre et est respectĂ© comme philosophe pour avoir conversĂ© avec le sage indien Nagasena. Le rĂ©cit de ses entretiens avec Nagasena, le Milindapañha (« Les questions de MĂ©nandre », pañha signifiant question en pali), est un des livres canoniques du bouddhisme.
Le rĂšgne de MĂ©nandre donne une premiĂšre impulsion Ă lâart grĂ©co-bouddhique, lequel connaĂźt son apogĂ©e sous la dynastie kouchane qui succĂšde aux rois indo-grecs et dont le reprĂ©sentant le plus remarquable est Kanishka Ier.
RĂšgne
MĂ©nandre est nĂ© dans une famille grecque, appartenant Ă lâaristocratie (il aurait Ă©tĂ© fils de roi, sans que lâon sache prĂ©cisĂ©ment lequel), dans la ville de BĂ©gram-Kavisi (ou Kalasi, actuel BagrĂąm en Afghanistan), prĂšs dâAlexandrie du Caucase, selon le Milindapañha. Dâautres sources, cependant, indiqueraient quâil serait nĂ© prĂšs de Sagala (Sialkot moderne, dans la rĂ©gion du Punjab au Pakistan[3]).
Il est montĂ© sur le trĂŽne Ă BĂ©gram-Kavisi, toujours selon le Milindapañha, et a commencĂ© Ă rĂ©gner sur les Paropamisades, vers 150 av. J.-C. Le gĂ©ographe Strabon lâinclut pourtant parmi les Grecs de Bactriane[4], et Plutarque rapporte mĂȘme quâil a rĂ©gnĂ© sur cette rĂ©gion[1], Ă tort.
Certains historiens font cependant de Ménandre un général de Démétrios Ier, roi de Bactriane, ou un vice-roi de Démétrios II à Taxila[5].
Sa capitale aurait Ă©tĂ© Sagala, une citĂ© prospĂšre du nord du Pendjab. Cependant, O. Bopearachchi propose plutĂŽt que BĂ©gram-Kavisi aurait Ă©tĂ© sa capitale, en raison du grand nombre de monnaies qui y ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s et du fait quâEucratide Ier ait choisi lâatelier de cette ville pour faire frapper ses monnaies cĂ©lĂ©brant ses conquĂȘtes indiennes[6].
Strabon le prĂ©sente comme un conquĂ©rant de lâInde :
« Les Grecs qui rendirent [la Bactriane] indĂ©pendante acquirent une telle puissance du fait de sa richesse quâils devinrent les maĂźtres et de lâAriane et de lâInde, au tĂ©moignage dâApollodore dâArtamita, et quâils soumirent plus de peuples que nâen avait soumis Alexandre. Ce fut lâĆuvre surtout de MĂ©nandre, du moins sâil est exact quâil franchit lâHypanis en direction de lâest et sâavança jusquâĂ lâIsamos, les conquĂȘtes se partageant entre lui et DĂ©mĂ©trios, fils dâEuthydĂšme, le roi des Bactriens. Ils possĂ©dĂšrent non seulement la PatalĂšne, mais aussi sur le reste de cette cĂŽte, les royaumes de Saraostos et Sigerdis, ainsi quâon les appelle. En rĂ©sumĂ©, estime Apollodore, la Bactriane est lâornement de toute lâAriane ; et qui plus est, ses rois en Ă©tendirent lâempire jusquâaux SĂšres et aux Phrynes. »
â Strabon, GĂ©ographie, XI, 11, 1
Selon les sources, MĂ©nandre a menĂ© plusieurs campagnes militaires au cĆur de lâInde, allant jusquâĂ Pataliputra[6].
Strabon raconte quâil a conquis la PatalĂšne (il pourrait aussi sâagir de DĂ©mĂ©trios Ier, lâauteur ne faisant pas la distinction) et quâil sâest aventurĂ© jusquâĂ lâIsamos (actuelle Yamuna).
Justin relate Ă©galement deux campagnes menĂ©es par les Indo-Grecs, lâune vers le Rajasthan et lâautre vers la vallĂ©e du Gange jusquâĂ Pataliputra, et qui sont attribuĂ©es Ă MĂ©nandre. Ces informations sont corroborĂ©es par les sources indiennes, puisquâon les retrouve dans le traitĂ© grammatical de Pantanjali, le Mahabhashya, et le drame de Kalidara, Malavikagnimitra.
