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Long, Long, Long

Long, Long, Long est une chanson des Beatles, Ă©crite par George Harrison et parue sur l'« Album blanc Â» en 1968. ComposĂ©e durant le sĂ©jour du groupe en Inde, il s'agit de la première chanson dans laquelle Harrison exprime son vĂ©cu personnel sur son expĂ©rience spirituelle. Sous des dehors de chanson d'amour, le texte est en rĂ©alitĂ© un message adressĂ© Ă  Dieu, au sujet de la perte de foi dans le catholicisme et d'un retour en verve par la dĂ©couverte de la spiritualitĂ© indienne.

La chanson est enregistrée au cours de deux longues séances les 7 et , ainsi que quelques ajouts le 9, aux studios Abbey Road. Son titre de départ est alors It's Been a Long Long Long Time. Il s'agit d'un morceau calme à base de guitares acoustiques, de piano et d'orgue, auquel John Lennon ne contribue pas.

Publiée juste après le rauque Helter Skelter sur le deuxième disque du double album, Long, Long, Long offre un contraste saisissant qui est, selon certains critiques, sa force, et selon d'autres sa faiblesse. Il s'agit d'un des morceaux les moins connus du groupe. Il a cependant fait l'objet de quelques reprises, et été utilisé pour le générique du film consacré à George Harrison par Martin Scorsese.

Historique

Composition

Ruines de l'ashram de Rishikesh
Long, Long, Long est une des chansons composées par George Harrison dans l'ashram du Maharishi Mahesh Yogi en 1968.

En 1968, George Harrison poursuit avec assiduité le chemin spirituel qui s'est ouvert à lui lors de sa découverte de l'Inde, fin 1965. Déjà, sur des albums des Beatles, il a eu l'occasion d'exprimer et de décrire ses découvertes et constats en chanson, notamment dans Within You Without You[1]. Cela devient peu à peu sa marque de fabrique, et le côté spirituel reste très majoritairement présent dans son œuvre, surtout en solo. Un temps fort de cette période de découverte est le séjour du groupe en Inde auprès du Maharishi Mahesh Yogi. En effet, en dépit de sa fin brutale à la suite d'un différend avec le maître spirituel, le séjour permet aux quatre garçons de s'isoler, de se ressourcer et de composer un grand nombre de chansons. Long, Long, Long fait partie de celles-ci[2].

Si, jusqu'à présent, Harrison avait exprimé avant tout des conceptions philosophiques générales sur son nouveau mode de pensée, il exprime ici plus personnellement son rapport à Dieu. La chanson évoque le thème de retrouvailles après une longue séparation, ce qui retrace le vécu du compositeur. Adolescent, il avait renoncé à sa foi catholique, déçu par les prêtres et leurs discours (qu'il continue à critiquer toute sa vie, en particulier le Vatican)[3]. La découverte de l'hindouisme et sa dévotion nouvelle pour Krishna sont, effectivement, pour George Harrison, des retrouvailles avec le divin, après « un long, long, long moment »[4]. Avec cette chanson, Harrison pose les bases d'un style très personnel, inaugurant une série de chansons sur ses impressions et l'évolution de son sentiment religieux[5].

Enregistrement

Pianos exposés dans le studio 2 d'Abbey Road.
Long, Long, Long est enregistrée au cours de deux séances de 16 heures chacune dans le studio 2 d'Abbey Road.

Long, Long, Long est enregistrĂ©e Ă  la fin des sĂ©ances de travail sur l'« Album blanc Â», en . Les Beatles commencent dĂ©jĂ  Ă  montrer des signes de tension, Ă  tel point que l'ingĂ©nieur du son Geoff Emerick a claquĂ© la porte du studio en juillet, atterrĂ© par l'ambiance dĂ©lĂ©tère[6]. Le groupe alterne donc pĂ©riodes de complicitĂ© et disputes, et certaines des chansons sont mĂŞme enregistrĂ©es en solo (Julia, Wild Honey Pie...). Les chansons de Harrison posent par ailleurs des problèmes. De longues heures de travail ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es fin aoĂ»t sur Not Guilty, qui est finalement abandonnĂ©e[7]. DĂ©but septembre, l'enregistrement de While My Guitar Gently Weeps, appelĂ©e Ă  devenir une pièce maĂ®tresse de l'Ĺ“uvre de George Harrison, a Ă©galement Ă©tĂ© très tendu, Ă  tel point que le guitariste a fait appel Ă  son ami Eric Clapton pour amĂ©liorer l'ambiance et pousser ses camarades Ă  plus de bonne volontĂ©[8].

