MĂ©decine dans la Perse antique
La pratique et l'Ă©tude de la mĂ©decine en Perse a une histoire longue et prolifique. La mĂ©decine persane de lâantiquitĂ© a subi lâinfluence de diffĂ©rentes traditions mĂ©dicales venues de GrĂšce, dâĂgypte, dâInde et de Chine pendant plus de 4000 ans et en a fait la synthĂšse pour former un noyau de connaissances qui a permis dâĂ©tablir les fondements de la mĂ©decine dans lâEurope du XIIIe siĂšcle. Les Ă©coles iraniennes comme lâAcadĂ©mie de Gundishapur (IIIe siĂšcle apr. J.-C.) ont Ă©tĂ© un terrain fertile pour rapprocher les scientifiques de diffĂ©rentes civilisations[1] - [2]. Ces pĂŽles ont prolongĂ© avec succĂšs les thĂ©ories de leurs prĂ©dĂ©cesseurs et considĂ©rablement dĂ©veloppĂ© leurs recherches scientifiques pendant cette pĂ©riode de l'histoire.
Au cours des derniÚres années, certaines études expérimentales ont en effet évalué les remÚdes de la médecine iranienne médiévale en utilisant les méthodes scientifiques modernes. Ces études ont évoqué la possibilité de relancer des traitements traditionnels sur la base de la médecine fondée sur des preuves[3].
Contexte historique
Ăpoque prĂ©-islamique
Lâhistoire de la mĂ©decine de l'antiquitĂ© Perse peut ĂȘtre divisĂ©e en trois pĂ©riodes distinctes. Le sixiĂšme livre du Zend-Avesta contient les premiers tĂ©moignages sur l'histoire de la mĂ©decine de lâIran antique. Le Vendidad consacre en fait la plupart de ses derniers chapitres Ă la mĂ©decine[4].
Dans un passage du Vendidad, l'un des textes encore disponible de la Zandavesta, on distinguait trois types de traitements : la médecine par le couteau (chirurgie), la médecine par les herbes, la médecine par les paroles divines et le meilleur traitement était, selon le Vendidad, la guérison par la parole divine[5]:
- « De tous les guĂ©risseurs Ă SpitÄma Zoroastre, Ă savoir celui qui guĂ©rit avec le couteau, avec des herbes ou avec des incantations sacrĂ©es, le dernier citĂ© est le plus puissant car il sâattaque Ă la source mĂȘme des maladies. » (Ardibesht Yasht)
Bien que l'Avesta mentionne plusieurs mĂ©decins rĂ©putĂ©s, les praticiens les plus remarquables de la Perse antique ont Ă©tĂ© les mĂ©decins de lâĂ©poque la plus tardive, Ă savoir: Mani, Roozbeh et Bozorgmehr[6].
La deuxiĂšme Ă©poque couvre l'Ăšre qui est connue comme celle de la littĂ©rature pahlavi qui a systĂ©matiquement traitĂ© le thĂšme de la mĂ©decine dans un intĂ©ressant ouvrage incorporĂ© Ă lâencyclopĂ©die de Dinkart[7], qui a rĂ©pertoriĂ©, en comptant les diffĂ©rentes formes et variantes, quelque 4333 maladies[8].
La troisiĂšme Ăšre commence avec la dynastie AchĂ©mĂ©nides et couvre la pĂ©riode de Darius I, dont l'intĂ©rĂȘt pour la mĂ©decine Ă©tait si grand qu'il a reconstruit l'Ă©cole de mĂ©decine de Sais, en Ăgypte qui avait Ă©tĂ© dĂ©truite auparavant, restaurant ses livres et son matĂ©riel[9].
Le premier hĂŽpital vouĂ© Ă lâenseignement oĂč les Ă©tudiants en mĂ©decine apprenaient mĂ©thodiquement leur mĂ©tier sur des patients sous la supervision de mĂ©decins a Ă©tĂ© lâAcadĂ©mie de Gundishapur dans lâEmpire perse. Certains experts vont mĂȘme jusqu'Ă prĂ©tendre que : dans une trĂšs large mesure, le mĂ©rite dâavoir inventĂ© le systĂšme hospitalier revient Ă la Perse[10].