Câest justement lors de cette expĂ©dition militaire de MĂ©nandre dans la vallĂ©e du Gange que le souverain grĂ©co-bactrien Eucratide Ier en profite pour envahir son royaume et Ă©tendre ses propres conquĂȘtes territoriales en Inde. Il sâagirait de la « guerre civile » entre les Grecs qui est rapportĂ©e dans le YugapurÄáča, un texte sanskrit. Cet Ă©vĂšnement expliquerait que MĂ©nandre Ier ait dĂ» soudainement mettre fin Ă son expĂ©dition militaire dans la vallĂ©e du Gange et quâil soit retournĂ© prĂ©cipitamment sur ses terres pour combattre Eucratide Ier.
Les deux rois sâaffrontĂšrent alors dans une bataille meurtriĂšre, dont MĂ©nandre ressortit grand perdant. Il ne conserva que la partie orientale de son royaume, composĂ©e de Sagala et de sa rĂ©gion, pendant quâEucratide occupa le reste de ses territoires. Cependant, lâassassinat dâEucratide Ier par lâun de ses fils lors de son retour en Bactriane provoque une crise politique importante dans son royaume. Son successeur, HĂ©lioclĂšs Ier, ne parvint pas Ă conserver le pouvoir sur les rĂ©gions au sud de lâHindu Kush. Cela marqua lâoccasion pour MĂ©nandre Ier de rĂ©cupĂ©rer les territoires quâil avait perdu auparavant, lui permettant de devenir, comme Bopearachchi lâappelle, « le monarque suprĂȘme de lâensemble des territoires indo-grecs ».
Il semble que MĂ©nandre ait eu par la suite un rĂšgne plutĂŽt prospĂšre, comme en tĂ©moigne lâessor Ă©conomique marquĂ© par le nombre trĂšs important de monnaies qui ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es. Cette effervescence Ă©conomique est accompagnĂ©e d'un syncrĂ©tisme culturel et artistique entre l'art Grec et le bouddhisme (attestĂ© par la dĂ©couverte de nombreuses statuts dans la rĂ©gion du Gandhara).
Plutarque rapporte Ă©galement quâun certain roi de Bactriane nommĂ© MĂ©nandre avait rĂ©gnĂ© avec beaucoup de modĂ©ration. Bien que MĂ©nandre Ier nâait en rĂ©alitĂ© jamais rĂ©gnĂ© sur la Bactriane, il ne fait aucun doute quâil sâagit bien de lui dont il est question.
Les dates du rĂšgne de MĂ©nandre restent encore aujourdâhui floues et font lâobjet de dĂ©bats parmi les historiens et numismates. A. Cunningham propose un rĂšgne allant de 160 Ă 140 av. J.-C., tandis quâA. von Gutschmid suggĂšre une chronologie entre 125 et 95 av. J.-C. Dâautres comme W. W. Tarn et E. J. Rapson font de lui un contemporain dâEucratide Ier, alors quâA. K. Narain en fait un successeur immĂ©diat. O. Bopearachchi lui attribue plutĂŽt un rĂšgne allant de 155 Ă 130 av. J.-C., et dĂ©veloppe lâhypothĂšse qui fait de lui comme un contemporain dâEucratide.
Mort et succession
Plutarque rapporte que MĂ©nandre dĂ©cĂšde dans un camp, lors de lâune de ses campagnes militaires.
« Au contraire, un roi de la Bactriane nommĂ© MĂ©nandre, qui rĂ©gnait avec beaucoup de modĂ©ration, Ă©tant mort dans son camp, les villes de ses Ătats firent ses funĂ©railles en commun ; elles se disputĂšrent les restes de son corps, et ce ne fut qu'aprĂšs de longs dĂ©bats qu'elles convinrent enfin d'en emporter chacune une portion Ă©gale, et de bĂątir autant de monuments pour les y renfermer. »
â Plutarque, Ćuvres morales, PrĂ©ceptes dâadministration publique
Ă sa mort, son Ă©pouse AgathoclĂ©ia lui succĂšde. Elle rĂ©gente le royaume en attendant que leur jeune fils Straton atteigne lâĂąge de rĂ©gner, rĂ©ussissant de ce fait une vĂ©ritable prouesse politique.
