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Louis-Armand de Lom d'Arce

Louis Armand de Lom d'Arce, plus connu sous l'appellation de baron de Lahontan ou de La Hontan, est un voyageur anthropologue et écrivain français (né en 1666 à Lahontan et décédé en 1716, dans le duché de Hanovre) qui est l'auteur d'une ethnologie réflexive sur l'organisation politique des différents peuples du Québec en nations[1].

Louis-Armand de Lom d'Arce
Biographie
Naissance
Décès
Activités

Biographie

Son père, Isaac de Lom, seigneur d'Esleix dans les Landes, en Chalosse, s'était remarié avec sa mère Jeanne-Françoise Le Fascheux, à Saint-Paul à Paris. Il avait acheté les seigneuries d'Esleix et de Lahontan, dépensa toute sa fortune à redresser le cours du gave de Pau, et mourut accablé de dettes.

À l'âge de dix-sept ans, Louis-Armand embarque pour la Nouvelle-France où il débarque le , passe l'hiver sur la côte de Beaupré. Sa carrière d'observateur, d'écrivain et d'ethnographe débute. «Sans mentir,» écrit-il dans sa deuxième lettre rédigée sur la côte, le , «les paysans y vivent plus commodément qu'une infinité de gentilshommes en France. Quand je dis paysans, je me trompe, il faut dire habitants, car ce titre de paysan n'est pas plus reçu ici qu'en Espagne […] »

En mai, La Hontan quitte la côte à destination de Ville-Marie, il s'arrête à l'île d'Orléans, à Québec, à Sillery, au Sault-de-la-Chaudière, à Lorette et aux Trois-Rivières.

Officier de marine, grâce à son titre de noblesse, il vit en Nouvelle-France pendant 10 années et de son périple, laisse des écrits notoires. Multipliant les déboires financiers (il perd sa baronnie, ruiné par des créanciers fallacieux et une administration locale malhonnête) et sociaux (sa verve le brouille avec le gouverneur de la colonie ; l'armée le considère comme déserteur ; les autorités religieuses lui reprochent ses idées libertines et plus tard, ses attaques contre les vertus des habitantes, etc.),

Il a publié en 1703 les Nouveaux Voyages dans l'Amérique septentrionale, qui sont une relation épistolaire de son voyage en Canada, avec un parent. Bien des gens croient aujourd'hui qu'il s'agit d'une écriture postérieure et donc factice. En effet, cet ouvrage a eu plusieurs éditions ou traductions très libres Le procédé épistolaire fictif était courant dans les romans de l'âge classique. Certains autres, dont plusieurs de ses contemporains, acceptent l'idée de lettres envoyées à un parent français.

Dans ce même tome, on retrouve, en plus des Nouveaux Voyages, ses Mémoires qui sont en fait une description encyclopédique de la Nouvelle-France. On s'émerveille de l'exotisme de la faune, de la flore, mais aussi des us et coutumes de différentes nations amérindiennes que l'on prétend avoir rencontrées. Il s'agit de la partie de l'œuvre de Lahontan la plus utilisée à titre de matériau historique bien que de très nombreuses inexactitudes et plusieurs inventions y figurent.

Un autre écrit, qui a connu une certaine pérennité littéraire, puisqu'il a été traduit en Allemand, Anglais, Néerlandais et Italien [2], et est encore lu de nos jours dans les universités (au Québec et ailleurs) : les Dialogues avec un Sauvage (1704), et dans lesquels Lahontan met en scène une discussion entre lui-même et un «Sauvage de bon sens» nommé Adario, qui pourrait en fait être Kondiaronk, chef wendat avec qui Lahontan eut des échanges [2]. Il y est mis en exergue une supériorité des sociétés amérindiennes sur celles européennes, en ce qui a trait à plusieurs sujets (la médecine, la religion, entre autres). On y trouve les idées de liberté et d’égalité qui sont mises en avant pendant le siècle des Lumières français par des écrivains comme Swift (Angleterre), Diderot, Rousseau, Voltaire.

Les idées des dialogues de Lahontan se retrouvent dans les œuvres de Voltaire (L'Ingénu), Diderot (Supplément au voyage de Bougainville), Chateaubriand (Voyages en Amérique dans ses mémoires), Rousseau et Leibniz (Opera Omnia), pour ne citer que les plus connus. Il faut dire qu'il fréquentait Leibniz à son retour d'Amérique - car il finit ses jours exilé de France, dans les Allemagnes, comme on disait alors.

Les Nouveaux voyages du baron furent, avec ceux de Charlevoix, parmi les récits de voyages les plus lus au XVIIIe siècle.