Dans le cas de Long, Long, Long, l'enregistrement est marqué par l'absence de John Lennon lors de la première séance de travail, le . Les trois autres s'engagent dans une séance fleuve (de 14 h 30 à 7 heures du matin) dans une ambiance plutôt détendue : des plaisanteries sont échangées, le groupe se lance dans plusieurs improvisations... La chanson, qui s'appelle alors It's Been a Long, Long, Long Time (Harrison juge par la suite le titre trop long et le raccourcit) nécessite ce jour-là pas moins de 67 prises. Harrison chante et joue de la guitare acoustique, Paul McCartney est à l'orgue, et Ringo Starr à la batterie[9]. La fin de la séance pousse le groupe à une rapide expérimentation. Une bouteille de vin posée sur l'orgue Hammond dont joue McCartney se met à produire un son étrange combiné à la vibration de la cabine Leslie lorsque ce dernier presse une touche. Le bruit, enregistré et combiné à un roulement de caisse claire, est utilisé pour conclure la chanson[10].

Le repos du groupe est ensuite de courte durée puisque les Beatles sont de retour dès le lendemain à 16 heures pour une séance de travail qui les entraîne jusqu'à 8 heures du matin. Leur présence aux studios EMI d'Abbey Road est telle qu'ils y conservent des brosses à dents durant cette période[9]. Si le plus gros de la séance consiste à l'enregistrement de deux chansons de Lennon, I'm So Tired et The Continuing Story of Bungalow Bill, le début a permis de terminer Long, Long, Long, Harrison enregistrant une deuxième piste de guitare et de chant tandis que McCartney ajoute sa partie de basse[9].

Le lendemain, enfin, McCartney ajoute quelques chœurs, tandis que le producteur Chris Thomas ajoute quelques notes de piano[9]. Le mixage stéréo est ensuite réalisé par George Martin et Ken Scott courant octobre[11].

Parution et reprises

pochette de l'album blanc
Long, Long, Long apparaĂ®t sur le deuxième disque de l'« Album blanc Â».

Long, Long, Long paraĂ®t le sur l'album The Beatles (gĂ©nĂ©ralement nommĂ© « Album blanc Â» pour sa pochette immaculĂ©e). L'album est double, au grand dĂ©sespoir du producteur George Martin : « Je ne pensais pas vraiment que toutes ces chansons valaient la peine d'ĂŞtre publiĂ©es, et je le leur ai dit[12]. » Long, Long, Long y est une des quatre chansons de George Harrison (sur un total de trente morceaux), et apparaĂ®t en fin de la première face du deuxième disque, juste après le très bouillant Helter Skelter[13]. Les avis divergent Ă  son sujet, la chanson Ă©tant tantĂ´t considĂ©rĂ©e comme le « cĹ“ur spirituel » de l'album[14], tantĂ´t comme un morceau mal placĂ© sur un album plus agitĂ©[15].

Bien que l'album soit numéro 1 au Royaume-Uni et aux États-Unis, Long, Long, Long est une des chansons les plus méconnues des Beatles[12]. Elle a tout de même fait l'objet d'une dizaine de reprises, en particulier par le groupe Phish et par Tanya Donelly[16]. En 2011, la version originale de la chanson est utilisée pour le générique de fin du film George Harrison: Living in the Material World de Martin Scorsese[14].

Analyse musicale

Harrison en retraite spirituelle en Inde
Long, Long, Long est la première chanson dans laquelle George Harrison parle personnellement de sa dévotion à Dieu.

