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LĂ©opard d'Indochine

Panthera pardus delacouri

Le Léopard d'Indochine (Panthera pardus delacouri) est une sous-espèce de léopards. Cette sous-espèce particulière vit dans les forêts tropicales depuis le sud de la Chine jusqu'en Malaisie. Le Léopard d'Indochine est de taille plutôt petite pour un Léopard. La robe est généralement fauve clair tachetée de petite rosettes, mais on observe une prédominance de la forme mélanique, la « panthère noire » au sud de l'isthme de Kra.

Le Léopard d'Indochine se nourrit principalement d'ongulés de taille moyenne à petite. En Thaïlande, son régime alimentaire se compose essentiellement du Blaireau à gorge blanche (Arctonyx collaris) et du Cerf aboyeur (Muntiacus muntjak).

Les menaces pesant sur cette sous-espèce sont la réduction de son habitat due à la déforestation, la disparition de ses proies en raison de la pression de chasse des humains et le trafic d'animaux, pour fournir les ingrédients de la pharmacopée traditionnelle asiatique, en remplacement du tigre. Le Léopard d'Indochine est cependant suffisamment abondant pour que l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) le classe comme quasi-menacée (NT).

Description

Biométrie et pelage

Le Léopard d'Indochine ne présente pas de caractères morphologiques évidents pour le différencier des autres sous-espèces de Léopard. Selon Pocock, le Léopard d'Indochine a la même couleur de fond que le Léopard de Chine (Panthera pardus japonensis), mais ses rosettes sont plus foncées, plus rapprochées et ont un cœur plus sombre. La fourrure serait aussi courte et brillante que le Léopard d'Inde[1].

Au droit de l'isthme de Kra, les populations de LĂ©opard d'Indochine sont scindĂ©es en deux formes morphologiques distinctes : au sud de l'isthme, les LĂ©opards sont essentiellement des Panthères noires, c'est-Ă -dire des formes de LĂ©opards mĂ©laniques tandis qu'au nord les LĂ©opards sont tachetĂ©s comme le prouvent des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur 22 sites de piĂ©geages photographiques en 1996 et 2009 dans la pĂ©ninsule Malaise et le sud de la ThaĂŻlande[2]. La robe noire est un avantage sĂ©lectif dans les denses forĂŞts tropicales[3].

Mensurations de trois Léopards d'Indochine mâles et deux Léopards d'Indochine femelles relevés en Thaïlande[4]
Longueur de tĂŞte et du corps (mm)Longueur de la queue (mm)Poids (kg)
Mâles1 190 Ă  1 320 mm770 Ă  790 mm40 Ă  70 kg, 56,7 kg en moyenne
Femelles1 060 et 1 090 mm740 et 750 mm21 et 25 kg

Alimentation

En Asie, le léopard chasse majoritairement des cerfs et des antilopes[5]. En Thaïlande, le Blaireau à gorge blanche (Arctonyx collaris) représente 45,9 % de son régime alimentaire suivi du Cerf aboyeur (Muntiacus muntjak) (20,9 %) et du Sanglier (Sus scrofa) (6,3 %)[6].

Le régime alimentaire du Léopard d'Indochine s'adapte à la présence du tigre. Par exemple, dans le parc de Huai Kha Khaeng, le Léopard et le tigre se nourrissent essentiellement de Cerfs aboyeurs, mais pour éviter la compétition interspécifique, le Léopard d'Indochine chasse également un nombre plus important de petits mammifères et de primates. Dans les zones où le tigre n'est pas présent, le Léopard ne modifie pas son régime alimentaire, ce qui suggèrent que seul ce grand prédateur modifie notoirement le comportement du Léopard d'Indochine[4].

Territorialité

Le Léopard est l'un des félins avec l'aire de répartition la plus répandue. Pourtant, il existe très peu d'études scientifiques sur les déplacements et les activités du Léopard. Ainsi, seules deux études ont été réalisées pour le Léopard d'Indochine dans deux aires protégées de Thaïlande[4] :

  • En 1996, trois LĂ©opards d'Indochine ont Ă©tĂ© suivis avec des colliers Ă©metteurs dans le centre-est du parc national de Kaeng Krachan, une zone de forĂŞt sempervirente vallonnĂ©e. Les territoires des deux mâles Ă©tudiĂ©s avaient une superficie de 14,6 Ă  18,0 km2 et pour la femelle 8,8 km2. Les territoires offraient de nombreuses opportunitĂ©s pour la chasse (rivière, vallĂ©e et forĂŞt) et Ă©taient riches en proie. Le territoire des mâles s'agrandissait lĂ©gèrement durant la saison humide (juin Ă  octobre)[7].
  • Entre 1994 et 1999, dix lĂ©opards ont Ă©tĂ© suivis avec des colliers-Ă©metteurs dans la partie nord-ouest du sanctuaire sauvage de Huai Kha Khaeng. La superficie moyenne pour le territoire des mâles est de 35,2 Ă  64,6 km2 et celui des femelles atteint 17,8 Ă  34,2 km2 : ce dernier figure parmi les territoires les plus vastes pour cette espèce[Note 1]. Le territoire des femelles s'agrandit durant la saison sèche. Tous les lĂ©opards prĂ©fèrent les forĂŞts sempervirentes et de feuillus, avec un accès facile Ă  un point d'eau[8].

Les résultats de ces deux études montrent également que les déplacements se déroulaient autant la nuit que le jour, et que les Léopards d'Indochine étaient actifs 49 à 67 % du temps, ce qui est élevé pour cette espèce. Cette activité intense de jour comme de nuit est peut-être reliée à la faible présence du tigre dans ces parcs nationaux[Note 2], mais peut également être le résultat d'un manque de proies, demandant une activité de recherche et de chasse plus intensive[4].

Évolution de l'espèce et sous-espèces

La lignĂ©e des panthères, les Pantherinae, a divergĂ© il y a 10,8 millions d'annĂ©es de l'ancĂŞtre commun des Felidae, puis il y a 6,4 millions d'annĂ©es, la lignĂ©e des panthères nĂ©buleuses Neofelis et celle des Panthera[9]. L’extrĂŞme variabilitĂ© du pelage du LĂ©opard a historiquement conduit Ă  la crĂ©ation d'un nombre important de sous-espèces basĂ© sur la forme ou la couleur des taches. Vingt-sept sous-espèces de lĂ©opards (Panthera pardus) Ă©taient communĂ©ment reconnues avant que la biologiste sri lankaise Sriyanie Miththapala et ses collaborateurs ne rĂ©visent la classification des lĂ©opards par l'Ă©tude directe de l'ADN en 1995[10].

Le Léopard d'Indochine fait partie des neuf sous-espèces de léopards selon l'Union internationale pour la conservation de la nature[6]. La description de la sous-espèce est réalisée par Pocock à partir d'un spécimen rapportée par l'expédition de Jean Théodore Delacour et Lowe en 1930[1].

Chorologie

Aire de répartition

Le LĂ©opard d'Indochine est un habitant du Myanmar, de la ThaĂŻlande, de la Malaisie, du Laos, du Cambodge, du Vietnam et du sud de la Chine[6].

Au Myanmar, dans le sanctuaire de vie sauvage de Chatthin, les populations de léopards ont tant décliné entre les années 1940 et 1980 qu'elles sont considérés comme espèce extirpée du parc depuis les années 2000[11].

Entre et , 25 LĂ©opards sont passĂ©s devant des pièges photographiques dispersĂ©s sur une surface de 500 km2 dans le parc national de Nam Et-Phou Louey au Laos[12] Les LĂ©opards sont Ă©galement prĂ©sents dans le parc national de Nam Kan[13].

Au sanctuaire de vie sauvage de Hala-Bala sur la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande, seuls deux Léopards sont passés devant des pièges photographiques entre et [14].

En , un léopard tacheté passe devant un piège photographique dans le parc national de Taman Negara Endau-Rompin en Malaisie, alors qu'auparavant seuls des Léopards noirs ont pu être observés[15].

Menaces

La chasse sportive a fait partie des menaces pesant sur l'espèce, à présent remplacée par le braconnage. Ici, un Léopard tué en Thaïlande au début du XXe siècle.

Les Léopards d'Indochine sont d'abord menacés par la disparition de leur habitat, à la suite de la déforestation massive en Asie du Sud-Est et à la disparition de ses proies en raison du braconnage[7] - [8]. La seconde menace pesant sur l’espèce est le trafic d'animaux, qui présente le meilleur potentiel de destruction en un minimum de temps[16].

Destruction de l'habitat

Les dĂ©placements humains Ă  l'intĂ©rieur des aires protĂ©gĂ©s affectent nĂ©gativement les dĂ©placements et les activitĂ©s du LĂ©opard d'Indochine : le LĂ©opard d'Indochine a un comportement moins diurne dans les zones fortement frĂ©quentĂ©es par les humains[17]. Dans les villages situĂ©s dans les aires protĂ©gĂ©es du Laos, la consommation des daims et des cochons sauvages du parc par les habitants est estimĂ©e Ă  28,2 kg par an et par foyer, ce qui correspond Ă  2,84 t de viande d'ongulĂ©s pour 100 km2, une source de nourriture qui permettait Ă  de nombreux LĂ©opards de survivre pour la mĂŞme superficie[12] - [18].

Dans les forĂŞts tropicales fragmentĂ©es autour de l'agglomĂ©ration de Klang Valley en Malaisie, il a Ă©tĂ© rapportĂ© l'une des concentrations en LĂ©opard les plus Ă©levĂ©es du monde : 28,35 individus par km2. Cette haute concentration pourrait ĂŞtre un effet de la rĂ©duction rapide des forĂŞts, qui aurait poussĂ© les LĂ©opards vers les zones encore habitable pour l'espèce[19] - [20].

Trafic d'animaux

De nombreux marchés aux fourrures domestiques sont encore présents au Myanmar et en Malaisie pour la médecine traditionnelle, en Chine pour les peaux et les os, en tant que substitut aux os de tigre. En Chine, l'utilisation de stocks d'os de léopards est toujours autorisée par le gouvernement pour les fabricants de médicaments malgré l'interdiction de l'usage domestique[21].

Au Myanmar, 215 parties de dĂ©pouilles issues d'au moins 177 LĂ©opards ont Ă©tĂ© observĂ©es dans quatre marchĂ©s sondĂ©s entre 1991 et 2006. Parmi les parties de dĂ©pouille vendues, un pĂ©nis de lĂ©opard et de testicules Ă©taient vendues ouvertement, avec d'autres morceaux du fĂ©lin fraĂ®chement tuĂ©s. Trois des marchĂ©s Ă©tudiĂ©s se trouvent Ă  la frontière entre la Chine et la ThaĂŻlande et rĂ©pondent Ă  la demande d'acheteurs internationaux, malgrĂ© la protection lĂ©gale dont dispose le LĂ©opard. La politique prĂ©conisĂ©e par la CITES est mise en Ĺ“uvre inefficacement[22].

Notes et références

Notes

  1. La superficie du territoire du LĂ©opard est particulièrement stable en Afrique comme en Asie : de 6 Ă  18 km2 pour les femelles et de 17 Ă  76 km2 pour les mâles.
  2. Des études similaires réalisées en Inde ont montré que le Léopard adopte une stratégie d'évitement (activité moindre et plus nocturne) avec le tigre afin de ne pas entrer en compétition avec ce félin beaucoup plus gros.

