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Les Soirées de l'orchestre

Les Soirées de l'orchestre est un recueil de nouvelles d'Hector Berlioz publié en 1852, après une prépublication partielle dans la Revue et gazette musicale de Paris. Réparties sur 25 soirées, ces nouvelles s'achèvent sur l'évocation d'une utopie de ville musicale, Euphonia.

Les Soirées de l'orchestre
Image illustrative de l’article Les Soirées de l'orchestre
Page de titre de la 3e édition (1878)

Auteur Hector Berlioz
Pays Second Empire
Genre Nouvelles et critique musicale
Éditeur Michel Lévy frères
Lieu de parution Paris
Date de parution décembre 1852

Derrière la satire des travers du milieu musical dans lequel le compositeur évolue, on trouve également dans ce recueil un témoignage précieux de la société de la première moitié du XIXe siècle, et des éléments éclairants sur l'art musical susceptible de provoquer une passion enthousiaste chez Berlioz, et par extension sur celui du compositeur lui-même. Il est en cela un complément des Mémoires et autres ouvrages en prose de l'écrivain qu'était aussi Hector Berlioz.

Présentation

Les Soirées de l'orchestre se présentent comme « une série de contes à la manière de Hoffmann[1] ». Avec une écriture acerbe et pleine d'humour, Berlioz imagine un orchestre de son temps, où les musiciens, qui s'ennuient à jouer des œuvres plates et sans intérêt, passent leurs répétitions et concerts à se raconter des histoires. Le principe de ce contexte pose un jugement de valeur important sur la musique de son époque : en effet, les soirs où l'on joue le Freischütz de Weber, Don Giovanni de Mozart, Fidelio de Beethoven, Iphigénie en Tauride de Gluck, ou encore Les Huguenots de Meyerbeer, les musiciens ne parlent pas entre eux, ils se concentrent, il n'y a donc pas de nouvelle. Cependant, le texte très court de ces soirées contient généralement un élément, en relation avec le morceau joué, qui sera central dans la nouvelle suivante [2]. Dans les soirées où l'on joue des œuvres qu'il estime médiocres (et où la présence d'une nouvelle condamne a priori l’œuvre jouée), Berlioz évoque une multitude de thèmes liés aux difficultés qu'il a pu rencontrer dans sa profession ou qui décrivent le milieu artistique, y compris avec ses défauts : attaques contre des compositeurs de génie (4ème Soirée), l'organisation de la claque dans les théâtres (7ème et 8ème Soirées), une comparaison entre Londres et Paris, peu flatteuse pour la capitale française (9ème et 10ème Soirées), la description du cadre et de plusieurs éléments de l'exposition universelle de Londres de 1851 (21ème Soirée)[3].

Les soirées

Prologue

Le prologue décrit la situation typique d'un musicien de l'orchestre jouant une oeuvre longue et forcé d'avoir de longs intervalles d'attente, pendant lesquels il compte ses mesures. Berlioz place ses personnages dans un théâtre du Nord de l'Europe où les musiciens comblent ces intervalles par la lecture de livres de Balzac, Dickens ou Humboldt, ou encore échangent des récits. Les participants, en dehors du joueur de grosse caisse victime des moqueries de l'auteur, sont le chef d'orchestre, le premier violon Corsino, le chef des seconds violons Siedler, la première contrebasse Dimski, la seconde flûte Turuth, le timbalier Kleiner aîné, le premier violoncelle Kleiner jeune, le premier hautbois Dervinck, le second basson Winter, l'alto Bacon, le premier cor Moran, le troisième cor Schmidt, le garçon d'orchestre Carlo, un monsieur habitué des salles du parquet, et Berlioz lui-même. Bacon « ne descend point de celui qui inventa la poudre », dit l'auteur, et le cor s'appelle Moran[4].

Première soirée

Le premier opéra, nouvelle du passé. Vincenza, nouvelle sentimentale. Vexations de Kleiner l'aîné.
Un des altos fait le récit d'un échange de lettres entre Alfonso Della Viola, un célèbre compositeur de madrigaux, et son ami le sculpteur Benvenuto Cellini. La scène se passe en 1555, Della Viola est pressenti pour créer à Florence la première tragédie en musique (un opéra), mais le Grand-Duc qui l'emploie néglige de donner suite à son projet, disant qu'il a changé d'avis. Le compositeur devenu célèbre met alors en scène, quelques années plus tard, une vengeance terrible: il organise un concert où toute la population, noble et roturière, est présente, puis abandonne le concert au dernier moment, disant qu'il a, lui aussi, changé d'avis.
Dans un registre plus "sentimental et fleur bleue", la seconde flûte, Turuth, fait le récit de Vincenza, une jeune paysanne d'Albano, éperdument éprise du peintre G***. Diffamée par des tiers, elle est rejetée par lui et pense à se jeter dans le Tibre. Turuth se charge alors d'une médiation, et G*** accepte de la revoir, s'il a acquis plus de certitudes sur sa vertu. Il laissera alors sa clef sur la porte. Sinon, c'est qu'il refuse de la revoir. Turuth transmet le message mais oublie de dire à la jeune femme que G*** a changé d'atelier. Se rendant à la mauvaise adresse, Vincenza croit qu'elle est définitivement rejetée et met fin à ses jours.
La soirée se termine sur les vexations de Kleiner l'aîné, qui met sur le même plan son malheur d'avoir perdu sa mère et celui de ne pas pouvoir boire de bavaroise au lait dans un café.