Selon le Vendidad les mĂ©decins devaient apporter la preuve de leur compĂ©tence en guĂ©rissant trois patients adeptes du Divyasnan et sâils Ă©chouaient ils nâavaient pas le droit de pratiquer la mĂ©decine. Ă premiĂšre vue, cette rĂšgle peut paraĂźtre discriminatoire et fondĂ©e sur l'expĂ©rimentation humaine. Mais certains auteurs considĂšrent que, dĂšs le dĂ©but, les mĂ©decins ont appris Ă refuser les prĂ©jugĂ©s et Ă soigner leurs adversaires aussi bien que leurs amis[11] - [12]. Fait intĂ©ressant, les honoraires du mĂ©decin Ă©taient calculĂ©s en fonction des revenus du patient.
L'idĂ©e de la XĂ©nogreffe remonterait Ă l'Ă©poque de lâEmpire achĂ©mĂ©nide (dynastie AchĂ©mĂ©nides), comme pourraient le suggĂ©rer de nombreuses gravures de chimĂšres mythologiques encore prĂ©sentes Ă PersĂ©polis[13].
La science iranienne a reçu un coup dâarrĂȘt au moment de lâinvasion arabe (630 apr. J.-C.). Beaucoup d'Ă©coles, dâuniversitĂ©s et de bibliothĂšques ont Ă©tĂ© dĂ©truites, des livres ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s et des chercheurs tuĂ©s. NĂ©anmoins, les scientifiques iraniens ont continuĂ© leur activitĂ© et la science Perse a refait surface au cours de la pĂ©riode islamique. Pour sauver les livres de la destruction par les arabes, de nombreux textes pahlavi ont Ă©tĂ© traduits en arabe et lâIran a produit des mĂ©decins et des scientifiques comme Avicenne, Razi et des mathĂ©maticiens comme Kharazmi et Khayyam[14] - [15] Ils ont recueilli et dĂ©veloppĂ© systĂ©matiquement lâhĂ©ritage mĂ©dical de lâantiquitĂ© grecque, indienne, perse et rĂ©alisĂ© de nouvelles dĂ©couvertes[16].
AprĂšs lâarrivĂ©e de lâIslam
L'un des principaux rĂŽles jouĂ©s par les savants iraniens mĂ©diĂ©vaux dans le domaine scientifique a Ă©tĂ© la conservation, la consolidation, la coordination et le dĂ©veloppement des idĂ©es et des connaissances des anciennes civilisations. Certains Hakim (praticiens) iraniens, tels que Razi connu en Occident sous le nom de Rhazes et Ibn Sina davantage connu sous le nom dâAvicenne ne se sont pas seulement contentĂ©s de compiler tout le savoir de la mĂ©decine de l'Ă©poque, mais ont Ă©galement dĂ©veloppĂ© ces connaissances en apportant leurs compĂ©tences, ainsi que des observations personnelles pertinentes et les donnĂ©es de l'expĂ©rimentation[17] - [18]. Le Qanoon fel teb d'Avicenne (Le Canon) et le Kitab Al-Hawi de Razi (Continens) ont Ă©tĂ© parmi les textes de rĂ©fĂ©rence utilises en Occident pour l'enseignement de la mĂ©decine du XVIIIe au XVIIIe siĂšcle[19] - [20]
Les mĂ©decins perses ont mis au point les premiĂšres mĂ©thodes scientifiques applicables au domaine de la mĂ©decine. Il s'agit notamment de la mise en place de lâexpĂ©rimentation, de la quantification, des essais cliniques, de la dissection, de lâexpĂ©rimentation animale, de lâexpĂ©rimentation sur lâhomme et de lâautopsie, par des mĂ©decins musulmans, tandis que les hĂŽpitaux du monde islamique mettaient lâaccent sur les premiĂšres rĂšgles de puretĂ© des mĂ©dicaments et les premiĂšres Ă©valuation des compĂ©tences des mĂ©decins[21].
