José Antonio de Areche
JosĂ© Antonio de Areche Zornoza (Balmaseda, 1731 â Bilbao, 1789) Ă©tait un haut fonctionnaire espagnol dâorigine basque. Il fut dĂ©pĂȘchĂ© comme visiteur (inspecteur dâadministration) dans la vice-royautĂ© du PĂ©rou pendant la pĂ©riode de 1777 Ă 1787 pour y surveiller la mise en Ćuvre des rĂ©formes bourbonniennes. Celles-ci, prĂ©judiciables au commerce indien et ne mettant pas fin aux Ă©prouvantes et impopulaires corvĂ©es indiennes, suscitĂšrent la grande rĂ©volte indigĂšne menĂ©e par le chef quechua JosĂ© Gabriel Condorcanqui, connu sous le nom de TĂșpac Amaru II, rĂ©volte quâil incombera Ă Areche de rĂ©primer. La duretĂ© de cette rĂ©pression, ajoutĂ©e Ă ses dĂ©mĂȘlĂ©s avec le vice-roi Guirior, provoquĂšrent sa disgrĂące et son rappel en Espagne.
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Biographie
Origines
Fils de Marcos Areche Puente et dâĂngeles de Fuentes Santurce y Zornoza, Areche naquit en 1731 Ă Balmaseda, bourg de Biscaye, dans le Pays basque espagnol. AprĂšs obtention dâune licence en droit en 1751, il devint Ă partir de 1752 membre du comitĂ© de direction du collĂšge Sainte-Catherine (Colegio de Santa Catalina) de Mexico, oĂč il occupa le poste de recteur, puis de lâAcademia de Santa MarĂa de Regla Ă AlcalĂĄ de Henares, en Castille. Il obtint son doctorat en droit canonique Ă lâuniversitĂ© dâAlcalĂĄ en 1756, brigua cette chaire en 1759 et fut professeur supplĂ©ant Ă plusieurs reprises.
CarriĂšre administrative
Exemple de Basque engagĂ© dans la haute administration bourbonnienne[1], il remplira Ă partir de 1765 diverses charges administratives dans diffĂ©rentes possessions espagnoles. Alors quâil se trouvait dĂ©jĂ en route pour les Philippines, ayant Ă©tĂ© nommĂ© en 1765 auditeur Ă lâAudiencia de Manille, il fut requis par le vice-roi de Nouvelle-Espagne et nommĂ© procureur Ă lâAudiencia de la capitale Mexico, oĂč il sera promu, le , procureur de la Real Audiencia. JosĂ© de GĂĄlvez, devenu ministre espagnol des Indes en 1776, ordonna bientĂŽt quâAreche, qui jouissait de sa confiance, fĂ»t mutĂ© vers le PĂ©rou en qualitĂ© de visiteur royal (en esp. visitador real, soit inspecteur dâadministration) pour y mettre en Ćuvre un important programme de rĂ©formes. Areche soutenait ces rĂ©formes bourboniennes ainsi que les idĂ©es des LumiĂšres espagnoles, ce qui lui valut des dĂ©nonciations Ă son encontre pour dĂ©tention de livres interdits, tels que lâEncyclopĂ©die de Diderot ou les ouvrages de Voltaire. Il Ă©tait membre et donateur de la Real Sociedad Bascongada de Amigos del PaĂs.
