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Le Banquet (XĂ©nophon)

Le Banquet (en grec ancien ÎŁÏ…ÎŒÏ€ÏŒÏƒÎčÎżÎœ) est un texte de XĂ©nophon, dialogue Ă©crit entre -390 et -370[1], alors que l’auteur rĂ©side dans son domaine de Scillonte, ville du PĂ©loponnĂšse. Il est constituĂ© d’une sĂ©rie de discours portant sur la nature et les qualitĂ©s de l’amour.

Le Banquet (XĂ©nophon)
Auteur XĂ©nophon
Pays GrĂšce
Genre Dialogue socratique
Version originale
Langue Grec de l'Attique
Titre SumpĂłsion
Lieu de parution Sparte ou Corinthe
Date de parution -387
Version française
Traducteur Pierre Chambry
Éditeur GF Flammarion
Lieu de parution Paris
Date de parution 1996

Lieu et date dramatiques

Le banquet est censĂ© avoir eu lieu chez Callias, dans sa maison au PirĂ©e, l'annĂ©e oĂč Autolycos fut victorieux au pancrace, en 422 ou en [2].

Présentation

ScÚne de Banquet. Coupe attique, v. 480 av. J.-C. (musée du Louvre).

Dans le Banquet de XĂ©nophon, la conversation Ă  laquelle Socrate impose plus ou moins discrĂštement ses orientations, contient en filigrane une immense argumentation en faveur de la kalokagathie, ses caractĂ©ristiques et des moyens d’y accĂ©der.

XĂ©nophon dĂ©crit Socrate diffĂ©remment de Platon : l’amour est censĂ© manquer de beautĂ©, parce qu’il recherche la beautĂ© et que l’on ne recherche que ce dont on manque[3]. XĂ©nophon donne suite Ă  ses MĂ©morables par son Banquet. La beautĂ© de l’athlĂšte Autolycos monopolise l’attention de tous les convives, invitĂ©s par Callias chez lui Ă  participer Ă  un banquet en l’honneur d’Autolycos, dont l’auteur rapporte le symposion — traditionnellement traduit par « Banquet », plus littĂ©ralement « rĂ©union de buveurs » et plus exactement « Beuverie » — est l’un des loisirs prĂ©fĂ©rĂ©s des Grecs. Il Ă©tait autorisĂ© aux hommes de danser Ă  la fin des banquets, pendant le symposion, prĂ©textant l’ivresse : ThĂ©ophraste dans son ouvrage CaractĂšres, montre comme tout Ă  fait inappropriĂ© un malotru qui prend pour partenaire quelqu’un de sobre, pas mĂȘme Ă©mĂ©chĂ©[4]. Certains anachronismes ont Ă©tĂ© relevĂ©s par AthĂ©nĂ©e chez Platon et XĂ©nophon, et notamment Claude MossĂ© dans son Ă©dition du MĂ©nĂ©xĂšne[5] : selon AthĂ©nĂ©e de Naucratis, XĂ©nophon n’était peut-ĂȘtre pas encore nĂ©, au moins aurait-il Ă©tĂ© enfant Ă  cette Ă©poque[6].

Introduction

Callias, Autolycos et son pùre l’orateur Lycon rencontrent Socrate en compagnie de ses disciples Antisthùne, Criton d'Athùnes et son fils Critobule ; Charmide et le philosophe Hermogùne.

Personnages principaux

  • Socrate, philosophe.
  • Callias : Ă©raste d’Autolycos, riche notable athĂ©nien dans la maison duquel a lieu le dialogue.
  • AntisthĂšne : philosophe grec, considĂ©rĂ© comme le fondateur de l’école cynique et initiateur de l’école stoĂŻque. Des deux ouvrages socratiques intitulĂ©s Le Banquet, AntisthĂšne n'est prĂ©sent que dans la version de XĂ©nophon.
  • Charmide : jeune noble dĂ©sargentĂ©, oncle de Platon.
  • Autolycos, fils de Lycon : jeune athlĂšte dont Callias est trĂšs Ă©pris. Autolycos fut un pancratiaste vainqueur de l’épreuve des Grandes PanathĂ©nĂ©es. Le Banquet est donnĂ© en son honneur. Il mit une garnison dans l’Acropole et nomma harmoste le Spartiate Callibios. Un jour que Callibios leva son bĂąton sur l’athlĂšte dans l’intention de le frapper, l’autre lui donna un croc-en-jambe et le fit tomber Ă  la renverse. Lysandre, loin d’en ĂȘtre fĂąchĂ©, reprocha Ă  Callibios de ne pas savoir commander Ă  des hommes libres. Mais les Trente, pour faire leur cour Ă  Callibios, firent peu aprĂšs mourir Autolycos. Une comĂ©die d'Eupolis porte son nom, raille sa victoire, et fait de sa mĂšre Rhodia et son pĂšre des parasites de Calias[7].
  • Lycon
  • HermogĂšne : philosophe, frĂšre de Callias, l’un des maĂźtres de Platon.
  • Critobule, disciple de Socrate, fils de Criton d’AthĂšnes, jeune mariĂ©, Ă©galement prĂ©sent dans L’Économique et Le Banquet de XĂ©nophon[8].
  • NicĂ©ratos : pĂšre du stratĂšge athĂ©nien Nicias, jeune mariĂ©.
  • Philippe, un bouffon.
  • Un amuseur public originaire de Syracuse, accompagnĂ©s d’une danseuse et acrobate, d'une flĂ»tiste et d’un garçon cithariste et danseur.