Deuxième soirée

Le Harpiste ambulant, nouvelle du présent. Exécution d'un oratorio. Le sommeil des justes.
On joue un oratorio d'un "ennui froid, noir et pesant comme les murailles d'un église protestante". Pour réveiller son voisin altiste qui vient de s'endormir sur son épaule, l'auteur raconte un épisode de son dernier voyage en Allemagne.

Troisième soirée

On joue Le Freischütz de Weber. "Personne ne parle dans l'orchestre. Chacun des musiciens est occupé de sa tâche, qu'il remplit avec zèle et amour".

Quatrième soirée

Un début dans le Freyschütz. Nouvelle nécrologique. Marescot. Étude d'équarisseur.

Cinquième soirée

L'S de Robert le Diable, nouvelle grammaticale.

Sixième soirée

Étude astronomique, révolution du ténor autour du public. Vexation de Kleiner le jeune .

Septième soirée

Étude historique et philosophique. De viris illustribus urbis Romae.Une romaine. Vocabulaire de la langue des romains.

Huitième soirée

Romains du nouveau monde. M. Barnum. Voyage de Jenny Lind en Amérique.

Neuvième soirée

L'opéra de Paris. Les théâtres lyriques de Londres. Étude morale.

Dixième soirée

Quelques mots sur l'état présent de la musique, ses défauts, ses malheurs et ses chagrins. L'institution du tack. Une victime du tack.
L'auteur lit une brochure sur l'état actuel de la musique en France. Composée sur un ton satirique, elle la compare à une créature vulgaire : "Pâle et ridée, vous en êtes venue à vous peindre le visage en bleu, en blanc et en rouge, comme une sauvagesse. Bientôt, vous vous barbouillerez de noir les paupières et vous porterez des anneaux d'or au nez.(...) Vous ne vocalisez plus, vous vociférez[5]." La Musique personnifiée se plaint alors de ne plus susciter dans le public qu'une indifférence outrageante, et que tous les acteurs des créations musicales dramatiques se soucient d'à peu près tout, sauf d'elle.

Onzième soirée

L’œuvre jouée (de Berlioz lui-même, non cité) bouleverse les musiciens. "Personne ne parle".

Douzième soirée

Le suicide par enthousiasme, nouvelle vraie.

Treizième soirée

Spontini, esquisse biographique.
L'auteur étant un admirateur passionné de Spontini, il en fait une courte biographie : Gaspard Spontini naît le 14 novembre 1779 à Majolati, et fait ses études musicales au Conservatoire della Pieta de Naples. Influencé, selon l'auteur, par les oeuvres de Glück, Méhul et Cherubini, il exploite "par instinct" les effets des masses vocales et orchestrales, et le jeu varié des modulations, ce qui lui vaut d'être à Paris considéré avec indifférence ou même hostilité. Conservant cependant la protection de l'impératrice Joséphine, il se voit confier le livret de La Vestale, mais il est confronté à des résistances farouches. Lors de la création de l'oeuvre, une cabale est montée contre lui : on doit rire et bailler en entendant sa musique, et les conspirateurs prévoient de se coiffer d'un bonnet de nuit et de faire mine de s'endormir. Cependant l'oeuvre finit par déchaîner une "tempête d'enthousiasme". Berlioz justifie cet accueil passionné par plusieurs exemples de ce qu'il considère comme de particulières réussites : l'air de Julia, le duo des amants, l'entrée du peuple et des prêtres dans le temple dans le finale, etc. Il fait remarquer l'usage très maîtrisé de l'orchestre, et, dans la stretta, une intelligente utilisation des voix d'hommes divisées en deux groupes de six parties, dont trois se font entendre à la fois. Berlioz fait aussi remarquer que l'exécution de la Vestale demande des qualités hors du commun : chez les chanteurs par exemple, des voix puissantes et une capacité à être aussi un grand acteur de théâtre, un grand tragédien; chez les musiciens, un orchestre et un chef doués de puissance. Berlioz dénonce aussi avec énergie les "corrections" que l'opéra doit subir lors de représentations ultérieures. Il décrit enfin avec admiration les innovations harmoniques du compositeur dans la musique dramatique, comme des modulations étrangères au ton principal, et des modulations enharmoniques, "revirement inattendu de la tonalité"[6].

Quatorzième soirée

Les opéras se suivent et se ressemblent. La question du beau. La Marie Stuart de Schiller.Une visite à Tom Pouce, nouvelle invraisemblable.

Quinzième soirée

On joue Fidelio de Beethoven.

Seizième soirée

Études musicales et phrénologiques. Les cauchemars. Les puritains de la musique religieuse. Paganini, esquisse biographique.

