Accueil🇫🇷Chercher

La Muse du département

La Muse du département est un roman d’Honoré de Balzac, dont l’écriture a peut-être été commencée en 1832, sans doute revue en 1837, le texte étant finalement publié chez Werdet cette année-là dans les Scènes de la vie de province, dans l’ensemble des Parisiens en province. Puis, en 1843, il est publié chez l’éditeur Souverain, toujours dans le même classement. Entre-temps, le roman a subi de nombreux remaniements et changements de classement au point qu’on se perd dans les ramifications de son historique[1]. La division en chapitres, présente dans la première édition[2], est supprimée dans l'édition définitive.

La Muse du département
Image illustrative de l’article La Muse du département

Auteur Honoré de Balzac
Pays Drapeau de la France France
Genre Étude de mœurs
Éditeur Edmond Werdet
Collection La Comédie humaine
Lieu de parution Paris
Date de parution 1837
Illustrateur Pierre Vidal (illustrateur)
Chronologie
Série Scènes de la vie de province

Présentation

George Sand est nommément évoquée dans ce portait de « femme auteur » dont elle reprend le titre avec humour dans Histoire de ma vie, lorsqu’il s’agit d’évoquer son ami Balzac. Sans ironie, elle se présente elle-même comme une sorte de « muse du département[3] ». Balzac a déjà expliqué (ou précisera plus tard dans Autre étude de femme) ce qu’il entend par femme de talent. À savoir : « une femme-comme-il-faut », c’est-à-dire sans talent et grisée par des rêves inaccessibles.

« La Muse du département nous présente toute une société. Ce texte peut, par là, être comparé aux chefs-d’œuvre que sont Splendeurs et misères des courtisanes et Illusions perdues. Ce court roman crée un pont entre les diverses sections de La Comédie humaine : les Scènes de la vie privée (c’est une Étude de femme), les Scènes de la vie parisienne et les Scènes de la vie de province[4]. »

Résumé

Maison dite « de Balzac » à Saint-Satur, près de Sancerre.

L’action commence à Sancerre, ville de province où s’aventure un Parisien, le journaliste Lousteau, qui va y faire des ravages. Là, le fils d’un ancien fermier général, Jean-Anastase-Polydore Milaud de la Baudraye, à la fois ambitieux et contrefait, cherche à se faire une réputation sur son territoire. Ayant déjà assez de fortune, il lui manque la gloire locale que peut apporter une belle femme et un salon recherché. Il la trouve en la personne de Dinah Piédefer, belle et brillante, mais dont le manque de fortune effrayait les beaux partis. Grâce à son mariage avec cet homme contrefait, elle peut se donner un salon qui rayonne sur la province entière et où elle reçoit les personnages les plus brillants de l'endroit.

Déjà considérée dans la région comme une sorte de rivale de George Sand, Dinah de La Baudraye a publié des poèmes et des recueils sous un pseudonyme. Mais son succès local ne lui suffit pas, elle s'ennuie et se désole de n'avoir pas d'enfant. Elle a alors l'idée d'inviter chez elle deux gloires de Sancerre établies à Paris, le célèbre médecin Horace Bianchon et le journaliste Étienne Lousteau. Ce dernier est élégant, désinvolte, superficiel, mondain cynique et spirituel : le portrait type du journaliste tel que Balzac l’a composé dans l’ensemble de La Comédie humaine[5]. Il séduit « pour le sport » madame de la Baudraye, qui le poursuit à Paris sans qu’il l’y ait invitée.

À Paris, Dinah de la Baudraye s’aperçoit qu’elle n’est rien, que Lousteau la trompe et que son talent n’est pas confirmé dans la capitale. Lousteau se détourne d’elle et elle tombe dans la misère matérielle et spirituelle. Ils vivront ensemble pendant six ans. Alors qu'elle aime véritablement Lousteau, ce dernier ne fait que jouer la comédie de l'amour. Il lui fait cependant deux enfants. Il lui reste un mari, De la Baudraye, qui la poursuit avec acharnement, après lui avoir volé une grande partie de son héritage. Heureusement, un ami et ancien soupirant, le magistrat de Clagny, lui est resté fidèle.

Thème

Outre le thème de l'amour coupable, Balzac présente la misère intellectuelle de la vie de province. Parmi les autres thèmes, il offre un long pastiche d'un roman à la façon d'Ann Radcliffe dont Lousteau et Bianchon commentent les incohérences et les fautes de style, tout en présentant des détails techniques sur l'imprimerie et les jeux d'épreuve[6]. Il développe le portrait de Lousteau, modèle de l'écrivain raté en raison de sa paresse et de son manque de volonté.

Citation

C'est dans cet ouvrage que le lecteur peut découvrir ce célèbre oxymore de Balzac[7] :

« J'eus le temps de tout dire à la femme de chambre, qui lui cria deux mots à voix basse. »

Cet extrait est Ă©voquĂ© dans un livre humoristique de la collection Bouquins, cet ouvrage citant, entre autres, de nombreux passages de la littĂ©rature classique, qualifiĂ©s par l'auteur de « perles d'Ă©crivains Â»[8].

Hommages

Peu d’auteurs ont rendu de leur vivant des hommages aussi appuyés et sincères que Balzac l’a fait, aussi bien dans ses journaux que dans ses livres, aux auteurs qu’il admirait sincèrement. C’est encore une des caractéristiques de l’homme spontané et sans calcul qu’était l’auteur de La Comédie humaine. Même si son cerveau était « tapissé de chiffres », comme le déplorait Baudelaire, son cœur ne l’était assurément pas.

Hommage Ă  George Sand

La Muse du département est la version « littéraire » d’une madame Bovary qui se piquerait d’écriture et tenterait de singer, comme le singe qu'elle est, George Sand, modèle auquel elle veut se conformer. Balzac, si compréhensif pour les femmes, se montre ici très dur envers celle qui « croit avoir un talent », mais qui mélange littérature et adultère. Sans doute parce que son admiration et son amitié pour George Sand ne souffrent pas les copies approximatives, qui, à l’époque, abondaient[9].

Hommage Ă  Stendhal

Outre l’hommage à George Sand, Balzac évoque nommément Stendhal[10], confirmant son admiration pour un auteur qui venait de mourir et dont il avait été le premier à reconnaître la valeur sous forme de fragments de critiques littéraires[11] - [12] - [13].

Hommage Ă  Benjamin Constant

Alors qu'elle résiste courageusement aux désillusions de la vie avec Lousteau, Dinah lit Adolphe de Benjamin Constant pour y puiser des modèles et des leçons de conduite : « Elle n’avait pas, enfin, épuisé l’immense trésor de dévouement et d’amour que les femmes aimantes ont dans le cœur. Adolphe était sa Bible, elle l’étudiait ; car, par-dessus toutes choses, elle ne voulait pas être Ellénore[14]. »

Adaptations

  • La Muse du dĂ©partement a Ă©tĂ© adaptĂ©e pour le théâtre par Odile Ehret et mise en scène par Jacqueline Ordas en 1993.

Notes et références

  1. Anne-Marie Meininger, t. IV de La Pléiade.
  2. La Muse du département.
  3. Voir George Sand dans Balzac et les Ă©crivains de son temps.
  4. Dictionnaire des Ĺ“uvres Laffont-Bompiani, p. 678.
  5. Voir types de personnages de La Comédie humaine.
  6. La Muse du département, p. 425-439.
  7. Google livre page de la Muse du département ou se situe l'extrait
  8. Jean-Loup Chifflet, Le bouquin de l'humour involontaire, Paris, Bouquins, 864 p. (ISBN 978-2-221-21824-2, lire en ligne)
  9. Caroline Marbouty, déguisée en homme comme George Sand, accompagne Balzac dans un de ses voyages en Italie, à Turin (André Maurois, Prométhée ou la vie de Balzac, Hachette, 1965, p. 330-333).
  10. La Muse du département, p. 491.
  11. Dictionnaire des Ĺ“uvres Laffont-Bompiani, p. 679.
  12. La Revue parisienne du 25 septembre 1840.
  13. Stendhal dans Balzac et les Ă©crivains de son temps.
  14. La Muse du département, p. 495.

Bibliographie

  • Patrick Berthier, « La dot de Dinah », Romantisme, 1983, no 13, vol. 40, p. 119-128.
  • Thierry Bodin, « Du cĂ´tĂ© de chez Sand : de La Duchesse de Langeais Ă  La Muse du dĂ©partement, musique, couvent et destinĂ©e », L'AnnĂ©e balzacienne, 1972, p. 239-256.
  • (en) Janis Glasgow, « George Sand’s Multiple Appearances in Balzac’s La Muse du dĂ©partement », The World of George Sand, New York, Greenwood, 1991, p. 217-225.
  • Bernard Guyon, « Adolphe, BĂ©atrix et La Muse du dĂ©partement », L'AnnĂ©e balzacienne, Paris, Garnier Frères, 1963, p. 149-175.
  • AndrĂ© Lorant, « Balzac et le plaisir », L’AnnĂ©e balzacienne, 1996, no 17, p. 287-304.
  • Aline Mura, « Adolphe, un livre “abymé” dans deux romans de Balzac », RĂ©flexions sur l’autorĂ©flexivitĂ© balzacienne, Toronto, Centre d’études du XIXe siècle Joseph SablĂ©, 2002, p. 83-96.
  • Anne E. McCall-Saint-SaĂ«ns, « Une certaine idĂ©e de la copie : jeux de genèses pour une sociĂ©tĂ© de gens de lettres », Genèses du roman. Balzac et Sand, Amsterdam, Rodopi, 2004, p. 79-95.
  • (en) Chris Moore de Ville, « Women Communicating in Three French Novels: The Portrait of the Artist as a Young Woman », Romance Notes, hiver 1996, no 36, vol. 2, p. 217-224.
  • Aline Mura-Brunel, « Le livre et le lecteur dans La Muse du dĂ©partement », L'AnnĂ©e balzacienne, , no 20, vol. 2, p. 575-592.
  • William Paulson, « De la force vitale au système organisateur: La Muse du dĂ©partement et l’esthĂ©tique balzacienne », Romantisme, 1987, no 17, vol. 55, p. 33-40.
  • Annette Smith, « Ă€ boire et Ă  manger dans l’écuelle de Dinah : lecture de La Muse du dĂ©partement », French Forum, , no 15, vol. 3, p. 301-314.
  • Annette Smith, « Les mille et une positions de Mme Marbouty : sociomĂ©canique d’un Ă©crivain femme sous la monarchie de Juillet », Nineteenth-Century French Studies, printemps-Ă©tĂ© 1992, no 20, vol. 3-4, p. 339-351.
  • (it) Mariagrazia Paturzo, « Un “chef-d’œuvre mĂ©connu” della ComĂ©die humaine: La Muse du dĂ©partement », Studi Urbinati, Serie B: Scienze Umane e Sociali, 1999, no 69, p. 361-385.

Lien externe

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.