Cependant, la mort de MĂ©nandre dĂ©stabilise le royaume et rompt lâunitĂ© politique formĂ©e par ce dernier. Son royaume se divise alors en deux ensembles territoriaux aux frontiĂšre vagues. AgathoclĂ©ia et Straton ne conservent que la partie orientale, câest-Ă -dire le Pendjab et le Gandhara oriental.
Deux rois nommĂ©s ZoĂŻle Ier et DiomĂšde sâemparent de lâArachosie, des Paropamisades et du Gandhara occidental. Une hypothĂšse avancĂ©e par O. Bordeaux affirme que les deux se seraient alliĂ©s, peut-ĂȘtre pour dĂ©trĂŽner MĂ©nandre dans un premier temps, mais lâĂ©vidence numismatique manque pour en attester[7].
MĂ©nandre et le bouddhisme
Le Milindapañha
La relation de MĂ©nandre Ier avec la religion bouddhiste questionne depuis longtemps les historiens et les numismates.
Lâouvrage en pali Milindapañha, se traduisant par « Les questions de Milinda », relate des entretiens entre un roi identifiĂ© comme MĂ©nandre et le sage indien Nagasena. ComposĂ© comme un dialogue, le Milindapañha raconte la conversion du roi indo-grec Ă la foi bouddhiste. Le style a pu ĂȘtre influencĂ© par les Dialogues de Platon[1].
La présence de symboles bouddhistes dans son monnayage semble confirmer cela. Il existe notamment un type représentant au droit une roue à huit rayons, ou chakra, qui fait référence à la tradition bouddhiste et hindouiste.
Le rĂ©cit de la mort de MĂ©nandre par Plutarque semble Ă©galement tĂ©moigner de la relation particuliĂšre de celui-ci avec le bouddhisme. En effet, Plutarque rapporte quâaprĂšs sa mort les villes de son royaume se sont rĂ©parties ses restes, bĂątissant chacune des monuments (possiblement des stupas) pour les y conserver.
Cependant, aucun Ă©lĂ©ment ne peut vĂ©ritablement attester de la conversion rĂ©elle de MĂ©nandre au bouddhisme. Bien que le Milindapañha lâaffirme, il faut prendre cette information avec prĂ©caution, en raison de la nature de lâouvrage. Il sâagit en effet dâun texte doctrinal bouddhiste visant Ă faire lâĂ©loge de cette religion. Cet Ă©loge passe notamment par le rĂ©cit de la conversion dâun roi grec, synonyme de « victoire » du bouddhisme sur celui-ci. Par ce fait, les informations dispensĂ©es par le Milindapañha doivent ĂȘtre nuancĂ©es.
Les diffĂ©rents symboles bouddhistes dans le monnayage du roi, ainsi que le rĂ©cit de Plutarque, pourraient, eux, simplement signifier que celui-ci sâest prĂ©sentĂ© comme un patron et un protecteur du bouddhisme, sans pour autant sây convertir.
Monnayage
Le monnayage de MĂ©nandre est le plus abondant parmi tous ceux des souverains indo-grecs. Il est surtout composĂ© de monnaies dâargent et de bronze, bien que quelques monnaies dâor aient aussi Ă©tĂ© retrouvĂ©es.
Sous son rÚgne, Ménandre achÚve la création du systÚme monétaire indo-grec initié par Apollodote[5].
Son monnayage est remarquable de plusieurs maniĂšres. Il marque dâabord lâapogĂ©e de la fusion entre les standards monĂ©taires attique et indien.
Il est Ă©galement le tĂ©moin de plusieurs innovations monĂ©taires mises en place durant le rĂšgne de MĂ©nandre, sous lâimpulsion de celui-ci. Les plus notables sont lâintroduction dâun tĂ©tradrachme de poids indien (pesant 9,80 g), lâintroduction dâun nouvel Ă©talon indien, ainsi que lâintroduction du type Ă lâAthĂ©na AlkidĂ©mos.
Ce monnayage présente également une grande diversité dans les types monétaires utilisés.
