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Ligue de Corinthe

Pour les articles homonymes, voir Ligue.

La Ligue de Corinthe ou Ligue des HellĂšnes dĂ©signe au IVe siĂšcle av. J.-C. et au IIIe siĂšcle av. J.-C. plusieurs confĂ©dĂ©rations de citĂ©s et d'États grecs sous la domination du royaume de MacĂ©doine.

La Ligue de Corinthe en 336 av. J.-C. (en jaune)

Époque classique

Naissance de la confédération

La premiĂšre Ligue de Corinthe a Ă©tĂ© fondĂ©e en 337 av. J.-C. Ă  l'issue du congrĂšs de Corinthe organisĂ© par le roi de MacĂ©doine Philippe II pendant l’hiver 338. AprĂšs sa victoire Ă  la bataille de ChĂ©ronĂ©e contre AthĂšnes et ThĂšbes, Philippe veut se poser en champion du panhellĂ©nisme afin d'Ă©tendre sa domination sur les Grecs d'Asie et impose une alliance Ă  laquelle toutes les citĂ©s sont contraintes d'adhĂ©rer, Ă  l'exception notable de Sparte qui se voit cependant diminuĂ©e dans ses pouvoirs.

Cette alliance donne une forme stable Ă  l'hĂ©gĂ©monie de la MacĂ©doine qui est permise grĂące Ă  la politique d’expansion de Philippe, et par la suite de son fils Alexandre le Grand, avec les prĂ©paratifs de la conquĂȘte de l'Empire perse de 338 Ă  335. Au dĂ©part il s'agit d'un simple traitĂ© de « paix commune » (en grec ancien ÎșÎżÎčÎœÎź Î”áŒ°ÏÎźÎœÎ·Â / koinĂš eirenĂš) auquel toutes les citĂ©s grecques sauf Sparte adhĂšrent. En rĂ©alitĂ© c’est un moyen pour la MacĂ©doine d’imposer sa souverainetĂ©, Ă  tous les Grecs. En effet il y est indiquĂ© que les Grecs doivent prĂȘter le serment de ne jamais en aucun cas nuire Ă  Philippe II. Ils doivent Ă©galement reconnaĂźtre la descendance de Philippe II comme lĂ©gitime. De plus il contient une interdiction catĂ©gorique de renverser par la force les constitutions des autres citĂ©s ; or ces constitutions sont pour la plupart oligarchiques, ayant subi depuis quelques mois une vigoureuse pression de la part de Philippe[1]. Par ailleurs la ligue interdit aussi les conflits et la piraterie, ainsi que les bannissements illĂ©gitimes, les confiscations, tout nouveau partage des terres, toute abolition des dettes et tout affranchissement en masse des esclaves. Le but en fait est de protĂ©ger les classes possĂ©dantes contre la rĂ©volution pour maintenir la paix, nĂ©cessaire au projet de Philippe qui se cache derriĂšre cette alliance.

Afin de faire respecter cette paix, Philippe fait preuve de gĂ©nĂ©rositĂ© envers les Grecs. Pour commencer il garantit la libertĂ© aux Grecs, la libertĂ© de navigation ainsi que le fait que les diffĂ©rends entre citĂ©s doivent ĂȘtre rĂ©glĂ©s par l'arbitrage d'une tierce citĂ©. Les Grecs restent donc libres sur la terre et la mer. Concernant AthĂšnes, il accorde la sĂ©pulture aux morts de la bataille de ChĂ©ronĂ©e pour AthĂšnes et ses alliĂ©s, ce qui est un signe de respect Ă  leur Ă©gard. Les institutions en place sont Ă©galement maintenues, et ceux qui y porteront atteinte seront punis afin de maintenir la stabilitĂ© politique. Tous les Grecs doivent aussi prĂȘter serment devant les dieux de protĂ©ger cette paix commune afin de participer Ă  son maintien. En remerciement de cette gĂ©nĂ©rositĂ© les AthĂ©niens offrent Ă  Philippe la citoyennetĂ© athĂ©nienne. DĂ©made, un orateur athĂ©nien qui est fait prisonnier pendant la bataille de ChĂ©ronĂ©e, retrouve sa libertĂ© et joue un rĂŽle important dans les nĂ©gociations entre AthĂšnes et la MacĂ©doine, d'oĂč l'expression « paix de DĂ©made » servant Ă  qualifier la paix nĂ©e de la Ligue de Corinthe.

