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Koyaanisqatsi

Koyaanisqatsi est un film documentaire expĂ©rimental rĂ©alisĂ© par Godfrey Reggio et sorti en 1982. Depuis 2000, il est classĂ© au National Film Registry de la BibliothĂšque du CongrĂšs Ă  Washington[1]. La bande originale de l'Ɠuvre composĂ©e par Phillip Glass est aujourd'hui devenue « culte » et a Ă©tĂ© reprise dans de nombreuses Ɠuvres ultĂ©rieures.

Koyaanisqatsi
Description de l'image Koyaanisqatsi (1982 poster).jpg.
RĂ©alisation Godfrey Reggio
Scénario Ron Fricke
Michael Hoenig
Godfrey Reggio
Alton Walpole
Pays de production Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre Documentaire Ă©cologique
Durée 87 minutes
Sortie 1982

SĂ©rie

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Présentation du film

Le film n'est pas une Ɠuvre narrative mais documentaire. Il propose des images oĂč l’on joue sur les Ă©chelles d’espace et de temps pour montrer au spectateur le monde oĂč il vit sous un angle diffĂ©rent, et l’inviter lui-mĂȘme Ă  conclure dans le sens qu’il jugera bon. On peut considĂ©rer ce film par moments comme une description enthousiaste de la technologie, parfois au contraire comme une vive critique de celle-ci. Le rĂ©alisateur admet avoir voulu montrer ce qu’il nomme « la beautĂ© de la bĂȘte »[2].

Une chose ne fait pas de doute Ă  la vue du film : la technologie qui, il y a peu (du temps des Hopis, par exemple) n'Ă©tait qu'utilitaire, est maintenant omniprĂ©sente et se dĂ©veloppe selon sa logique propre. Une image impressionnante d’une ville vue du ciel Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles se termine par la photographie des circuits d’un microprocesseur ; l’image est claire : la population humaine, quand elle est considĂ©rĂ©e dans son ensemble, n’a guĂšre plus de libertĂ© d'action que les Ă©lectrons dans un microprocesseur. MĂȘme si l’individu reste libre, la totalitĂ© humaine, elle, ne l’est plus – et n’est pas programmĂ©e pour l’ĂȘtre. La frĂ©nĂ©sie de l’activitĂ© urbaine (dans la trĂšs esthĂ©tique sĂ©quence The Grid, tournĂ©e en accĂ©lĂ©rĂ©) alterne avec l’ennui et le vide intĂ©rieur des individus quand ils ne sont plus en train de produire (sĂ©quences passĂ©es au ralenti).

DĂ©roulement du film

FantÎme sacré, Horseshoe Canyon.

Dans leur ouvrage L’art du film, une introduction, David Bordwell et Kristin Thompson offrent un sĂ©quencier du film que nous nous proposons de reprendre ici.

AprĂšs l’annonce du titre, qui a volontairement Ă©tĂ© choisi en vue de ne rien Ă©voquer auprĂšs de l’audience, Koyaanisqatsi commence sur une ouverture au noir et un travelling arriĂšre qui rĂ©vĂšlent peu-Ă -peu un pictogramme amĂ©rindien de culture Fremont, filmĂ© dans le parc national des Canyonlands[3], dans l’Utah, et montrĂ© prĂšs d’une minute durant. Lui succĂšde un plan de deux minutes sur la base d’une fusĂ©e Saturn V en train de dĂ©coller au ralenti[4].

Un fondu au blanc assure la transition du prologue vers la sĂ©quence suivante, « Flotter ». Celle-ci donne principalement Ă  voir des plans d’ensemble, tournĂ©s Ă  Monument Valley et dans le Parc national du Grand Canyon en Arizona. Le mouvement gagne en intensitĂ© alors qu’interviennent des plans de cratĂšres crachant fumĂ©es et vapeurs. La camĂ©ra se glisse dans une caverne oĂč on peut distinguer ce qui semble ĂȘtre des chauves-souris. Un fondu enchaĂźnĂ© permet alors d’entrer dans la sĂ©quence « Fluer », qui fait alterner des plans en time-lapse sur des nuages et des plans au ralenti sur les vagues de la mer. Des chutes, et plus loin des « cascades de nuages[5] » qui se dĂ©versent sur des flancs de montagnes.