Composition

Jeune garçon servant du vin lors d'un banquet (kylix attique, v. 460/-450, Musée du Louvre).

Chapitre I. Callias cĂ©lĂšbre la victoire d'Autolycos au pancrace par un banquet oĂč il invite Socrate et quelques-uns de ses amis.

XĂ©nophon raconte le prĂ©ambule Ă  la rĂ©ception de Callias, et sa rencontre avec Socrate. Une fois attablĂ©s, la beautĂ© d’Autolycos imposant le silence, les convives restent calmes. MĂȘme lorsque Philippe, un bouffon, entre dans la salle, il ne fait aucune impression. Critobule finit par rire Ă  un mot d’esprit de Philippe, et les convives retrouvent un certain entrain, qui permet de manger, de faire quelques libations et danses au son d’une flĂ»tiste.

Chapitre II. Musique et danses. L'Ă©ducation des femmes. L'enseignement du courage.

Observant les artistes, Socrate commente les prouesses de la danseuse, vante l’agilitĂ© des danseurs. Callias se rĂ©jouit de l’ambiance, Ă  laquelle selon lui ne manque plus que la douceur des parfums ; Ă  ce moment, Socrate, citant le poĂšte ThĂ©ognis de MĂ©gare, rĂ©pond Ă  Callias :

« L’honnĂȘte homme du bien te montre le sentier ;
Le méchant te corrompt et te perd tout entier. »

S’ensuit une conversation sur les parfums, dans laquelle Socrate fait une parallĂšle entre vĂȘtements et parfums - tel allant mieux Ă  un sexe qu’à l’autre, tandis que, rĂ©pondant Ă  Lycon qui se demande si le parfum d’une personne ne dĂ©pend pas de son Ăąge, Socrate est d’avis que l’ñge d’un homme doit lui procurer un parfum de vertu, et que ce parfum-lĂ  trouve son origine dans la pratique de la vertu.

Revenant Ă  la danseuse, Socrate discute l’éducation et l’enseignement qu’un mari doit Ă  son Ă©pouse. LĂ  oĂč AntisthĂšne continue la discussion, il demande Ă  Socrate pourquoi il avait Ă©pousĂ© Xanthippe, dont le caractĂšre acariĂątre Ă©tait cĂ©lĂšbre dans l’AthĂšnes antique. XĂ©nophon fait rĂ©pondre Ă  Socrate qu’il l’avait Ă©pousĂ©e pour s’exercer Ă  la supporter, comme tous les autres caractĂšres des hommes[9].

De la femme, le sujet de la danse est abordĂ© par Socrate qui discute de l’exercice avec le Syracusain[10] et admet s’y adonner ; Charmide confirme, et Callias se dit prĂȘt Ă  prendre lui aussi des cours. XĂ©nophon remarque considĂšre la danse comme un systĂšme scientifique d'entraĂźnement physique pouvant exercer tout le corps de façon symĂ©trique, puis Socrate invite Ă  boire[11], Ă©voquant une lĂ©gĂšre ivresse pour prĂ©texte du dĂ©but des danses[12] - [13]. On discute allĂšgrement des fleurs, des dieux et de la boisson, Socrate Ă©voquant au passage le rhĂ©teur Gorgias, le bouffon Philippe incitant les Ă©chansons Ă  l’action.

Chapitre III. On convient que chacun des convives louera ce dont il est le plus fier.

Le jeune cithariste accorde son instrument, et Socrate, incitĂ© par Charmide Ă  prendre la parole, se rĂ©jouit du jeune homme et de sa collĂšgue qui arriveront Ă  tous les divertir, et met en vis-Ă -vis l’utile et l’agrĂ©able des artistes et l’utile et l’agrĂ©able de chacun des invitĂ©s l’un pour l’autre. L’exhortation Ă  philosopher lance la discussion. Callias exprimant son accord pour expliquer sa science et en livrer Ă  tous un Ă©chantillon - les questions des uns aux autres porteront sur ce que chacun Ă  de bon et ce qu’il croit savoir de meilleur.

