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Jin Ping Mei

Jin Ping Mei (chinois : é‡‘ç“¶æą… ; pinyin : JÄ«n PĂ­ng MĂ©i), traduit parfois par Fleur en fiole d’or ou Le Lotus d’or, est un roman naturaliste chinois Ă©crit en chinois vernaculaire au cours de la dynastie Ming.

Fleur en fiole d'or
ou
Jin Ping Mei Cihua
Image illustrative de l’article Jin Ping Mei
Illustration du chapitre 4 (1617)

Pays Chine
Version originale
Langue chinois
Titre Jin Ping Mei
Lieu de parution Suzhou, Chine
Date de parution vers 1596/1610
Version française
Traducteur André Lévy
Éditeur Gallimard
Collection La Pléiade / Folio
Lieu de parution Paris
Date de parution 1984 / 2004
ISBN 2-07-031490-1

L’auteur, dont la vĂ©ritable identitĂ© reste encore aujourd’hui incertaine[1], le publia sous le pseudonyme Lanling Xiaoxiao Sheng (è˜­é™”çŹ‘çŹ‘ç”Ÿ, littĂ©ralement Érudit railleur de Lanling)[2].

Ce roman Ă©rotique dĂ©crit, en 100 chapitres et 120 poĂ©sies, la vie de Ximen Qing (è„żé–€æ…¶), riche viveur, marchand puis mandarin, avec ses « femmes » (Ă©pouses, concubines, servantes). Il est parfois considĂ©rĂ© comme le quatriĂšme ou cinquiĂšme (suivant les dynasties) des Quatre livres extraordinaires (曛性愇äčŠ) de la littĂ©rature chinoise.

Genùse et fortune de l’Ɠuvre

DĂšs le premier chapitre, l'auteur explique qu'il a Ă©crit ce roman pour dissuader ses contemporains de convoiter la richesse et ses pouvoirs, et surtout pour dĂ©conseiller l'abus des plaisirs sexuels. Il affirme Ă  son lecteur que « la porte qui t'a donnĂ© la vie, ce peut ĂȘtre aussi la porte qui mĂšne Ă  ta mort ». Tout homme doit se garder contre la « femme fatale »[3] - [4].

Selon Robert van Gulik[3] :

Il est de tradition qu'un roman érotique s'ouvre sur ce genre d'avertissement moral, mais dans ce cas particulier, l'auteur parlait sans doute trÚs sérieusement.

Les premiĂšres versions du roman n’existent qu’en version manuscrite ; la plus ancienne daterait de 1596. La premiĂšre Ă©dition imprimĂ©e apparaĂźt en 1610[5]. La version plus complĂšte disponible aujourd’hui contient cent chapitres, sur plus de mille pages[6].

Jin Ping Mei tire son nom des trois personnages fĂ©minins principaux du livre : Pan Jinlian (æœ˜é‡‘è“ź, dont le nom signifie Lotus d’or), Li Ping’er (æŽç“¶ć…’, dont le nom signifie Petit vase) et Pang Chunmei (éŸæ˜„æą…, Prunier de printemps)[1]. Selon certains critiques chinois, chacun des trois caractĂšres de son titre symbolise un aspect de la nature humaine ; mei (æą…), le prunier, est ainsi une mĂ©taphore de la sexualitĂ©.

La description explicite de la sexualitĂ© valut Ă  Jin Ping Mei un niveau de notoriĂ©tĂ© en Chine semblable aux MĂ©moires de Fanny Hill ou Ă  L’amant de lady Chatterley en Occident. L’ouvrage fut longtemps interdit en Chine continentale. Il n’est de nouveau disponible officiellement que depuis 2006, en fac-similĂ© d’une Ă©dition xylographique illustrĂ©e du XVIIe siĂšcle. Il existe des Ă©ditions modernes non officielles.

Des adaptations cinĂ©matographiques ont Ă©tĂ© tirĂ©es de cette Ɠuvre Ă  Hong-Kong et TaĂŻwan.

Résumé

L’intrigue, qui se dĂ©roule pendant la dynastie Song, est datĂ©e avec prĂ©cision par des allusions historiques, de 1112 Ă  1127, sous le rĂšgne de l'Empereur Huizong. Cependant le genre de vie et de coutume appartiennent Ă  l'Ă©poque de l'auteur, c'est-Ă -dire Ă  fin la pĂ©riode Ming[3].

L’histoire s’articule autour du personnage de Ximen Qing (è„żé–€æ…¶), propriĂ©taire d'une grande pharmacie, arriviste corrompu et marchand lubrique et qui est suffisamment riche pour pouvoir entretenir six femmes et concubines[3], dont Pan Jinlian qui a secrĂštement assassinĂ© son mari prĂ©cĂ©dent. L'histoire suit les luttes sexuelles domestiques des femmes au sein du foyer, afin de gagner en influence et en prestige pendant que le clan Ximen dĂ©cline.

