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Jeu de rĂ´le en France

En France, l'émergence du jeu de rôle sur table commence à la fin des années 1970 et au début des années 1980. La pratique de ce loisir a connu ensuite un fort succès jusqu'au début des années 1990, avec de nombreuses associations de joueurs, traductions de jeux anglo-saxons et créations d'auteurs français.

Quatre joueurs jouant Ă  un jeu de rĂ´le autour d'une table.

Depuis les années 2010, ce loisir fait l’objet d’études plus poussées par des chercheurs universitaires francophones, avec tenue de colloques.

Histoire

Associations et clubs

Le premier club de jeu de rôle est créé à l'automne 1978 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse[1]. D'autres clubs se créent en région parisienne à la même époque : à l'ENS Ulm, AJT (rue de Charonne), Anti-Mythes (avenue Foch), club loisir Dauphine ; des clubs se créent également assez tôt dans le milieu estudiantin toulousain (club de Sup Aéro, club du Mirail, association Atoll).

Depuis les années 1990, la Fédération française de jeux de rôle, puis dans les années 2010[2] Le Thiase, proposent un annuaire[3] des associations de jeu de rôle qui recense plus de 500 organisations en France en 2018.

Boutiques spécialisées

Les boutiques spécialisées furent des relais importants pour la distribution des produits et pour la socialisation autour du jeu de rôle sur table, surtout dans les années 1980 et 1990, avant l'arrivée d'internet.

À Paris, la première boutique spécialisée a été créée dans les bureaux (avec vitrine) du cabinet de conseil d'un anglais Peter Watts (derrière la gare du nord rue de l'Aqueduc). Quelques mois plus tard, en 1977, L'Œuf cube est créé par un Suisse, Claude Laubert; la boutique se situe rue Linné à Paris juste à côté de la faculté de Jussieu. Les deux boutiques ont participé à la diffusion des jeux de rôle en France[4], notamment grâce à la vente par correspondance. En 1978, Peter Watts[5] et Excelsior Publications (Science et Vie) fondent la société Jeux Descartes Sarl[6] par 50/50 ; le 1er magasin de Jeux Descartes s'installe rue des Écoles à Paris. En plus des casse-tête et des jeux de guerre traditionnellement distribués par les boutiques de jeux, Jeux Descartes se met assez tôt à vendre le premier Donjons et Dragons version US avec 18 pages des règles traduite en français (sans les tableaux). L'Œuf Cube suit très rapidement. Jeux Descartes crée ensuite un réseau, les « Relais Descartes », qui distribue des jeux de guerre, des jeux de réflexion et des jeux de rôle dans divers magasins de jeux sur le territoire français. Certains étaient des filiales d'autres des franchises.

Conventions

En 1983, le club de simulation de l’école d’ingénieurs SupAéro organise la première convention de jeu de rôle, sous la forme d’un tournoi de Donjons & Dragons, à Toulouse[7].

En 2018, plus de 80 conventions & festivals, dédiés au jeu de rôle ou avec un segment consacré à ce loisir, sont recensés dans l’espace francophone[8].

Magazines professionnels

Le premier magazine consacré aux jeux de rôle (et aux jeux de guerre), Casus Belli, créé par François Marcela-Froideval, paraît en 1980, repris très rapidement par Excelsior Publications (Science et Vie) d’abord distribué par abonnement puis à partir de 1986 en kiosques et librairies. Après plusieurs époques de troubles et plusieurs incarnations, le magazine est toujours distribué, par abonnement et dans les boutiques de jeu, en 2023.

Suivent Runes (1983 à 1985, 10 numéros), Dragon Radieux (1985 à 1990, 23 numéros), Chroniques d'outre-monde (1986 à 1993, 25 numéros), Graal (1987 à 1990, 26 numéros et 4 hors-série), Role mag' (1990 à 1991, 9 numéros), Backstab (1997-2005, 52 numéros) ou encore Di6dent (2010 à 2017, 16 numéros).

Dragon magazine, revue officielle du jeu de rôle Donjons et Dragons d'origine américaine, est publié en français entre 1991 et 1999, puis sous les noms de Multimondes de 1999 à 2000 et de D20 Magazine de 2001 à 2005.

