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Avant Charlemagne

Avant Charlemagne est un jeu de rôle français[1] créé par François Nedelec et paru en 1986 chez Robert Laffont dans la collection Simulations dirigée par Gérard Klein. C'est un des rares jeux de rôle édité par un éditeur généraliste, avec, bien entendu, son prédécesseur Empire Galactique (même auteur, même collection, même éditeur) publié en 1984.

Les illustrations intérieures et de couverture sont de François Dermaut et les dessins (cartes, bestiaire fantastique...) de Jackie Paternoster.

Le matériel de jeu consiste en un unique livre de 431 pages, en format roman broché. Cette présentation était très inhabituelle dans le monde du jeu de rôle à l'époque, plutôt habitué à des livrets de format albums de bandes dessinées, distinguant les informations destinées aux joueurs, au meneur de jeu, sur le système, sur l'univers, etc. et parfois regroupés en coffret ou en boîte. Elle présentait un avantage économique considérable : le livre (donc le jeu complet) fut mis en vente en 1986 pour la somme de 115 francs !

Outre la présentation en un seul livre (originalité déjà considérable), Avant Charlemagne s'inscrit dans deux tendances du jeu de rôle :

  • En pleine vague de simulationnisme, il tend vers une simplification de son système de jeu mais sans pour autant devenir simpliste[2].
  • Il opte pour une reprĂ©sentation symbolique[3] de son univers de jeu Ă  l'opposĂ© de la reprĂ©sentation conceptuelle dominante dans les jeux de la lignĂ©e de Dungeons and Dragons. Il s'inscrit davantage dans le droit fil de jeux comme Runequest et, bien sĂ»r, Empire galactique.

Univers proposé

Époque

Ce jeu se déroule sur une période couvrant le Haut Moyen Âge occidental soit environ entre l'an 450 et l'an 800. L'Europe est à la sortie de l'Antiquité. Elle a été façonnée par la guerre des Gaules, la Pax Romana, les migrations germaniques, les grandes invasions (Francs, Huns, Wisigoths, Vandales…) et la chute de l'Empire romain d'Occident, mais avant les invasions Viking et avant la fondation de l'Empire d'Occident par Charlemagne…

Espace

Il a pour cadre un territoire correspondant à l'Empire romain et à ses voisins proches, soit approximativement un espace allant des pays nordiques au Sahara (du Nord au Sud) et de l'océan Atlantique à l'Oural et aux steppes d'Asie centrale (d'Ouest en Est) [4].

La description de la vie quotidienne proposée dans le livre restreint cependant cet espace et concerne essentiellement l'Europe occidentale sur un territoire ayant l'actuelle France comme pivot géographique[5].

Peuples

Les joueurs peuvent incarner des personnages issus de six principaux groupes de peuples de l'Ă©poque :

  • Les Celtes (gaulois, bretons, celtibères, gallois, etc.)
  • Les Germains (francs, wisigoths, ostrogoths, vandales, alamans, alains, suèvres, angles, saxons, etc.)
  • Les MĂ©diterranĂ©ens (byzantins, grecs, romains, aramĂ©ens, phĂ©niciens...)
  • Les Arabes
  • Les Slaves
  • Les Asiatiques (huns, mongols, perses, tartares, avars, tĂĽrks...)

Cette classification, quoique bien explicitée et documentée dans le livre, est bien sûr une simplification à des fins ludiques et elle peut être discutée. Deux points en particulier posent question :

  • L'absence des peuples nordiques (les futurs vikings) pourtant dĂ©jĂ  actifs sur cette pĂ©riode (dite prĂ©-viking ou Age de Vendel en Suède par exemple avec les varègues et les rus en particulier). Sont-ils assimilables aux Celtes ou aux Germains ?
  • Les peuples tels que les touaregs, les berbères, les kabyles sont-ils assimilĂ©s aux Arabes ou aux MĂ©diterranĂ©ens ?

L'auteur François Nedelec invite d'ailleurs les joueurs à affiner et enrichir les possibilités ethniques proposées[6], y compris en fournissant une bibliographie à cet effet[7].