Références

  1. (en) Wilfred H. Osgood, Mammals of the Kelley-Roosevelts and Delacour Asiatic expedition, Chicago, , 339 p.
  2. (en) K. Kawanishi, M. E. Sunquist, E. Eizirik, A. J. Lynam, D. Ngoprasert, W. N. Wan Shahruddin, D. M. Rayan, D. S. K. Sharma et R. Steinmetz, « Near fixation of melanism in leopards of the Malay Peninsula. », Journal of Zoology, vol. 282, no 3,‎ , p. 201–206
  3. (en) Michael E. N. Majerus, Melanism : evolution in action., New York, Presse universitaire d'Oxford, , 338 p. (ISBN 0-19-854983-0)
  4. (en) Mel Sunquist et Fiona Sunquist (photogr. Terry Whittaker et autres), Wild Cats of the World, Chicago, The University of Chicago Press, , 416 p., Relié (ISBN 978-0226779997 et 0-226-77999-8, présentation en ligne), « Leopard Panthera pardus (Linnaeus, 1758) »
  5. Peter Jackson et Adrienne Farrell Jackson (trad. Danièle Devitre, préf. Dr Claude Martin, ill. Robert Dallet et Johan de Crem), Les Félins : Toutes les espèces du monde, Turin, Delachaux et Niestlé, coll. « La bibliothèque du naturaliste », , 272 p., relié (ISBN 978-2603010198 et 2-603-01019-0), p. 112
  6. (en) Référence UICN : espèce Panthera pardus (Linnaeus, 1758)
  7. (en) Lon Grassman, « Ecology and behavior of the Indochinese leopard in Kaeng Krachan National Park, Thailand », Natural History Bulletin Siam Society, no 47,‎ , p. 77–93 (lire en ligne)
  8. (en) S. Simcharoen, A.C.D. Barlow, A Simcharoen et J.L.D Smith, « Home range size and daytime habitat selection of leopards in Huai Kha Khaeng Wildlife Sanctuary, Thailand. », Biological Conservation 141,‎ , p. 2242–2250
  9. (fr) Stephen O'Brien et Warren Johnson, « L'évolution des chats », Pour la science, no 366,‎ (ISSN 0153-4092) basée sur (en) W. Johnson et al., « The late Miocene radiation of modern felidae : a genetic assessment », Science, no 311,‎ et (en) C. Driscoll et al., « The near eastern origin of cat domestication », Science, no 317,‎ .
  10. (en) Sriyanie Miththapala, John Seindensticker, Stephen J. O'Brien, « Phylogeographic subspecies recognition in leopards (Panthera pardus) : molecular genetic variation », Conservation Biology, vol. 10,‎ , p. 1115-1132.
  11. (en) M. Aung, K. K. Swe, T. Oo, K. K. Moe, P. Leimgruber, T. Allendorf, C. Duncan et C. Wemmer, « The environmental history of Chatthin Wildlife Sanctuary, a protected area in Myanmar (Burma) », Journal of Environmental Management, vol. 72,‎ , p. 205–216 (DOI 10.1.1.61.3531)
  12. (en) A. Johnson, C. Vongkhamheng, M. Hedemark et T. Saithongdam, « Effects of human–carnivore conflict on tiger (Panthera tigris) and prey populations in Lao PDR », Animal Conservation, no 9,‎ , p. 421–430 (lire en ligne)
  13. (en) Robichaud, W. Insua-Cao, P. C. Sisomphane et S. Chounnavanh, « A scoping mission to Nam Kan National Protected Area, Lao PDR », Fauna & Flora International,‎ (lire en ligne)
  14. (en) S. Kitamura, S. Thong-Aree, S. Madsri et P. Pooswad, « Mammal diversity and conservation in a small isolated forest os southern Thailand », The Raffles Bulletin of Zoology, vol. 58, no 1,‎ , p. 145–156 (lire en ligne)
  15. (en) « Spotted leopard caught on camera in Malaysia », Wildlife Extra, (consulté le )
  16. (en) K. Nowell et Peter Jackson, Wild Cats : status survey and conservation action plan, Gland, Suisse, IUCN/SSC Cat Specialist Group, (lire en ligne)
  17. (en) D. Ngoprasert, A.J. Lynam et G. A. Gale, « Human disturbance affects habitat use and behaviour of Asiatic leopard Panthera pardus in Kaeng Krachan National Park, Thailand. », Oryx, no 41,‎ , p. 343–351
  18. (en) Review of Protected Areas and Development in the Lower Mekong River Region, « Lao PDR National Report on Protected Areas and Development », Indooroopilly, Queensland, Australia, ICEM,
  19. (en) A. Sanei, M. Zakaria, E. Yusof et M. Roslan, « Estimation of leopard population size in a secondary forest within Malaysia’s capital agglomeration using unsupervised classification of pugmarks », Tropical Ecology, vol. 52, no 2,‎ , p. 209-217 (lire en ligne)
  20. (en) A. Sanei et M. Zakaria, Summary of the Malayan leopard project progress report, Kuala Lumpur, University Putra Malaysia, (lire en ligne)
  21. (en) K. Nowell, « Asian big cat conservation and trade control in selected range States: evaluating implementation and effectiveness of CITES Recommendations », TRAFFIC Report,‎ (lire en ligne)
  22. (en) C. R. Shepherd et V. Nijman, The wild cat trade in Myanmar, Petaling Jaya, TRAFFIC Sud-Est asiatique, (lire en ligne)

Annexes

Liens externes

Bibliographie

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