Fanzines

De nombreux fanzines sont édités par des amateurs, comme Le Farfadet (1986, 6 numéros), Cent prétentions (1993, 9 numéros) ou Le Grimoire (1992 à 2004, 20 numéros), parmi plus de 400 titres de fanzines et prozines recensés en 2018 par le Wiki des fanzines francophones de jeu de rôles[9].

Traductions en français

La première traduction officieuse des règles de Donjons et Dragons apparait fin 1979 début 1980 (sans traduction des tableaux) ; elle est fournie par Jeux Descartes lors de l'achat du jeu américain en langue anglaise[10] - [11]. La première traduction officielle est publiée en 1983.

À la suite d'un échec pour devenir distributeur de Donjons et Dragons, Excelsior Publications / Jeux Descartes fait publier L'Appel de Cthulhu dans un Hors-Série de Science et Vie. En 1984, alors que ce jeu n'a eu que peu de succès aux États-Unis, sa version française obtient un large succès. Les joueurs ne tiennent pas à leurs personnages sur le long terme, font une enquête le temps d'une soirée, le tout baignant dans l'atmosphère des romans d'horreur de H. P. Lovecraft. L'Appel de Cthulhu prend le contre-pied de tous les principes du genre établis par Donjons et Dragons.

L'éditeur Folio Junior, qui commercialise la collection de livres-jeux Un Livre dont Vous êtes le Héros publie également des jeux de rôle au format poche : L'Œil noir (1985), Pendragon (1986) et Les Terres de Légende (1989) ; dans le cas de L'Œil noir et de Pendragon, les livres sont dans une boîte plastique reprenant l'apparence d'un Livre dont Vous êtes le Héros géant.

Créations françaises

En 1983 paraît le premier jeu de rôle français : L'Ultime Épreuve. D'autres jeux français suivent, en particulier Légendes (1983), Mega (1984), Empire galactique (1984), Maléfices (1984), Rêve de dragon (1985), La Compagnie des glaces (1986) ou Hurlements (1989).

Cette époque voit aussi la création de petites maisons d'édition comme la société Siroz. Cette dernière publie des auteurs prolifiques comme Croc et Matias Twardowski, et est à l'origine du célèbre Bitume (1986, univers post-apocalyptique inspiré de Mad Max), de la gamme Universom (1987), de Zone (1988), Ahtanor (1989), Heavy Metal (1991, où il est possible d'incarner un robot Terminator dans un univers au futur alternatif), ou encore Bloodlust (1991).

Alors que les jeux sont prĂ©sentĂ©s initialement sous forme de boĂ®tes contenant des livrets et divers accessoires (dĂ©s, crayons, feuilles de personnages), de nouvelle formes de publication apparaissent : le jeu de rĂ´le Mega est publiĂ© sous la forme d'un hors-sĂ©rie du magazine Jeux & StratĂ©gie (1984)[12] ; il est vendu en kiosque et la diffusion est un succès surprise avec 60 000 exemplaires[13]. SimulacreS (1986) est initialement publiĂ© Ă  compte d'auteur puis en tant que supplĂ©ment Ă  une bande dessinĂ©e (La Fleur de l'Asiamar, Arno et Jodorowsky) avant d'ĂŞtre publiĂ© sous forme de hors-sĂ©rie du journal Casus Belli (1988). Les jeux de François Nedelec, Empire galactique (1984) et Avant Charlemagne (1986), paraissent chez Robert Laffont au mĂŞme format que des romans.

Jeux français traduits à l'étranger

Certains jeux de création française ont été traduits en diverses langues, comme In Nomine Satanis - Magna Veritas (1990) qui a été traduit en allemand en 1993, en espagnol en 1994, en polonais en 1998 (In Nomine Magnae Veritatis), et adapté en anglais en 1997 (In Nomine) ; SimulacreS (1986) traduit en italien en 1993 (Simulacri, Il gioco di ruolo poliedrico) ; Rêve de Dragon (1985) traduit en anglais Rêve : the Dream Ouroboros en 2002, Nephilim (1992) traduit en anglais en 1994 ; ou encore le jeu de rôle amateur René (2000), traduit en anglais en 2001 (Wuthering Heights Roleplay).

