Deborah De Robertis
Deborah De Robertis, née le à Luxembourg[1], est une artiste performeuse luxembourgeoise,
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Elle est surtout connue pour des performances dĂ©nudĂ©es dans des lieux publics qui lui ont valu de nombreux dĂ©mĂȘlĂ©s judiciaires.
Biographie
NĂ©e d'un pĂšre italien et dâune mĂšre française[1], Deborah De Robertis Ă©tudie la performance et la vidĂ©o Ă l'Ăcole de recherche graphique de Bruxelles[2].
En 2013, elle est désignée par le ministÚre luxembourgeois de la Culture pour la résidence d'artiste à la Cité internationale des arts de Paris[3] - [4].
Ćuvres
Deborah De Robertis est une artiste visuelle, vidĂ©aste et performeuse qui travaille sur le point de vue du modĂšle fĂ©minin. Ă ce sujet elle affirme dans Les Inrockuptibles : « Montrer son corps nu est une rĂ©flexion qui peut avoir une portĂ©e politique. Mais ce nâest pas tant le corps qui est politique, que la rĂ©flexion quâil entraĂźne »[5]. Elle est connue pour rĂ©interprĂ©ter des Ćuvres majeures de lâhistoire de lâart sous la forme de performances.
Miroir de lâorigine au musĂ©e d'Orsay (2014)
Une de ses performances est mĂ©diatisĂ©e le 29 mai 2014, lorsque l'artiste expose son sexe au musĂ©e d'Orsay Ă Paris, juste au-dessous de l'Ćuvre de Gustave Courbet intitulĂ©e L'Origine du monde.
Cette derniÚre performance est accompagnée par la voix préenregistrée de l'artiste, qui répÚte comme une litanie les mots « Je suis l'origine / Je suis toutes les femmes / Tu ne m'as pas vue / Je veux que tu me reconnaisses / Vierge comme l'eau / Créatrice du sperme », avec l'Ave Maria de Schubert en fond sonore[6].
Selon De Robertis, sa performance ne vise pas une reproduction banale (du genre du « tableau vivant ») de la posture du sujet de l'Ćuvre de Courbet, mais plutĂŽt une rĂ©interprĂ©tation de celle-ci, vu que la performeuse tient le sexe ouvert avec ses deux mains pour en montrer l'ouverture que le tableau ne rĂ©vĂšle pas[7].
Selon Deborah de Robertis, « il y a un « trou » dans lâhistoire de lâart, le point de vue absent de lâobjet du regard. Dans sa peinture rĂ©aliste, le peintre montre des cuisses ouvertes, mais le sexe reste fermĂ©. Je ne montre pas mon sexe, mais je dĂ©voile ce que lâon ne voit pas dans le tableau, cet Ćil enfoui qui au-delĂ de la chair rĂ©pond Ă lâinfini, lâorigine de lâorigine. Face Ă la surexposition du sexe dans notre monde contemporain, il nây a plus rien Ă dĂ©voiler, sauf lâannonce dâun monde nouveau oĂč les grands maĂźtres se laissent regarder par les femmes. Je propose le miroir inversĂ© du tableau de Courbet, qui nous rappelle que lâhistoire se raconte dans le deux »[8]. Pour le site Secondsexe.com, « en prenant la pose, [De Robertis] sort de lâimage, elle incarne la vie et lâexpose au monde »[8].