Callias, s’écartant de ce qu’on lui demande de dĂ©tailler, amĂšne la discussion Ă  ce qui le rend le plus fier de sa science : sa science rend selon lui les hommes meilleurs. Sur une question d’AntisthĂšne, on apprend que sa science ne rend pas les gens meilleurs par une mĂ©canique, mais par la probitĂ©, parce que la justice qui en fait partie ne mĂšne pas Ă  son contraire. NicĂ©ratos est ensuite invitĂ© Ă  prendre la parole, et, Ă©voquant son pĂšre, il est fier d’avoir hĂ©ritĂ© de lui la connaissance de l’Iliade et l’OdyssĂ©e en entier. Une brĂšve critique des rhapsodes par AntisthĂšne est affirmĂ©e et close par Socrate, pour qui le sens profond des poĂšmes Ă©chappe aux rĂ©citants que sont les rhapsodes[14] ; Socrate fait Ă©galement remarquer Ă  NicĂ©ratos qu’il a payĂ© certains experts.

Critobule est fier de sa beautĂ©, et il dit de lui-mĂȘme qu’il ne vaut rien si cela ne lui sert pas Ă  amĂ©liorer les hommes. AntisthĂšne est fier de sa richesse, sujet qu’il met en suspens avec ironie en dĂ©clarant qu’il n’a ni argent ni terres.
Charmide est fier de sa pauvretĂ©, ce qu’apprĂ©cie Socrate : la pauvretĂ© ne fait naĂźtre ni envie, ni dispute, et qu’elle n’exige aucune garde tout en croissant mĂȘme si on la nĂ©glige.
Socrate est fier de ses talents d'entremetteur, talent qu’il dit de beaucoup de valeur, mais il dĂ©clare ne pas se servir. Philippe acquiesce Ă  Lycon qui dit que ce dont il est le plus fier est de pouvoir faire rire, tandis que Lycon lui-mĂȘme est plus fier de son fils que quoi que ce soit d’autre, compliment qu’il lui rend. La parole Ă©meut les convives, Callias dit d’ailleurs que Lycon est le plus riche des hommes qui soit, parce qu’aucune valeur ne peut Ă©galer l’objet de sa fiertĂ©. HermogĂšne se dit le plus fier de ses amis vertueux, qui malgrĂ© leur puissance ne le nĂ©gligent pas[15]

Chapitre IV. Callas loue la justice, Critobule sa beauté, Socrate l'excellence du métier d'entremetteur.

Socrate demande Ă  chacun pourquoi ce dont il est fier mĂ©rite qu’il en soit fier. À cela, Callias est le premier Ă  rĂ©pondre qu’il est fier que ses richesses rendent les gens plus justes ; prenant la parole, il se dit fier de rendre les hommes plus justes en mettant de l’argent dans sa foi, entendant par lĂ  que la suffisance qu’il procure ainsi Ă  l’autre empĂȘche celui-ci de penser Ă  mal agir. AntisthĂšne le reprend, parce que la justice ne se trouve pas dans la fortune de chacun, mais en son Ăąme, poursuivant cette idĂ©e lorsque Callias lui avoue que d’aucuns aprĂšs qu’il les a aidĂ©s, le dĂ©testent davantage. ForcĂ© de constater que rendre les hommes plus justes face Ă  autrui et pas Ă  soi, Callias se rĂ©signe lorsque AntisthĂšne est soutenu par Socrate.

NicĂ©ratos, revenant Ă  HomĂšre, se dit fier de le connaĂźtre, parce que ses vers concernent tous les aspects de la vie humaine et son comportement : l’oignon accompagne la boisson[16], et permet de cacher les intentions du buveur.