La stigmatisation médiatique

La pratique du jeu de rôle sur table en France est l'objet d'accusations graves (troubles psychiatriques, suicides, meurtres) au milieu des années 1990, à travers une crise médiatique qui conduit à la fermeture de nombreux clubs et marque toute une génération de joueurs[14] - [15].

À la suite de l'enquête sur l'affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras (), un lien a été établi (à tort) dans les médias entre le jeu de rôle et ce crime. Dès lors il se développe une stigmatisation du milieu rôliste, étiqueté par les médias comme un rassemblement de personnes déviantes, voire dangereuses ou à tendance morbide, soutenue ultérieurement par d'autres interprétations médiatiques de faits divers tragiques. Ces accusations sont notamment relayées dans les émissions télévisée Témoin n°1 (), Zone interdite (), et Bas les masques[16] (), qui représente le point culminant de ces attaques en France[17].

Le milieu n'étant pas structuré et n'ayant pas fait l'objet d'études scientifiques à cette époque, « aucun interlocuteur d'envergure nationale n'existe pour répondre, tant aux journalistes qu'au grand public[18] ».

En réponse, une Fédération française de jeux de rôle est créée en 1996 avec dans ses statuts l'objectif spécifique de défendre le jeu de rôle[19] et le premier ouvrage sérieux et dépassionné, abordant la dualité catharsis/criminogène, est publié en 1997[20].

Rôlistes français célèbres

Silhouette pour jeu de rôle figurant les zones du corps susceptibles de subir une blessure selon le résultat du lancer d'un dé de pourcentage (d100).