Selon JĂ©rĂŽme LefĂšvre, sur Dust-distiller.com, lâartiste propose, dans sa sĂ©rie de photographies intitulĂ©e MĂ©moire de lâorigine, de reconsidĂ©rer le tableau de Courbet autrement, et la performance de Deborah de Robertis au musĂ©e dâOrsay rĂ©sume la dĂ©marche de l'artiste : « dans le dispositif quâelle dĂ©ploie, le public devient partie intĂ©grante de lâĆuvre, un peu Ă la maniĂšre du 4âČ33âł de Cage »[9]. JĂ©rĂŽme LefĂšvre estime ainsi que « le geste ne se suffit pas Ă lui-mĂȘme » et qu'« il intĂšgre non seulement lâaction, son projet et les images qui lui survivront comme dans les performances habituelles, mais Ă©galement le public et sa perception subjective »[9]. La performance de Deborah de Robertis est ainsi interactive car elle « adresse le regard » de la mĂȘme façon qu'on « adresse la parole », « entamant ainsi un dialogue avec le regardeur »[9]. Quant Ă l'utilisation de l'Ave Maria, elle « permet appuyer le sens initial du geste de Courbet » mais aussi d'« affirmer la volontĂ© dâun acte tant critique que radicalement transcendantal »[9]. La performance de Deborah de Robertis a Ă©galement une dimension critique : « le rĂŽle du musĂ©e dans la transmission de lâart, la fonction de lâart au sein de lâinstitution culturelle et politique, le rĂŽle des dĂ©cideurs de lâart »[9]. Dans Les Inrockuptibles, De Robertis dĂ©clare: « Ma performance pose des questions sur les rapports de pouvoir. Se mettre nu, câest vraiment accessoire, câest presque la chose la plus facile de la performance. Les gens pensent que câest le cĆur, mais non, ce nâest pas un strip-tease. Ce qui mâintĂ©resse câest la confrontation. [...] Ce sont aussi les procĂ©dures du musĂ©e qui mâintĂ©ressent Ă©normĂ©ment, le rapport Ă lâinstitution, Ă la loi. »[5].
Deborah De Robertis dénonce cet « aveuglement » qui réduit sa posture au simple fait « d'écarter les cuisses »[10], précisant ainsi que la recherche de son travail porte justement sur l'inverse, c'est-à -dire sur le regard que porte ce sexe féminin qui est surexposé dans notre monde contemporain. Elle considÚre ainsi que cet aveuglement revient à nier le travail qu'elle fait pour justement faire exister ce point de vue. D'aprÚs elle, « l'origine du monde c'est toutes les femmes »[10]. Selon elle, il est également réducteur de faire un parallÚle trop rapide entre sa performance et des gestes d'autres artistes qui semblent proches du sien[10].
Le web Magazine Beware apporte un regard diffĂ©rent du reste des mĂ©dias sur le travail de l'artiste performeuse Ă la suite de son apprĂ©hension pour exhibition sexuelle le 27 mars 2016 dans le cadre d'une "action" Ă la maison europĂ©enne de la photographie. L'utilisation des mĂ©dias et leur rĂŽle dĂ©terminant dans lâĆuvre de l'artiste y est Ă©voquĂ©, dĂ©taillĂ©. On y Ă©voque aussi que « DĂ©borah De Robertis nâest vĂ©ritablement nĂ©e aux yeux du public que le jeudi 29 mai 2014 - jour de lâAscension comme le prĂ©cise pratiquement chaque mĂ©dia. »[11].
Sa performance est citée par Jennifer Tyburczy dans son livre consacré aux expositions sexuelles dans les musées[12].
Exposition au Casino Luxembourg, Forum d'art contemporain (2015)
En 2015, Deborah De Robertis prĂ©pare une exposition au Casino Luxembourg - Forum d'art contemporain, mais cette manifestation est annulĂ©e ce qui crĂ©e une polĂ©mique avec les organisateurs[13]. Deborah de Robertis rĂ©agit alors en parlant de « censure » : « Sâagit-il dâune censure du sexe ou bien dâune censure insidieuse et impalpable qui sâexerce sur le point de vue du sexe fĂ©minin dans lâart comme dans le monde ? »[13]. Elle annonce aussi avoir saisi la justice pour faire reconnaĂźtre les prĂ©judices subis[13].
Sur la plateforme On Kraut, elle dĂ©nonce les intentions du Casino : « ils mâont invitĂ© en tant quâartiste mais quâils ont voulu mâexposer comme un modĂšle. Jâai organisĂ© une confĂ©rence de presse suite intitulĂ© âUne mĂ©canique de la censureâ pour dĂ©noncer ce mĂ©canisme qui consiste Ă ânier le point de vue du sexe fĂ©mininâ »[14]. Pour complĂ©ter ses propos, elle cite la philosophe GeneviĂšve Fraisse : « Sâagit-il de reconnaĂźtre les femmes ou de les instrumentaliser, ou les deux Ă la fois? »[14].