DĂšs son sĂ©jour en Nouvelle-Espagne, Areche sâĂ©tait appliquĂ© Ă obtenir la suppression des corporations, dont le vice-roi Antonio MarĂa de Bucareli y UrsĂșa avait dĂ©jĂ restreint lâinfluence. En 1776 donc, le roi Charles III le dĂ©signa, Ă la requĂȘte de GĂĄlvez, intendant militaire, membre du Conseil des Indes et inspecteur (visitador) gĂ©nĂ©ral de la vice-royautĂ© du PĂ©rou, de la capitainerie du Chili et des provinces du RĂo de La Plata, avec mission principale de mettre sur pied les intendances projetĂ©es pour ces territoires et de recueillir les fonds nĂ©cessaires Ă leur bon fonctionnement. Cela provoqua des heurts avec plusieurs gouverneurs et hautes autoritĂ©s, y compris avec le vice-roi Manuel de Guirior, et fut mal reçu par la bourgeoisie criolla (c'est-Ă -dire dâorigine europĂ©enne mais nĂ©e dans les colonies), composĂ©e de fonctionnaires, nĂ©gociants, patrons de mine dâargent, et grands fermiers. Le , les vicissitudes autour du projet de rĂ©forme conduisirent Ă la destitution du vice-roi Guirior, dont Areche avait disputĂ© lâautoritĂ© au PĂ©rou dĂšs son arrivĂ©e.
La rĂ©volte autonomiste de TĂșpac Amaru
Dans le dĂ©licat contexte des rĂ©formes structurelles bourbonniennes, lesquelles notamment imposaient de nouvelles taxes au dĂ©triment des populations indiennes, obĂ©rant en particulier leur commerce, plusieurs rĂ©voltes Ă©clatĂšrent. La plus importante eut lieu au mois de novembre de cette mĂȘme annĂ©e 1780 et avait Ă sa tĂȘte le cacique de Tungasuca, JosĂ© Gabriel Condorcanqui, dit TĂșpac Amaru II, qui affirmait descendre en ligne directe du dernier empereur inca. Le soulĂšvement, jugĂ© dangereux en raison de sa force et de son ampleur, des revendications indĂ©pendantistes indigĂšnes qui la sous-tendaient, et du risque de compromettre le projet de rĂ©formes, fut rĂ©primĂ© avec une extrĂȘme rigueur par les autoritĂ©s espagnoles. TĂșpac Amaru fut fait prisonnier en et passa en jugement. Ă lâissue du procĂšs, dont sâĂ©tait chargĂ© Areche, celui-ci ordonna lâexĂ©cution en place publique de TĂșpac Amaru, de ses compagnons dâinsurrection et dâune grande partie de sa parentĂšle. Le supplice de TĂșpac Amaru eut lieu le sur la grand-place de Cuzco. Dâautres rebelles encore furent mis Ă mort entre 1781 et 1783.
Areche prit en outre les mesures suivantes : interdiction pour les indigĂšnes de porter des vĂȘtements traditionnels, et ordre de confiscation de ceux-ci ; ordre de dĂ©truire toute peinture reprĂ©sentant les empereurs incas, que ce soit en public ou en privĂ©, y compris dans les domiciles des particuliers ; prohibition de piĂšces de thĂ©Ăątre ou dâautres manifestations publiques organisĂ©es en commĂ©moration des Incas, avec obligation pour les fonctionnaires espagnols de faire rapport officiel sur les progrĂšs de cette suppression ; proscription des trompettes et cors (constituĂ©s de coquillages) traditionnels, au motif que leur son triste Ă©quivalait Ă une façon de deuil pour les ancĂȘtres et les temps anciens ; interdiction Ă quiconque de se donner le nom dâInca (dans lâacception dâempereur ou de dynastie royale, non de lâethnie indienne) ; obligation pour les Ă©coles dâenseigner le castillan aux Indiens, et pour les Indiens de les frĂ©quenter ; interdiction de confectionner des armes, sous peine dâemprisonnement de 10 ans en Afrique en sus (pour les manants) de 200 coups de fouet[2].
En , le roi Charles III, sur les instances du visitador Areche, donna ordre aux officiels vice-royaux du PĂ©rou et du RĂo de la Plata de saisir tout exemplaire des Commentaires royaux de lâInca Garcilaso de la Vega quâils dĂ©couvriraient ; cet ouvrage, paru pour la premiĂšre fois en 1609, Ă©tait supposĂ© renfermer une prophĂ©tie annonçant le rĂ©bellion de TĂșpac Amaru II.
