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Leptosphaeria maculans

Leptosphaeria maculans (anamorphe : Phoma lingam) est un champignon phytopathogène hémibiotrophe de la classe des dothideomycetes, division des Ascomycota. Il cause une pathologie appelée « nécrose du collet », ou « pied noir », sur les plantes de la famille des Brassicaceae, qui inclut la navette, la moutarde noire, le chou et surtout le colza (Brassica napus).

Leptosphaeria maculans
Description de cette image, également commentée ci-après
Leptosphaeria maculans sur une feuille de rutabaga (Brassica napus)

Espèce

Leptosphaeria maculans
(Sowerby) P. Karst. (1863)

Synonymes

Phyllosticta brassicae
Sphaeria maculans Sowerby (1803)

Taxonomie

Leptosphaeria maculans appartient à l’ordre des Pleosporales, dans lequel on retrouve d’autres phytopathogènes comme Cochliobolus heterostrophus, Phaeosphaeria nodorum ou encore Alternaria alternata [1]. Leptosphaeria maculans forme un complexe d’espèce avec Leptosphaeria biglobosa, une autre espèce du genre Leptosphaeria qui colonise les mêmes hôtes mais avec un timing différent. On retrouve 7 sous-espèces au sein de ce complexe, 2 chez Leptosphaeria maculans (« brassicaceae » et « lepidi »), et 7 chez Leptosphaeria biglobosa (« brassicaceae », « canadensis », erysimii », « australensis » et « thlaspii »). Seul Leptosphaeria maculans est capable de provoquer une verse parasitaire en fin de saison culturale, et donc de provoquer des dégâts sur les cultures [2].

Pathosystème Leptosphaeria maculans / Brassica napus

Leptosphaeria maculans peut se développer sur toutes les plantes de la famille des Brassicaceae (anciennement Crucifères), et particulièrement sur celles du genre Brassica. Il peut également infecter la plante modèle Arabidopsis thaliana, ce qui facilite son étude en laboratoire [3]. Leptosphaeria maculans possède un cycle de vie complexe sur le colza. Il commence par une phase de développement saprophyte sur les débris de culture. Cette phase est d’une importance cruciale pour le champignon, car c’est à ce moment qu’il accomplit sa reproduction sexuée. Des ascospore sont produites en quantité importante et constituent la source de l’inoculum primaire. Ces ascospores sont libérées à la suite d'une baisse de température associée à des précipitations (généralement vers la période des semis de colza, au début de l’automne). Elles peuvent se déplacer sur de grandes distances et se déposent sur les feuilles des plantules de colza et y germent. Le champignon différencie alors un hyphe de pénétration qui pénètre dans la plante par les stomates ou des blessures au niveau des feuilles. La deuxième phase de la vie du champignon débute, avec un développement nécrotrophe qui coïncide avec la formation de macules sur les feuilles. Sur ces macules se différencient des pycnides, dans lesquelles seront produites des pycnidiospores (des spores asexuées). Ces pycnidiospores sont disséminées sur des distances plus courtes que les ascospores et provoquent des cycles secondaires d’infection [4]. Par la suite, Leptosphaeria maculans devient endophyte au cours d’une phase de développement asymptomatique (pouvant durer jusqu’à neuf mois) durant laquelle il colonise la tige de la plante. Enfin, vers le début de l’été, Leptosphaeria maculans redevient nécrotrophe et provoque la nécrose de la tige. Cette nécrose, qui donne son nom à la maladie, a pour conséquence une verse parasitaire, responsable de pertes de rendement importantes dans la culture du colza (30 à 50 % selon les années)[4]. Leptosphaeria maculans possède donc une capacité exceptionnelle à alterner entre des modes de vie très différents : saprophytisme, parasitisme nécrotrophe et endophytisme.