Les monnaies de MĂ©nandre portent la lĂ©gende grecque ÎÎÎŁÎÎÎΩΣ ΣΩ΀ÎÎĄÎÎŁ ÎÎÎÎÎÎÎĄÎ΄ (translittĂ©ration : basileos soteros menandrou, « du Roi MĂ©nandre le Sauveur ») et kharoshthi đšđšżđšȘđšđšȘ𚯠đššđš đšŁđšĄđšżđšȘđšŻđššđš±đšȘđšđšŻ (translittĂ©ration : Maharajasa tratarasa Menaáčdrasa, « Roi Sauveur MĂ©nandre »).
Les monnaies dâor, dâĂ©talon attique et sans lĂ©gende, portent un seul type : celui de la tĂȘte casquĂ©e dâAthĂ©na au droit et dâune chouette, son attribut, au revers.
Les monnaies dâargent sont Ă la fois dâĂ©talon attique et indien, elles se rĂ©partissent en deux catĂ©gories :
- Celles reprĂ©sentant la tĂȘte casquĂ©e dâAthĂ©na au droit et une chouette au revers. Selon O. Bopearachchi la sĂ©rie des drachmes dâargent portant ce type fait partie des premiĂšres monnaies frappĂ©es par le souverain et tĂ©moignent quâil a succĂ©dĂ© Ă Antimaque II, les poids et monogrammes de ces monnaies correspondant Ă une sĂ©rie de ce mĂȘme roi.
- Celles reprĂ©sentant le portrait du roi au droit et une AthĂ©na AlkidĂ©mos au revers. Ce type est une rĂ©elle nouveautĂ©. La pratique visant Ă reprĂ©senter le roi sur les monnaies nâĂ©tait pas courante parmi les rois indiens, quant Ă AthĂ©na AlkidĂ©mos, sa reprĂ©sentation Ă©tait nouvelle chez les souverains indo-grecs, mais bien connu en MacĂ©doine[6].
Les monnaies de bronze prĂ©sentent une plus grande diversitĂ© dans leurs types et les plus frĂ©quents reprennent ceux des monnaies dâargent.
- Il sâagit du type tĂȘte dâAthĂ©na au droit et chouette au revers, ainsi que le type du portrait du roi au droit accompagnĂ© dâAthĂ©na AlkidĂ©mos au revers. Une variante, oĂč AthĂ©na est remplacĂ©e par la dĂ©esse NikĂš, reprĂ©sentĂ©e ailĂ©e tenant une palme et une couronne, a Ă©galement Ă©tĂ© frappĂ©e.
- Il existe Ă©galement des types propres aux bronzes : on y trouve NikĂš, le bouclier dâAthĂ©na ornĂ© de la tĂȘte de Gorgone, la tĂȘte dâHĂ©raclĂšs, sa massue associĂ©e Ă une tĂȘte dâĂ©lĂ©phant, la tĂȘte de taureau, le dauphin, le cheval cabrĂ©, le chameau bactrien Ă deux bosses ou encore la tĂȘte de sanglier.
- Un exemplaire unique représente une roue à huit rayons au droit, appelée chakra, avec une palme au revers. Selon Bopearachchi, la roue peut symboliser le Chakravartin, qui peut se traduire par « (le roi) qui fait tourner la roue (de la loi) », un symbole de la royauté, mais il peut aussi avoir une connotation bouddhique. Cette monnaie reflÚte la relation privilégiée que Ménandre entretenait avec le bouddhisme.
Si les monnaies dâor et dâargent prĂ©sentent des Ă©lĂ©ments surtout grecs et macĂ©doniens, les monnaies de bronze montrent beaucoup plus dâĂ©lĂ©ments indiens. Les historiens supposent que les premiĂšres Ă©taient plus destinĂ©es aux Ă©lites, tandis que les derniĂšres, qui circulaient probablement non loin de leur lieu dâĂ©mission, Ă©taient surtout utilisĂ©es par le reste de la population[6] - [8].
MĂ©andre le Juste
Des monnaies en argent et en bronze frappĂ©es au nom dâun roi MĂ©nandre portant lâĂ©pithĂšte de ÎÎÎÎÎÎ΄ (Dikaios, « Le Juste ») se sont clairement diffĂ©renciĂ©es du reste du monnayage de MĂ©nandre Ier SĂŽter.
Dans un premier temps, lâhypothĂšse la plus rĂ©pandue, et dĂ©fendue par des historiens comme A. Cunningham et W. W. Tarn, est quâil sâagit de monnaies de MĂ©nandre Ier, datant de la fin de son rĂšgne :
- Les traits du portrait royal de ces monnaies sont assez similaires à ceux des monnaies de Ménandre Ier, bien que semblant plus ùgés.