Jin Ping Mei est prĂ©sentĂ© comme une sĂ©rie dĂ©rivĂ©e du roman classique Au bord de l’eau, datant du XIVe siĂšcle. Dans Au bord de l'eau, Wu Song, le Tueur de tigre, se venge du meurtre de son frĂšre aĂźnĂ© en tuant brutalement l’ancienne femme de celui-ci, Pan Jinlian, et Ă  la fin, le nouveau mari de celle-ci Ximen Qing. Le Jin Ping Mei diffĂšre sur pratiquement tous les points [7] en donnant une place centrale Ă  Pan Jinlian (Lotus d'or) : c'est elle qui finit par tuer aussi son nouveau mari Ximen Qing en lui administrant une surdose d’aphrodisiaque afin de le garder Ă©veillĂ©.

Descriptions sexuelles

Certains critiques ont affirmĂ© que les importantes descriptions sexuelles sont essentielles Ă  la narration et que ceci a permis la libĂ©ration ultĂ©rieure d’autres romans chinois traitant de sexualitĂ©, comme le plus notable Le RĂȘve dans le pavillon rouge.

Une illustration du Jin Ping Mei.

Selon Robert van Gulik, l'auteur du Jin Ping Mei ne semble pas connaitre, ou n'utilise pas dans son roman, les manuels de sexe dits Art de la chambre à coucher (en) de la période qui va de la dynastie Sui à la dynastie Song (590-1279)[3]. Ces textes taoïstes détaillent les techniques coïtales pour en faire des pratiques de longue vie. Ils paraissent quelque peu oubliés à la fin de l'époque Ming, probablement à cause d'un vocabulaire technique trop ancien[8].

Ximen, le personnage principal, ne noue pas de nombreuses relations sexuelles pour renforcer son essence vitale ou prolonger sa vie, mais bien pour satisfaire des appétits débridés. Ximen n'est pas un pervers, c'est plutÎt un ludique, un bon vivant de type « rabelaisien » qui a besoin d'excÚs, de variété et de fantaisie[3].

Dans le Jin Ping Mei, Ximen a 19 partenaires sexuels, dont son jeune page[3], 6 femmes et maĂźtresses ; 72 Ă©pisodes sexuels sont dĂ©crits dans le roman[9]. L’histoire contient des descriptions d'un grand nombre d’objets sexuels qui pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme du fĂ©tichisme.

Par exemple, Ximen porte toujours sur lui « une bandelette blanche qui a bouilli dans une médecine », la médecine étant probablement un aphrodisiaque. Ximen utilise à l'occasion cette bandelette de soie pour serrer à la base son membre en érection, à l'instar d'un anneau pénien[10]. Chez les femmes, le Jin Ping Mei cite la boule d'argent creuse formant petite clochette à placer dans le vagin (Boules de geisha) pour une masturbation ou un coït en musique[11].

Les descriptions de coït sont faites sans passion, mais sur un ton plaisant, avec des plaisanteries grivoises. L'auteur utilise l'argot et le style familier de son époque, filant la métaphore avec des euphémismes : « jouer de la flûte » pour la fellation (le cunnilingus n'est pas mentionné), la « pleine lune » est le postérieur féminin, la « fleur du jardin de derriÚre » est l'anus, et « la pleine lune approche la branche fleurie » l'annonce d'une sodomie[3].

Dans la littĂ©rature sexuelle chinoise, les histoires de sadisme d'hommes envers les femmes sont trĂšs rares. Le Jin Ping Mei ne dĂ©roge pas Ă  cette rĂšgle, on n'y trouve qu'une description qui pourrait s'y apparenter : celle oĂč l'homme, avant de possĂ©der une femme, place des petits morceaux d'encens sur son corps pour les allumer, la femme y prenant aussi plaisir. Cette raretĂ© contraste avec les textes sexuels de l'Inde en sanscrit, oĂč les coups, griffures et morsures sont soigneusement dĂ©taillĂ©s[12].

En revanche, il est plus souvent fait état d'actes de sadisme entre femmes, par jalousie ou rivalité amoureuse. Dans le Jin Ping Mei, l'héroïne Lotus d'or fouette et griffe deux rivales[12].