Organisation politique

Les citĂ©s sont reprĂ©sentĂ©es par leurs dĂ©lĂ©guĂ©s respectifs qui siĂšgent au sein d'un Conseil, le SynĂ©drion des HellĂšnes (en grec ancien ÎŁÏ…ÎœÎ­ÎŽÏÎčÎżÎœ Ï„áż¶Îœ áŒ™Î»Î»ÎźÎœÏ‰Îœ)[2]. Cependant, ces dĂ©lĂ©gations ne sont pas Ă  Ă©galitĂ© de voix : elles disposent d'une ou plusieurs voix, au prorata de la population qu'elles reprĂ©sentent, selon le principe adoptĂ© par les BĂ©otiens et les Arcadiens[3]. Ce Conseil siĂšge en gĂ©nĂ©ral Ă  Corinthe, et s'occupe de toutes les questions fĂ©dĂ©rales, ainsi que du contrĂŽle politique et social des citĂ©s. Il fonctionne comme tribunal suprĂȘme : il juge par exemple le citoyen d'une ville fĂ©dĂ©rĂ©e qui s'engage dans une armĂ©e Ă©trangĂšre contre la ligue ou contre son chef, et peut le condamner au bannissement ou Ă  la confiscation[4]. C'est donc avant tout un instrument aux mains d'un maĂźtre, d'autant que c'est Philippe II qui convoque ce SynĂ©drion ou le fait convoquer par un mandataire. Qu'est-ce en rĂ©alitĂ© que la paix qu'on proclame ? Philippe, comme Alexandre, est d'abord un chef de guerre : c'est pourquoi il commence par recenser dans toutes les citĂ©s les hommes en Ă©tat de porter les armes, car il exige des contingents. Il recrute 200 000 fantassins et 15 000 cavaliers[5].

Cette alliance devient en effet rapidement une symmachie (alliance militaire), obĂ©issant Ă  un homme plutĂŽt qu'Ă  une citĂ©, avec pour objectif principal d’envahir l'Empire perse, sous le prĂ©texte de venger la profanation des sanctuaires grecs qui eut lieu pendant les guerres mĂ©diques un siĂšcle et demi plus tĂŽt. Tant que la purification du sacrilĂšge n’a pas Ă©tait faite les Grecs ne peuvent ni pardonner ni oublier. Il faut garantir qu'aucune citĂ© n'exercerait des actions contraires aux lois Ă©tablies. Philippe II Ă©voque Ă©galement l’affaiblissement de la puissance perse aprĂšs l’assassinat d'ArtaxerxĂšs III et la crise de succession qui suit, pour convaincre de les attaquer. Il rappelle aussi aux Grecs leurs nombreuses victoires passĂ©es (Marathon, Salamine, PlatĂ©e, etc.), qui sont la preuve de leur puissance. Il cite dans ses arguments la Ligue de Corinthe de 481, qui a les mĂȘmes objectifs, Ă  savoir libĂ©rer les Grecs d'Anatolie des Perses et y installer des colons grecs afin de ramener paix et prospĂ©ritĂ©.

Philippe II se fait proclamer hĂ©gĂ©mon, c’est-Ă -dire gĂ©nĂ©ral en chef militaire, de la Ligue en 337. À ce titre, il plaide pour une guerre commune de la MacĂ©doine unie Ă  toutes les citĂ©s grecques contre l'Empire achĂ©mĂ©nide. Le premier acte politique de la Ligue de Corinthe est donc le vote de la guerre contre les Perses auparavant et la dĂ©signation de Philippe II comme stratĂšge autocratĂŽr. C'est un titre donnĂ© dans la GrĂšce antique aux dĂ©fenseurs d’une autoritĂ© absolue. Mais la mort de Philippe retarde le projet ; c'est son fils, Alexandre le Grand, qui met son plan en application Ă  partir de 334. Des contingents de la Ligue de Corinthe (commandĂ©s par Antigone le Borgne) prennent part aux campagnes d'Alexandre qui s'achĂšvent par la conquĂȘte de l'Empire perse.

La Ligue de Corinthe n'a plus rien Ă  voir avec les petites confĂ©dĂ©rations qui ont cherchĂ© Ă  sauvegarder leurs intĂ©rĂȘts locaux, ni avec celles qui ont partagĂ© la GrĂšce en deux du temps de la guerre du PĂ©loponnĂšse. Le pacte fĂ©dĂ©ral imposĂ© par la Ligue de Corinthe dĂ©clare l'unitĂ© et la concorde obligatoires dans la GrĂšce tout entiĂšre, surveille les citĂ©s suspectes, et vise Ă  maintenir Ă  jamais leur rĂ©gime monarchique existant. Les citĂ©s-États comme AthĂšnes et Sparte perdent l’initiative au dĂ©triment d’une structure plus grande. Quant aux citĂ©s, elles perdent leurs pouvoirs et l’importance politique et historique qu’elles possĂ©daient. Cette Ă©poque est aussi marquĂ©e par l’ouverture du monde grec sur la pĂ©riode hellĂ©nistique.