En amorce de la sĂ©quence « Asservir la terre » interviennent plusieurs travellings filmĂ©s depuis des avions, ou bien des hĂ©licoptĂšres, parfois Ă  ras du sol. Nous voyons des champs couverts de fleurs, puis une formation rocheuse qui se reflĂšte sur un lac. Deux brĂšves explosions prĂ©cĂšdent la premiĂšre apparition explicite de l’ĂȘtre humain : un camion enveloppĂ© de fumĂ©e noire, aprĂšs quoi sont montrĂ©s un pipeline, des pylĂŽnes Ă©lectriques, la centrale thermique de Navajo, le barrage de Glen Canyon, des exploitations miniĂšres, et deux essais nuclĂ©aires.

La partie « MajestĂ© humaine » commence sur la plage qui jouxte la centrale nuclĂ©aire de San Onofre, en Californie. Un groupe de touristes dans une installation industrielle contemple le hors-champ, aprĂšs quoi apparaĂźt un plan en contre-plongĂ©e sur un gratte-ciel. Deux avions sont longuement filmĂ©s sur le tarmac d’un aĂ©roport. La sĂ©quence prĂ©sente ensuite des dizaines de voitures qui parcourent le rĂ©seau autoroutier amĂ©ricain. Elles sont remplacĂ©es par des tanks issus d’images d’archives, le porte-avions USS Enterprise (CVN-65) sur le pont duquel est inscrite l’équation d’Einstein « E=MC2 », une bombe nuclĂ©aire, des avions de chasse qui s’envolent, et enfin de multiples explosions en rapport avec des activitĂ©s militaires.

Dans la sĂ©quence « Effondrement », nous voyons d’abord des plans d’ensemble de New York, quasiment silencieux, et filmĂ©s en time-lapse. Le film passe ensuite par Wall Street et Bedford-Stuyvesant[6], un quartier pauvre de Brooklyn, avant de montrer le quartier d’habitat social de Pruitt-Igoe Ă  Saint-Louis et sa dĂ©molition de 1972, ainsi que la dĂ©molition de diverses structures architecturales (ponts, grues, tours).

« Habitants » prĂ©sente d’abord deux plans gĂ©nĂ©raux d’une ville couverte de nuages, puis de nombreuses façades de gratte-ciels qui reflĂštent ces mĂȘmes nuages. Surviennent des plans de foule et progressivement d’individus en particulier : des New-Yorkaises, un pilote d’avion de chasse, les employĂ©es d’un casino.

La sĂ©quence suivante, « la vie Ă  grande vitesse », est avec vingt minutes la plus longue du film, mais aussi la plus rapide et la plus dense. Elle commence par des plans prĂ©sentant le coucher du soleil qui se reflĂšte sur des façades d’immeubles. La nuit est tombĂ©e, des tours de New York et de Los Angeles occupent le cadre. Un tĂ©lĂ©objectif permet de mettre en perspective un gratte-ciel avec la lune, qui disparaĂźt derriĂšre celui-ci. La cadence s’intensifie avec le trafic automobile, puis le montage alterne images nocturnes et images diurnes. Il semble s’organiser autour de la question du trafic (autoroutes, avenues, intersections, mĂ©tro, Grand Central Station de New York), de la production (chaĂźnes de montage produisant voitures, tĂ©lĂ©viseurs, Twinkies), enfin de la consommation et des loisirs (centre commerciaux, fast-foods, plage, bowling, cinĂ©ma, bornes d’arcade, publicitĂ©s). La sĂ©quence se conclut sur de nouvelles images nocturnes.

« Chant funĂšbre » alterne en premier lieu images aĂ©riennes de mĂ©tropoles et microprocesseurs. Elle parcourt ensuite les villes en proposant des portraits de ses habitants : la plupart d’entre eux sont assez ĂągĂ©s. Les derniers plans de la bourse de Wall Street sont l’occasion des seules surimpressions du film. Enfin, Koyaanisqatsi revient Ă  son imagerie de dĂ©part, avec un Ă©pilogue qui prĂ©sente d’abord le dĂ©collage d’une fusĂ©e (Saturn V), puis son Ă©lĂ©vation, son explosion et sa chute (avec des images d’archive d’une fusĂ©e Atlas-Centaur de 1962), avant qu’on ne revienne aux figures amĂ©rindiennes de l’introduction.

Les prophéties Hopis

Le film se base sur trois prophéties Hopis annoncées et explicitées dans le générique de fin du film. Ces prophéties permettent de mieux appréhender le film, car elles en constituent la base, le point de départ. Les voici dans la langue originale (du film), l'anglais :

  1. If we dig precious things from the land, we will invite disaster.
  2. Near the Day of Purification, there will be cobwebs spun back and forth in the sky.
  3. A container of ashes might one day be thrown from the sky which could burn the land and boil the oceans.

et leur traduction française[7] :

  1. Si l'on extrait des choses précieuses de la terre, on invite le désastre.
  2. PrÚs du Jour de Purification, il y aura des toiles d'araignées tissées d'un bout à l'autre du ciel.
  3. Un rĂ©cipient de cendres pourrait un jour ĂȘtre lancĂ© du ciel et il pourrait faire flamber la terre et bouillir les ocĂ©ans.