Le Jin Ping Mei ne contient que deux passages scatologiques en relation avec l'acte sexuel (scatophilie), relevés par Van Gulik, dont celui-ci[11] :

Il [Ximen] voulut se lever pour uriner, mais la femme [Lotus d'or] lui défendit de s'éloigner. « O toi ma volupté ! lui dit-elle, si abondamment que tu pisses, ma bouche le recevra. Il fait bien froid ce soir, et tu risques de prendre froid si tu sors du lit. »

Parmi les dĂ©tails qui indiquent que le roman ne se dĂ©roule pas sous la pĂ©riode Song, mais bien Ă  la pĂ©riode de l'auteur (pĂ©riode Ming), on trouve une description de grands rouleaux de peinture Ă©rotique, longs de 3 Ă  6 m et larges de 25 cm, destinĂ©s Ă  ĂȘtre dĂ©roulĂ©s horizontalement, typiques de la pĂ©riode Ming. Dans le Jin Ping Mei, le hĂ©ros Ximen en possĂšde un, bordĂ© de soie brochĂ©e avec une Ă©pingle d'attache en ivoire. On y voit 24 couples en une seule image continue[13]:

« En couples, ils se livrent à la « bataille » entre les rideaux de lit, en vingt-quatre positions dont chacune porte un nom particulier. L'humeur printaniÚre excite la passion de celui qui regarde. »

Personnages

  • Protagoniste principal : Ximen Qing
  • Épouses : Dame-Lune Wu, Charmante Li, Tour-de-Jade Meng, Belle-de-Neige Sun, Pan Jinlian (Lotus d’or), Li Ping'er (Petit vase ou Fiole)
  • Fille : Grande demoiselle Ximen
  • Filles de service : FlĂ»te-de-Jade/Petit-Jade, Fleurette/FĂȘte-de-Lune, OrchidĂ©e/ PhĂ©nichette, Mi-Automne/JadĂ©ine, Pang Chunmei (Fleur-de-Prunier/ChrysanthĂšme), Yasmine/GrĂące
  • Hommes de service : Laiwang, Laizhao, Laibao, Laixing, Lai JuĂ©
  • Leurs Ă©pouses : Lotus-de-BontĂ©, Cure-Oreille, BontĂ©-Faste, GrĂące-de-BontĂ©, BontĂ©-Originelle
  • La Nourrice : DĂ©sirĂ©e
  • Garçons de service : Caouane, Paiane, Luth, Laiane, Pictor, Damier, LibĂšre, Chunhong, Wang Jing
  • Commis : Fu, Ben, Han Daoguo, Cui Ben, Wu, Chen Jingji, Gan Run
  • Aides-commis : Hu Xiu, Rong Hai, Wang Xian
  • SecrĂ©taires : Wen Bigu (Chen Jingji), LibĂšre
  • Entremetteuses : Wang, XuĂ©, Wen, Feng, Kong
  • Courtisanes : Cannelle, Lune-d’Amour
  • Gardien de cimetiĂšre : Zhang la Paix

Critiques

Pendant plusieurs siĂšcles, Jin Ping Mei est considĂ©rĂ© comme une Ɠuvre pornographique et officiellement interdite. Le livre a toutefois Ă©tĂ© lu subrepticement par la plupart des personnes Ă©duquĂ©es. Le critique Zhao Zhupo ayant vĂ©cu au dĂ©but de la dynastie Qing remarque que ceux qui considĂšrent Jin Ping Mei comme pornographique « ne lisent que les passages pornographiques[14]. » Lu Xun, l’influent auteur du XXe siĂšcle, le considĂšre comme « le plus cĂ©lĂšbre roman de mƓurs » de la dynastie Ming et rejoint le point de vue du critique de l’époque, Yuan Hongdao, qui affirme qu’il est « un second classique de Au bord de l'eau. » Il ajoute que le roman est « en fait une condamnation de toute la classe dirigeante[15]. »

Ximen et Lotus d’or, illustration de l’édition chinoise datant du XVIIe siĂšcle.

David Roy, le traducteur le plus cĂ©lĂšbre de l’Ɠuvre en anglais, voit une « vision morale intransigeante », qu’il associe Ă  la philosophie de Xun Zi, selon laquelle la nature humaine est mauvaise et ne peut ĂȘtre rachetĂ©e que par une transformation morale[16], ainsi qu’une condamnation morale du libertinage des personnages centraux[17].

Robert van Gulik voit le Jin Ping Mei comme un grand roman, dans les meilleurs du monde en son genre[3] :

« L'intrigue est soigneusement agencée, les personnages et le milieu sont esquissés briÚvement mais avec une parfaite justesse, et les dialogues sont menés de main de maßtre, soutenus avec logique et conformes au caractÚre des nombreux personnages ».

Van Gulik souligne aussi que le Jin Ping Mei n'a pas seulement une grande valeur littéraire, il constitue un important document sociologique sur la vie chinoise, deuxiÚme moitié de la période Ming[3].

