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Avesta

L'Avesta (du pahlavi abestāg) (en persan et kurde avesta) est l'ensemble des textes sacrés de la religion mazdéenne et forme le livre sacré, le code sacerdotal des zoroastriens. Il est parfois connu en Occident sous l'appellation erronée de Zend Avesta. Les parties les plus anciennes, celles des gathas, sont dans une langue aussi archaïque que celle du Rig Veda (sanskrit védique), le « gathique », les autres en avestique tardif. Le tout est écrit dans l'alphabet avestique.

Traduction française par Ignace Pietraszewski, Berlin, 1858.

Composition

Du texte initial qui comptait 21 livres (nask), seul le quart, ce qui reprĂ©sente un millier de pages, a Ă©tĂ© transmis jusqu'Ă  nous : les autres livres ont disparu ou ont Ă©tĂ© dĂ©truits Ă  l'Ă©poque des conquĂȘtes d'Alexandre lors de l'incendie de la bibliothĂšque de PersĂ©polis et lors des invasions arabo-musulmanes au VIIe siĂšcle.

L'Avesta (« Éloge ») actuel comprend les parties suivantes[1] :

  • I. Yasna (« Sacrifice »). 72 chapitres (hĂąds). Recueil de textes appartenant au rituel du culte zoroastrien, directives donnĂ©es aux prĂȘtres et aux fidĂšles pour ĂȘtre purs. ManiĂšre d'adorer Dieu. Relate l'histoire de quelques prophĂštes rĂ©vĂ©lant une morale allant dans ce sens. Les chants composĂ©s par Zarathustra lui-mĂȘme forment 17 gĂąthĂąs (chants), Ă©crits en vieil-avestique, et se lisent en Yasna 28-34, 43-46, 47-50, 51, 53[2] ;
  • II. Visprad (Vispered, « Toutes les normes », « [PriĂšre Ă ] tous les protecteurs »). 34 sections (kardag), complĂ©ment au Yasna, « petit recueil de lois et de textes liturgiques », appels aux seigneurs qui prĂ©sident aux destinĂ©es. Ensemble des lois qui doivent ĂȘtre pratiquĂ©es par les zoroastriens ;
  • III. Korda Avesta (Xorda Avesta, « Petit Avesta », « Avesta bref »). Morceaux extraits des Yashts. Comprend NiyĂąyishns (Nyayishs, « Éloges », 5 « priĂšres de louange et de bĂ©nĂ©diction de caractĂšre privĂ© »[3], Gāhs (« Moments »), ÂfrinagĂąns (« BĂ©nĂ©dictions ») ;
  • IV. SÄ«rƍza(Sirozah, « Trente jours »), « priĂšre composĂ©e de trente invocations adressĂ©es Ă  Dieu pour se protĂ©ger de ses ennemis lors des guerres, rĂ©ussir lors d'une Ă©preuve, etc. ;
  • V. Yashts (« Hymnes sacrificiels »). 21 cantiques. « Cantiques accompagnant les sacrifices, composĂ©s Ă  la louange des principales divinitĂ©s, dont Ahura MazdĂą, les Amesha Spenta, Anahita, le Soleil, la Lune ;
  • VI. Vidēvdād (Vendidad, « La loi contre les mĂ©chants », « Loi de rupture avec les dĂ©mons »). 20 chap. « Collection de lois religieuses, avec des lĂ©gendes et mythes anciens comme des histoires de prophĂštes » ;
  • VII. Divers fragments. 1 : NÄ«rangistān, un code rituel. 2 : PursiĆĄnÄ«hā (Questions), petit catĂ©chisme mazdĂ©en. 3 : Aogəmadāēčā (AgĂ©modaĂȘsha, « Nous acceptons »), une « antique liturgie funĂšbre ». 4 : Hādƍxt Nask (HadhĂŽkht Nask, « Livre des Ă©critures »), une « description du voyage de l'Ăąme vers le ciel »).

