L'Origine du monde
L'Origine du monde est un tableau de nu féminin réalisé par Gustave Courbet en 1866. Il s'agit d'une huile sur toile de 46 à 55 cm, exposée au musée d'Orsay depuis 1995[1].
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Dimensions (H Ă L) |
46 Ă 55 cm |
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RF 1995 10 |
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ModĂšle |
Description
La toile montre en gros plan, en contre-plongée, la vulve et le torse d'une femme allongée nue sur le drap blanc[2] d'un lit, les cuisses écartées. Le tableau est cadré de sorte qu'on ne voit rien au-dessus des seins (en partie couverts d'un drap) ni en dessous des cuisses. En arriÚre-plan, au coin supérieur gauche, l'artiste a peint un triangle brun qui met le sujet en valeur, et notamment le triangle pubien couvert d'une toison brune broussailleuse qui coiffe une fente vulvaire aux lÚvres apparentes[3].
Bien que lâĆuvre n'ait pas Ă©tĂ© exposĂ©e en public avant la fin du XXe siĂšcle, elle est connue et dĂ©crite par les commentateurs du monde artistique et littĂ©raire de son Ă©poque, et en premier lieu par Maxime Du Camp qui la voit, vers 1867, chez son premier propriĂ©taire et la prĂ©sente en ces termes[4] :
« Dans le cabinet de toilette du personnage Ă©tranger, on voyait un petit tableau cachĂ© sous un voile vert. Lorsque lâon Ă©cartait le voile, on demeurait stupĂ©fait dâapercevoir une femme de grandeur naturelle, vue de face, Ă©mue et convulsĂ©e, remarquablement peinte, reproduite con amore, ainsi que disent les Italiens, et donnant le dernier mot du rĂ©alisme. Mais, par un inconcevable oubli, lâartisan qui avait copiĂ© son modĂšle dâaprĂšs nature, avait nĂ©gligĂ© de reprĂ©senter les pieds, les jambes, les cuisses, le ventre, les hanches, la poitrine, les mains, les bras, les Ă©paules, le cou et la tĂȘte. »
Historique
Un modĂšle anonyme qui suscite bien des fantasmes dâidentitĂ©
Aucune source historique ne documente les circonstances de la rĂ©alisation du tableau par Courbet. Celui-ci nâen fait nulle part mention dans sa correspondance[5], et les tĂ©moignages de ses contemporains, qui sont rares et parcellaires, nâapportent aucune certitude formelle sur lâidentitĂ© du modĂšle. Pour autant, les spĂ©culations sont allĂ©es bon train, amplifiĂ©es depuis que le tableau est entrĂ© dans les collections publiques, comme si lâanonymat du modĂšle Ă©tait particuliĂšrement insupportable et/ou un puissant stimulant de fantasmes pour les enquĂȘteurs. Câest ainsi quâune multitude dâhypothĂšses, plus ou moins sĂ©rieuses et Ă©tayĂ©es, ont voulu donner un nom, et surtout un visage, Ă ce sexe anonyme.
Une fausse piste durable
- Courbet, Jo, la belle irlandaise (1866).
- Whistler, Symphonie en blanc no 1 (1862).
Lâune dâelles, longtemps en vogue, a affirmĂ© quâil sâagissait de Johanna (dite « Jo ») Hiffernan, une Irlandaise muse modĂšle et maĂźtresse du peintre James McNeill Whistler qui la dĂ©crit ainsi Ă Fantin-Latour :
« Câest des cheveux les plus beaux que tu nâaies jamais vu ! dâun rouge non pas dorĂ© mais cuivrĂ©, comme tout ce quâon a rĂȘvĂ© de VĂ©nitienne[6] ! »
En dĂ©pit de lâaporie faisant dâune Irlandaise connue pour ĂȘtre une vraie rousse, la propriĂ©taire de la toison noire de LâOrigine du Monde, cette version sâest diffusĂ©e Ă lâenvi jusquâĂ culminer le avec le tapage mĂ©diatique causĂ© par lâimprobable dĂ©couverte dâun fragment de tableau complĂ©tant LâOrigine du Monde identifiĂ© comme la tĂȘte de Jo[7], un scoop « fantaisiste » selon le musĂ©e d'Orsay, qui depuis a fait long feu[8].