Technique employée

Ce film constitue un des premiers usages de l'intervallomÚtre (Timelapse) dans un long métrage, cette technique ayant été auparavant surtout utilisée pour des courts-métrages, dont le célÚbre interlude de la BBC London to Brighton in Four Minutes. La technique avait été reprise pour les deux séries L'Aventure des plantes de Jean-Marie Pelt.

Fiche technique

Production

Lieux de tournage

Drapeau des États-Unis États-Unis

Musique

Koyaanisqatsi
Album de Philip Glass
Sortie 1983
Durée 46 minutes 25 secondes
Genre Musique de film
Producteur Kurt Munkacsi & Philip Glass
Label Antilles/Island

Albums de Philip Glass

L'ouverture de The Grid se caractĂ©rise par des notes lentes et tenues jouĂ©es par des cuivres. Puis la musique Ă©volue en vitesse et en dynamique sonore. À sa vitesse maximale, un synthĂ©tiseur joue la ligne de basse en ostinato. Pour ce choix musical, Philip Glass disait : « J'ai choisi de larges et lents clusters de cuivres [
] une vision allĂ©gorique de ce qu'il y avait Ă  l'Ă©cran [
] Ce n'est pas vraiment important que des nuages sonnent comme des cuivres [
] mais que le choix de cuivres soit une dĂ©cision artistique convaincante »[8].

La musique du film devint si populaire que le Philip Glass Ensemble fit une tournĂ©e mondiale, jouant devant un Ă©cran oĂč Ă©tait projetĂ© le film Koyaanisqatsi.

La bande originale fut publiée en 1983, aprÚs la sortie du film. Alors que la musique accompagne l'ensemble du film, la durée de la bande originale n'est que de 46 minutes et ne contient pas l'ensemble des compositions. En 1998, Glass réenregistrera l'album, intitulé Koyaanisqatsi, qui sera publié chez Nonesuch Records. Cet enregistrement contient deux pistes additionnelles et des versions plus longues que dans l'album original.

La version complÚte de l'enregistrement fut publiée en CD en 2009 sur le label de Glass Orange Mountain Music[9].

Bande originale (1983) :

Label Antilles/Island (46:25)

  1. Koyaanisqatsi – 3:30
  2. Vessels – 8:06
  3. Cloudscape – 4:39
  4. Pruit Igoe [sic] – 7:04
  5. The Grid – 14:56
  6. Prophecies – 8:10

RĂ©enregistrement (1998) :

Label Nonesuch Records (73:21)

  1. Koyaanisqatsi – 3:28
  2. Organic – 7:43
  3. Cloudscape – 4:34
  4. Resource – 6:39
  5. Vessels – 8:05
  6. Pruit Igoe [sic] – 7:53
  7. The Grid – 21:23
  8. Prophecies – 13:36
Bande originale complĂšte (2009) :

Label Orange Mountain Music (76:21)

  1. Koyaanisqatsi – 3:27
  2. Organic – 4:57
  3. Clouds – 4:38
  4. Resource – 6:36
  5. Vessels – 8:13
  6. Pruitt Igoe – 7:51
  7. Pruitt Igoe Coda – 1:17
  8. Slo Mo People – 3:20
  9. The Grid – Introduction – 3:24
  10. The Grid – 18:06
  11. Microchip – 1:47
  12. Prophecies – 10:34
  13. Translations & Credits – 2:11

Deux de ces morceaux de Philip Glass seront utilisés par la suite dans le film Watchmen : Les Gardiens et ajoutés à sa bande originale ; il s'agit de Pruit Igoe et de Prophecies. Le chanteur du morceau Koyaanisqatsi est Albert de Ruiter. La bande son du film utilise également certains morceaux des albums Tibetan Bells (en) de Nancy Hennings et Henry Wolff[10].

En 2015, le groupe de jazz britannique GoGo Penguin compose une bande originale alternative au film jouée en concert puis enregistrée sur l'album Ocean in a Drop paru en 2019 sur le label Blue Note Records[11].