Datation

L'Avesta ancien comprend les GĂąthĂąs de Zarathoustra (Avesta 28-34, 43-51, 53) (vers 1000 av. J.-C. ?), Yasna HaptahĂąiti (« Sacrifice en sept chapitres », Yasna 35-41) et les quatre priĂšres de Yasna 27. L' Avesta rĂ©cent rĂ©unit Yasht, Visprad (Vespered), VidĂȘvdĂąd (Vendidad), Korda Avesta[4]

Selon Karl Friedrich Geldner[5], « nous ne possédons plus les textes originaux et authentiques de l'Avesta, à l'exception des Gùthùs (composés vers l'an 1000 avant notre Úre) et de quelques Yashts (vers 700-600) »[6]. « La datation haute fait correspondre l'Avesta à une période antérieure au VIe siÚcle avant notre Úre. Elle établit une certaine synchronie entre la composition des textes et les Empires mÚde [612-550] et achéménide [550-330]. La datation basse, qui n'est plus guÚre représentée, est la période postérieure à ces dates : elle place les Gùthas au milieu du VIe siÚcle av. J.-C. et les Yasht au milieu du Ve siÚcle av. J.-C. SkjaervÞ[7] est partisan d'une datation ultra-haute, puisqu'il situe les Gùthùs en 1700 avant notre Úre et les textes des Yashts en 900 avant notre Úre. »

Jean Kellens (1996) : « On peut distinguer au moins trois strates. 1. L'Avesta ancien, qui constitue le noyau du Yasna, a pu ĂȘtre composĂ© entre 1500 et 550 avant l'Ăšre commune. 2. Un 'vieil' Avesta rĂ©cent (certaines parties du Yasna et des Yashts) Ă  situer entre 850 et l'expĂ©dition d'Alexandre [330 av. J.-C.]. 3. Un 'jeune' Avesta rĂ©cent (peut-ĂȘtre le VidĂȘvdĂąd et le Xorda Avesta) qui a pu ĂȘtre composĂ© entre Alexandre et 400 de l'Ăšre commune
 Les plus vieux textes avestiques ont dĂ» ĂȘtre composĂ©s, mettons, entre 1200 et 800 avant l'Ăšre commune. »[8] Jean Kellens croit pouvoir « placer Zarathustra aux alentours de l'an mil avant notre Ăšre »[9].

L'Avesta a pu ĂȘtre mis par Ă©crit sous Darius Ier, roi de Perse de 522 Ă  486 av. J.-C., ou sous Shapur II, roi sassanide de 310 Ă  379, ou sous Khosro Ier, roi sassanide de 531 Ă  579 (selon Bailey en 1943, pour l'Avesta sassanide).

Redécouverte et premiÚres études en Occident

En 1723, un Parsi de Surate offrit un manuscrit Ă  un marchand anglais, qui le fit parvenir Ă  la bibliothĂšque BodlĂ©ienne d'Oxford. Le texte n'est cependant ni entier ni comprĂ©hensible sans le consentement du clergĂ© parsi. En 1754, le Français Anquetil Duperron (1731-1805), mĂ» par un profond intĂ©rĂȘt pour les langues orientales, s'engage Ă  vingt-trois ans dans les troupes de la Compagnie des Indes et s'embarque pour PondichĂ©ry espĂ©rant pouvoir trouver les Ă©crits de Zoroastre. Anquetil, aprĂšs avoir traversĂ© Ă  grand risque une Inde dĂ©chirĂ©e par la guerre franco-anglaise, vainc les rĂ©ticences de la communautĂ© parsie de Surate, se fait montrer les manuscrits et expliquer leur Ă©criture et leur langue. De retour en France, le 15 mai 1762, il dĂ©pose Ă  la BibliothĂšque du roi cent quatre-vingts manuscrits. L'analyse de ces documents dure encore dix ans : sa traduction de l'Avesta, le livre rĂ©putĂ© de Zoroastre, paraĂźt en 1771[10].

« C’est au philologue et thĂ©ologien allemand Martin Haug que l’on doit le premier essai d’interprĂ©tation du contenu religieux de l’Avesta. Son titre de rĂ©fĂ©rence, Essays on the Sacred Language, Writings and Religion of the Parsis, paru en 1862 Ă  Bombay est extrĂȘmement parlant : il y a une religion et une langue Ă  deux niveaux (le vieil avestique et l’avestique rĂ©cent) vĂ©hiculĂ©es par des Ă©crits. La « sacralitĂ© », notion trĂšs perturbante que Haug introduit, Ă©voque l’idĂ©e d’un corpus oĂč est exposĂ©e une doctrine. Or ce n’est pas du tout le cas. Il a Ă©tĂ© le premier Ă  reconnaĂźtre que l’Avesta n’était pas un livre unitaire. C’est avec ses moyens de thĂ©ologien qu’il va tenter de concilier l’unitĂ© et la diversitĂ© de l’Avesta en situant ses diffĂ©rents livres l’un par rapport Ă  l’autre : Le Yasna, est l’écrin de la partie ancienne de l’Avesta, c'est-Ă -dire les Gāthās, « les chants », Ɠuvre effective de Zoroastre. Ils sont monothĂ©istes aux yeux de Haug, tandis que le Vidēvdād est un livre dualiste qui oppose Ă  Ahura Mazdā le mauvais esprit, AƋgra Mainiiu, et les YaĆĄts sont clairement polythĂ©istes. Voici comment Haug va s’efforcer de rĂ©introduire de l’unitĂ© dans ceci : le Vidēvdād serait l’Ɠuvre de disciples incompĂ©tents qui ont fini par confondre la philosophie dualiste de Zoroastre (elle attribue l’existence du Mal Ă  un esprit inhĂ©rent Ă  dieu et Ă  l’homme) avec une thĂ©ologie monothĂ©iste. Quant aux YaĆĄts polythĂ©istes, ce serait l’Ɠuvre de poĂštes ou de bardes qui ont ornĂ© leur « poĂ©sie hĂ©roĂŻque » par une rĂ©fĂ©rence Ă  des divinitĂ©s anciennes. »