La premiĂšre mention selon laquelle Joanna Hiffernan avait « probablement » servi de modĂšle Ă LâOrigine remonte Ă 1978, par lâhistorienne de lâart Sophie Monneret. Jean-Jacques Fernier reprit lâhypothĂšse dans le catalogue de lâexposition « Les Yeux les plus secrets » quâil organisa en 1991 Ă Ornans, oĂč le tableau, qui appartenait alors Ă Sylvia Bataille, fut pour la premiĂšre fois prĂ©sentĂ© au public français. Cette version devint, en 2000, le pivot du scĂ©nario dĂ©veloppĂ© par Christine Orban dans un roman : JâĂ©tais lâorigine du monde (Albin-Michel)[9] - [10]. Le succĂšs de ce dernier a contribuĂ© Ă diffuser la lĂ©gende tenace selon laquelle la rousse irlandaise aurait Ă©tĂ© non seulement le modĂšle, mais de surcroĂźt la maĂźtresse de Courbet, et le tableau lâobjet de rupture entre elle et son amant Whistler. Une version romancĂ©e largement rĂ©pandue[11] et quâune enquĂȘte historique minutieuse a rĂ©cemment permis de dĂ©mentir dĂ©finitivement, en montrant que Johanna Hiffernan nâĂ©tait pas Ă Paris au moment oĂč la toile a Ă©tĂ© peinte, que la rupture entre Jo et Whistler date de 1872 et que la prĂ©tendue jalousie amoureuse de ce dernier est pure invention romanesque[12]. Bien au contraire, câest Whistler qui invita Courbet Ă peindre le visage de Jo, en 1865, Ă Trouville, en un portrait intitulĂ© Jo, la belle irlandaise qui rend honneur Ă la splendeur de sa chevelure rousse. Tout indique que leurs relations se soient arrĂȘtĂ©es lĂ [13] - [14].
Autres spéculations
- Jeanne de Tourbey, future comtesse de Loynes, peinte par Amaury-Duval.
- Photographie de Mlle Queniaux par Nadar, v. 1860.
- Photographie de Cora Pearl par EugÚne Disdéri, v. 1860.
Dâautres noms ont circulĂ© visant Ă abolir lâanonymat de LâOrigine du Monde. Ainsi, celui de deux femmes, parmi les plus prisĂ©es Ă Paris en 1866, deux fameuses courtisanes, Ă la fois maĂźtresses du prince NapolĂ©on (proche cousin de NapolĂ©on III), et de Khalil-Bey, le propriĂ©taire de la toile : Jeanne de Tourbey[15] (surnommĂ©e « La dame aux violettes ») et Cora Pearl[16] (surnommĂ©e « La grande horizontale »). Une troisiĂšme maĂźtresse de Khalil Bey, Constance QuĂ©niaux, tient la corde de nos jours, depuis que Claude Schopp, spĂ©cialiste dâAlexandre Dumas, a restituĂ© le sens corrompu dâune lettre de ce dernier Ă George Sand oĂč il Ă©crit :
« On ne peint pas de son pinceau le plus dĂ©licat et le plus sonore lâintĂ©rieur de Mlle Queniault [sic] de lâOpĂ©ra[17]. »
Ajoutant du crĂ©dit Ă cette hypothĂšse, la chevelure intensĂ©ment brune de Constance QuĂ©niaux sâaccorde, elle, bien avec la toison de LâOrigine.
Sâil ne semble pas absurde que le modĂšle ait pu appartenir au « sĂ©rail » de Khalil Bey, « le Turc des Boulevards » destinataire du tableau, collectionneur de nus et amateur de femmes, il semble en revanche trĂšs improbable quâun modĂšle ait pu tenir longtemps la pose exigĂ©e par le tableau de Courbet. Ce dernier argument est avancĂ© pour suggĂ©rer le rĂŽle intermĂ©diaire quâa pu jouer la photographie dans la fabrication de la toile[18].