Olympia (2016)
Le 16 janvier 2016, toujours au musĂ©e d'Orsay, elle s'allonge, nue, devant l'Olympia de Manet. Elle est arrĂȘtĂ©e par la police[15] - [16] et elle fait l'objet de 48 heures de garde Ă vue, dont une nuit au service psychiatrique et d'un rappel Ă la loi de la part du parquet[17]. Elle est dĂ©fendue par l'avocate pĂ©naliste Marie DosĂ©[18].
Sur le blog Lunettes rouges, le critique Marc Lenot Ă©crit :
« Le vrai scandale est lĂ , dans le fait quâOlympia ose nous regarder. Cette femme de rien, faite pour ĂȘtre reluquĂ©e dans une vitrine, elle que lâaffiche du MusĂ©e dâOrsay vous invite Ă venir regarder avec vos enfants (26 ans aprĂšs la fameuse affiche des Guerrilla Girls Ă propos du Metropolitan Museum), cette chair offerte, dĂ©sirable, passive qui ne devrait pas prendre dâinitiative, ne pas racoler, et bien voilĂ quâelle ose nous regarder en face, droit dans les yeux, effrontĂ©e, impudique, dĂ©fiante. Certes, peut-ĂȘtre un jour, grĂące Ă notre charme, ou plus probablement Ă notre argent, la possĂšderons-nous, comme on dit, mais ce ne sera pas une possession, plutĂŽt une soumission... »[19]
La Joconde (2017)
L'artiste rĂ©alise une performance au musĂ©e du Louvre devant La Joconde, en hommage Ă Valie Export, qu'elle rĂ©interprĂ©te dans son court mĂ©trage Ma chatte, mon copyright[20] - [21]. Elle rĂ©alise deux performances aux Louvre qui aboutissent Ă un procĂšs pour exhibition sexuelle[22]. Le parquet fait appel mais l'artiste, dĂ©fendue par la pĂ©naliste Marie DosĂ©, finit par ĂȘtre relaxĂ©e[23] - [24].
Lourdes (2018)
Le , elle est interpellĂ©e et placĂ©e en garde en vue par la police, pour s'ĂȘtre montrĂ©e nue le 14 aoĂ»t 2018 devant la grotte de Massabielle, Ă Lourdes, seulement vĂȘtue d'un voile bleu sur la tĂȘte[25]. Elle doit comparaĂźtre devant le tribunal correctionnel de Tarbes en mai 2019 pour « exhibition sexuelle »[26]. Deux fois reportĂ©e, l'audience s'est tenue le 25 juin 2020 Ă Tarbes[27]. Elle a Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă 2000 euros d'amende, dont 1000 avec sursis. Son avocate a indiquĂ© sa volontĂ© d'interjeter appel[28].
Manifestation des Gilets jaunes (2018)
Le 15 dĂ©cembre 2018, en marge d'une manifestation des Gilets jaunes sur les Champs-ĂlysĂ©es, elle organise un happening durant laquelle cinq femmes se prĂ©sentent seins nus face aux gendarmes, avec un costume Ă©voquant Marianne[29] - [30] - [31].
Filmographie (réalisation)
- Les Hommes de l'art[32]
- Le ModÚle à la caméra
Notes et références
- ClĂ©mentine Gallot, « DEBORAH DE ROBERTIS : NUE DEBOUT », LibĂ©ration,â (lire en ligne [archive du ])
- Alexandra Parachini, « Deborah De Robertis : « Je n'aime pas la provocation » », sur Le Quotidien (consulté le )
- Voir sur gouvernement.lu.
- « Deborah De Robertis Selected for Paris Artist Residency », Chronicle Luxemburg,â (lire en ligne [archive du ])
- Carole Boinet, « Lâartiste qui sâest exposĂ©e nue au musĂ©e dâOrsay raconte: âCe nâĂ©tait pas un strip-tease mais bien une performanceâ », sur lesinrocks.com, .