GĂ©nome de Leptosphaeria maculans

Le gĂ©nome de Leptosphaeria maculans a Ă©tĂ© sĂ©quencĂ© en 2011[5]. Il comporte 45,12 Mb, rĂ©parties sur 17 ou 18 chromosomes selon les souches (dont un minichromosome non nĂ©cessaire transmis de manière non-mendelienne[6]). 12 649 gènes ont Ă©tĂ© prĂ©dits, ce qui est relativement proche des gĂ©nomes des ascomycètes (qui contiennent entre 10 000 et 15 000 gènes)[5]. En revanche, contrairement aux autres gĂ©nomes d’ascomycètes, le gĂ©nome de Leptosphaeria maculans contient beaucoup d’élĂ©ments rĂ©pĂ©tĂ©s (environ 33 % du gĂ©nome). En effet il semble que ce gĂ©nome ait Ă©tĂ© massivement envahi par des Ă©lĂ©ments transposables[7], qui ont par la suite Ă©tĂ© inactivĂ©s par le phĂ©nomène de RIP (Repeat Induced Point mutation), un mĂ©canisme prĂ©mĂ©iotique propre Ă  la plupart des champignons filamenteux qui permet de rĂ©guler la propagation des Ă©lĂ©ments rĂ©pĂ©tĂ©s en mutant les cytosine en thymine[8]. Ces deux phĂ©nomènes (invasion par les Ă©lĂ©ments transposables et inactivation par le RIP) ont pour consĂ©quence une structure du gĂ©nome de Leptosphaeria maculans en deux types de rĂ©gions : une partie du gĂ©nome prĂ©sente un pourcentage Ă©quilibrĂ© en guanine et cytosine (51 % de GC). Ce sont les isochores GC. L’autre partie du gĂ©nome possède un taux de guanine et cytosine plus faible (environ 34 %) et correspond aux rĂ©gions envahies par les Ă©lĂ©ments transposables. Ce sont les isochores AT, qui reprĂ©sente un tiers du gĂ©nome (n’incluant pas les rĂ©gions rĂ©pĂ©tĂ©es plus communes, tel que les rĂ©gions centromĂ©riques ou tĂ©lomĂ©riques). Les isochores GC regroupent 95 % des gènes prĂ©dits. Les isochores AT ne contiennent que 5 % de ces gènes prĂ©dits et possèdent un faible taux de recombinaison par crossing-over[5]. Il a Ă©tĂ© rĂ©cemment proposĂ© que les isochores AT permettent une Ă©volution très rapide des gènes codant des effecteurs, des molĂ©cules synthĂ©tisĂ©es par l'agent pathogène dans le but de dĂ©tourner l’immunitĂ© de la plante[9], sur lesquels Leptosphaeria maculans base sa stratĂ©gie parasitaire. En effet le phĂ©nomène de RIP entraĂ®nerait une divergence des sĂ©quences situĂ©es dans ces rĂ©gions[10]. Les gènes codant des effecteurs seraient donc frĂ©quemment mutĂ©s voire inactivĂ©s. Cela explique l’adaptation extrĂŞmement rapide de Leptosphaeria maculans aux contraintes environnementales et aux variĂ©tĂ©s rĂ©sistantes dĂ©ployĂ©es dans le cadre de la lutte gĂ©nĂ©tique[11]. D’un point de vue chronologique, il semble que la classe des DothidĂ©omycetes se soit sĂ©parĂ©e il y a 251 Ă  289 millions d’annĂ©es. L’ordre des PlĂ©osporales, comportant beaucoup de phytopathogènes, serait apparu il y a 97 Ă  112 millions d’annĂ©es (Ă  une Ă©poque oĂą les plantes commencent Ă  ĂŞtre très rĂ©pandues Ă  la surface de la Terre), Leptosphaeria maculans aurait divergĂ© il y a 50 Ă  57 millions d’annĂ©es, et l’invasion de son gĂ©nome par des Ă©lĂ©ments transposables daterait d’il y a 4 Ă  20 millions d’annĂ©es. Cet agent pathogène a donc une longue histoire Ă©volutive derrière lui[5].