Le rĂŽle de la photographie
Il existe plusieurs mentions, sous la plume de Courbet et de ses correspondants, de son utilisation de photographies pour peindre des nus[19] - [20]. Il conservait du reste plusieurs centaines de clichĂ©s de nus dans son atelier dâOrnans, dont certains par Vallou de Villeneuve, par Joseph-Auguste Belloc et par les frĂšres Louis-Auguste et Auguste-Rosalie Bisson[21]. Le cadrage de LâOrigine du Monde reprend Ă lâidentique celui dâĂ©preuves conçues pour le stĂ©rĂ©oscope par Belloc, dont le modĂšle, sâil faut absolument un nom, sâappelait Augustine Legaton[22]. Pour un grand nombre dâhistoriens de lâart contemporains parmi les plus sĂ©rieux et avec les meilleurs arguments, la photographie pornographique est source, Ă la fois, de lâiconographie et de la composition de lâOrigine. On compte Linda Nochlin[23], ValĂ©rie Bajou[24], Thierry Savatier[18], Laurence des Cars et Dominique de Font-RĂ©aulx[22] parmi les partisans de cette derniĂšre interprĂ©tation. Mais si la toile est une provocation choquante, elle n'est pas une pochade pornographique : elle ne calque pas la cruditĂ© des photographies pornographiques qu'on vendait aux amateurs Ă l'Ă©poque et dans lesquelles « les lĂšvres de la vulve, parfois la crĂȘte du clitoris sont habituellement indiquĂ©es par un rougeoiement auquel ici Courbet se refuse[25] ».
Des propriétaires discrets
La commande de L'Origine du monde est attribuée à Khalil-Bey, un diplomate turc, ancien ambassadeur de l'Empire ottoman à AthÚnes et Saint-Pétersbourg fraßchement installé à Paris. Présenté par Sainte-Beuve à Courbet, il commande une toile à ce dernier pour sa collection personnelle de tableaux érotiques qui compte entre autres Le Bain turc d'Ingres (1862). Courbet lui vend simultanément, en 1866, Le Sommeil[26] et L'Origine du monde.
Trois ans plus tard, Khalil-Bey, ruiné par des dettes de jeu, vend 68 tableaux aux enchÚres. Mais il conserve L'Origine du monde qu'il emmÚne à Constantinople. Il est ministre du gouvernement turc, puis revient à Paris avec son tableau en 1877. L'antiquaire Antoine de La Narde fait l'acquisition du tableau. Edmond de Goncourt le voit ensuite chez ce marchand d'art en 1889[27]. Il est alors masqué par un autre tableau de Courbet représentant le chùteau de Blonay, réalisé durant l'exil en Suisse du peintre.
Les Goncourt ne s'Ă©tant pas portĂ©s acquĂ©reurs, on perd Ă nouveau sa trace. Une hypothĂšse le place ensuite dans la collection d'Ămile Vial[1] jusqu'en 1912, puis on le retrouve de façon certaine dans la Galerie Bernheim-Jeune jusqu'en 1913, oĂč il est achetĂ© le par le baron MĂłr LipĂłt Herzog[28]. Ce collectionneur hongrois emporte les deux toiles associĂ©es Ă Budapest oĂč il cĂšde l'Origine du monde Ă son compatriote le baron François de Hatvany. Le ChĂąteau de Blonay sera acquis en 1959 par le musĂ©e des beaux-arts de Budapest.
Entre-temps, la Hongrie est envahie par l'armĂ©e allemande en . L'Origine du monde, figure parmi 70 Ćuvres de la collection du baron[29] dĂ©posĂ©es dans des coffres de banques sous les noms d'emprunt de Hongrois de confiance car Hatvany est juif. Bonne prĂ©caution puisque les nazis saisissent les Ćuvres dĂ©tenues par les Juifs sans toucher Ă celles des autres Hongrois. Mais quand les Russes envahissent la Hongrie au dĂ©but de 1945, les banques du pays sont totalement pillĂ©es. L'Origine du monde part Ă l'est. Ă l'Ă©tĂ© 1946, un homme, se disant hongrois, vient trouver le baron Hatvany (qui a Ă©chappĂ© aux rafles) et lui propose de racheter une partie de sa collection (une dizaine de tableaux). Parmi eux figure L'Origine du monde, qui l'accompagne lorsqu'il rejoint Paris avec sa famille.