La violence de la rĂ©pression et les moyens employĂ©s (Ă©cartĂšlements, mains tranchĂ©es, garrotte, et autres atrocitĂ©s) finirent par jeter le discrĂ©dit sur la personne dâAreche. En 1782, son impopularitĂ© le fit finalement rappeler dans la mĂ©tropole et remplacer en tant que visitador par Jorge Escobedo. Sa disgrĂące dĂ©finitive lui vint, non tant de lâimpitoyable rĂ©pression de la rĂ©volte, mais de son contentieux avec le vice-roi Guirior : dĂ©clarĂ© coupable dâavoir lancĂ© contre celui-ci des accusations de malversation, Areche fut rappelĂ© en Espagne en 1781 Ă lâeffet de sâen justifier.
Le , il recouvra cependant son poste au sein du Conseil des Indes, mais aprĂšs la mort de GĂĄlvez se vit contraint Ă la retraite, ne percevant par ailleurs, de la part de la Cour, quâun tiers de sa solde et de sa prime dâĂ©loignement. UlcĂ©rĂ© par cette mise Ă pied, il retourna dans sa terre natale et sâĂ©tablit Ă Bilbao, oĂč il mourut le [3].
Carnets et correspondance
La Real Biblioteca possĂšde des documents et des livres auparavant dĂ©tenus par Areche, quâils aient appartenu Ă lui-mĂȘme ou Ă dâautres. La collection, quoique peu vaste, est dâintĂ©rĂȘt, comprenant en effet dâimportantes manuscrits, dont plusieurs dâautres personnalitĂ©s â comme p.ex. le Discurso y reflexiones polĂticas sobre el estado de marina en los reynos del PerĂș, de Jorge Juan, manuscrit original datĂ© de 1749, ou encore le Compendio del bulario (=boulier ou quipu) Ăndico de Baltasar de Tobar, ouvrage important et de belle exĂ©cution, en cinq volumes[4]. Enfin, dans la collection Ayala se trouvent quelques copies de documents adressĂ©s Ă Areche, comme p.ex. un Proyecto para la seguridad interior de las provincias del PerĂș[5].
Bibliographie
- Ouvrage collectif, Los vascos en la Hispanidad: colecciĂłn de ensayos biogrĂĄficos, Instituto Vascongado de Cultura HispĂĄnica, Bilbao,
- Vicente Palacio Attard, Areche y Guirior. Observaciones sobre el fracaso de una visita al PerĂș, Escuela de Estudios Hispanoamericanos, SĂ©ville,
- Fernando Silva Vargas, La visita de Areche en Chile y la subdelegaciĂłn de Ălvarez de Acevedo, Ediciones Historia, Instituto de Historia, Universidad CatĂłlica de Chile,
- Ward Stavig, The World of Tupac Amaru: Conflict, Community, and Identity in Colonial Peru, University of Nebraska Press, Nebraska,
- MarĂa Luisa Laviana Cuetos, Tupac Amaru. Forjadores de AmĂ©rica, Ediciones Andaluzas, SĂ©ville,
- Carlos Daniel ValcĂĄrcel, La RebeliĂłn de Tupac Amaru, Biblioteca peruana, Lima,
Notes et références
- 'Cf. Los vascos en la Hispanidad: colecciĂłn de ensayos biogrĂĄficos, ouvrage collectif. Bilbao: Instituto Vascongado de Cultura HispĂĄnica, 1964
- Cf. rapport rĂ©digĂ© par Areche sur la sentence et la mise Ă mort de TĂșpac Amaru, consultable ici dans une traduction anglaise, p. 5-7.
- Ă propos de TĂșpac Amaru II, voir La revoluciĂłn de Tupac Amaru de Luis E. ValcĂĄrcel.
- Cf. RB, II/1468, pour lâouvrage de Jorge Juan, et RB, II/2049-2052, pour celle de Tobar. De cette derniĂšre fut Ă©tablie une Ă©dition, sous la direction de Manuel GutiĂ©rrez de Arce, Compendio Bulario Ăndico (Seville, Escuela de Estudios Hispanoamericanos, 1954, en deux tomes).
- Cf. RB, II/2855, f. 211-254.