Catégorie ludique

C'est un jeu historique très documenté et très réaliste au plan de la vie quotidienne et des réalités historiques mais il intègre des incursions dans le domaine du fantastique grâce au biais suivant : les croyances de l'époque sont considérées réelles, comme le monde des fées, le bestiaire fantastique et la sorcellerie. Il rejoint dans cette catégorie un autre des tout premiers jeux de rôle français Légendes.

Système de jeu

La création des personnages

Elle présente l'originalité de commencer par une sélection de compétences avant de quantifier les caractéristiques alors que les jeux de rôle en vogue à cette époque procédaient dans l'autre sens.

La résolution des actions et des situations[8]

C'est un système à deux niveaux, destiné à permettre aux débutants de jouer rapidement une première partie mais aussi de pouvoir affiner les procédures de résolution d'actions et les effets produits quand ces mêmes joueurs auront acquis un peu plus de pratique.

Ce système est identique à celui de la seconde édition d'Empire galactique. Il se joue avec des dés à six faces (d6).

Premier niveau : R.O.L.E. (Règle Optionnelle Limitée à l'Essentiel)

Ce système de jeu de rôle générique a été présenté dans le magazine Casus Belli[9] par François Nedelec et Didier Guiserix. Facétieusement sous-titré "Le plus petit jeu de rôle du monde", il présente en deux pages un système de jeu, une feuille de personnage, un scénario d'initiation (avec un plan) et des conseils pour débuter. La création du personnage est réduite au minimum avec deux caractéristiques : "Mental" et "Physique". Une moyenne est prévue pour les situations sollicitant les deux. Le système de jeu propose une règle unique de résolution d'action ou de situation : le jet de dés sous caractéristique. Un résultat inférieur est un succès, un résultat supérieur est un échec. Une table unique de difficulté/résultat permet d'une part d'attribuer un bonus/malus au jet sous caractéristique et d'autre part d'interpréter la marge de succès ou d'échec du résultat.

Ce système peut exister par lui-même, dans n'importe quel univers, et il a servi de base au système adopté par les jeux Empire galactique, Mega II et, bien sûr, Avant Charlemagne.

Il est considéré comme un développement de la Charte angoumoise (présentée dans le magazine Runes[10]) laquelle est également à la base du système de jeu du jeu de rôle Légendes mais avec un jet de d20 alors que R.O.L.E. utilise deux d6.

Second niveau : Jets sous caractéristique, tests de compétence et jets d'évasion

Le second niveau du système de jeu affine les mécanismes de simulation. Il distingue :

  • Les actions automatiques (celles qui ne posent aucun problème sauf circonstances exceptionnelles), telles que manger, dormir, marcher, etc. Aucun mĂ©canisme de simulation n'est sollicitĂ©.
  • Les actions non-automatiques (ou incertaines quant Ă  leur issue et leurs consĂ©quences). Elles peuvent ĂŞtre rĂ©solues par :
  1. Les jets sous caractéristique : Lorsqu'il tente un jet sous caractéristique, le joueur indique l'action qu'il souhaite réaliser et le maître de jeu décide de la caractéristique sollicitée. Il peut aussi attribuer un bonus/malus à l'action représentant la difficulté estimée de l'action dans les circonstances où elle est engagée. Le joueur jette deux d6 et le total des dés doit être inférieur à la caractéristique du personnage, éventuellement modifiée du bonus/malus.
  2. Les tests de compétences : Lorsqu'il tente un test de compétence, le joueur choisit une précision et le Maître de jeu décide d'une difficulté. Il existe trois niveaux de précision et trois niveaux de difficulté. Une table 3×3 indique le nombre de dés à jeter et le total des dés doit être inférieur à la compétence du personnage. Le bonus/malus de difficulté peut être également utilisé.
  3. Les jets d'Ă©vasion : cette dernière procĂ©dure est sollicitĂ©e quand le MaĂ®tre de jeu de parvient pas Ă  faire "rentrer" l'action souhaitĂ©e par le joueur dans l'une des deux catĂ©gories prĂ©cĂ©dentes ou bien quand le joueur souhaite Ă©chapper Ă  une action tentĂ©e contre lui. Le rĂ©sultat d'un jet de trois d6 est alors confrontĂ© au niveau d'Ă©vasion du personnage. Si le rĂ©sultat est infĂ©rieur, l'action rĂ©ussie ou le personnage Ă©vite les consĂ©quences, s'il est supĂ©rieur, l'action Ă©choue ou le personnage subit les consĂ©quences. Selon les cas, le niveau d'Ă©vasion « physique » (moyenne des trois caractĂ©ristiques physiques) ou d'Ă©vasion "mentale" (moyenne des trois caractĂ©ristiques mentales) du personnage est sollicitĂ©. Le bonus/malus de difficultĂ© peut toujours ĂŞtre utilisĂ©.