- LâĂ©pithĂšte Dikaios serait un tĂ©moignage de la conversion du roi au bouddhisme, sa traduction en kharoshthi au revers, Dharmikasa, signifiant « adepte du Dharma ».
Cependant, plusieurs numismates modernes, comme O. Bopearachchi, ont montrĂ© que plusieurs diffĂ©rences entre les deux monnayages attestaient plutĂŽt de lâexistence de deux rois distincts.
- Aucun des types utilisés par le second Ménandre ne correspond à ceux utilisés par Ménandre Ier.
- LâĂ©pithĂšte Dikaios a Ă©tĂ© employĂ© par dâautres souverains, comme Agathocle ou HĂ©lioclĂšs Ier, sans que ceux-ci ne se soient convertis au bouddhisme. LâĂ©pithĂšte Dikaios est en fait un Ă©pithĂšte assez banal dans le monnayage grec en gĂ©nĂ©ral.
Ă ce jour, il est supposĂ© que MĂ©nandre II le Juste Ă©tait le fils dâun autre roi indo-grec, peut-ĂȘtre Straton Ier, sans que cela nâait encore pu ĂȘtre prouvĂ©.
HĂ©ritage de MĂ©nandre
Ménandre Ier a laissé un héritage important, autant dans le monde des royaumes indo-grecs que dans le monde bouddhiste.
Politique
Bien quâil ait Ă©tĂ© le plus grand roi indo-grec et que son royaume fut lui aussi le plus grand des royaumes indo-grecs, la mort de MĂ©nandre marque la fin de lâunitĂ© politique de son Ătat. Ce dernier se divise rapidement Ă la mort du roi, et ses successeurs ne rĂšgnent chacun que sur des fragments du royaume autrefois formĂ© par ce dernier.
Le début du Ier siÚcle de notre Úre marque la fin totale du rÚgne indo-grec en Inde, au profit des Indo-Scythes.
Monnayage
Les types monétaires présents dans le monnayage de Ménandre Ier ont été réutilisés par de nombreux rois indo-grecs postérieurs.
On retrouve notamment le type de l'AthĂ©na AlkidĂ©mos de maniĂšre rĂ©guliĂšre, chez Apollodote II, Apollophane ou encore Straton II. Cette AthĂ©na, dite « protectrice du peuple », est reprĂ©sentĂ©e dâun pas vif, en armes, brandissant dâune main le foudre et tenant de lâautre un bouclier.
Les diffĂ©rents symboles bouddhistes quâon peut retrouver dans ce monnayage se retrouvent Ă©galement dans plusieurs monnayages indo-grecs postĂ©rieurs, comme la roue Ă huit rayons.
Les différentes nouveautés monétaires (nouvel étalon indien, etc.) introduites par Ménandre ont également été reprises par la grande majorité des rois indo-grecs.
Bouddhisme
MĂ©nandre Ier a Ă©galement Ă©tĂ© immortalisĂ© dans la littĂ©rature indienne avec lâouvrage en pali Milindapañha (« Les questions de Milinda ») qui porte son nom. Il est dâailleurs le seul roi indo-grec mentionnĂ© dans toute la littĂ©rature indienne.
Art gréco-bouddhique
Le rĂšgne de MĂ©nandre Ier a Ă©galement donnĂ© une premiĂšre impulsion Ă lâart grĂ©co-bouddhique. Cet art est un mĂ©lange dâĂ©lĂ©ments artistiques et architecturaux grecs et bouddhiques.