Le dernier particulier Ă possĂ©der ce tableau est le psychanalyste Jacques Lacan. Avec l'actrice Sylvia Bataille, il en fait l'acquisition en 1955 pour l'installer dans sa maison de campagne de Guitrancourt dans les Yvelines. Le cache originel ayant disparu, le psychanalyste demande Ă AndrĂ© Masson, son beau-frĂšre, de construire un cadre Ă double fond et de peindre une autre Ćuvre par-dessus. Celui-ci rĂ©alise une version surrĂ©aliste de L'Origine du monde, intitulĂ©e Terre Ă©rotique, et beaucoup plus suggĂ©rĂ©e[30]. Le tableau est reproduit en 1974 dans un essai illustrĂ© de Bradley Smith (1910-1997) prĂ©facĂ© par Henry Miller, oĂč il est intitulĂ© Torse[31].
Le public new-yorkais a toutefois l'occasion d'admirer pour la premiÚre fois L'Origine du monde en 1988 lors de l'exposition Courbet Reconsidered au Brooklyn Museum. Elle est aussi exposée en 1992 à l'exposition Masson, à Ornans.
AprĂšs la mort de Lacan en 1981, puis de Sylvia Bataille-Lacan en 1993, le ministĂšre de l'Ăconomie et des Finances accepte que les droits de succession de la famille soient rĂ©glĂ©s par dation de l'Ćuvre au musĂ©e d'Orsay, en 1995.
Impact du réalisme
Probable premiÚre évocation graphique et publique, mais sibylline, du tableau de Courbet, représenté par une feuille de vigne, à droite de son visage.
Une Ćuvre provocatrice
Le XIXe siĂšcle connut dans la reprĂ©sentation du nu les prĂ©mices d'une rĂ©volution picturale dont les acteurs principaux furent Courbet et Manet. Courbet rejetait la peinture acadĂ©mique et ses nus lisses, idĂ©alisĂ©s, mais s'attaquait aussi directement Ă la biensĂ©ance hypocrite du Second Empire, oĂč une forme d'Ă©rotisme Ă©tait tolĂ©rĂ©e lorsqu'il s'agissait de peinture mythologique ou onirique.
Le rĂ©alisme de Courbet, qui se targua plus tard de n'avoir jamais menti dans sa peinture, repoussait toujours plus loin les limites du prĂ©sentable. Avec L'Origine du monde, il exhiba en quelque sorte la partie cachĂ©e de l'Olympia de Manet. Maxime Du Camp, dans une sĂ©vĂšre diatribe, relata sa visite chez le commanditaire de l'Ćuvre et sa vision d'un tableau « donnant le dernier mot du rĂ©alisme ».
Dans le livre Trois dßners avec Gambetta, Ludovic Halévy[32] reprend le récit fait par Gambetta (en substance sauf pour les propos de Courbet) :
« C'Ă©tait chez Khalil Bey⊠Devant le tableau, on s'Ă©puisait en phrases enthousiastes⊠Courbet alors de dire avec sa grosse voix grasseyante et traĂźnante : âVous trouvez cela beau⊠et vous avez raison⊠Oui, cela est trĂšs beau, et tenez, Titien, VĂ©ronĂšse, LEUR RaphaĂ«l, MOI-MĂME n'avons jamais rien fait de plus beau.â »
Une influence encore actuelle
En 1989, la plasticienne Orlan s'en inspire pour réaliser L'Origine de la guerre[33], le pendant masculin et phallique du tableau de Courbet en un geste empreint de féminisme.
En France, en fĂ©vrier 1994, en raison de la couverture du roman Adorations perpĂ©tuelles de Jacques Henric, reproduisant L'Origine du monde, la police visita plusieurs librairies pour faire retirer le livre des vitrines. Certaines comme la librairie Rome Ă Clermont-Ferrand, situĂ© au voisinage de la cathĂ©drale, et qui dut lutter contre les pressions des autoritĂ©s locales, le maintinrent en vitrine, mais Les Sandales d'EmpĂ©docle Ă Besançon le retirĂšrent, et certaines librairies le firent d'elles-mĂȘmes. L'auteur se dĂ©sola de ces Ă©vĂ©nements :
« Il y a quelques annĂ©es, les libraires Ă©taient des contre-pouvoirs. Lorsque le ministĂšre de l'IntĂ©rieur, en 1970, avait interdit le livre de Pierre Guyotat, Ăden, Ăden, Ăden, les librairies avaient Ă©tĂ© des lieux de rĂ©sistance. Aujourd'hui, elles devancent la censure⊠»
Le , Jacques Toubon, ministre de la Culture, dĂ©nonce ces actions : « Les diffĂ©rentes initiatives prises pour empĂȘcher ou diminuer l'exposition de ce livre constituent une tentative ridicule de censure, s'agissant d'une Ćuvre d'art en elle-mĂȘme belle et respectable[34]. »
Bien que la moralitĂ© et les interdits qu'elle dicte aient Ă©voluĂ© depuis Courbet, notamment grĂące Ă la photographie et au cinĂ©ma, le tableau est restĂ© provocateur. En tĂ©moigne l'Ă©vĂ©nement qu'a reprĂ©sentĂ© son entrĂ©e au musĂ©e d'Orsay. Un gardien fut mĂȘme affectĂ© en permanence Ă la surveillance de cette seule piĂšce, pour observer les rĂ©actions du public.