Critobule, qui a parlĂ© de sa beautĂ©, dit que s’il a abordĂ© sa beautĂ©, c’est que chacun est de cet avis, et lui y font croire. Tandis que ses amis ont ces avis sur sa beautĂ©, Critobule considĂšre que chacun ressent ce qu’il Ă©prouve pour Clinias, personnalitĂ© athĂ©nienne qu’il trouve d’une beautĂ© digne d’ĂȘtre contemplĂ©e autant sinon davantage que la sienne. La beautĂ© naturelle ne rĂ©clame pas les efforts que rĂ©clame le travail de ceux qui veulent devenir fort, du courageux face aux dangers, du savant qui se veut Ă©loquent. La beautĂ© de Critobule lui permet de dĂ©sintĂ©resser ceux qui se veulent vertueux, tandis que Callias ne peut agir sans fortune. Chaque Ăąge a son charme, selon Critobule, et son Ăąge Ă  lui, lui permettrait de sĂ©duire le danseur prĂ©sent avec plus d’aisance que Socrate s’il le souhaitait, et il obtiendrait ses faveurs avec plus de facilitĂ© - sans pour autant se croire le plus beau pour autant, ni plus beau que Socrate non plus[17]. Socrate rappelle que se souvenir de quelqu’un sans le nommer n’empĂȘche pas de penser aprĂšs l’avoir Ă©voquĂ©. Lorsque Critobule se remet Ă  parler de Clinias, Socrate rĂ©vĂšle que Critobule a embrassĂ© Clinias, et que c’est pour ce genre de propos que son pĂšre le lui a prĂ©sentĂ©. Socrate lui a entre autres appris que le baiser est la plus grande des incitations Ă  l’amour : il doit porter Ă  la prudence et la modĂ©ration. Socrate dit enseigner que celui qui veut rester chaste doit aborder les passions amoureuses en Ă©vitant la pratique avec de belles personnes, et de ne pas embrasser de jeunes gens. Charmide souligne l’hypocrisie de son maĂźtre, qu’il a vu dĂ©sirer Critobule. Socrate dit s’en ĂȘtre rendu compte, et il dĂ©clare avoir payĂ© cette dette cinq jours durant ; il rĂ©plique par ailleurs en dĂ©clarant ne pas toucher Critobule avant qu’il ait portĂ© la barbe.

Au tour de parole de Charmide, on lui demande pourquoi il a rĂ©pondu en parlant de sa pauvretĂ©. Il rĂ©pond que quand il Ă©tait riche, il craignait de perdre ses biens, et Ă©tait sollicitĂ© de partout, entre autres pour son argent, sans vĂ©ritable libertĂ© de voyager, sans cesse taxĂ© par l’État, craignant pour sa personne tout autant que ses possessions. Pauvre, sa libertĂ© n’est plus tributaire du peuple, souffrant les gens qu’il frĂ©quente ou croise. Lorsqu’il Ă©tait riche, frĂ©quenter Socrate le rendait ridicule ; Ă  prĂ©sent, il retire plus de bonheur de ses attentes que pendant sa pĂ©riode faste, lorsqu’il avait peur de ses pertes. Quand Callias lui demande s'il prĂ©fĂšre ne jamais retrouver sa position d’avant, il rĂ©pond que non ; il attend un bienfait avec plus de courage qu’avant d’en avoir vĂ©cu la perte.

Revenant sur la richesse dont il parlait au chapitre prĂ©cĂ©dent, AntisthĂšne[18] explique que selon lui la richesse rĂ©side en l’ñme et non dans ses possessions. AntisthĂšne Ă©voque en support Ă  sa conclusion l’exemple de deux personnes, dont la premiĂšre a tout ce qui lui est nĂ©cessaire, et l’autre manque sans cesse de tout alors qu’ils sont de richesses Ă©gales. AntisthĂšne dĂ©clare qu’il est satisfait de sa condition, et qu’il sera toujours Ă  mĂȘme de gagner assez, mĂȘme s’il Ă©tait rĂ©duit Ă  l’état d’homme pauvre. Il est satisfait de ce qu’il a, et attribue sa richesse et sa gĂ©nĂ©rositĂ© aux enseignements de Socrate. AntisthĂšne considĂšre le loisir comme son plus grand bien[19]. Callias aimerait partager la richesse dont parle AntisthĂšne, parce que de lui l’État n’exige rien et personne ne lui en vaut en cas de refus de la partager. NicĂ©ratos cite HomĂšre et se dĂ©clare intĂ©ressĂ©, ce qui provoque le rire de tous.

HermogĂšne se disait fier de ses amis : il parlait en fait des dieux. À Socrate qui demande ce qui permet Ă  HermogĂšne de se vanter de l’amitiĂ© des dieux, il dit qu’il prie pour eux, en Ă©change de quoi ils lui permettent d’éviter de profaner et de mentir.

Lorsque Callias demande le tour de parole pour Socrate, lui qui disait ĂȘtre fier de ses talents d’« entremetteur », dĂ©finit le terme : celui rend ses gens agrĂ©ables aux autres, complimentant AntisthĂšne pour ses propres talents d’« entremetteur » parce qu’il a prĂ©sentĂ© Callias et Socrate Ă  de nombreuses personnes[20].