En ce qui concerne les sources, on peut certainement identifier Gabriel de Foigny et son Voyage en terre australe connue, récit d'un voyage sans conteste imaginaire en Australie au milieu du XVIIe siècle. D'ailleurs, plusieurs critiques littéraires ont fait le rapprochement entre le personnage d'Adario, dans les Dialogues de Lahontan, et Sadeur, le héros de l'œuvre de Foigny, particulièrement en ce qui a trait à la philosophie libertine touchant la religion, entre autres. D'autres sources documentaires sont mentionnées également par les chercheurs et parmi les plus connues, mentionnons La Salle, Marquette et Tonty. Lahontan intègre par ailleurs plusieurs classiques de son éducation humaniste : le Satyricon, entre autres, ainsi que quelques auteurs antiques.

Voyages au pays des Iroquois

  • Premier voyage. Le , La Hontan quitte Montréal avec un détachement d'éclaireurs. La troupe traverse les rapides de Lachine, des Cascades, des Cèdres et du Long-Sault et suit le cours du fleuve jusqu'au fort Frontenac (Cataracoui), sur le lac Ontario. Le gouverneur Lefebvre de La Barre, qui veut dicter les conditions de paix aux délégués des Cinq-Nations, rejoint la troupe au mois d'août. Plus de 1 200 soldats, miliciens canadiens et alliés amérindiens l'accompagnent.
  • Deuxième voyage. Au mois de , La Hontan est officier au fort Chambly. À la fin de septembre, il s'installe à Boucherville et il y reste jusqu'au mois de . Il meuble ses loisirs comme il l'entend. Il voyage jusqu'au lac Champlain, chasse le gibier à plume et à poil, pêche dans les ruisseaux et apprend l'algonquin.
  • Troisième voyage. Vu sa connaissance de la langue algonquine, Denonville lui ordonna de mener un détachement au fort Saint-Joseph que Daniel Greysolon, sieur du Lhut avait établi en 1686, sur la rive ouest de la rivière Sainte-Claire. Parti du fort Niagara au début d’août, Lahontan, à la tête de son détachement, arriva à destination à la mi-septembre et assuma le commandement du fort. Après un hiver de solitude, il quitta le fort le , pour Michillimakinac, sous prétexte d’aller chercher des provisions pour ses hommes, mais il est probable qu’il voulait surtout tromper son ennui et explorer les Grands Lacs. - « Je suis sur le point d'entreprendre un autre voyage, ne pouvant me résoudre à me morfondre ici l'hiver », explique-t-il dans sa 15e lettre. Accompagné de quatre ou cinq «bons chasseurs outaouais» et d'une partie de son détachement, il quitte Michillimakinac le pour un périple peut-être imaginaire. Ayant pénétré dans le lac Michigan par le nord, il entre dans la baie des Puants (Green Bay). Au sud de la baie, il s'engage dans la rivière aux Renards et effectue, à pied, le portage conduisant à la rivière Wisconsin. Rendu là, il continue vers l'ouest pour atteindre le fleuve Mississippi. Les six canots du convoi descendent le fleuve jusqu'à la mystérieuse rivière Longue qu'il prétend avoir explorée à compter du .

Exil en Europe et la célébrité

La Hontan trouve refuge en Hollande. Avec les notes qu'il a prises et le journal qu'il a tenu pendant son séjour en Nouvelle-France, il publie à partir de 1703 plusieurs ouvrages qui rencontrent un vif succès. Il serait mort entre 1710 et 1715. Il était alors l'un des auteurs les plus estimés et les plus lus d'Europe.

Controverse

Carte de la Riviere Longue

Pour ce qui a trait aux Nouveaux Voyages, un point particulièrement intéressant est à noter. Dans sa célèbre "Lettre XVI", Lahontan met en récit une découverte fluviale, celle de la « rivière Longue », un affluent du Mississippi. Or, le débat reste ouvert depuis plus de 300 ans maintenant, à savoir si cette découverte a bel et bien eu lieu. Différents spécialistes se sont prononcés sur le sujet, mais aucun géographe, historien, ethnologue ou botaniste n'a réussi à démontrer concrètement qu'il s'agit d'une fabulation. Reste toujours que la rivière Longue n'a pas résisté au temps, quant au toponyme s'entend. Il semblerait que les seules études qui seront en mesure de faire la lumière sur cette controverse seront de nature littéraire.

Une carte de la région, de la main du baron, découverte récemment aux archives de Séville, met au jour un curieux anachronisme : ce document, postérieur à la supposée découverte de la rivière Longue, ne porte aucune mention géographique de ce cours d'eau. Il paraît tout à fait improbable que le bon baron l'ait oubliée par mégarde, ce qui tendrait alors à valider l'hypothèse d'une écriture postérieure (en 1701 ou 1702, comme d'autres données biographiques le laissent supposer) et donc, ipso facto, le caractère purement fictif du récit de la découverte de la rivière Longue.