Le chercheur amĂ©ricain et critique littĂ©raire Andrew Plaks Ă©lĂšve Jin Ping Mei au rang des « quatre chefs-d'Ɠuvre des romans Ming » avec Roman des Trois Royaumes, Au bord de l’eau et La PĂ©rĂ©grination vers l’Ouest, qui constituent collectivement une percĂ©e technique et reflĂštent les nouvelles valeurs culturelles et les prĂ©occupations intellectuelles[18]

Paternité

L’identitĂ© de l’auteur de Jin Ping Mei n’est toujours pas Ă©tablie avec certitude. Toutefois, la cohĂ©rence de style et la subtile symĂ©trie opĂ©rĂ©e dans la narration laisse penser qu’il n’y a qu’un seul auteur[19]. L’orientaliste britannique Arthur Waley a Ă©crit avant la diffusion de rĂ©centes recherches, dans l’introduction de sa traduction en 1942, que le candidat le plus sĂ©rieux est Xu Wei, un peintre renommĂ© et membre de l’école rĂ©aliste de lettres de Gong’an. Il affirme qu’une comparaison peut ĂȘtre menĂ©e entre les poĂšmes de Jin Ping Mei et les poĂšmes produits par Xu Wei, tout en laissant cette vĂ©rification aux futurs chercheurs[20].

Selon la critique moderne, l’attribution de la paternitĂ© de l’Ɠuvre de Xu Wei Ă  Wang Shizhen s’expliquerait par l’habitude d’attribuer « une Ɠuvre littĂ©raire populaire Ă  quelque auteur cĂ©lĂšbre de l'Ă©poque[21] ».

Traductions françaises

  • La merveilleuse histoire de Hsi Men avec ses six femmes. Le Club Français du Livre. Paris. 1949 - 1952, puis 1967 (collection PrivilĂšge, n° 25, en deux volumes).
  • Fleur en fiole d’or, Jin Ping Mei Cihua. Traduction et notes d’AndrĂ© LĂ©vy. La PlĂ©iade Gallimard 1985. Folio Gallimard 2004, en deux volumes (ISBN 2-07-031490-1)

Bibliographie

  • (en) P.D. Hanan, « The Sources of the Chin P’ing Mei », Asia Major, Volume 10, part 1, 1963 [lire en ligne]
  • Robert Van Gulik (trad. Louis Évrard), La vie sexuelle dans la Chine ancienne, Paris, Gallimard, coll. « BibliothĂšque des histoires », .

Références

  1. Lu (1923) p.408
  2. Michael Dillon, China: A Cultural and Historical Dictionary, Routledge, 1998, (ISBN 0-7007-0439-6), pp.163-164
  3. Van Gulik 1971, p. 357-360.
  4. Hanan 1963, p. 39-40 et 67.
  5. Lu (1923) pp.220-221
  6. (en) Charles Horner, « The Plum in the Golden Vase, translated by David Tod Roy », sur Commentary Magazine.
  7. Paul S. Ropp, "The Distinctive Art of Chinese Fiction", in Ropp, ed., The Heritage of China: Contemporary Perspectives on Chinese Civilization. (Berkeley; Oxford: University of California Press, 1990), pp. 324-325.
  8. Van Gulik 1971, p. 355-357.
  9. Ruan, Matsumura (1991) p.95
  10. Van Gulik 1971, p. 350.
  11. Van Gulik 1971, p. 213-216.
  12. Van Gulik 1971, p. 207-209.
  13. Van Gulik 1971, p. 393-394.
  14. (en) Wai-Yee Li, "Full-Length Vernacular Fiction," in V. Mair, (ed.), The Columbia History of Chinese Literature (NY: Columbia University Press, 2001). p. 640.
  15. (en) Lu Xun. A Brief History of Chinese Fiction (1923; Foreign Languages Press, 1959). Translated by G. Yang and Yang Xianyi. p. 232, 235.
  16. Li, "Full Length Vernacular Fiction", p. 642.
  17. Horner (1994).
  18. (en) Andrew H. Plaks, Four Masterworks of the Ming Novel. (Princeton, New Jersey: Princeton University Press, 1987), esp. pp. 497-98.
  19. Li, "Full Length Vernacular Fiction", pp. 637-38.
  20. (en) Arthur Waley, "Introduction", Ă  Shizhen Wang, traduit de l'Allemand de Franz Kuhn par Bernard Miall, Chin P'ing Mei: The Adventurous History of Hsi Men and His Six Wives. (London: John Lane, 1942; rpr. New York, Putnam, 1947.
  21. Liu Wu-Chi An Introduction to Chinese Literature).

Voir aussi

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