Notes

Tout comme dans le Banquet et le ThĂ©Ă©tĂšte de Platon, oĂč Socrate, qui a de nombreux traits de ressemblance physique avec ThĂ©Ă©tĂšte, lui dit mĂȘme qu’il le trouve beau, le personnage qu’est le silĂšne, demi-dieu caricatural du moche, contient toute une sagesse : la comparaison avec Socrate en est un rappel dans ce dialogue ; la comparaison des laideurs sert en mĂȘme temps Ă  Socrate pour Ă©voquer une sagesse, beautĂ© - en l’occurrence - toute intĂ©rieure.

  • Ce qui frappe dans le personnage paradoxal qu’est Socrate, c’est qu’il est physiquement laid - et le concours lancĂ© Ă  Critobule est une plaisanterie, pas une raillerie. C’est ce qu’évoque Alcibiade dans son Ă©loge de Socrate Ă  la fin du Banquet de Platon, en le comparant Ă  un silĂšne ou Ă  un satyre : « Je dis d’abord que Socrate ressemble tout Ă  fait Ă  ces SilĂšnes qu’on voit exposĂ©s dans les ateliers des statuaires, et que les artistes reprĂ©sentent avec une flĂ»te ou des pipeaux Ă  la main : si vous sĂ©parez les deux piĂšces dont ces statues se composent, vous trouvez dans l’intĂ©rieur l’image de quelque divinitĂ©. Je dis ensuite que Socrate ressemble particuliĂšrement au satyre Marsyas »[21]. Il est gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentĂ© sous la forme d’un vieillard jovial mais d'une grande laideur, avec un nez Ă©patĂ©, des traits lourds, un ventre bedonnant.

Citations

Issues de l’Iliade :

« Être Ă  la fois bon prince et brave combattant. »[22]

« Sur ce char élégant penche-toi vers la gauche ;
Que le coursier de droite, animé par ta voix,
S'élance, entraßnant tout et brides, et harnois. »[23]

« Sept trépieds veufs du feu, vingt cuvettes brillantes,
Et puis dix talents d'or, et puis douze chevaux »[24]

Chapitre V. Critobule et Socrate se disputent le prix de la beauté : il est adjugé à Critobule.

Callias lance un prix de la beautĂ© entre Socrate et Critobule. Le dĂ©bat prend une tournure humoristique, parce que Socrate feint la naĂŻvetĂ© par son habiletĂ© Ă  faire une bonne cause d’une mauvaise. Critobule s'avoue vaincu, et lance le tirage au sort du vainqueur en beautĂ©. Critobule l’emporte Ă  l’unanimitĂ©, et Socrate d'ajouter que l’argent dont Callias vantait la qualitĂ© de rendre les gens plus justes n'est pas le mĂȘme que celui de Critobule, un argent capable de corrompre les juges et les arbitres Ă©galement.

Notes

Dans ce chapitre prĂ©vaut la dimension argumentative : il s’agit d’une joute argumentative entre Socrate et Critobule au sujet de la beautĂ©. AthĂ©nĂ©e dĂ©sapprouve ce passage qu’il trouve pervertissant pour le lecteur.

Chapitre VI. Socrate taquine HermogÚne sur sa taciturnité.

Tandis que tous pressent Critobule de rĂ©clamer les baisers qu’on lui doit, seul HermogĂšne reste morose et silencieux, ce dont Socrate se plaint : avec un ton moqueur et caustique, il lui demande s’il sait dĂ©finir le mot Ï€Î±ÏÎżÎčÎœÎŻÎ±. Critobule rĂ©torque en se plaignant que c’est le bruit des autres qui ne lui permet pas de parler ou d’entrer dans la conversation, et si Socrate n’aimerait pas davantage l’entendre parler pendant que joue le musicien. Socrate reprend la joute, mais Callias l’interrompt en prenant AntisthĂšne pour cible, recommençant le jeu de Critobule, tous interrompus par le syracusien, qui demande Ă  Socrate s'il est bien surnommĂ© le « Penseur » qui ne pense qu’à ce qu’il se passe dans les airs. À quoi Socrate rĂ©pond qu’il n’y a rien de mal Ă  penser comme lui, tant qu’on ne pense pas plus haut qu’un dieu : ils sont au-dessus de tous, et bĂ©nĂ©fiques. Critobule de rĂ©pondre que Socrate a la rĂ©putation de s’occuper de l’inutile[25], et Socrate de lui rappeler que c'est d’en haut que viennent les dieux, la pluie et la lumiĂšre entre autres bienfaits.

