Avesta
L'Avesta (du pahlavi abestÄg) (en persan et kurde avesta) est l'ensemble des textes sacrĂ©s de la religion mazdĂ©enne et forme le livre sacrĂ©, le code sacerdotal des zoroastriens. Il est parfois connu en Occident sous l'appellation erronĂ©e de Zend Avesta. Les parties les plus anciennes, celles des gathas, sont dans une langue aussi archaĂŻque que celle du Rig Veda (sanskrit vĂ©dique), le « gathique », les autres en avestique tardif. Le tout est Ă©crit dans l'alphabet avestique.
Composition
Du texte initial qui comptait 21 livres (nask), seul le quart, ce qui reprĂ©sente un millier de pages, a Ă©tĂ© transmis jusqu'Ă nous : les autres livres ont disparu ou ont Ă©tĂ© dĂ©truits Ă l'Ă©poque des conquĂȘtes d'Alexandre lors de l'incendie de la bibliothĂšque de PersĂ©polis et lors des invasions arabo-musulmanes au VIIe siĂšcle.
L'Avesta (« Ăloge ») actuel comprend les parties suivantes[1] :
- I. Yasna (« Sacrifice »). 72 chapitres (hĂąds). Recueil de textes appartenant au rituel du culte zoroastrien, directives donnĂ©es aux prĂȘtres et aux fidĂšles pour ĂȘtre purs. ManiĂšre d'adorer Dieu. Relate l'histoire de quelques prophĂštes rĂ©vĂ©lant une morale allant dans ce sens. Les chants composĂ©s par Zarathustra lui-mĂȘme forment 17 gĂąthĂąs (chants), Ă©crits en vieil-avestique, et se lisent en Yasna 28-34, 43-46, 47-50, 51, 53[2] ;
- II. Visprad (Vispered, « Toutes les normes », « [PriĂšre Ă ] tous les protecteurs »). 34 sections (kardag), complĂ©ment au Yasna, « petit recueil de lois et de textes liturgiques », appels aux seigneurs qui prĂ©sident aux destinĂ©es. Ensemble des lois qui doivent ĂȘtre pratiquĂ©es par les zoroastriens ;
- III. Korda Avesta (Xorda Avesta, « Petit Avesta », « Avesta bref »). Morceaux extraits des Yashts. Comprend NiyĂąyishns (Nyayishs, « Ăloges », 5 « priĂšres de louange et de bĂ©nĂ©diction de caractĂšre privĂ© »[3], GÄhs (« Moments »), ĂfrinagĂąns (« BĂ©nĂ©dictions ») ;
- IV. SÄ«rĆza(Sirozah, « Trente jours »), « priĂšre composĂ©e de trente invocations adressĂ©es Ă Dieu pour se protĂ©ger de ses ennemis lors des guerres, rĂ©ussir lors d'une Ă©preuve, etc. ;
- V. Yashts (« Hymnes sacrificiels »). 21 cantiques. « Cantiques accompagnant les sacrifices, composés à la louange des principales divinités, dont Ahura Mazdù, les Amesha Spenta, Anahita, le Soleil, la Lune ;
- VI. VidÄvdÄd (Vendidad, « La loi contre les mĂ©chants », « Loi de rupture avec les dĂ©mons »). 20 chap. « Collection de lois religieuses, avec des lĂ©gendes et mythes anciens comme des histoires de prophĂštes » ;
- VII. Divers fragments. 1 : NÄ«rangistÄn, un code rituel. 2 : PursiĆĄnÄ«hÄ (Questions), petit catĂ©chisme mazdĂ©en. 3 : AogÉmadÄÄÄÄ (AgĂ©modaĂȘsha, « Nous acceptons »), une « antique liturgie funĂšbre ». 4 : HÄdĆxt Nask (HadhĂŽkht Nask, « Livre des Ă©critures »), une « description du voyage de l'Ăąme vers le ciel »).