— Jean Kellens, 2010[11]

Traductions françaises

  • Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron, Zend Avesta, ouvrage de Zoroastre contenant les idĂ©es thĂ©ologiques, physiques et morales de ce lĂ©gislateur, les cĂ©rĂ©monies du culte religieux qu'il a Ă©tabli, et plusieurs traits importants relatifs Ă  l'ancienne histoire des Perses, 1771, 3 in-4° (Discours prĂ©liminaire rĂ©Ă©ditĂ© en 1997) [lire en ligne] [lire en ligne]
  • Charles de Harlez, Avesta. Livre sacrĂ© du zoroastrisme. Traduit du texte zend, Maisonneuve, 1881 [lire en ligne]
  • James Darmesteter, Le Zend-Avesta, 1892-1893, 3 t., rĂ©Ă©d. anastatique Adrien Maisonneuve, 1960
  • Guy Rachet, Zoroastre. Avesta. Le livre sacrĂ© des anciens Perses, prĂ©sentation et notes de Guy Rachet, Sand et Tchou, 1996, 312 p[12].) Reprise partielle de la traduction de Charles de Harlez.
  • Pierre Lecoq, Les livres de l'Avesta, Ă©ditions du Cerf, 2017

Voir aussi

Bibliographie

  • Hastings, Encyclopedia of Religion and Ethics.
  • Jacques Duchesne-Guillemin, La Religion de l'Iran ancien, PUF, 1962, 411 p.
  • Geo Widengren, Les Religions de l'Iran, trad. de l'all., Payot, 1968, 422 p.
  • Julien Ries, La Religion de Zarathustra et le mazdĂ©isme depuis les origines jusqu'Ă  l'avĂšnement des AchĂ©mĂ©nides, Louvain-la-Neuve, 1983, p. 23-30.
  • Jean Kellens et Éric Pirart, Les Textes vieil-avestiques, Wiesbaden, L. Reichert Verlag, 1988-1991, 3 vol.
  • Jean Kellens, « Avesta » dans Dictionnaire universel des littĂ©ratures, PUF, 1994, t. I, p. 275-276.
  • Jean Kellens, Études avestiques et mazdĂ©ennes, vol. 1 Ă  5, Éditions De Boccard, 2006-2013.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) AVESTA the holy book of the Zoroastrians, sur EncyclopĂŠdia Iranica.
  2. G. Widengren, Les Religions de l'Iran, Payot, 1968, p. 18-19.
  3. Guy Rachet, Avesta. Le Livre sacré des anciens Perses, t. I : Zoroastre, Sand, 1996.
  4. (en) [PDF] An Introduction to Old Avestan par Prods Oktor SkjĂŠrvĂž.
  5. (en) Karl Friedrich Geldner, Avesta. The Sacred Book of the Parsis, 1889-1896.
  6. Jean Kellens, « Le panthéon mazdéen : dieux qui survivent et dieux qui naissent », 2010.
  7. Oktor SkjaervÞ, « Hymnic Composition in the Avesta », Die Sprache, 36.2, 1994.
  8. [PDF] « Comment connaissons-nous l’Avesta, le livre sacrĂ© des MazdĂ©ens ? » par Jean Kellens.
  9. Qui Ă©tait Zarathustra ? par Jean Kellens.
  10. Jean Kellens, L'Avesta, Zoroastre et les sources des religions indo-iraniennes, clio.fr, mars 2004
  11. Jean Kellens, « Le panthéon mazdéen : dieux qui survivent et dieux qui naissent » [PDF], .
  12. Avesta le livre sacré des anciens Perses
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