Des recherches sont actuellement menées à l'Université de Montréal pour mettre au jour les procédés littéraires qui auraient permis la supercherie et floué trois siècles de lecteurs. Ces recherches sont de l'ordre de l'étude narrative, de la rhétorique et de la pragmatique textuelle (« coopération interprétative » d'Eco, « effet de réel » de Barthes et « horizon d'attente » de Jauss).

D'autres controverses entourent les écrits de Lahontan sur la Nouvelle-France. Par exemple, dans ses Dialogues, il accuse les missionnaires jésuites du péché de la chair avec les Amérindiennes dans les missions huronnes et autres. On s'entend souvent en historiographie pour reconnaître que les jésuites ont voulu changer leurs aides pour des donnés (?) pour éviter que leurs aides ne s'adonnent à ce plaisir, contredisant ainsi les enseignements des pères. Ou, encore plus célèbre, la fameuse controverse sur les Filles du Roi, ces orphelines envoyées par la couronne pour peupler la colonie, que Lahontan s'est plu à dépeindre comme des filles de petite vertu. Or le baron de Lahontan, très proche du courant de pensée dit "libertin" du XVIIe siècle, dont héritent les « philosophes » du XVIIIe siècle, est aussi un provocateur. Pas plus que pour la rivière Longue, les sources ne confirment les dires de Lahontan. Par contre, son pari de provocation a fonctionné.

Tous ces éléments de provocation ont à la fois contribué à son succès d'auteur exilé au siècle des Lumières puis nui longtemps à sa postérité. Ce n'est qu'au cours du XXe siècle que l'on a redécouvert ses écrits et notamment les Dialogues dont il existe maintenant plusieurs éditions courantes.

Conclusion

Quoi qu'il en soit, Lahontan reste un auteur fort adroit, mais mis au ban des accusés et ostracisé surtout parce qu'il a répandu, jusqu'à aujourd'hui, un mythe négatif des "filles du roi" comme mentionné ci-dessus : il a voulu en faire des prostituées, ce qui mettait assurément, dans les salons, les rieurs de son côté. Il est d'ailleurs assez étonnant qu'on ait eu vite fait de l'expédier dans les rangs des auteurs non crédibles à cause, entre autres, de son affabulation de la rivière Longue et de quelques remarques à l'égard des mœurs des habitantes de la Nouvelle-France, mais que d'un autre côté, plusieurs historiens sérieux, de ses contemporains historiographes jusqu'aux chercheurs universitaires d'aujourd'hui, se basent sur les données fournies par les récits de Lahontan, largement reprises par plusieurs autres auteurs à l'époque (dont Charlevoix et Lafitau en partie).

Publications

  • Dialogues de M. le Baron de La Hontan et d'un sauvage dans l'Amérique (lire en ligne sur Gallica). Amsterdam 1704. Deux rééditions récentes par Thierry Galibert chez Sulliver (2005) et par Henri Coulet chez Desjonquères (2007).
  • Voyages du Chevalier de La Hontan dans l'Amérique, 1704, 1 fort in-−12°
  • Dialogues avec un sauvage, préface et notes de Maurice Roelens, Les classiques du peuple, Editions Sociales, Paris, 1973
  • Å’uvres complètes, édition de Réal Ouellet et d’Alain Beaulieu, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 1990, 2 volumes, 1474 pages.
  • La Suite aux voyages du Baron de Lahontan ou les Nouveaux voyages dans l'Amérique septentrionnale, Mémoires de l'Amérique septentrionnale du Baron de La hontan et les Dialogues imaginaires.

Annexes

Bibliographie

  • Annik-Corona Ouellette, 1975-, 300 ans d'essais au Québec, Beauchemin, 2007[3]
  • Ursula Haskins Gonthier, « Une colonisation linguistique ? Les Mémoires de l’Amérique septentrionale de Lahontan », Études françaises, vol. 45, no 2,‎ , p. 115-129 (lire en ligne)
  • Jean-Marie Apostolidès, « L’altération du récit. Les Dialogues de Lahontan », Études françaises, volume 22, numéro 2, automne 1986, p. 73–86 (lire en ligne).
  • Réal Ouellet, « La fin du voyage. Hasard et parodie chez Lahontan », Études françaises, volume 22, numéro 2, automne 1986, p. 87–96 (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. blogues.banq.qc.ca
  2. (en) David Graeber et David Wengrow, The dawn of everything... A new history of humanity, canada, Signal, , 704 p. (ISBN 978-0771049828)
  3. Ouellette, Annik-Corona, 1975-, 300 ans d'essais au Québec, Beauchemin, (ISBN 9782761647052, OCLC 85737566, lire en ligne)
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