Datation
L'Avesta ancien comprend les GĂąthĂąs de Zarathoustra (Avesta 28-34, 43-51, 53) (vers 1000 av. J.-C. ?), Yasna HaptahĂąiti (« Sacrifice en sept chapitres », Yasna 35-41) et les quatre priĂšres de Yasna 27. L' Avesta rĂ©cent rĂ©unit Yasht, Visprad (Vespered), VidĂȘvdĂąd (Vendidad), Korda Avesta[4]
Selon Karl Friedrich Geldner[5], « nous ne possédons plus les textes originaux et authentiques de l'Avesta, à l'exception des Gùthùs (composés vers l'an 1000 avant notre Úre) et de quelques Yashts (vers 700-600) »[6]. « La datation haute fait correspondre l'Avesta à une période antérieure au VIe siÚcle avant notre Úre. Elle établit une certaine synchronie entre la composition des textes et les Empires mÚde [612-550] et achéménide [550-330]. La datation basse, qui n'est plus guÚre représentée, est la période postérieure à ces dates : elle place les Gùthas au milieu du VIe siÚcle av. J.-C. et les Yasht au milieu du Ve siÚcle av. J.-C. SkjaervÞ[7] est partisan d'une datation ultra-haute, puisqu'il situe les Gùthùs en 1700 avant notre Úre et les textes des Yashts en 900 avant notre Úre. »
Jean Kellens (1996) : « On peut distinguer au moins trois strates. 1. L'Avesta ancien, qui constitue le noyau du Yasna, a pu ĂȘtre composĂ© entre 1500 et 550 avant l'Ăšre commune. 2. Un 'vieil' Avesta rĂ©cent (certaines parties du Yasna et des Yashts) Ă situer entre 850 et l'expĂ©dition d'Alexandre [330 av. J.-C.]. 3. Un 'jeune' Avesta rĂ©cent (peut-ĂȘtre le VidĂȘvdĂąd et le Xorda Avesta) qui a pu ĂȘtre composĂ© entre Alexandre et 400 de l'Ăšre commune⊠Les plus vieux textes avestiques ont dĂ» ĂȘtre composĂ©s, mettons, entre 1200 et 800 avant l'Ăšre commune. »[8] Jean Kellens croit pouvoir « placer Zarathustra aux alentours de l'an mil avant notre Ăšre »[9].
L'Avesta a pu ĂȘtre mis par Ă©crit sous Darius Ier, roi de Perse de 522 Ă 486 av. J.-C., ou sous Shapur II, roi sassanide de 310 Ă 379, ou sous Khosro Ier, roi sassanide de 531 Ă 579 (selon Bailey en 1943, pour l'Avesta sassanide).
Redécouverte et premiÚres études en Occident
En 1723, un Parsi de Surate offrit un manuscrit Ă un marchand anglais, qui le fit parvenir Ă la bibliothĂšque BodlĂ©ienne d'Oxford. Le texte n'est cependant ni entier ni comprĂ©hensible sans le consentement du clergĂ© parsi. En 1754, le Français Anquetil Duperron (1731-1805), mĂ» par un profond intĂ©rĂȘt pour les langues orientales, s'engage Ă vingt-trois ans dans les troupes de la Compagnie des Indes et s'embarque pour PondichĂ©ry espĂ©rant pouvoir trouver les Ă©crits de Zoroastre. Anquetil, aprĂšs avoir traversĂ© Ă grand risque une Inde dĂ©chirĂ©e par la guerre franco-anglaise, vainc les rĂ©ticences de la communautĂ© parsie de Surate, se fait montrer les manuscrits et expliquer leur Ă©criture et leur langue. De retour en France, le 15 mai 1762, il dĂ©pose Ă la BibliothĂšque du roi cent quatre-vingts manuscrits. L'analyse de ces documents dure encore dix ans : sa traduction de l'Avesta, le livre rĂ©putĂ© de Zoroastre, paraĂźt en 1771[10].