L'artiste serbe Tanja Ostojic s'est inspirĂ©e de cette Ćuvre en l'imitant dans un style provocateur. L'Ćuvre a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e lors de l'exposition Europart sur l'art actuel en Europe qui s'est tenue Ă Vienne en 2005, puis Ă la rĂ©trospective Courbet au Grand Palais, Ă la fin de l'annĂ©e 2007.
Le cinĂ©aste Philippe Ramos s'est Ă©galement inspirĂ© de L'Origine du monde pour ses films Capitaine Achab (un court mĂ©trage en 2004, puis un long mĂ©trage en 2007). La mĂȘme rĂ©fĂ©rence apparaĂźt dans L'Origine du monde (2001) de JĂ©rĂŽme Enrico, avec Roschdy Zem, Ăngela Molina et Alain Bashung. Le scĂ©nario fait le rapprochement, par le prĂ©texte dramatique d'une enquĂȘte policiĂšre, entre le tableau de Courbet et Ćdipe roi de Sophocle.
En 2000, l'Ă©crivain Serge Rezvani sort L'Origine du monde chez Actes Sud, un roman de fiction autour du cĂ©lĂšbre tableau Ă©ponyme. L'action se dĂ©roule en 2020 Ă Paris, au « Grand MusĂ©e ». Le tableau est au centre du roman, Ćuvre posant problĂšme et obsĂ©dant totalement le personnage principal Bergamme, qui dĂ©cide de le dĂ©rober pour le continuer et lui rendre son statut d'Ćuvre secrĂšte et cachĂ©e du public.
L'Ă©crivain Jean-Pierre GattĂ©gno donne aussi une place particuliĂšre Ă l'Ćuvre de Courbet, symbole de dĂ©sir, dans son livre Longtemps je me suis couchĂ© de bonne heure.
L'Ă©crivain chilien Jorge Edwards s'est aussi inspirĂ© de cette Ćuvre pour son roman L'Origine du monde (1996), traduit dĂ©jĂ au français et qui porte sur des personnages chiliens Ă Paris.
Lâartiste française Bettina Rheims a publiĂ© un livre dâart photo Le Livre dâOlga[35] en 2008, la photo de clĂŽture Ă©tant la photo du protagoniste Olga Rodionova reprĂ©sentant presque entiĂšrement L'Origine du monde. Les seules diffĂ©rences reprĂ©sentaient l'Ă©volution des goĂ»ts entre les XIXe et XXIe siĂšcles : Ă©pilation parfaite des organes gĂ©nitaux avec piercing clitoridien et tatouage intime de Olga Rodionova en comparaison du look velu naturel de Constance QuĂ©niaux. Le livre controversĂ© a acquis une grande renommĂ©e et a Ă©tĂ© l'objet d'une bataille juridique en Russie.
Le musicien Tony Hymas compose en 2010 une suite intitulée De l'origine du monde. Le propos s'inscrit dans une logique allant du tableau de Courbet jusqu'à la participation de ce dernier à la Commune de Paris comme autre origine du monde. Les illustrateurs Daniel Cacouault, Simon Goinard Phélipot, Rocco, Stéphane Courvoisier, Zou, Eloi valat, Jeanne Puchol, Benjamin Bouchet, Sylvie Fontaine, Chloé Cruchaudet, Stéphane Levallois, Nathalie Ferlut ont participé au projet publié par les disques nato.