Époque hellĂ©nistique

Ligue d'Antigone le Borgne

La Ligue de Corinthe est rĂ©tablie en 302 av. J.-C. par Antigone le Borgne et son fils DĂ©mĂ©trios PoliorcĂšte[6]. RĂ©unissant de nouveau la plupart des États grecs (Ă  l'exception de Sparte, de la MessĂ©nie et de la Thessalie), elle est dirigĂ©e contre Cassandre, nouveau maĂźtre de la MacĂ©doine et doit servir au contrĂŽle de la GrĂšce, alors qu'une garnison antigonide est installĂ©e Ă  Corinthe. Une inscription Ă©pigraphique trouvĂ©e Ă  Épidaure Ă©claire sur ses statuts juridiques[7]. Cette ligue s'apparente Ă  une symmachie, c'est-Ă -dire Ă  une alliance militaire temporaire, tout en visant thĂ©oriquement la « paix commune »[8].

Ligue hellénique d'Antigone III Doson

Une nouvelle Ligue hellĂ©nique est fondĂ©e en 224 av. J.-C. Ă  l'initiative du roi de MacĂ©doine Antigone III Doson dans le cadre de la guerre de ClĂ©omĂšne qui voit la formation d'une alliance entre la MacĂ©doine et la Ligue achĂ©enne contre Sparte. Outre ces deux États alliĂ©s, elle rassemble les Épirotes, les Phocidiens, les BĂ©otiens, les Acarnaniens, les Locriens d'Oponte et les Grecs sous domination macĂ©donienne (Thessaliens et EubĂ©ens)[9]. Contrairement aux prĂ©cĂ©dentes Ligues de Corinthe, cette ligue regroupe des fĂ©dĂ©rations et non plus des citĂ©s. Chacun des États conserve son autonomie interne et envoie des reprĂ©sentants Ă  un Conseil fĂ©dĂ©ral (synĂ©drion) sur convocation du roi de MacĂ©doine en tant qu'hĂ©gĂ©mon. Les dĂ©cisions du Conseil fĂ©dĂ©ral doivent ĂȘtre ratifiĂ©es par les instances intĂ©rieures des États membres. Cette ligue s'avĂšre finalement diffĂ©rences des prĂ©cĂ©dentes car les États, plus puissants que ceux de la fin du IVe siĂšcle av. J.-C.[10], bĂ©nĂ©ficient davantage d'autonomie. La ligue perdure jusqu'au rĂšgne de Philippe V.

Notes et références

  1. Glotz 1970, p. 385.
  2. Eschine, Contre Ctésiphon, 161, 254.
  3. Glotz 1970, p. 386.
  4. Eschine, Contre Ctésiphon, 161, 254 ; Hypéride, Pour Euxénippe, 20 ; DémosthÚne, Sur la couronne, 201.
  5. Glotz 1970, p. 387.
  6. Will 2003, tome 1, p. 77-78.
  7. Will 2003, tome 1, p. 79.
  8. Will 2003, tome 1, p. 78.
  9. Will 2003, tome 1, p. 389.
  10. Will 2003, tome 1, p. 390.

Bibliographie

  • Gustave Glotz, La citĂ© grecque, Albin Michel, coll. « L'Ă©volution de l'humanité », .
  • Paul Goukowsky, Le monde grec et l'Orient : Alexandre et la conquĂȘte de l'Orient, t. 2, PUF, coll. « Peuples et Civilisations », (1re éd. 1975), 702 p. (ISBN 2-13-045482-8) .
  • Sieur de Bury, Philippe II et Alexandre le Grand rois de MacĂ©doine, Paris, Economica, 2011, 316 p.
  • Violaine Sebillotte Cuchet, 100 fiches d'histoire grecque, Paris, BrĂ©al, 4e Ă©dition, 2018, 323 p.
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X) .
  • Édouard Will, Le monde grec et l'Orient : Le monde hellĂ©nistique, t. 2, PUF, coll. « Peuples et Civilisations », (1re éd. 1975), 702 p. (ISBN 2-13-045482-8) .
  • (en) Albert Brian Bosworth, Conquest and Empire. The Reign of Alexander the Great, Cambridge Univ. Pr., Cambridge, 1993, p.187 et suivantes, (ISBN 052140679X).
  • (de) Frank-Gernot Schuffert, Studien zu Krieg und Machtbildung im FrĂŒhhellenismus, Diss. Gießen, 2005, p. 179 et suivantes, lire en ligne