Bibliographie

Notes et références

  1. François « Finael » Bienvenu, « La Saga des jeux de rôle », sur Finael.fr (consulté le ).
  2. Le GRoG, « 11 novembre 2013 - Annuaire des assos », sur legrog.org, (consulté le ).
  3. Pascal « Pitch », « Annuaire des associations et conventions de jeux de rôles », sur le-thiase.fr (consulté le ).
  4. « L’ Œuf Cube — Tarifs années 1980 », sur Sgt Perry's Heroes, (consulté le ).
  5. Erika Penot, « Dans le domaine des jeux, Multilud est imbattable », Ouest France,‎ (lire en ligne).
  6. Docteur Mops, « Exit les Relais Boutiques Jeux Descartes », sur Tric Trac, (consulté le ).
  7. Jean-Jacques Rouch, « Les grosses têtes de Supaéro s'évadent dans le virtuel - Jeux de rôles », La Dépêche,‎ (lire en ligne).
  8. Pascal « Pitch », « Conventions & Festivals », sur le-thiase.fr (consulté le ).
  9. « Le Wiki de Tous les Fanzines de Jeu de Rôle Francophones » (consulté le ).
  10. Bourny, « Il était une fois Donjons et Dragons (introduction) » [archive du ], sur retroclone.fr, (consulté le ).
  11. Dvergguden, « 1977 - 2017 : 40 ANS déjà !!!! », sur La forge de papier, (consulté le ).
  12. hors-série no 1 (février-mars 1984)
  13. Interview de Didier Guiserix, rédacteur en chef de Casus Belli, sur TricTrac.tv
  14. Maitresinh, « Qui a tué le JDR ? épisode 1 : la main de Satan », sur 500 nuances de geek, .
  15. Damien Coltice, « Didier Guiserix raconte… : Quand un fait divers est utilisé par la télé pour tuer le JdR ! », Casus Belli, Black Book, vol. 4, no 11,‎ , p. 240-243 (ISBN 978-2-36328-140-1).
  16. Émission de Mireille Dumas Bas les masques, « Attention, jeux dangereux », 11 octobre 1995
  17. Trémel 2001, p. 49.
  18. CaĂŻra 2007.
  19. « Fédération française de jeux de rôle - Présentation », sur FFJDR, .
  20. Matelly 1997.
  21. Laurent Suply, « “T'es geek, toi ?” (12) : Alexandre Astier, auteur, réalisateur, acteur… et paladin », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  22. Tête Brûlée, « Julien Aubert : Monsieur le député est rôliste », Casus Belli, Black Book, vol. 4, no 18,‎ , p. 250-253 (ISSN 0243-1327).
  23. Thomas Berjoan, « Pénélope “Jolicœur” Bagieu : “Je jouais une troll strip-teaseuse !” », Casus Belli, Black Book, vol. 4, no 2,‎ , p. 244-247 (ISBN 978-2-36328-106-7).
  24. « Vincent Blanchard », sur France Culture (consulté le ).
  25. « Vincent Blanchard », sur Le GRoG (consulté le ).
  26. Boulet, « Mon cerveau est un connard », sur Bouletcorp, (consulté le ).
  27. Thomas Berjoan et Damien Coltice, « Éric Bourgier : “Le JdR comme la BD : l'envie de raconter” », Casus Belli, Black Book, vol. 4, no 3,‎ , p. 242-247 (ISBN 978-2-36328-107-4).
  28. Marc Sautriot, « Le Bâtard de Kosigan, chevalier mercenaire », Casus Belli, Black Book Éditions, no 18,‎ , p. 74 (ISSN 0243-1327).
  29. Isabelle Périer, « Histoire d'un Bâtard, fils d'un rôliste », Jeu de rôle magazine, Département des sombres projets, no 13,‎ , p. 12-13.
  30. Célinedanaë, « Interview Fabien Cerutti », sur Au pays des cave trolls, (consulté le ).
  31. http://www.500nuancesdegeek.fr/histoire-com/
  32. Casus TV, [vidéo] Qu'est-ce que le jeu de rôle ? Par Maxime Chattam sur YouTube, .
  33. Coralie David, « Avant j'étais rôliste : Fabien Clavel », Di6dent, Plansix, no 11,‎ , p. 11-15.
  34. Jean-Luc Boukhari, Fabien Clavel et Grégory Lemonnier, « Trois Héritiers », Jeu de Rôle magazine, no 48,‎ , p. 20-26.
  35. Vincent Ziec, « Avant j'étais rôliste : Fabrice COlin », Di6dent, Plansix, no 6,‎ , p. 15-18.
  36. En particulier, un des auteurs principaux de l'EW-System : Lionel Davoust, Christian Grussi et Sidney Merkling, EW-System : Règles de base, Extraordinary Worlds Studio, , 90 p. (lire en ligne).
  37. [vidéo] Apérôliste - Christian Lehmann sur YouTube, , à partir de 37 min.
  38. Julien de Jaeger, « Avant j'étais rôliste : Alexis Flamand », Di6dent, Plansix, no 10,‎ , p. 14-17.
  39. Coralie David, « Avant j'étais rôliste : Alexis Flamand », Di6dent, Plansix, no 12,‎ , p. 13-15.
  40. Stéphane Pajot, « Nantes - Julie Gayet : « Je suis une fan de science-fiction » », Presse Océan,‎ (lire en ligne).
  41. yaneckchareyre, « Hub : À deux pas du Vide (interview) », sur Les Chroniques de l'invisible, (consulté le ).
  42. Spooky, « Hub, créateur de Okko », sur CoinBD, (consulté le ).
  43. Damien Coltice, « Jean-Philippe Jaworski : Auteur (rôliste) surdoué », Casus Belli, Black Book, vol. 4, no 8,‎ , p. 240-247 (ISSN 0243-1327).
  44. Benoit Chérel, « Quelques personnalités qui font ou ont fait du jeu de rôle : “En France il y en a aussi !” », Chroniques d'Altaride, La Guilde d'Altaride, no 40,‎ , p. 50.
  45. Jeux & Stratégie n°40, août 1986.
  46. Marc Sautriot, « Utopiales 2017 », Casus Belli, vol. 4, no 24,‎ , p. 44-45.
  47. Voir par exemple l'épisode « Mauvais rôles » de la série Lou ! (no 45), Jérôme Mouscadet, 2010.
  48. Iso, « Donjon, le jeu de rôle de Joann Sfar ! Artisanal et gratuit ! », sur Scriiipt.com, (consulté le ).
  49. Joann Sfar et Thomas Berjoan, « Entretien : Joann Sfar, “Le rêve de ma vie, c’était de faire du JdR” », Casus Belli, vol. 4, no 34,‎ , p. 260-267
  50. « Qui suis-je ? », sur Emily Tibbats, (consulté le ).
  51. [vidéo] La Petite Interview - Bernard Werber sur YouTube, 4 janvier 2019.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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