- Vidéo de la performance : « Vagina activism », sur Vimeo (consulté le )
- Malik Teffahi-Richard, « A Orsay, un remake de « L'Origine du monde » », sur lemonde.fr, (consulté le ).
- « Le miroir de l'origine », sur Secondsexe.com, (consulté le ).
- JĂ©rĂŽme LefĂšvre, « Deborah De Robertis â MĂ©moire de l'origine », sur Dust-distiller.com, (consultĂ© le ).
- Serge Freydier, « Deborah de Robertis rĂ©flĂšchit l'origine du monde au musĂ©e d'Orsay. Miroir de l'origine, ìžìì êž°ì », sur sfreydier.canalblog.com,â (consultĂ© le ).
- « La ch**te Ă DĂ©borah De Robertis - Beware! », Beware Magazine,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Jenifer Tyburczy, Sex museums. The politics and performance of display, The University of Chicago Press, Chicago, 2016, p. 52-58 (ISBN 978-0-226-31524-9).
- « Expo annulée : Deborah de Robertis crie à la censure », sur lequotidien.lu, (consulté le ).
- « La nuditĂ© dans mon travail est un vĂȘtement », sur onkraut.lu, (consultĂ© le ).
- « Paris : elle pose nue pour une "performance", une artiste arrĂȘtĂ©e pour exhibitionnisme », LCI,â (lire en ligne [archive du ]).
- (de) Claude Molinaro, « Luxemburgerin in Museum festgenommen », sur www.tageblatt.lu (consulté le )
- Alexandra Parachini, « Rappel à la loi pour Déborah de Robertis, nue au musée d'Orsay », sur Le Quotidien (consulté le )
- Jacques Tiberi, « Marie Dosé, avocate de l'inconfort intellectuel », sur Le Zéphyr, (consulté le )
- Marc Lennot (alias Lunettes rouges), « Olympia te regarde, ou « Qui a peur de Deborah De Robertis ? » », sur lunettesrouges.blog.lemonde.fr, .
- (de) « Devant la Joconde : Déborah de Robertis s'est une nouvelle fois dénudée », sur Wort.lu, (consulté le ).
- « Deborah de Robertis, qui pose le sexe Ă lâair dans les musĂ©es, annonce « Ma chatte mon copyright » », sur madmoiZelle.com, (consultĂ© le ).
- « Paris : l'artiste qui s'était dénudée devant la Joconde jugée ce mercredi », sur leparisien.fr, (consulté le ).
- « Lâartiste Deborah De Robertis, jugĂ©e pour exhibition sexuelle au MusĂ©e du Louvre, a Ă©tĂ© relaxĂ©e », sur Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, consultĂ© le ).
- « Exhibition: relaxe pour Déborah de Robertis », sur LE FIGARO, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
- « Deborah de Robertis nue Ă Lourdes, convoquĂ©e Ă Tarbes », Le Soir de Tunisie,â (lire en ligne).
- « Une artiste sera jugée pour exhibition sexuelle dans le sanctuaire de Lourdes », sur lefigaro.fr, .
- « Tribunal de Tarbes : est-ce un délit de poser nue devant la grotte de Lourdes ? », sur francebleu.fr, .
- « Sanctuaire de Lourdes : lâartiste Deborah de Robertis condamnĂ©e pour exhibition sexuelle », Le Parisien,â (lire en ligne)
- Marie Vaton, « Qui est Déborah de Robertis, l'artiste "sextrémiste" qui a réalisé une performance en pleine manif des "Gilets jaunes" », sur nouvelobs.com, .
- « Des Marianne sur les Champs ĂlysĂ©es », sur Le Parisien, (consultĂ© le ).
- « Gilets jaunes seins nus », sur bfmtv.com, (consulté le ).
- « Deborah de Robertis et son Origine du monde: «Je veux mettre à nu tous les regards» », sur LEFIGARO, (consulté le )