Moyens de lutte

Lutte chimique

En 2013, seuls 4 fongicides étaient autorisés pour le traitement du phoma du colza : 2 de la famille des triazoles et 2 de la famille des carboxamides. Fin 2013, un nouveau fongicide a reçu une autorisation de mise sur le marché : PROPULSE (constitué d’un mélange de prothioconazole et de Fluopyram ), mis au point par la société BAYER[12]. Le rendement de la lutte chimique faisant appel aux fongicides est considéré comme médiocre. Les seuls fongicides utilisables contre Leptosphaeria maculans étant des fongicides préventifs (destinés à empêcher la colonisation des feuilles par le champignon), leur efficacité est grandement diminuée en cas de pluie. Or la dissémination des ascospores de Leptosphaerai maculans est grandement facilitée par la pluie. De plus, ces fongicides sont totalement inefficaces au cours de la phase de vie endophyte du champignon (lorsqu’il colonise la tige).

Lutte agronomique

La lutte contre Leptosphaeria maculans peut passer par de simples pratiques culturales adaptées. Une période de semis optimale doit être respectée, et le semis ne doit pas être fait de manière trop dense (pas plus de 40 graines par m²). De plus, limiter les apports d’engrais organiques permet de limiter la disponibilité en azote pour le champignon et complique son développement. Enfin, il est très important d’enfouir les débris de cultures (paille...) afin d’empêcher la période de reproduction sexuée de Leptosphaeria maculans, cruciale pour l’adaptation du champignon[12].

Lutte génétique

La lutte génétique est le moyen de lutte le plus efficace contre Leptosphaeria maculans. Elle consiste à utiliser des variétés de colza présentant des caractères de résistance contre Leptosphaeria maculans selon les modalités du modèle gène-pour-gène. Selon ce modèle, la résistance d’une plante à un agent pathogène donné, ainsi que la capacité de cet agent pathogène à provoquer une maladie sur cette plante, sont deux paramètres contrôlés par deux gènes : un gène de résistance (R) de la plante, et un gène d’avirulence (Avr) de l’agent pathogène. Les plantes exprimant un gène R spécifique sont résistantes aux agents pathogènes exprimant le gène Avr correspondant[13]. Dans le cadre du pathosystème Leptosphaeria maculans / Brassica napus, des variétés de colza exprimant un gène de résistance à Leptosphaeria maculans (Rlm) reconnaissant le gène d’avirulence de Leptosphaeria maculans (AvrLm) correspondant sont utilisées. La reconnaissance du gène d’avirulence par le gène de résistance entraîne une résistance de la plante et une incapacité de l’agent pathogène à provoquer une maladie[5]. Les résistances variétales conférées par un seul gène sont généralement très efficaces, mais peuvent être contournées assez rapidement via l’apparition de souches de Leptosphaeria maculans résistantes. La résistance Rlm1, reconnaissant le gène d’avirulence AvrLm1, a ainsi été contournée après 5 ans d’utilisation au champ[14]. De nouvelles sources de résistance sont donc continuellement recherchées. À ce jour 11 interactions génétiques Rlm/AvrLm ont été caractérisées, mais toutes ne sont pas encore exploitées[8] - [15] - [16].