Au Xe siĂšcle, Rhazes a Ă©tĂ© le premier Ă introduire les expĂ©rimentations scientifiquement contrĂŽlĂ©es et les observations cliniques dans le domaine mĂ©dical et le premier Ă rejeter les thĂ©ories non vĂ©rifiĂ©es par lâexpĂ©rimentation mĂ©dicale[22]. La premiĂšre expĂ©rience mĂ©dicale a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par Razi, en vue de trouver le lieu le plus hygiĂ©nique pour construire un hĂŽpital. Au Xe siĂšcle Ă Bagdad, il avait accrochĂ© des morceaux de viande dans diffĂ©rents endroits de la ville et rĂ©pertoriĂ© les lieux oĂč la viande se dĂ©composait moins rapidement pour y construire l'hĂŽpital. Dans son traitĂ© de mĂ©decine, Razi rapportait des cas cliniques tirĂ© de sa propre expĂ©rience et de trĂšs utiles observations sur diverses maladies. Dans ses doutes sur Galien, Razi a Ă©galement Ă©tĂ© le premier Ă prouver que la thĂ©orie des quatre Ă©lĂ©ments dâAristote et la thĂ©orie des humeurs de Galien Ă©taient toutes les deux fausses en utilisant la mĂ©thode expĂ©rimentale[23].
Avicenne (Ibn Sina) est considĂ©rĂ© comme le pĂšre de la mĂ©decine moderne[24], pour son introduction systĂ©matique de lâexpĂ©rimentation et de la quantification dans l'Ă©tude de la physiologie[25], l'introduction des essais cliniques, de l'expĂ©rimentation sur les mĂ©dicaments, et un guide mĂ©thodologique d'expĂ©rimentation prĂ©cis pour le processus qui consistait Ă dĂ©couvrir de nouvelles substances chimiques actives sur le plan pharmacologique et Ă prouver leur efficacitĂ© thĂ©rapeutique [22], dans son encyclopĂ©die mĂ©dicale, le Canon de la mĂ©decine (c. 1020).
Neurologie et neurochirurgie
On peut faire remonter l'histoire des neurosciences en Iran au IIIe siĂšcle av. J.-C., lorsque fut rĂ©alisĂ©e la premiĂšre intervention de chirurgie crĂąnienne Ă Shahr-e-Sukhteh (Burnt City) dans le sud-est de l'Iran. Les Ă©tudes des archĂ©ologues sur le crĂąne d'une jeune fille ĂągĂ©e de 13 ans et souffrant d'hydrocĂ©phalie ont indiquĂ© qu'elle avait subi une intervention sur les os du crĂąne et quâelle avait survĂ©cu au moins 6 mois aprĂšs lâopĂ©ration[26].
Ă partir de plusieurs documents encore disponibles, on peut Ă©tablir les dĂ©finitions et les traitements des cĂ©phalĂ©es en Perse mĂ©diĂ©vale. Ces documents donnent des informations cliniques dĂ©taillĂ©es et prĂ©cises sur les diffĂ©rents types de maux de tĂȘte. Les mĂ©decins mĂ©diĂ©vaux inventoriaient divers signes et symptĂŽmes, les causes apparentes et donnaient des rĂšgles d'hygiĂšne alimentaire pour la prĂ©vention des maux de tĂȘte. Les Ă©crits mĂ©diĂ©vaux sont Ă la fois prĂ©cis et vivants, et ils fournissent de longues listes de substances utilisĂ©es dans le traitement des maux de tĂȘte. Bon nombre des approches des mĂ©decins de la Perse mĂ©diĂ©vale sont acceptĂ©s aujourd'hui, mais davantage dâautres encore pourraient ĂȘtre utiles Ă la mĂ©decine moderne[27].
Le traitement mĂ©dicamenteux de lâĂ©pilepsie dans la mĂ©decine mĂ©diĂ©vale iranienne est individualisĂ©, il comporte diffĂ©rentes substances prescrites seules ou en association avec un dosage diffĂ©rent pour chacune dâentre elles. Les mĂ©decins soulignent l'importance de la dose, de la voie d'administration et de la dĂ©finition dâhoraires pour l'administration du mĂ©dicament. Des rĂ©centes expĂ©riences sur les animaux confirment lâeffet anti-convulsivant de certains des composĂ©s recommandĂ©s par les praticiens iranien mĂ©diĂ©vaux pour le traitement de l'Ă©pilepsie[3].