Le texte de Long, Long, Long peut, au sens littéral, être pris pour une chanson d'amour adressée à une femme perdue puis retrouvée. Harrison y exprime la douleur de la recherche à l'aveugle, les larmes inutilement perdues, pour mieux se réjouir des retrouvailles. Cependant, comme souvent chez l'auteur, le sens est double, et la chanson s'adresse en réalité à Dieu[14] - [17]. Si c'est la première fois qu'il recourt à cette astuce, il récidive de façon plus retentissante avec Something qui, devenue classique des chansons d'amour, s'adresse toujours au divin, de son propre aveu[18].

D'un point de vue général, la chanson se veut un mélange entre l'Orient et l'Occident[2]. Si les paroles se réfèrent donc à sa spiritualité indienne, le style est proche du folk, transformé par l'ajout d'orgue[19]. Par opposition à Helter Skelter qui la précède, la chanson arbore des sonorités étouffées, des instruments acoustiques et doux, qui créent un contraste très fort. Harrison lui-même chante d'une voix douce et plaintive, donnant parfois l'impression qu'il défaillira avant la fin du morceau ; comme un écho à I'm So Tired du même album, où John Lennon fait de même[15].

Pour les accords, Harrison s'est inspiré d'une chanson de son ami Bob Dylan, Sad Eyed Lady of the Lowlands, publiée en 1966. Le musicien a en effet été séduit par les passages des accords de ré à mi mineur, puis à la, avant un retour en ré[20]. La chanson alterne le refrain, doux, lent et posé (« It's been a long, long, long time »...) et des couplets plus rapides et forts où Harrison chante ce qu'il ratait, son sentiment de perte. La chanson se conclut sur la vibration de la bouteille sur l'orgue Hammond, accompagnée d'un roulement de caisse claire et d'une plainte du chanteur[15].

Fiche technique

Interprètes

Équipe de production

Références

  1. Steve Turner 2006, p. 148 - 149
  2. Joshua M. Greene 2006, p. 99
  3. Bill Harry 2003, p. 319
  4. Bill Harry 2003, p. 320
  5. Simon Leng 2006, p. 38
  6. Mark Lewisohn 1988, p. 143
  7. Mark Lewisohn 1988, p. 147
  8. Mark Lewisohn 1988, p. 154
  9. Mark Lewisohn 1988, p. 159
  10. Bill Harry 2003, p. 254
  11. Mark Lewisohn 1988, p. 161 - 162
  12. Mark Lewisohn 1988, p. 163
  13. Mark Lewisohn 1988, p. 200
  14. (en) « Long, Long, Long Â», The Beatles Bible. ConsultĂ© le 1er mars 2013
  15. (en) Alan W. Pollack, « Notes on Long, Long, Long Â», Rec Music Beatles. ConsultĂ© le 1er mars 2013
  16. (en) Long, Long, Long, Second Hand Songs. Consulté le 1er mars 2013
  17. Joshua M. Greene 2006, p. 98
  18. Joshua M. Greene 2006, p. 142
  19. Simon Leng 2006, p. 37
  20. Steve Turner 2006, p. 203

Bibliographie

  • (en) Joshua M. Greene, Here Comes the Sun : The Spiritual and Musical Journey of George Harrison, Bantam, 2006, rĂ©Ă©dition John Wiley and Sons, 2007, 304 p. (ISBN 978-0-470-12780-3 et 0-470-12780-5)
  • (en) Bill Harry, The George Harrison Encyclopedia, Virgin Books, , 400 p. (ISBN 0-7535-0822-2)
  • (en) Simon Leng, While My Guitar Gently Weeps : The Music of George Harrison, Firefly (2002, 224 p. et rĂ©Ă©dition entièrement rĂ©visĂ©e et augmentĂ©e, Hal Leonard, 2006, 304 p.)
  • (en) Mark Lewisohn, The Beatles Recording Sessions, New York, Harmony Books, , 204 p. (ISBN 0-517-57066-1)
  • Steve Turner (trad. de l'anglais), L'IntĂ©grale Beatles : les secrets de toutes leurs chansons, Paris, Hors Collection, , 288 p. (ISBN 2-258-06585-2)

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