Dix-septième soirée

On joue Le Barbier de Séville de Rossini.

Dix-huitième soirée

Accusation portée contre la critique de l'auteur. Sa défense. Réplique de l'avocat général. Pièces à l'appui. Analyse du phare. Les représentants sous-marins. Analyse de Diletta. Idylle. Le piano enragé.

Dix-neuvième soirée

On joue Don Giovanni de Mozart.

Vingtième soirée

Glanes historiques, susceptibilité singulière de Napoléon, sa sagacité musicale. Napoléon et Lesueur. Napoléon et la république de San-Marino.

Vingt-et-unième soirée

Études musicales. Les enfants de charité à l'église de Saint-Paul de Londres, chœur de 6500 voix. Le Palais de Cristal à sept heures du matin. La chapelle de l'empereur de Russie. Institutions musicales de l'Angleterre. Les Chinois chanteurs et instrumentistes à Londres; les Indiens; l'Highlander; les Noirs des rues.
Occupant une fonction de juré pendant l' Exposition universelle de 1851, Berlioz est à Londres en juin de cette année-là, et raconte aux musiciens de l'orchestre ce qu'il y a vu et entendu.
Il assiste par exemple au concert annuel de charité en faveur des enfants pauvres, qui a lieu dans la cathédrale Saint-Paul. Jeunes garçons et filles y forment un chœur de 6500 voix, accompagné d'un orgue, d'une puissance qui émeut fortement le compositeur, d'autant qu'il peut constater l'effet des structures de l'immense bâtiment sur l'acoustique finale du psaume chanté[7] (All people that on earth do dwell de William Kethe[8]). Il imagine alors l'équivalent à Paris : le Panthéon, qui pourrait contenir 5000 auditeurs, un chœur de 1500 enfants, 500 femmes, 2000 hommes, un orchestre de 300 ou 400 musiciens, à qui serait confiée "une belle œuvre, écrite dans le style convenable à de tels moyens, sur un sujet où la grandeur est unie à la noblesse". Puis il décrit le Palais des Expositions au début du jour, avant que ses fonctions de juré ne reprennent.

Vingt-deuxième soirée

On joue Iphigénie en Tauride de Gluck.

Vingt-troisième soirée

Glück et les conservatoriens de Naples, mot de Durante.

Vingt-quatrième soirée

On joue Les Huguenots de Meyerbeer.

Vingt-cinquième soirée

Euphonia, ou la ville musicale.

Euphonia, ou la ville musicale, est une nouvelle d'anticipation qui décrit une petite ville allemande utopique dont la population est exclusivement occupée à faire de la musique sous toutes ses formes. Le texte est écrit sous forme d'échanges de lettres, de récits et de dialogues.

Publication et critiques

Sous des formes plus ou moins abouties, la plupart des Soirées de l'Orchestre sont publiées longtemps avant leur réunion dans le recueil, sous forme de feuilletons dans diverses revues, dont La Gazette musicale, Les Débats et L'Europe Littéraire. Alors qu'Un début dans le Freyschütz a été réduite, Euphonia et L'Institution du Tack ont été au contraire développées. La prépublication du recueil s'étend elle-même sur cinq numéros de la Revue et gazette musicale de Paris de 1852, du 19 septembre au 17 octobre[9]. Puis l'ouvrage est publié en décembre chez Michel Lévy[10], et reçoit un bon accueil critique[11]. En 1979, Michel Le Bris propose « à qui voudrait goûter le talent de Berlioz écrivain, à qui voudrait saisir l'expression la plus parfaite, peut-être, de l'« esprit romantique » […] avant l'obligatoire visite du monument désormais historique de ces Mémoires, un détour « à travers chants » vers une sorte de miraculeux chef-d'œuvre de cocasserie et de gravité mêlées, à peu près inconnu du public, s'il fait les délices des happy few — je veux parler, bien sûr, des Soirées de l'orchestre[12] ». La réédition de 2012 (ed. Symétrie) est qualifiée de "jubilatoire" par Jean-Christophe Le Toquin.

Bibliographie

Éditions

  • Hector Berlioz, Les Soirées de l'orchestre, Paris, Calmann Lévy, , 3e éd. (1re éd. 1852), 428 p. (lire en ligne).
  • Hector Berlioz et Léon Guichard (éd.), Les Soirées de l'orchestre, Paris, Gründ, , 649 p. (ISBN 2-7000-2102-9)
    Édition « du centenaire », avec une préface d'Henry Barraud.
  • Hector Berlioz et Alain Galliari (notes et postface), Le Suicide par enthousiasme, et autres nouvelles, Paris, L'arche, , 141 p. (ISBN 2-85181-365-X)
    Texte des éditions originales de cinq nouvelles des Soirées de l'orchestre.
  • Hector Berlioz et Bruno Messina (préface), Les Soirées de l'orchestre, Paris, Éditions Symétrie, , 450 p. (ISBN 978-2-914373-89-0)

Monographies

Articles

Notes et références

Notes

    Références

    Articles connexes

    Liens externes

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