L'écart entre le résultat du jet de dé et le niveau sollicité de la caractéristique, de la compétence ou de l'évasion permet au Maître de jeu d'interpréter le résultat. Le principe est le suivant : plus l'écart est grand, plus les effets (positifs ou négatifs) du résultat de l'action sont importants.

Avant Charlemagne, Cry Havoc et Croisades

Avant Charlemagne est mentionné dans le jeu de guerre stratégique Croisades (lui-même un développement de la série des jeux de guerre tactiques et sub-tactiques Cry Havoc). Il est présenté comme le système de jeu de rôle permettant d'ajouter une dimension individuelle (de jeu de rôle, donc) aux campagnes stratégiques de Croisades[11].

Accueil critique

Avant Charlemagne fut un échec commercial. Il a souffert de plusieurs critiques et difficultés :

  • Il n'a quasiment bĂ©nĂ©ficiĂ© d'aucun suivi ni dĂ©veloppement en matĂ©riel et en scĂ©narios, ce qui est toujours rĂ©dhibitoire pour un jeu de rĂ´le.
  • Son système de jeu a subi de nombreuses critiques sur plusieurs points :
  1. La symbolique qui l'accompagne n'apporte pas grand-chose (ce que l'auteur François Nedelec reconnait lui-même[12]) et donne au tout une teinte ésotérique qui a pu rebuter.
  2. Il lui a été reproché de lier arbitrairement la difficulté d'une action et l'ampleur de ses conséquences.
  3. La systématisation autour des nombres 6 d'abord, puis 3 et 9, ainsi que des combinaisons 3x3, 6x6, a pu amener un sentiment de mécanique arbitraire, etc.
  • La prĂ©sentation en un seul volume format roman a dĂ©rangĂ© les habitudes du monde du jeu de rĂ´le de l'Ă©poque (bien qu'elle fĂ»t un avantage Ă©conomique).
  • La commercialisation des Éditions Robert Laffont ne s'est pas adaptĂ©e au fait qu'il s'agissait d'un jeu profitant d'un effet de mode ludique et non pas d'un roman.

Il faut cependant souligner que de nombreuses critiques retenaient l'intérêt et l'originalité de l'univers proposé[13] - [14].

Références

  1. Pour l'anecdote, il est qualifié de "jeu de rôleS, avec un (s)". La traduction de "Role-playing game" est encore sujette à débat à l'époque.
  2. Voir l'éditorial de Pierre Rosenthal, in Casus Belli, n°35, Décembre-janvier 1986, p. 22.
  3. Au sens de Denis Gerfaud, voir en particulier son article dans Casus Belli, n°16, 3e trimestre 1983, pp. 36 à 38.
  4. Voir carte proposée dans le livre pp 100-101.
  5. Voir par exemple la carte pp 146-147.
  6. Voir p. 108.
  7. Voir p. 420 et suivantes.
  8. Pour une mise en perspective conceptuelle de ce paragraphe, voir mécanisme de simulation dans les jeux de rôle.
  9. Voir Casus Belli, n°34, Août-Septembre 1986, pp 28-29.
  10. Voir Runes, n°4, Juillet 1983.
  11. Voir le livret Croisades, Duccio Vitale, Editions Rexton, p 68.
  12. Voir son article dans le magazine Casus Belli, n°44, Janvier 1988, p.41
  13. Pour un bon nombre de ces critiques, tant positives que négatives, voir le site Le Guide du Routard Galactique (legrog.org) à la page Avant Charlemagne.
  14. Voir le banc d'essai de Jean Balczesak in Casus Belli, n° 36, 1er trimestre 1987, pp. 26-27.

Liens externes

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