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Littérature-monde

La littérature-monde est un concept apparu en mars 2007 lors de la publication par le journal Le Monde le , au cœur de la campagne présidentielle qui allait mener à l'élection de Nicolas Sarkozy, d'un manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français, suivi, en mai de la même année, d'un ouvrage collectif intitulé Pour une littérature-monde, édité par Michel Le Bris, Jean Rouaud et Eva Almassy et regroupant les contributions de plusieurs auteurs d'expression française venus du monde entier. Une année avant la parution du Manifeste pour une littérature-monde et de l'ouvrage collectif, dans un article publié le dans Le Monde et intitulé La Francophonie, oui... Le ghetto, non !, Alain Mabanckou dénonçait déjà le centralisme de la littérature française et la marginalisation d'autres espaces d'expression française [1]. Son texte, augmenté, sera publié l'année suivante dans l'ouvrage collectif Pour une littérature-monde en français.

Origine du concept

Dans son manifeste Pour une littérature-monde en français, Michel Le Bris rappelle qu'il avait « lancé le mot » littérature-monde en 1992 dans l'ouvrage collectif Pour une littérature voyageuse[2], ainsi que dans la revue Gulliver un an plus tard.

Le terme s'émancipe du champ littéraire à l'occasion de la campagne présidentielle de 2007 avec la publication du manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français dans le journal Le Monde du .

La littérature-monde peut être rapprochée du concept de Tout-monde d’Édouard Glissant qui donnera lieu à la création de l'Institut du tout-monde en 2007.

Dans le monde anglophone, le concept de World Literature ne cesse de se redéfinir depuis Goethe à partir son idée de Weltliteratur. En 2003, la controverse sur ce qu'est la World Literature est relancée en 2003 avec l'ouvrage de David Damrosh « What is World Literature ? »[3]. Cette controverse disciplinaire est avant tout un débat disciplinaire de la Littérature comparée régulièrement mise en crise par ses pairs[4].

Motivation

Ce concept de littĂ©rature-monde vise essentiellement Ă  mettre fin Ă  certaines des ambiguĂŻtĂ©s qui s’attachent Ă  la notion de littĂ©rature francophone, qui, selon l’étymologie, devrait dĂ©signer toute littĂ©rature Ă©crite en langue française. Le concept de « littĂ©rature francophone » serait, en pratique, selon les dĂ©fenseurs du concept de littĂ©rature-monde, exclusivement destinĂ© Ă  dĂ©signer les Ĺ“uvres produites en français par des Ă©crivains, dont la langue maternelle n’est pas le français ou dont la nationalitĂ© n'est pas française. Cette notion crĂ©erait une opposition artificielle entre Ă©crivains « français » et « francophones Â», reposant sur des distinctions douteuses dans la mesure oĂą la dĂ©limitation entre les deux paraĂ®t reposer sur des bases encore moins Ă©videntes que ne laisserait paraĂ®tre une première dĂ©finition dĂ©jĂ  inexacte, selon l’étymologie.

La constatation d’une équivoque

Bien qu’ils soient de nationalitĂ© française, les Ă©crivains comme AimĂ© CĂ©saire, Patrick Chamoiseau, Édouard Glissant, issus d’un dĂ©partement d'outre-mer, seront Ă©tiquetĂ©s « Ă©crivains francophones » tandis que Saint-John Perse, Ă©crivain guadeloupĂ©en, sera Ă©tiquetĂ© Ă©crivain « français ». De mĂŞme, les Ă©crivains quĂ©bĂ©cois, comme un RĂ©jean Ducharme, dont le français est pourtant la langue maternelle, seront classĂ©s, Ă  la diffĂ©rence des Belges ou des Suisses francophones, comme « Ă©crivains francophones ». En revanche, les librairies rangeront des auteurs comme les Italiens Christine de Pisan et Casanova, l’Uruguayen LautrĂ©amont, le Cubain JosĂ©-Maria de Heredia, le Grec Jean MorĂ©as, l’Irlandais Samuel Beckett, le Roumain Eugène Ionesco, l’Espagnol Jorge SemprĂşn ou l’AmĂ©ricain Julien Green, pour n’en citer que quelques-uns, dans leur rayon littĂ©rature française. Seuls de très bons chiffres de vente peuvent permettre Ă  un Ă©crivain « francophone Â» d’espĂ©rer l’accès aux rayons littĂ©rature française, comme aux auteurs de chez Gallimard de passer de la collection « Continents noirs Â» à… la « Collection blanche Â».

RĂ©ponse Ă  des limitations

L’examen du label « francophone Â» montrant que son attribution est cantonnĂ©e aux Ă©crivains en instance ou en mal d’indĂ©pendance ou de dĂ©colonisation, il s’ensuit que l’on s’attend Ă©galement Ă  ce que leur littĂ©rature se ressente des inflexions de leur langue, et surtout, de leur imaginaire.

Ce contingentement de l’imaginaire associĂ© Ă  la notion de « littĂ©rature francophone Â» s’avère Ă©galement comme une limitation imposĂ©e aux Ă©crivains « francophones Â» : on ne demande pas Ă  la Canadienne Nancy Huston de limiter son imaginaire au Canada ou Ă  l’AmĂ©ricain Jonathan Littell de limiter le sien aux États-Unis, tandis que, par exemple, la critique a gardĂ©, en dĂ©pit de sa bonne rĂ©ception par le public, le silence sur Violon, le roman de l’écrivain français de naissance vietnamienne Anna MoĂŻ, dont l’action se passe en Normandie. C’est en rĂ©action Ă  ce genre de tentative de limitations que Dany Laferrière rĂ©pond par des textes provocateurs comme Je suis un Ă©crivain japonais.

Critiques

Plusieurs auteurs se sont élevés contre le concept de littérature-monde et l'attaque portée ainsi à la francophonie, parmi eux l'avocat et écrivain libanais, Alexandre Najjar[5] et le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) Abdou Diouf [6].

Notes

  1. Pour une littérature voyageuse, Éditions Complexe, 1992 (rééd. 1999). Contributeurs : Alain Boer, Nicolas Bouvier, Michel CHaillou, Jean-Luc Coatalem, Alain Dugrand, Jacques Lacarrière, Gilles Lapouge, Michel Le Bris, Jacques Meunier, Georges Walter, Kenneth White.
  2. Damrosch, David. What is world literature?. Princeton University Press, 2003.
  3. Huggan, Graham. "The trouble with world literature." A Companion to Comparative Literature (2011): 490-506.
  4. Contre le manifeste « Pour une littérature-monde en français » Expliquer l’eau par l’eau
  5. « LittĂ©rature-monde en français Â» : Abdou Diouf rĂ©pond aux 44 Ă©crivains qui « choisissent de se poser en fossoyeurs de la Francophonie » le 21 mars 2007

Bibliographie

Articles connexes

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