Les Traces archéologiques
Les traces archĂ©ologiques concernant MĂ©nandre sont malheureusement peu variĂ©es nâaidant alors pas Ă une clarification de son rĂšgne. En plus des sources Ă©crites tels que le Milinda-panha, nous disposons de piĂšces de monnaies en bronze et en argent Ă son effigie, reprĂ©sentant souvent une roue ainsi quâAthĂ©na. Cette roue aurait un lien avec le bouddhisme, selon certains historiens elle sâapparenterait Ă la roue de la vertu bouddhique (cela serait alors une preuve numismatique Ă©ventuelle en faveur des partisans dâun MĂ©nandre bouddhiste). Le nombre important de monnaies retrouvĂ©es nous permet Ă©galement de prendre conscience de la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique du royaume de MĂ©nandre. A part ces piĂšces de monnaies une seule inscription (sur un reliquaire bouddhique), trouvĂ©e Ă Bajaur , fait rĂ©fĂ©rence Ă MĂ©nandre. Il est a notĂ© quâil est difficile aujourdâhui de vĂ©rifier les informations sur MĂ©nandre que nous transmettent Plutarque et le Milinda-panha. En effet, mener des fouilles dans ces rĂ©gions est devenu quasiment impossible Ă cause, notamment, des talibans ou dâautres fondamentalistes musulmans (la rĂ©gion du Bajaur a vu de violents affrontements se dĂ©rouler entre lâarmĂ©e Pakistanaise et Ail-QaĂŻda en 2008-2009). De nombreux sites archĂ©ologiques ont dâailleurs Ă©tĂ© pillĂ©s voir dĂ©truit par ces mĂȘmes groupes.
Notes et références
- (en) « Menander | Indo-Greek king », sur Encyclopedia Britannica (consulté le ).
- (en) Awadh K. Narain, The Indo-Greeks. Revisited and supplemented, Londres-Dehli, Oxford University Press, , 201 p. (ISBN 0-19-561046-6), p. 74
- (en) Frank Northen Magill, Dictionary of World Biography, vol. I, Taylor & Francis, , 717 p. (ISBN 9781579580407)
- Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], XI, 11.
- François Widemann, Les successeurs d'Alexandre en Asie centrale et leur hĂ©ritage culturel, Paris, Ădtions Riveneuve, (ISBN 978-2-914214-71-1), p. 156
- Osmund Bopearachchi, Monnaies gréco-bactriennes et indo-grecques. Catalogue raisonné, Paris, BibliothÚque nationale de France, (ISBN 2-7177-1825-7)
- Olivier Bordeaux, Les Grecs en Inde. Politiques et pratiques monĂ©taires, Bordeaux, Ăditions Ausonius, , p. 121
- (en) Frank L. Holt, Thundering Zeus : The Making of Hellenistic Bactria, Berkeley, University of California Press, (ISBN 9780520211407), p. 120
Bibliographie
- Bopearachchi Osmund, Monnaies gréco-bactriennes et indo-grecques. Catalogue raisonné, Paris, BibliothÚque nationale de France,
- Bordeaux Olivier, Les Grecs en Inde. Politiques et pratiques monĂ©taires, Bordeaux, Ăditions Ausonius,
- Dubois RenĂ©, âHellĂ©nisme et Bouddhisme au GandhĂąra : huit siĂšcles dâart eurasienâ, JournĂ©es de lâAntiquitĂ©, 2009, Saint-Denis, La RĂ©union
- (en) Davids Thomas Rhys, The questions of King Milinda, t. II, The Clarendon press, .
- (en) Halkias Georgios T., When the Greeks Converted the Buddha: Asymmetrical Transfers of Knowledge in Indo-Greek Cultures, Brill Publishers, (ISBN 978-90-04-25528-9), pp.90 - 91
- Labarre Guy, âLes royaumes grĂ©co-bactriens et indo-grecs : un essai de reconstitution historiqueâ, Dialogue dâhistoire ancienne, vol.36, 2010, pp. 211-222
- (en) Narain Awadh K. Narain, The Indo-Greeks. Revisited and supplemented, Londres-Dehli, Oxford University Press,
- (en) Tarn William Woodthorpe, The Greeks in Bactria & India, Cambridge, Cambridge University Press,
- Widemann François, Les successeurs dâAlexandre en Asie centrale et leur hĂ©ritage culturel, Paris, Ăditions Riveneuve,