Obstétrique et gynécologie
Au Xe siĂšcle un ouvrage de ShĂąh NĂąmeh et Ferdowsi dĂ©crit une cĂ©sarienne effectuĂ©e sur la princesse Rudaba, fille du roi de Kaboul Mehrab Kaboli, au cours de laquelle un vin avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ© par un prĂȘtre zoroastrien et utilisĂ© comme anesthĂ©sique[28] pour provoquer la perte de conscience pendant l'intervention[29]. Bien que largement mythique dans son contenu, ce passage illustre la connaissance de lâanesthĂ©sie dans l'AntiquitĂ© perse.
Notes
Textes médicaux les plus importants de la médecine médiévale persane.
Nom (arabe) | Nom (français) | Auteur | ThÚme | Date publication
(SiĂšcle apr. J.-C.) |
Firdous al-hikmat | Paradis de la sagesse | Al-Tabari | Médecine générale | 9 |
Barra-assaah | - | Rhazes | MĂ©decine dâurgence | 9 |
Al-Hawi | Liber continens | Rhazes | Médecine générale | 9 |
Kitab al-Tib al-Mansuri | Liber Almansouri | Rhazes | Médecine générale | 10 |
Kitab al-Judari
wa al-Hasbaah |
Traité sur la variole
et la rougeole |
Rhazes | Maladies infectieuses
Diagnostic différentiel |
10 |
Qhanoon | Le Canon | Avicenne | Médecine générale | 10 |
Resaleh dar Nabz | Pulse | Avicenne | Maladies cardiovasculaires | 10 |
Zhakhireh Kharazmshahi | - | Esmail Jorjani | Médecine générale | 10 |
Somom | Poisons | Qhortabi | Toxicologie | - |
Teb-ol Maleki | - | Majosi Ahvazi | Médecine générale | - |
Notes et références
- Behrouz R, Ourmazdi M, Reza'i P. IranâThe cradle of science. 21st ed., Iran Almanac, 1993, p. 115â8.
- 2. M. Meyerhof, Science and medicine. In: T. Arnold and A. Guillaume, Editors, The legacy of islam, Oxford University Press, London (1952), pp. 314â315.
- A. Gorji et al. History of epilepsy in Medieval Iranian medicine. Neurosci-Biobehav-Rev. 2001 Jul; 25(5): 455-61
- For the Vendidad and Persian Medicine in general, see Darmesteter trans of The Zend-Avesta, Part I, Sacred Books of the East, Vol 4. Geschichte des Alten Persians, 1897. Dinkart: History of Antiquity Vol I.
- Hormoz Ebrahimnejad, « RELIGION AND MEDICINE IN IRAN: FROM RELATIONSHIP TO DISSOCIATION », Hist. Sci., xl (2002)
- The Medical Science in Avesta
- Printed since in two Vols., 1874 and 1910.
- Medicine throughout Antiquity. Benjamin Lee Gordon. 1949. p.296, 306
- Medicine throughout Antiquity. Benjamin Lee Gordon. 1949. p.296, 304.
- C. Elgood, A medical history of Persia, Cambridge Univ. Press. p.173.
- M.Najmabadi, History Of Medicine in Persian, p.233.
- R.Majdari, Medical License And Profession In Ancient Iran, Borzouyeh, September 95, p.42.
- See link: .
- Birouni, Aussar el Baghieh
- Medicine in Avesta and Ancient Iran
- Mohammad-Hossein Azizi. History of Ancient Medicine in Iran. Arch Iranian Med 2007; 10 (4): 552 â 555.
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- C. Elgood. In: A medical history of Persia and the eastern caliphate from the earliest times to the year 1932 AD 1932, Cambridge University Press, London (1951), pp. 205â209.
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- Michael Woods, Islam, once at forefront of science, fell by wayside, Post-Gazette National Bureau, Sunday, April 11, 2004.
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- Cas Lek Cesk (1980). "The father of medicine, Avicenna, in our science and culture: Abu Ali ibn Sina (980-1037)", Becka J. 119 (1), p. 17-23.
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- Sajjadi SM. First brain surgery in 4800 years ago in Iran. In: Iran News Agency [online]. Available atwww.irna.com. Accessed January 2, 1999.
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- Edward Granville Browne, Islamic Medicine, Goodword Books, 2002, (ISBN 81-87570-19-9) p.79
Voir aussi
Liens externes
Source de la traduction
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Ancient Iranian Medicine » (voir la liste des auteurs).