Philippe intervient une seconde fois, jaloux de l’intĂ©rĂȘt que suscite la conversation, rappelant Ă  Socrate une plaisanterie acerbe d’aprĂšs la piĂšce Les NuĂ©es[26] d’Aristophane. AntisthĂšne intervient et dĂ©fend Socrate en surnommant Philippe d’insolent comme s’il voulait l’imiter en lui retournant l’insulte. Socrate met fin Ă  leur Ă©change en intervenant auprĂšs de Philippe pour qu’il arrĂȘte ses comparaisons en gardant le silence. Le faisant ainsi taire, Socrate met un terme Ă  la parinie en invitant Philippe Ă  faire qu’il ne faut pas dire, rappelant Ă©galement l’interdiction d’ĂȘtre dĂ©sobligeant ou moqueur lorsque l’on considĂšre ou apprĂ©cie les autres invitĂ©s Ă  une table, au risque de ne plus passer pour un insolent, mais plutĂŽt un parasite.

Notes

  • Le mot Ï€Î±ÏÎżÎčÎœÎŻÎ± dĂ©signe en grec ancien le comportement dĂ» Ă  l’ivrognerie, les emportements et de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale le comportement de celui commet un excĂšs de grossiĂšretĂ© dĂ» Ă  l’ivresse. Il faut donc distinguer l’ivresse convenue et toute en retenue durant le symoposion, de l’état dont il s’agit ici, ivrognerie dont l’ivresse nuit Ă  la bonne ambiance. ThĂ©ophraste, dans les CaractĂšres dĂ©peint un mufle[27] qui importune les convives en invitant l’un d'eux sans ĂȘtre ivre.
  • Critique envers la philosophie et envers Socrate, Aristophane a reprĂ©sentĂ© Socrate demandant Ă  son ami ChĂ©rĂ©phon combien de fois une puce saute la longueur de ses pattes dans sa piĂšce Les NuĂ©es : la reprĂ©sentation de la piĂšce est antĂ©rieure au banquet ; Socrate connaĂźt la provenance de cette moquerie.

Chapitre VII. Socrate demande au Syracusain d'autres divertissements que ceux qu'il se proposait de donner.

Socrate propose de chanter, puis de danser. Socrate entame une recherche pour plus de plaisir des yeux devant le spectacle, et se dĂ©clare penseur - de plus, il rĂ©flĂ©chit Ă  plus de plaisir encore aux banqueteurs. Une discussion est entamĂ©e sur la flamme d’une lampe qui rĂ©pand de la lumiĂšre - et le cuivre, qui n’en rĂ©flĂ©chit pas - mais ils brillent tous deux : elle donne de la lumiĂšre, et le bronze n’en rĂ©pand pas - bien qu’ils brillent tous les deux ; de mĂȘme l’huile, liquide, nourrit une flamme - et, liquide aussi, l’eau l’éteint. Puis c’est Socrate qui propose une danse pour plus de charme, spectacle qui reprĂ©senterait les postures des Charites, des Heures et de nymphes au son de la flĂ»te - Ă  quoi Philippe promet une reprĂ©sentation inoubliable.

Citations

De l’Iliade d’Homùre :

« Être Ă  la fois bon prince et brave combattant. »[22]

« Rien n'assaisonne mieux la boisson que l’oignon.
Que quelqu'un vous apporte de l’oignon, et sur-le-champ »[23]

« Sept trépieds veufs du feu, vingt cuvettes brillantes,
Et puis dix talents d’or, et puis douze chevaux »[24]

Notes

Contrairement au chapitre précédent, celui-ci présente une argumentation sérieuse, reposant sur une structure solide et non sophistique.

Chapitre VIII. Socrate célÚbre l'amour. Il démontre que l'amour de l'ùme l'emporte de beaucoup sur celui du corps.

Philippe s’affaire Ă  prĂ©parer le prochain divertissement, et Socrate entame une discussion sur Éros : selon lui, l’Éros de l’ñme vaut mieux que l’Éros des corps, et tous les convives ont ressenti l’amour. Interrogeant son Ă©lĂšve AntisthĂšne, il l’oppose Ă  l’ami des dieux que se dit ĂȘtre HermogĂšne ; AntisthĂšne se dit amoureux de Socrate - et il lui reproche de tantĂŽt l’écouter, tantĂŽt l’ignorer. Socrate feint de taquiner AntisthĂšne, et lui demande de le laisser en paix, parce qu'il l’aime en ami, et en est en retour aimĂ© davantage pour son physique que pour son Ăąme.