Articles connexes
Rois Gréco-Bactriens et Indo-Grecs, et leurs territoires d'aprÚs Osmund Bopearachchi (1991) | ||||||||||||
Territoires/ dates | Bactriane Occidentale | Bactriane Orientale | Paropamisades | Arachosie | Gandhara | Punjab occidental | Punjab oriental | Mathura | Inde centrale | |||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
326-325 AEC | Campagnes d'Alexandre le Grand | Empire Nanda | ||||||||||
305-281 AEC | Empire séleucide Séleucos Ier Nicator |
Empire maurya Chandragupta Maurya | ||||||||||
281-261 AEC | Antiochos Ier SĂŽter Fondation d'AĂŻ Khanoum (280) |
|||||||||||
261-246 AEC | Antiochos II Théos | Ashoka (268-232) | ||||||||||
255-239 AEC | Royaume gréco-bactrien | |||||||||||
Diodote Ier | ||||||||||||
239-223 AEC | Diodote II | |||||||||||
240-225 AEC | Antiochos | |||||||||||
230-200 AEC | EuthydĂšme Ier | |||||||||||
200â190 AEC | Royaumes indo-grecs | Empire Shunga | ||||||||||
Démétrios Ier | ||||||||||||
190â180 AEC | EuthydĂšme II | AgathoclĂšs | PantalĂ©on | |||||||||
185â170 AEC | Antimaque Ier | |||||||||||
180â160 AEC | Apollodote Ier | |||||||||||
175â170 AEC | DĂ©mĂ©trios II | |||||||||||
160â155 AEC | Antimaque II | |||||||||||
170â145 AEC | Eucratide Ier | Plaque d'AĂŻ Khanoum | ||||||||||
155â130 AEC | MĂ©nandre Ier | Attaque de la vallĂ©e du Gange[M 1] | Attaque de Pataliputra[M 2] - [M 3] - [M 4] - [M 1] | |||||||||
145â140 AEC | Invasions Yuezhi Chute d'AĂŻ Khanoum (145) |
Eucratide II Platon | ||||||||||
145â130 AEC | HĂ©lioclĂšs Ier | |||||||||||
130â120 AEC | ZoĂŻlos I (en) | AgathoclĂ©ia | Inscription Yavanarajya (en): "RĂšgne des Indo-Grecs Ă Mathura" |
Yavanas (en) Ă : Udayagiri (en) | ||||||||
120â110 AEC | Lysias AnicĂ©tus (en) | Straton Ier (en) | Yavanas Ă : Bharhut | |||||||||
110â100 AEC | AntialkidĂšs | HĂ©lioclĂšs II (en) | Pilier d'HĂ©liodoros | |||||||||
100 AEC | Polyxénos Epiphanes Soter (en) | Démétrios III Aniketos (en) | Satavahanas Yavanas à : Sanchi | |||||||||
100â95 AEC | PhiloxĂ©nus Anicetus (en) | |||||||||||
95â90 AEC | DiomĂ©dĂšs Soter (en) | Amyntas Nikator (en) | Ăpandre (en) | |||||||||
90 AEC | Theophilos (roi) (en) | Peukolaos (en) | Thrason (en) | |||||||||
90â85 AEC | Nicias (en) | MĂ©nandre II (en) | ArtĂ©midore | |||||||||
90â70 AEC | Hermaeus (en) | Archebius (en) | ||||||||||
Invasions Yuezhi | MauĂšs (en) (Indo-Scythe) | |||||||||||
75â70 AEC | Telephos (en) | Apollodote II (en) | Dynastie Mitra (en) Dynastie Datta (en) | |||||||||
65â55 AEC | Hippostrate (en) | Dionysios (en) | ||||||||||
55â35 AEC | Azes Ier (en) (Indo-Scythe) | Zoilos II (en) | ||||||||||
55â35 AEC | Apollophane | |||||||||||
25 AEC â 10 EC | Straton II (en) Straton III (en) | |||||||||||
GondopharĂšs Ier (Indo-Parthe) | Rajuvula (en) (Indo-Scythe) | |||||||||||
Kujula KadphisĂšs (Empire kouchan) | Bhadayasa (en) (Indo-Scythe) | Sodasa (en) (Indo-Scythe) | Inscriptions de Yavanas Ă : Karla Manmodi (en) Nasik (en) Shivneri |
- Bopearachchi, Monnaies gréco-bactriennes et indo-grecques, p 82-83
- The Geography of India: Sacred and Historic Places Educational Britannica Educational p.156
- Shane Wallace Greek Culture in Afghanistan and India: Old Evidence and New Discoveries 2016, p.210
- Rocher, Ludo (1986), The Puranas, p.254: "The Yuga Purana (en) is important primarily as a historical document. It is a matter-of-fact chronicle [...] of the Magadha empire, down to the breakdown of the Sungas and the arrival of the Sakas. It is unique in its description of the invasion and retirement of the Yavanas in Magadha."