Références

  1. "Leptosphaeria maculans (Sowerby) P. Karst. 1863". MycoBank. International Mycological Association. Retrieved 2011-07-05.
  2. Howlett, B.J., Idnurm, A., et Pedras, M.S. (2001). Leptosphaeria maculans, the causal agent of blackleg disease of Brassicas. Fungal Genet. Biol. FG B 33, 1–14.
  3. http://www.genoscope.cns.fr/spip/Leptosphaeria-maculans-complex.html A phytopathological fungus displaying complex parasitic strategies - Site du Genoscope.
  4. http://www.apsnet.org/edcenter/intropp/lessons/fungi/ascomycetes/Pages/Blackleg.aspx, "Blackleg of Oilseed Rape.", Apsnet, 2012
  5. Rouxel, T., Grandaubert, J., Hane, J.K., Hoede, C., van de Wouw, A.P., Couloux, A., Dominguez, V., Anthouard, V., Bally, P., Bourras, S., et al. (2011). Effector diversification within compartments of the Leptosphaeria maculans genome affected by Repeat-Induced Point mutations. Nat. Commun. 2, 202..
  6. Balesdent, M.-H., Fudal, I., Ollivier, B., Bally, P., Grandaubert, J., Eber, F., Chèvre, A.-M., Leflon, M., et Rouxel, T. (2013). The dispensable chromosome of Leptosphaeria maculans shelters an effector gene conferring avirulence towards Brassica rapa. New Phytol. 198, 887–898.
  7. Grandaubert, J., Balesdent, M.-H., et Rouxel, T. (2013). Incidence des Éléments Transposables sur l’évolution des génomes des champignons phytopathogènes et sur leur potentiel adaptatif. Biol. Aujourd'hui 207, 277–290.
  8. Fudal, I., Ross, S., Gout, L., Blaise, F., Kuhn, M.L., Eckert, M.R., Cattolico, L., Bernard-Samain, S., Balesdent, M.H., et Rouxel, T. (2007). Heterochromatin-like regions as ecological niches for avirulence genes in the Leptosphaeria maculans genome: map-based cloning of AvrLm6. Mol. Plant-Microbe Interact. MPMI 20, 459–470..
  9. Kamoun, S. (2007). Groovy times: filamentous pathogen effectors revealed. Curr. Opin. Plant Biol. 10, 358–365.
  10. Fudal, I., Ross, S., Brun, H., Besnard, A.-L., Ermel, M., Kuhn, M.-L., Balesdent, M.-H., et Rouxel, T. (2009). Repeat-induced point mutation (RIP) as an alternative mechanism of evolution toward virulence in Leptosphaeria maculans. Mol. Plant-Microbe Interact. MPMI 22, 932–941.
  11. Rouxel, T., et Balesdent, M.H. (2005). The stem canker (blackleg) fungus, Leptosphaeria maculans, enters the genomic era. Mol. Plant Pathol. 6, 225–241.
  12. http://www.cetiom.fr/colza/cultiver-du-colza/maladies/phoma/lutte/ CETIOM Phoma : lutte - CETIOM - Centre technique des oléagineux.
  13. Flor, H.H. (1971). Current Status of the Gene-For-Gene Concept. Annu. Rev. Phytopathol. 9, 275–296.
  14. Daverdin, G., Rouxel, T., Gout, L., Aubertot, J.-N., Fudal, I., Meyer, M., Parlange, F., Carpezat, J., et Balesdent, M.-H. (2012). Genome Structure and Reproductive Behaviour Influence the Evolutionary Potential of a Fungal Phytopathogen. PLoS Pathog 8, e1003020.
  15. Gout, L., Fudal, I., Kuhn, M.-L., Blaise, F., Eckert, M., Cattolico, L., Balesdent, M.-H., et Rouxel, T. (2006). Lost in the middle of nowhere: the AvrLm1 avirulence gene of the Dothideomycete Leptosphaeria maculans. Mol. Microbiol. 60, 67–80.
  16. Parlange, F., Daverdin, G., Fudal, I., Kuhn, M.-L., Balesdent, M.-H., Blaise, F., Grezes-Besset, B., et Rouxel, T. (2009). Leptosphaeria maculans avirulence gene AvrLm4-7 confers a dual recognition specificity by the Rlm4 and Rlm7 resistance genes of oilseed rape, and circumvents Rlm4-mediated recognition through a single amino acid change. Mol. Microbiol. 71, 851–863.
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