DĂ©tournant le sujet en cours, Socrate s'en prend Ă  Callias, dont tout le monde connaĂźt les sentiments pour Autolycos, en ville et au-delĂ , par ailleurs - ce qu'il trouve juste parce que leur naturel les y portent par certaines qualitĂ©s naturelles qu'il leur trouve en commun : il cite leur bonne naissance ; leur santĂ© et amitiĂ© visibles, qu'il dĂ©clare mĂȘme ĂȘtre exemple de sincĂ©ritĂ© parce qu'elle est connue de son propre pĂšre[28], et leur trouve en commun vigueur, endurance, de courage et de tempĂ©rance. Comme chez Platon dans son dialogue homonyme, Socrate s’interroge sur deux sortes d'amours, dont l’une est cĂ©leste et l’autre vulgaire. Il les nomme toutes deux Aphrodite, et les distingue : l’Aphrodite Vulgaire attire des sacrifices moins purs, et l’Aphrodite CĂ©leste attire des offrandes plus chastes ; l’Aphrodite Vulgaire attire l’amour charnel, physique[29], l’Aphrodite CĂ©leste attire l’amour des Ăąmes. Lorsque l’on aime le corps et l’esprit Ă  la fois, l’amitiĂ© flĂ©trit, se fane[30].

Amour physique et Amour spirituel selon Socrate.

L’amour de l’ñme se rend davantage digne d'amour[30] ; l’amour physique finit par lasser ou dĂ©gouter par satiĂ©tĂ©[31] ; l’amour de l’ñme, inspire les paroles et les actes aimables[31] ; l’amour physique peut dĂ©pendre de la santĂ© et de l’apparence[11] ; l’amour de l’ñme n’est pas prĂ©occupĂ© par la beautĂ© de la personne aimĂ©e plus que de son propre plaisir[11] ; l’amour physique peut mener Ă  la violence ; l’amour de l’ñme ne mĂšnerait pas les actes d’un homme et un garçon Ă  se cacher des parents. L’amour des corps par la persuasion corrompt les Ăąmes, et n'est pas d’égale valeur quant aux intentions et au prix de l’attachement[32]. Puis Socrate met en parallĂšle celui qui offre un corps jeune contre de l’argent et celui qui offre sa jeunesse sans tendresse, en le comparant aux relations de prostitution. Socrate compare le couple de celui qui convoite l’esprit Ă  deux amis dont l’un enseigne Ă  l’autre de faire et dire ce qu’il doit, tandis qu’il considĂšre la convoitise des corps Ă  un mendiant. Utilisant le centaure Chiron, PhĂ©nix et le roi Achille pour illustrer le respect d’un maĂźtre et son disciple[33] - [34], Socrate Ă©taye son discours par des figures historiques et mythologiques qui ont toutes Ă©tĂ© aimĂ©es de Zeus, toutes uniquement pour leur esprit davantage que pour leur corps. XĂ©nophon fait dire Ă  son maĂźtre Socrate que Zeus n’a non pas enlevĂ© GanymĂšde par amour pour son corps - amour physique - mais par amour pour son Ăąme et sa sagesse - par amour spirituel[35].

Considération des héros par Socrate

Socrate prend soin de rappeler que les hĂ©ros s’aiment d'une amitiĂ© qui a l’admiration mutuelle pour origine, et non des exploits entre compagnons de lit[36]. Socrate rappelle le poĂšte comique et tragique Agathon et Pausanias son amant faisant l’apologie de la pĂ©dĂ©rastie, de l’homosexualitĂ© et de la luxure, trĂšs critiquĂ©es par Socrate[37], qui se demande pour quelle raison un amant ou un aimĂ© serait plus digne d'amour de l’ñme que l’autre[38].

Callias, vers qui Socrate est tournĂ©, rappelle Ă  tous qu’il est proxĂšne Ă  Sparte, oĂč les hommes sont persuadĂ©s qu’en s’attachant au corps, on ne pense plus Ă  rien de beau et de bon, et que cela ne l’empĂȘche pas d'avoir une prestance remarquable parmi tous les convives, bien-nĂ© et dĂ©sireux d'excellence[39], homme comme Socrate les apprĂ©cie. Callias demande enfin Ă  Socrate son accord pour jouer le rĂŽle d’entremetteur pour lequel il s'est dit douĂ©[40], ce qu’il accepte Ă  la condition qu’il continue Ă  s’exercer Ă  la vertu[41].

Citations

Issues de l’Iliade :

« Il est ravi d'entendre... »[42]

« Et dans son cƓur sont de prudents desseins »[43]

Chapitre IX. Représentation des amours de Dionysos et d'Ariane.