Contexte : La trilogie des Qatsi

Ce film est le premier de la Trilogie des Qatsi, dont la rĂ©alisation s’étala sur trois dĂ©cennies, et qui comporte les films suivants :

Notes

DĂ©molition de Pruitt-Igoe en 1972.
  • Le gĂ©nĂ©rique de fin crĂ©dite, comme inspirateurs, Jacques Ellul, Ivan Illich, David Monongoye, Guy Debord et Leopold Kohr. En plus, parmi les conseillers du rĂ©alisateur on peut trouver Jeffrey Lew, T.A. Price, Belle Carpenter, Langdon Winner, Cybelle Carpenter et Barbara Pecarich.
  • Des Ă©vĂ©nements survenus dans le monde depuis le tournage (explosion en 1986 de la navette spatiale Challenger, attentat du World Trade Center le 11 septembre 2001, guerre du Golfe) interfĂšrent aujourd’hui fortement avec certaines images du film, lui donnant des connotations qui ne pouvaient pas s’y trouver en 1983.
  • Une des sĂ©quences, intitulĂ©e Pruit-Igoe (sic) dĂ©crit les conditions d'habitat dans les citĂ©s de logements sociaux construites dans les annĂ©es 1950. Cette sĂ©quence est illustrĂ©e par des images du quartier de Pruitt-Igoe, construit en 1954 et dĂ©moli Ă  partir de 1972 Ă  Saint-Louis dans le Missouri.
  • On peut retrouver l'un des morceaux composĂ©s par Philip Glass pour le film, Prophecies, sur la bande-annonce de Watchmen[12].
  • On peut entendre le thĂšme Pruit Igoe dans le jeu vidĂ©o de Grand Theft Auto IV[13].
  • Des images du film ont Ă©tĂ© reprises dans une scĂšne de l'adaptation de Lucky Luke en 1991.
  • Des images du film ont Ă©galement Ă©tĂ© reprises pour le gĂ©nĂ©rique des Racines et des ailes sur France 3[14].
  • On peut trouver des allusions Ă  Koyaanisqatsi dans la sĂ©rie Les Simpson, saison 21, Ă©pisode Baiser volĂ© (lorsque Bart et Homer vont voir un film nommĂ© Koyaanis-Scratchy) ainsi que dans la saison 22, Ă©pisode La Vraie Femme de Gros Tony[15] (quand Otto Ă©voque Philip Glass en regardant le paysage).
  • On peut entendre une partie du thĂšme Koyaanisqatsi dans la saison 5 Ă©pisode 5 de la sĂ©rie Scrubs.
  • Prophecies, une des sĂ©quences, peut aussi ĂȘtre entendue dans l'Ă©pisode 7 de la saison 4 de Stranger Things, "Massacre au laboratoire de Hawkins".

Accueil

Distinctions

Notes et références

  1. (en) National Film Registry Board.
  2. Making of inclus avec le double DVD.
  3. David Bordwell et Kristin Thompson 2014, p. 602.
  4. Gregory Stephens 2010, p. 7.
  5. David Bordwell et Kristin Thompson 2014, p. 603.
  6. Gregory Stephens 2010, p. 14.
  7. (en) « Koyaanisqatsi. Definitions ».
  8. Livret accompagnant le coffret Philip on Film, Nonesuch Records, 2001.
  9. (en) Bande originale complĂšte (Orange Mountain Music) OMM 0058.
  10. Koyaanisqatsi
  11. Ocean in a Drop, Blue Note Records, 6 septembre 2019.
  12. « WATCHMEN: les surhommes démontrés », Le blog « Mobilis in Mobile » de Nemo Sandman.
  13. (en) gta4.net/Section musique.
  14. « Godfrey Reggio, la Trilogie Qatsi et la naissance de Docteur Manhattan », Le blog « Mobilis in Mobile » de Nemo Sandman.
  15. Les Simpsons, saison 22, Ă©pisode 19, 11 min 54 s.
  16. 8th Mostra Films Awards
  17. Berlinale|Archive|1983

Voir aussi

Bibliographie

  • (fr) David Bordwell et Kristin Thompson (trad. de l'anglais par Cyril BĂ©ghin), L'art du film, une introduction [« Film Art: An Introduction »], Louvain-la-Neuve/Paris, De Boeck SupĂ©rieur, , 879 p. (ISBN 978-2-8041-8536-7, lire en ligne)
  • (en) Scott MacDonald, A Critical Cinema 2 – Interviews with Independent Filmmakers, Berkeley (Calif.)/Los Angeles (Calif.)/London, University of California Press, , 410 p. (ISBN 0-520-07918-3, lire en ligne)
  • (en) Gregory Stephens, « Koyaanisqatsi and the Visual Narrative of Environmental Film », Screening the Past, no 28,‎ .

Liens externes

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