En fĂ©vrier 2011, l'artiste danois Frode Steinicke (da) s'est vu exclu du rĂ©seau social Facebook pour avoir publiĂ© sur son profil une photographie du tableau. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă illustrer ses commentaires sur une Ă©mission de la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision danoise DR2. Son profil a finalement Ă©tĂ© rĂ©activĂ©, mais sans la photographie de l'Ćuvre[36]. Des pages Facebook consacrĂ©es Ă ce tableau ont Ă©tĂ© supprimĂ©es par l'administration du site Ă la suite de la mĂ©diatisation de l'Ă©vĂ©nement.
En , une plainte contre Facebook est dĂ©posĂ©e au tribunal de grande instance de Paris, par un Français dont le compte a Ă©tĂ© banni Ă la suite de la publication sur son profil d'une photo du tableau. La photo renvoyait vers un documentaire diffusĂ© par la chaĂźne culturelle Arte, et retraçait l'histoire du tableau. Le plaignant, un professeur, a fait cela « pour transmettre sa passion pour l'art ». Constatant que ses courriels restaient sans rĂ©ponse, il a donc dĂ©cidĂ© d'assigner Facebook pour « atteinte Ă la libertĂ© d'expression ». Il dĂ©nonce en mĂȘme temps les conditions gĂ©nĂ©rales de Facebook qui l'obligent Ă porter plainte uniquement devant le tribunal de Santa Clara en Californie, et espĂšre faire reconnaĂźtre la compĂ©tence de la justice française[37] - [38]. La cour d'appel de Paris a confirmĂ© en que les juridictions françaises Ă©taient compĂ©tentes pour juger ce litige[39].
Le , une jeune artiste plasticienne luxembourgeoise, Deborah De Robertis, s'assoit Ă terre devant le tableau exposĂ© au musĂ©e d'Orsay et, jambes Ă©cartĂ©es, exhibe son sexe devant les visiteurs Ă la maniĂšre du modĂšle du tableau, avant d'ĂȘtre dĂ©logĂ©e par les gardiens et la police venue en renfort[40].
HypothĂšse du fragment d'un tableau plus grand
Le , le magazine Paris Match se fait l'Ă©cho d'une hypothĂšse selon laquelle le tableau aurait Ă©tĂ© initialement plus grand, et aurait comportĂ© le visage du modĂšle[41]. Un collectionneur, Johan de la Monneraye, a achetĂ© Ă un antiquaire parisien en 2010 un portrait non signĂ© reprĂ©sentant une tĂȘte de femme renversĂ©e qui, d'aprĂšs l'expert Jean-Jacques Fernier, correspond au reste du tableau de Courbet.
Les experts du musĂ©e d'Orsay rejettent toutefois cette thĂ©orie d'un tableau dĂ©coupĂ© en deux parties[42], en la qualifiant de « fantaisiste »[43]. Le format du tableau (46 Ă 55 cm) est un format standard de l'Ă©poque que Courbet lui-mĂȘme a utilisĂ© pour d'autres tableaux. De plus, la position de la tĂȘte et le style de peinture ne correspondent pas au bas[44].
Notes et références
- Page officielle du musée d'Orsay, notice concernant L'Origine du monde : « Courbet n'a cessé de revisiter le nu féminin, parfois dans une veine franchement libertine. Mais avec L'Origine du monde, il s'autorise une audace et une franchise qui donnent au tableau son pouvoir de fascination. ».
- « Une autre interprĂ©tation suggĂšre qu'il ne s'agit peut-ĂȘtre pas d'un drap, mais d'un jupon de coton classique, sans dentelle ni broderie, simplement retroussĂ© ». Cf Thierry Savatier, op. cit., p.24
- Thierry Savatier, LâOrigine du Monde, Bartillat, , p. 24-25.
- Maxime Du Camp, Les Convulsions de Paris, vol. 2, Ăpisodes de la Commune, Paris, Hachette, 1878, p. 189-190 [ObscĂ©nitĂ©] (en ligne).
- Petra Ten-Doesschate Chu, Ădition commentĂ©e de la Correspondance de Gustave Courbet, Paris, Flammarion, , 635 p. (ISBN 978-2-08-011764-9).