« Câest au philologue et thĂ©ologien allemand Martin Haug que lâon doit le premier essai dâinterprĂ©tation du contenu religieux de lâAvesta. Son titre de rĂ©fĂ©rence, Essays on the Sacred Language, Writings and Religion of the Parsis, paru en 1862 Ă Bombay est extrĂȘmement parlant : il y a une religion et une langue Ă deux niveaux (le vieil avestique et lâavestique rĂ©cent) vĂ©hiculĂ©es par des Ă©crits. La « sacralitĂ© », notion trĂšs perturbante que Haug introduit, Ă©voque lâidĂ©e dâun corpus oĂč est exposĂ©e une doctrine. Or ce nâest pas du tout le cas. Il a Ă©tĂ© le premier Ă reconnaĂźtre que lâAvesta nâĂ©tait pas un livre unitaire. Câest avec ses moyens de thĂ©ologien quâil va tenter de concilier lâunitĂ© et la diversitĂ© de lâAvesta en situant ses diffĂ©rents livres lâun par rapport Ă lâautre : Le Yasna, est lâĂ©crin de la partie ancienne de lâAvesta, c'est-Ă -dire les GÄthÄs, « les chants », Ćuvre effective de Zoroastre. Ils sont monothĂ©istes aux yeux de Haug, tandis que le VidÄvdÄd est un livre dualiste qui oppose Ă Ahura MazdÄ le mauvais esprit, AĆgra Mainiiu, et les YaĆĄts sont clairement polythĂ©istes. Voici comment Haug va sâefforcer de rĂ©introduire de lâunitĂ© dans ceci : le VidÄvdÄd serait lâĆuvre de disciples incompĂ©tents qui ont fini par confondre la philosophie dualiste de Zoroastre (elle attribue lâexistence du Mal Ă un esprit inhĂ©rent Ă dieu et Ă lâhomme) avec une thĂ©ologie monothĂ©iste. Quant aux YaĆĄts polythĂ©istes, ce serait lâĆuvre de poĂštes ou de bardes qui ont ornĂ© leur « poĂ©sie hĂ©roĂŻque » par une rĂ©fĂ©rence Ă des divinitĂ©s anciennes. »
â Jean Kellens, 2010[11]
Traductions françaises
- Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron, Zend Avesta, ouvrage de Zoroastre contenant les idées théologiques, physiques et morales de ce législateur, les cérémonies du culte religieux qu'il a établi, et plusieurs traits importants relatifs à l'ancienne histoire des Perses, 1771, 3 in-4° (Discours préliminaire réédité en 1997) [lire en ligne] [lire en ligne]
- Charles de Harlez, Avesta. Livre sacré du zoroastrisme. Traduit du texte zend, Maisonneuve, 1881 [lire en ligne]
- James Darmesteter, Le Zend-Avesta, 1892-1893, 3 t., rééd. anastatique Adrien Maisonneuve, 1960
- Guy Rachet, Zoroastre. Avesta. Le livre sacré des anciens Perses, présentation et notes de Guy Rachet, Sand et Tchou, 1996, 312 p[12].) Reprise partielle de la traduction de Charles de Harlez.
- Pierre Lecoq, Les livres de l'Avesta, Ă©ditions du Cerf, 2017
Voir aussi
Bibliographie
- Hastings, Encyclopedia of Religion and Ethics.
- Jacques Duchesne-Guillemin, La Religion de l'Iran ancien, PUF, 1962, 411 p.
- Geo Widengren, Les Religions de l'Iran, trad. de l'all., Payot, 1968, 422 p.
- Julien Ries, La Religion de Zarathustra et le mazdéisme depuis les origines jusqu'à l'avÚnement des Achéménides, Louvain-la-Neuve, 1983, p. 23-30.
- Jean Kellens et Ăric Pirart, Les Textes vieil-avestiques, Wiesbaden, L. Reichert Verlag, 1988-1991, 3 vol.
- Jean Kellens, « Avesta » dans Dictionnaire universel des littératures, PUF, 1994, t. I, p. 275-276.
- Jean Kellens, Ătudes avestiques et mazdĂ©ennes, vol. 1 Ă 5, Ăditions De Boccard, 2006-2013.
Articles connexes
Liens externes
- Traduction française complÚte et référencée par Charles de Harlez sur Encyclopaedia Iranica
- L'Avesta, Zoroastre et les sources des religions indo-iraniennes par Jean Kellens, Professeur au CollĂšge de France.
Notes et références
- (en) AVESTA the holy book of the Zoroastrians, sur EncyclopĂŠdia Iranica.
- G. Widengren, Les Religions de l'Iran, Payot, 1968, p. 18-19.
- Guy Rachet, Avesta. Le Livre sacré des anciens Perses, t. I : Zoroastre, Sand, 1996.
- (en) [PDF] An Introduction to Old Avestan par Prods Oktor SkjĂŠrvĂž.
- (en) Karl Friedrich Geldner, Avesta. The Sacred Book of the Parsis, 1889-1896.
- Jean Kellens, « Le panthéon mazdéen : dieux qui survivent et dieux qui naissent », 2010.
- Oktor SkjaervÞ, « Hymnic Composition in the Avesta », Die Sprache, 36.2, 1994.
- [PDF] « Comment connaissons-nous lâAvesta, le livre sacrĂ© des MazdĂ©ens ? » par Jean Kellens.
- Qui Ă©tait Zarathustra ? par Jean Kellens.
- Jean Kellens, L'Avesta, Zoroastre et les sources des religions indo-iraniennes, clio.fr, mars 2004
- Jean Kellens, « Le panthéon mazdéen : dieux qui survivent et dieux qui naissent » [PDF], .
- Avesta le livre sacré des anciens Perses