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Louis-Henri-Scipion du Roure

Louis Philippe Henri Scipion de Grimoard de Beauvoir, comte du Roure, né à Marseille le et mort en à Londres, est un aventurier et homme politique français.

Avec Jean-Nicolas Pache, il fut, pendant la RĂ©volution française, au centre des agissements d’une faction politique dĂ©sorganisatrice, abusivement nommĂ©e « hĂ©bertiste Â», et dont les bailleurs de fonds Ă©taient, pour beaucoup d’entre eux, des financiers anglais, hollandais et autrichiens.

Origines anglaises

Scipion du Roure appartenait Ă  une famille de très ancienne noblesse qui se transmettait de père en fils le prĂ©nom peu usuel de « Scipion Â». Les ancĂŞtres de son grand-père, Scipion du Roure, qui appartenait Ă  la branche calviniste de cette famille, s’exilèrent après le pillage du château familial par les troupes du duc de Nemours. S’étant enrĂ´lĂ© dans l’armĂ©e britannique celui-ci fut promu colonel en 1705 puis il Ă©pousa la fille unique du comte de Catherbourg, nièce de Lord Bolingbroke, d’oĂą Henri-BarthĂ©lĂ©my, chevalier du Roure, qui Ă©pousa Barbe-Catherine Robert[1]. ÉlevĂ© en Angleterre - on dit qu’il Ă©tait naturalisĂ© anglais[2] - oĂą il demeura une quinzaine d’annĂ©es, cousin de membres influents du parlement d’Angleterre, Scipion du Roure eut une jeunesse dorĂ©e qu’il passa en partie dans les colonies oĂą il avait hĂ©ritĂ© de plantations. Il revint, dit-on, de la Martinique en France, sur le mĂŞme bateau que JosĂ©phine de Beauharnais, avec laquelle il avait des liens de sociĂ©tĂ©.

À Paris, Scipion du Roure, ancien colonel d’infanterie, s’impliqua dans les mouvements populaires tout en maintenant des contacts réguliers avec des représentants du cabinet britannique. Tenant du libéralisme et désireux d’installer en France une constitution inspirée du modèle anglais, il œuvra puissamment en ce sens après la journée du 10 août 1792. Il était allié, depuis son mariage le [3] avec Jeanne-Adrienne de Maleyssie, née à Margency en 1774, fille du chevalier Charles-Philibert mort en 1777, et de Marie-Claire Sylva, avec le second mari de sa belle-mère, Étienne-Xavier Poisson, comte de La Chabeaussière[4]. Mme de La Chabeaussière, sa belle-mère, était une femme intelligente, célèbre pour son salon et son goût immodéré du théâtre: elle donnait à jouer dans son petit théâtre privé de la rue de Bourbon, entre autres les pièces écrites par son mari. À la belle saison, le couple recevait dans son château de Margency, et on y voyait des hommes et femmes de lettres parmi lesquels la comtesse de Beaufort, elle-même femme de lettres, Sophie de Jaucourt, née de Chaponay, poétesse, le chevalier de Cubières et Fanny de Beauharnais. Cette société, gagnée aux idées nouvelles, ne jurait que par les bienfaits d’une démocratie bien comprise et d’un libéralisme sans entraves.

La faction désorganisatrice

Tandis que La Chabeaussière faisait une carrière dans l’administration rĂ©volutionnaire, le ci-devant comte Scipion du Roure, ancien colonel d’infanterie en disponibilitĂ©, qui affichait des couleurs ultra-rĂ©volutionnaires mais occupait un beau logement rue de Buffon au faubourg Montmartre, se mit au service d’un projet politique destinĂ©, après le , Ă  faire obstacle au dirigisme Ă©tatique et Ă  la politique Ă©conomique des Jacobins, en particulier de Robespierre, Ă©galement aux projets de Jacques Pierre Brissot et de ses amis. Après les Ă©vĂ©nements de septembre 1792, la Commune dite du 10 aoĂ»t, dont la composition spontanĂ©e avait l’inconvĂ©nient d’être dĂ©sĂ©quilibrĂ©e, fut peu Ă  peu reprise en main par des personnalitĂ©s de poids - financièrement s’entend - comme Jean-Nicolas Pache ou Scipion Grimoard du Roure. Pour avancer masquĂ© et garder l’apparence du radicalisme le plus spectaculaire, les meneurs firent appel Ă  un certain nombre d’individus sur l’habiletĂ© dĂ©magogique desquels ils pouvaient compter. Membre de la section du Faubourg-Montmartre puis prĂ©sident du conseil municipal, du Roure fut très impliquĂ© dans le recrutement des membres de la « nouvelle commune Â» qui fut mise en place Ă  la fin de . Il favorisa, comme Jean-Nicolas Pache, promu maire de Paris, la carrière de Jacques-RenĂ© HĂ©bert qui avait en charge, pour reprendre une expression moderne, la « communication Â» du mouvement, grâce Ă  ses talents de pamphlĂ©taire et Ă  son imagination. DĂ©magogue consommĂ©, mais aussi comĂ©dien, HĂ©bert pouvait adopter avec beaucoup de naturel un ton « populacier Â» qui ne lui Ă©tait pas naturel. Lorsque le « Père Duchesne Â» et son Ă©pouse eurent une petite fille, c’est Scipion du Roure qui en fut le parrain, ce qui indique assez la proximitĂ©, l’intimitĂ© de leurs relations. Outre HĂ©bert, Du Roure voyait beaucoup le pasteur protestant et dĂ©putĂ© Ă  la Convention Julien de Toulouse, qui, en , se cacha Ă  Margency chez sa belle-mère. Au Palais-Royal, il frĂ©quentait la bande noire et notamment son quartier gĂ©nĂ©ral, c’est-Ă -dire la maison de jeu de Descarrières, beau-frère du gĂ©nĂ©ral Santerre, oĂą il dĂ©pensait des sommes Ă©normes avec AndrĂ© Guzman, et le comte de Pestre de SĂ©neffe, parent de Walckiers[5]. On le vit aussi au « 50 Â» chez Aucane et Mme de Sainte-Amaranthe. EmployĂ© un temps au premier ComitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale oĂą il Ă©tait entrĂ© grâce Ă  ses amis Julien de Toulouse et Delaunay d'Angers, il rejoignit l’armĂ©e de Dumouriez oĂą, comme officier, il se mit Ă  la disposition du gĂ©nĂ©ral. Ă€ son retour Ă  Paris après la dĂ©fection de Dumouriez, il eut quelque peine Ă  Ă©chapper aux poursuites qui touchèrent les « complices Â» du gĂ©nĂ©ral. ArrĂŞtĂ© le , il bĂ©nĂ©ficia de la haute protection de Barère et fut relâchĂ©.

Ă€ l’automne 1792, les membres de la nouvelle Commune n’avaient qu’un idĂ©e : terrasser les Girondins qui avaient les moyens de dĂ©voiler leurs visĂ©es (qui n'avaient rien de dĂ©mocratique), et de dĂ©noncer les crimes et vols de . On leur prĂŞta surtout, au tribunal rĂ©volutionnaire - du moins ceux qui eurent la malchance d'y comparaĂ®tre, le projet d’avoir voulu affaiblir la Convention nationale par la calomnie, et d’entamer son crĂ©dit aux yeux de l’opinion publique. Ă€ terme, leur projet Ă©tait de placer un « grand juge Â» (qui, selon toute vraisemblance, aurait Ă©tĂ© Pache) Ă  la tĂŞte d’un gouvernement autoritaire inspirĂ© de la RĂ©publique de Venise. Les prĂ©cautions dont se sont entourĂ©s ces hommes Ă©taient grandes et c’est surtout Ă  travers l’instruction du procès des « hĂ©bertistes Â» et les rapports des comitĂ©s de surveillance des sections que l’on a pu connaĂ®tre, a posteriori, les projets de ce complot baptisĂ© par Saint-Just « le complot de l’étranger Â». C’est l’implication de ressortissants Ă©trangers, et surtout leurs accointances dans les rĂ©seaux financiers internationaux, qui ont permis de qualifier d'« Ă©trangers Â» les projets politiques, aussi aventureux fussent-ils, de Scipion du Roure, Pache, HĂ©bert, Chaumette, etc.

L’échec du mouvement hébertiste

Après avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la protection de trois membres du ComitĂ© de salut public, les conjurĂ©s – et notamment HĂ©bert, Vincent et Ronsin â€“ Ă©taient allĂ©s trop loin dans la mise en cause de Robespierre qui rĂ©ussit Ă  obtenir leur arrestation. La mainmise sur leurs papiers entraĂ®na l’arrestation successive – entre frimaire et ventĂ´se an II â€“, de la plupart des « hĂ©bertistes Â», hommes et femmes. Une poignĂ©e d’entre eux furent renvoyĂ©s autour d’HĂ©bert et du gĂ©nĂ©ral Ronsin au tribunal rĂ©volutionnaire et exĂ©cutĂ©s, puis ce fut le tour de Chaumette[6] et de l’épouse de Jacques-RenĂ© HĂ©bert, etc. D’autres, la plupart, bĂ©nĂ©ficièrent de la lourde et efficace protection administrative du ComitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale, qui savait Ă©pargner aussi bien que tuer de façon sĂ©lective. Tant Jean-Nicolas Pache et Scipion du Roure que les membres de leurs familles respectives, qui furent tous arrĂŞtĂ©s, bĂ©nĂ©ficièrent de l’invisible protection que leur accorda Barère, qui usa de son influence pour que leurs procès ne soient jamais instruits. Tandis que son Ă©pouse et sa belle-mère Ă©taient arrĂŞtĂ©es (21 nivĂ´se)[7], Scipion du Roure, qui s’était fait remettre un laissez-passer sur ordre de Barère (2 nivĂ´se), gagnait la province et l’étranger.

Après la Terreur

En l’an III, le ci-devant comte qui avait obtenu le divorce de son épouse[8], reparaissait à Paris. Avec le député Faure, il organisait des réunions chez lui à l’angle de la rue des Saints-Pères et de la rue de Grenelle[9]. En l’an V, il était à Avignon, poursuivi comme un des rédacteurs du Journal des hommes libres, considéré comme un journal ultra. Il fut proscrit après la coup d'État du 18 brumaire avec son ami Julien de Toulouse, Soulavie, Aréna, Félix Lepeletier, Charles de Hesse, La Chevardière, Villain d'Aubigny, Antonelle, Sonthonax. Sur le point d’être embarqué à La Rochelle pour la Guyane, il réussit à s’évader.

Sous l’Empire, il épousa en secondes noces une demoiselle Sacriste de Tobebeuf, née en 1775. Puis il se fit traducteur : on lui doit la traduction de la grammaire anglaise de Cobbet.

Il meurt Ă  Londres en 1823.

Notes et références

  1. Il était neveu de Denis-François-Auguste, comte du Roure, qui épousa en 1752 Anne-Françoise de Chaponay, et donc cousin de l’officier de marine de ce nom, né en 1759, qui fut aide camp de Bouillé, arrêté sous la Terreur
  2. AN, F/7/6191, dossier 2476
  3. Archives nationales, minuter central des otaires parisiens, Etude LXXXVII/1240
  4. voir Révolution française, juillet-décembre 1908, p. 250.
  5. Il acquit des biens nationaux, entre autres dans la paroisse de Moulignoz (Moulineaux ?) appartenant Ă  la sainte-chapelle de Vincennes, AN, Minutier, Et.LIII/645, le 10 mars 1791.
  6. DĂ©noncĂ© par MontanĂ© comme Ă©tant, avec Julien de Toulouse et l’Anglais Christie, des « agents de l’étranger Â». Autre accusation du mĂŞme genre dans le dossier des AN, AFIV/1671
  7. DĂ©tenues Ă  la Bourbe avec Marie-Sylvie Pache
  8. AN, Minutier, Etude LIV (Delamotte), le 17 pluviĂ´se an II.
  9. F/7/6191 dossier 2476.

Bibliographie

  • Olivier Blanc, Les Hommes de Londres, histoire secrète de la terreur, Paris, Albin Michel, 1989.
  • Olivier Blanc, La Corruption sous la terreur, Paris, Robert Laffont, « les Hommes et l'Histoire Â», 1992.
  • Rovère, Lettres inĂ©dites de Rovère Ă  Simon stylite son frère.
  • Bernadette Ramillier, La vie aventureuse de Scipion du Roure, L'Harmattan, 2013. (ISBN 978-2-336-00406-8)
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