- (en) The Correspondence of James McNeill Whistler, 1855-1903, University of Glasgow, Margaret F. MacDonald, Patricia de Montfort et Nigel Thorp (Ă©d.) (lire en ligne), lettre de janvier-juin 1861, GUW 08042. Câest Whistler qui souligne..
- Pour la reconstitution dĂ©taillĂ©e du dossier, voir la postface de la nouvelle (5e) Ă©dition de LâOrigine du Monde de Thierry Savatier, Paris, Bartillat 2019, p. 265-304.
- « CommuniquĂ© de presse du MusĂ©e dâOrsay : « L'Origine du monde n'a pas perdu sa tĂȘte... » », sur musee-orsay.fr, (consultĂ© le ).
- Thierry Savatier, « De qui « LâOrigine du monde » est-elle le nom ? », sur lemonde.fr, (consultĂ© le ).
- Antoinette Le Normand-Romain, Isolde Pludermacher, Thierry Savatier (Ă©d.), Cet obscur objet de dĂ©sirs â Autour de LâOrigine du monde, Paris, LiĂ©nard, , 175 p. (ISBN 978-2-35906-114-7).
- Câest dâailleurs la version qui figura dans lâencyclopĂ©die libre WikipĂ©dia, depuis la crĂ©ation de la page le 13 janvier 2005, jusquâau 10 juin 2019 et que de nombreux ouvrages historiques ont colportĂ© telle une vulgate.
- Yves Sarfati, LâAnti-Origine du Monde, Dijon, Les Presses du RĂ©el, , 460 p. (ISBN 978-2-84066-833-6).
- Pour un rĂ©cit circonstanciĂ© de lâhistoire du trio : Yves Sarfati, LâAnti-Origine du Monde, Les presses du rĂ©el, 2017.
- Thierry Savatier, LâOrigine du Monde, Paris, Bartillat, 2019 (5e Ă©dition), 322 p. (ISBN 978-2-84100-667-0), p. 54-64.
- MichÚle Haddad, Gustave Courbet, Peinture et Histoire, Paris, Presses du BelvédÚre, , 243 p. (ISBN 978-2-88419-085-5 et 2-88419-085-6), p. 142.
- (en) Klaus Herding, Courbet, A Dream of Modern Art, Francfort, Hatje Cantz, , 304 p. (ISBN 978-3-7757-2629-0), p. 34.
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- Thierry Savatier, L'Origine du Monde : histoire d'un tableau de Gustave Courbet, Paris, Bartillat, 2019 (5Ăšme Ă©dition), 322 p. (ISBN 978-2-84100-667-0), p. 67-69.
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- Laurence des Cars, Dominique de Font-Réaulx, Gary Tinterow, Cathryn Calley Galitz, Michel Hilaire et Sylvain Amic (éd.), avec Bruno Mottin, Bertrand Tillier et Dominique Lobstein, Gustave Courbet, Paris, Réunion des musées nationaux, , p. 378-384.
- Linda Nochlin, « Living with Courbet », dans Courbet Ă neuf ! Sous la direction de Mathilde Arnoux, Dominique de Font-RĂ©aulx, Laurence des Cars, StĂ©phane GuĂ©gan et Scarlett Reliquett â Courbet Ă Neuf ! â Ăditions de la Maison des sciences de lâhomme, Paris, 2010, p. 16.
- Valérie Bajou, Courbet, Paris, Adam Biro, , 304 p. (ISBN 978-2-87660-375-2), p. 344.
- Jean-Luc Steinmetz, Gustave Courbet, Virgile, , p. 75.
- Pour cette section, voir la transcription du film de Jean-Paul Fargier, L'Origine du monde, par le ciné-club de Caen.
- Edmond de Goncourt, Journal des Goncourt. Mémoires de la vie littéraire, t. 8, 1889-1891 (3e série, 2e vol. ), Paris, Charpentier, 1895, p. 64 [samedi 29 juin 1889] (en ligne).
- (en) Dana Arnold, Interdisciplinary Encounters : Hidden and Visible Explorations of the Work of Adrian Rifkin, I.B.Tauris, , 288 p. (ISBN 978-1-78076-702-4, lire en ligne).
- Cette collection comportait entre 700 et 800 Ćuvres.
- Voir une reproduction du catalogue de l'exposition Amours (Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris, 1997), sur le site PileFace.com sur Philippe Sollers.