Le temps de la promenade d’Autolycos est venu : il se lĂšve, et son pĂšre le suit de prĂšs aprĂšs avoir louĂ© l’honnĂȘtetĂ© de caractĂšre de Socrate[44]. Philippe de Syracuse annonce son dernier divertissement : ses danseurs miment, rejouant la rencontre de Dionysos et Ariane, Ă©pisode qui a lieu aprĂšs son abandon par ThĂ©sĂ©e sur l’ile de Naxos. Le couple s’exĂ©cute amoureusement, assez lascivement pour exciter le public, avant de disparaĂźtre. Ceux du public qui n’étaient pas mariĂ©s se jurent de l’ĂȘtre tout bientĂŽt, et les Ă©poux s'en retournent vers leur Ă©pouse. Sortis Ă  leur suite, Socrate et Callias rejoignirent Autolycos et son pĂšre.

Notes

D’aprĂšs Platon, tout comme XĂ©nophane, Socrate rejetait les mythes qui faisaient de Zeus et des autres dieux des personnages immoraux et dĂ©vergondĂ©s. Le nom portĂ© au ciel par GanymĂšde tĂ©moigne plutĂŽt de l’affection de Zeus pour son Ăąme plutĂŽt que pour son corps ou sa beautĂ© physique : la composition du nom provient des mots ΓαΜύς (ravi, joyeux) et ÎŒáż†ÎŽÎżÏ‚ (soin, application, rĂ©solution, dessein). Platon et XĂ©nophon ont tous deux Ă©crit un Banquet : l’un en proscrit les joueuses de flĂ»te, l’autre les y admet ; l’un montre Socrate comme buvant jusqu'Ă  l’aurore, l’autre dissuade de boire dans de grands vases.

Personnages évoqués

Bibliographie

Références

  1. Selon certains commentateurs, dont l’universitaire Pierre Chambry, la pĂ©riode s’étale de -391 Ă  -371
  2. Leo Strauss (trad. Olivier Sedeyn), « Présentation du Banquet de Xénophon », dans Xénophon, Banquet suivi de Apologie de Socrate, Paris, Gallimard, coll. « Tel », (ISBN 2-07-073805-1), p. 10.
  3. Platon, Le Banquet [détail des éditions] [lire en ligne] (201a)
  4. CaractĂšre XII, Le Malotru (14)
  5. Mossé 2009
  6. Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne), Livre V (215-217)
  7. XĂ©nophon 2014, p. 23
  8. XĂ©nophon 2014, p. 27
  9. 10
  10. 10-11
  11. 17
  12. La derniĂšre partie des banquets, consacrĂ©e Ă  la beuverie, est prĂ©texte entre autres Ă  la danse, mais inviter une danseuse sans ĂȘtre au moins Ă©mĂ©chĂ© est trĂšs mal vu en sociĂ©tĂ© ; l’ivresse doit servir de prĂ©texte
  13. ThĂ©ophraste, CaractĂšre XII, L’Importun (14) ; CaractĂšre XV, Le Goujat (10)
  14. Référence au dialogue Ion, de Platon
  15. Chambry 1967, p. 269.
  16. Iliade, XI, 630
  17. Critobule fait allusion à sa laideur imaginaire et à celle de Socrate en se comparant à un silÚne, créature mythologique dont le visage présente des points communs avec le visage réel de Socrate
  18. Chapitre III (9)
  19. à l’instar de Socrate
  20. C’est lui qui a prĂ©sentĂ© Callias Ă  Prodicos de CĂ©os et Hippias d’Élis, deux sophistes
  21. Le Banquet (215a-b) traduction : Dacier & Grou : [lire en ligne]
  22. HomÚre, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (III, 179)
  23. Iliade (XXII, 335)
  24. Iliade (IX, 122)
  25. Socrate a fait l’objet de trĂšs nombreuses railleries et critiques de la part de beaucoup de gens d’AthĂšnes. Le philosophe et rhĂ©teur grec Maxime de Tyr a Ă©crit que Socrate Ă©tait surnommĂ© le « mendiant bavard » ; Socrate ironise Ă  propos pendant ce Banquet
  26. 118 et passim
  27. XV (14)
  28. 11
  29. comme celle qu’il attribuait à Antisthùne
  30. 14
  31. 15
  32. 19, 20
  33. 23
  34. Chambry 1967, p. 290.
  35. 30
  36. 31
  37. 32-33
  38. 36
  39. 40-41
  40. au Chapitre III
  41. 43
  42. HomÚre, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (Chant XX, 405)
  43. HomÚre, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (Chant XVIII, 325)
  44. Certains commentateurs et historiens voient en cette annonce un certain sarcasme venant de la part de l’un des futurs accusateurs et initiateurs du procùs de Socrate.
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