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- R.G., « L'artiste luxembourgeoise Deborah De Robertis montre son sexe au musée d'Orsay », sur l'avenir.net, (consulté le ).
- « L'Origine du monde : Le secret de la femme cachée », sur ParisMatch.com, (consulté le ).
- Lauren Provost, « L'Origine du monde de Gustave Courbet aurait un visage », sur Huffington Post, .
- « L'Origine du monde n'a pas perdu sa tĂȘte... » [PDF], sur musee-orsay.fr, .
- Philippe Dagen, « L'Origine du monde : le poids des mots, le choc du faux », Le Monde,â (lire en ligne).
Annexes
ĂlĂ©ments et contexte historique
- Laurence des Cars, « Une dation entre au musée d'Orsay : L'Origine du monde (1866) par Gustave Courbet », dans Revue du Louvre. La revue des musées de France, 5-6, Paris, , p. 20-21 (ISSN 0035-2608)
- Laurence des Cars, « Nouvelles acquisitions », dans 48/14 La revue du musée d'Orsay, 1 [nouv. sér.], Paris, , p. 40-41 (ISSN 1145-2153)
- MichĂšle Haddad, Francis Haskell (introd.), Khalil-Bey : un homme, une collection, Paris, Ăditions de l'Amateur, 2000 (ISBN 2-85917-301-3)
- MichÚle Haddad, Laurence des Cars (introd.), Gustave Courbet : peinture et histoire, Pontarlier, Presse du BelvédÚre, 2007 (ISBN 978-2-8841-9085-5)
- Thomas Schlesser, Réceptions de Courbet : fantasmes réalistes et paradoxes de la démocratie, 1848-1871, Dijon, Presses du réel, 2007 (ISBN 978-2-8406-6204-4)
- Antoinette Le Normand-Romain, Isolde Pludermacher, Thierry Savatier (Ă©d.), Cet obscur objet de dĂ©sirs â Autour de LâOrigine du monde, Paris, LiĂ©nard, 2014, 175 p. (ISBN 978-2359061147)
Articles connexes
SynthĂšses
- Philippe Mariot, « L'origine du monde [numéro d'inventaire RF 1995 10] », dans Base Joconde. Catalogue des collections des musées de France, Paris, c. 1995 (réf. M5060000044 avec bibliogr.)
- Stéphane Guégan et MichÚle Haddad, L'ABCdaire de Courbet et le réalisme, Paris, Flammarion, 1996 (ISBN 2-08-012468-4)
- Thomas Schlesser, « L'Origine du monde », dans Dictionnaire de la pornographie, sous la dir. de Philippe Di Folco, Paris, Presses universitaires de France, 2005 (ISBN 2-13-054414-2)
Ătudes littĂ©raires et fortune critique
- Bernard TeyssĂšdre, Le Roman de l'origine, Paris, Gallimard, 1996 [nouv. Ă©d. 2007] (ISBN 978-2-07-078411-0) (commentaires)
- Thierry Savatier, L'origine du monde : histoire d'un tableau de Gustave Courbet, Paris, Bartillat, 2006 [nouv. Ă©d. 2009] (ISBN 978-2-84100-445-4) (commentaires[PDF])
Articles de presse
- Florence Noiville, « Le retour du puritanisme », dans Le Monde,
- Philippe Dagen, « Le musée d'Orsay dévoile L'Origine du monde », dans Le Monde,
- Philippe Dagen, « Sexe, peinture et secret », dans Le Monde,
Conférences et débats
- Thomas Schlesser et MichÚle Haddad, entretien avec Raphaël Enthoven, L'Origine du monde. Les Origines (5/5), dans Les Nouveaux chemins de la connaissance, Paris, France Culture, , 59 min (en ligne)
- Laurence des Cars, Catherine Millet, Jean-Jacques Lebel, L'Origine du monde de Courbet. Conférences d'hiver (1/3) du , Paris, Musée d'Orsay, , 1 h 7 min (France culture. Plateformes : Arts et lettres) (en ligne)
Filmographie
Ămission radiophonique
- Le modĂšle, la princesse et le dandy ottoman, 1re partie : « Constance, la femme sans tĂȘte », documentaire d'Ilana Navaro, rĂ©alisation d'Annabelle Brouard, sur France Culture, (en ligne)
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :