Jean-Charles Naouri
Jean-Charles Naouri, né le à Bône (Algérie), est un homme d'affaires, financier, et chef d'entreprise français. Il dirige depuis 1997 le Groupe Casino qui regroupe les enseignes de grande distribution éponymes, ainsi que Monoprix, Naturalia, Franprix, Leader Price, et le site de commerce en ligne Cdiscount.
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Gabriel Naouri Emmanuelle Naouri (d) Mickaël Naouri (d) |
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Afin de contrôler l'entreprise, il s'appuie sur un système de holdings pyramidales (Euris SAS, Finatis, Foncière Euris et Rallye) qui permet à un actionnaire de prendre le contrôle d'un groupe important avec un apport personnel faible en capital.
Confronté à un fort endettement et une remise en cause de son modèle économique, son groupe est fragilisé depuis 2015 sous la pression de spéculateurs et créanciers.
Sa fortune, estimée à 280 millions d'euros en 2020, a diminué jusqu’à 116 millions d’euros en 2022[1].
Jeunesse et Ă©tudes
Famille
Jean-Charles Naouri est né à Annaba (appelée alors Bône) en 1949. C'est le fils d'un pédiatre algérien et d'une agrégée d'anglais. Sa mère l'a élevé seule[2]. « Un oncle maternel, qui eut une certaine influence sur son orientation, était professeur d’université »[2].
Frère de l'homme d'affaires Jean-Yves Naouri, il est le père de Gabriel Naouri, également homme d'affaires.
Jean-Charles Naouri se marie en 2007 et divorce en 2022. La même année, sa conjointe dépose une plainte pour violences psychologiques et viol[3].
Formation
Il arrive en France métropolitaine avec sa mère à l'âge de 5 ans[4].
À quatorze ans, alors qu'il est élève au lycée Périer de Marseille[5], il participe au concours général et termine premier tant aux épreuves de latin qu'aux épreuves de grec[6].
À quinze ans, il obtient son baccalauréat avec la mention Très bien[6].
Après des classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand[7], il est admis 1er en 1967 au concours d'entrée à l'École normale supérieure (section Sciences, battant le record de points jusque-là détenu par le mathématicien Henri Poincaré, qui l'avait passé 80 ans plus tôt[8]), établissement d'où il sort en 1970 avec le titre de docteur en mathématiques, obtenu en une seule année[9]. Il passe ensuite deux années à l'université Harvard (juin 1970-juin 1972), où il étudie l'économie et les finances publiques[9] - [10].
En 1971, il revient en France pour soutenir à la faculté des sciences de l'Université de Paris sa thèse sur l'analyse factorielle des correspondances continues[11].
Enfin, de 1974 à 1976, il est étudiant à l'École nationale d'administration (ENA) (promotion Guernica) et sort dans la « botte ». Il fréquente alors Serge Weinberg qui sera plus tard le dirigeant de Weinberg Capital Partners[12].
DĂ©buts professionnels
Au service de l'État
Jean-Charles Naouri intègre le corps de l'Inspection générale des finances en 1976.
En , il accède à la direction du Trésor[9].
Directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy de 1982 à 1986, successivement au ministère des Affaires sociales puis au ministère de l'Économie et des Finances, il est à l'origine de la réforme des marchés financiers entre 1984 et 1986 (création du Matif, du Monep, des certificats de dépôt, des billets de trésorerie et des O.A.T.[13]).
Il est, à travers le « rapport Naouri »[14], le principal architecte de la dérégulation des marchés financiers en France du fait de l'allégement du contrôle des changes et de la suppression de l'encadrement du crédit[15] - [16].
Il lance les produits dérivés[17]. Ces mesures ont notamment pour conséquence la suppression des réserves obligatoires sur les crédits accordés par les établissements bancaires et sont aujourd'hui considérées par de nombreux experts comme en partie à l'origine du gonflement incontrôlé de la masse monétaire et de la dette, phénomène qui donnera naissance à la crise bancaire et financière de l'automne 2008[18].
Cette réforme a permis néanmoins de moderniser l’économie et le système financier français, alors en décalage croissant avec les grandes places financières internationales[19]. Le rapport Naouri a permis d’instaurer l’ouverture du système bancaire et de faciliter l’accès direct des entreprises aux marchés financiers[14]. Selon une étude de la Banque de France, « un assouplissement de la réglementation et une ouverture des marchés étaient nécessaires »[20] pour faciliter la mise en concurrence des réseaux bancaires, laquelle s’exerce désormais sur l’ensemble des crédits. La gestion financière des entreprises aura par « ailleurs été profondément modifiée et sera ainsi devenue source de rentabilité »[21], selon Françoise Renversez, pour permettre le financement de l’économie française et préparer l’entrée dans l’Union économique et monétaire.
Rothschild & Cie Banque
En 1987, marginalisé au ministère des Finances depuis la victoire de la droite en 1986, Jean-Charles Naouri quitte la fonction publique et rejoint Rothschild & Cie Banque en tant qu'associé-gérant[22]. C'est le premier associé-gérant à ne pas appartenir à la famille Rothschild[23].
Pour cela, la banque est transformée en société à commandite dont tous les associés-gérants sont responsables sur leur biens personnels[24]. Il crée parallèlement le fonds d'investissement Euris SAS, qui prend des participations minoritaires dans des entreprises industrielles et accroît rapidement ses capacités d’intervention.
En 1988, il est l'un des principaux protagonistes de l'affaire de la Société générale[25], raid lancé par Georges Pébereau et initié par Pierre Bérégovoy contre la Société générale. Il est accusé de délit d'initiés, mais l'affaire se soldera pour lui par un non-lieu[26].
Grande distribution
Il rachète, en 1991, le distributeur breton Rallye[27], en proie à de graves problèmes de trésorerie.
Il apporte Rallye au Groupe Casino, dont il devient le premier actionnaire en 1992.
Cette prise de participation majoritaire se fait avec très peu de fonds, selon un schéma qu'il reproduit pour toutes ses acquisitions : arrivant en « chevalier blanc », il prend initialement des parts minoritaires assorties d'options pour en prendre le contrôle ultérieurement . Il empile les structures financières, les sociétés acquises devant rembourser l'endettement nécessaire à leur acquisition[28] - [29]. Ce sont ces options qui, en 1997, lui permettent de l'emporter contre Promodès lors de l'OPA hostile lancée par celle-ci sur le groupe Casino[30] - [31].
Ce système, que Vincent Bolloré qualifie de poulies bretonnes, permet à un actionnaire de prendre le contrôle d'un groupe important avec un apport faible en capital personnel. Il a été conçu par le banquier Antoine Bernheim pour l'aider à construire son groupe.
Il prend la présidence opérationnelle de Casino en [32] revendant ses activités peu rentables en Pologne, aux États-Unis, à Taïwan et aux Pays-Bas et renforçant sa présence dans des pays en forte croissance. Casino devient ainsi le premier distributeur alimentaire en Amérique du Sud (Brésil et Colombie notamment), dans l’Océan Indien, au Viêt Nam et le deuxième en Thaïlande.
Il multiplie les acquisitions, toujours en recourant aux mêmes méthodes[29].
Il prend ainsi en une participation majoritaire dans le réseau Franprix-Leader Price[28] - [33]. Ce double investissement a donné lieu à une bataille juridique de plus de trois ans avec la famille Baud et François Fiat, les anciens propriétaires[34]. Cette procédure s’est finalement soldée par une condamnation de Robert Baud[35] - [36] - [37].
La reprise de Leader Price lui permet notamment de positionner le groupe Casino sur le secteur du discount. Cette même année, il reprend l’enseigne SPAR en France[38], puis rachète en 1998 l’enseigne Vival, premier franchiseur alimentaire de France[39].
En 2012, Casino prend le contrôle du groupe brésilien Pão de Açúcar[40] - [41] - [42], principal employeur privé du pays. Le Groupe acquiert également les 50 % restants de Monoprix et en devient le propriétaire exclusif[43] - [37].
En , surendettée avec une dette globale de 3,3 milliards d'euros, la société Rallye, holding de contrôle des groupes de distribution Casino et Go Sport, est contrainte de se placer sous la protection du tribunal de commerce de Paris et obtient l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Casino avait terminé l'année 2018 avec une perte de 54 millions d’euros. Si, selon le quotidien Libération, c’est la stratégie d’endettement du groupe pratiquée de très longue date par Jean-Charles Naouri, qui a entraîné la situation actuelle, « de nombreux observateurs jugent que la crise du modèle des hypermarchés est en réalité le véritable déclencheur de la crise »[44]. Pour l'économiste Éric Pichet, si le placement de Rallye sous procédure de sauvegarde est une bonne chose pour la pérennité de l'entreprise, cet évènement « marque la victoire des analystes financiers indépendants qui dénonçaient l’endettement démesuré du groupe, des hedge funds qui ont vendu le titre à découvert et des lanceurs d’alerte qui ont tenté sans succès d’attirer l’attention de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur l’opacité des comptes malgré les intimidations et les pressions de la direction du groupe »[45].
En 2023, la crise que traverse l'entreprise acculée par les dettes a pour conséquence la perte de contrôle de Jean-Charles Naouri sur celle-ci[46].
Affaires
Manipulation de cours
Le , Jean-Charles Naouri est placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête financière du parquet national financier pour des faits datant de 2018 et 2019. Il est soupçonné d'avoir manipulé les cours et commis un délit d'initié avec Nicolas Miguet, patron de presse financière[47].
Mandats actuels
- Président-directeur général de Casino[48], Guichard-Perrachon
- Président de Euris SAS
- Président du conseil d'administration de Rallye[49]
- Président du conseil d'administration de la Companhia Brasileira de Distribuição (CBD)
- Président-directeur général de Casino Finance
- Administrateur de F. Marc de Lacharrière (Fimalac)
- Membre du conseil consultatif de la Banque de France
- Mandats exercés au sein de fondations
- Président de la Fondation Euris[50]
- Vice-président de la Fondation d’entreprise groupe Casino[51]
- Mandats exercés dans des organisations d'intérêt général
- Président d’honneur et administrateur de l’Institut de l’École normale supérieure
- Mandats exercés pour le compte de l'État
- Le , à la demande de Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères), Jean-Charles Naouri a accepté de devenir le représentant spécial du ministre des Affaires étrangères pour les relations économiques avec le Brésil. Il a remis son rapport de fin de mission en [52].
Prix et récompenses
- Chevalier de la LĂ©gion d'honneur ()[53].
- Officier de la Légion d’honneur ().
Vie privée
Jean-Charles Naouri est père de trois enfants : Gabriel Naouri (d’un premier mariage[4]), Emmanuelle Naouri et Mickaël Naouri[4].
Ouvrages
- Christian Stoffaës et Jacques Victorri, Nationalisations, Paris, Flammarion, , 434 p. [« Jacques Victorri » est le pseudonyme de plusieurs auteurs : Jean-Charles Naouri, Baudouin Prot et Michel de Rosen].
- Naouri, Jean-Charles, dir., Livre blanc sur la réforme du financement de l'économie, Paris, ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, La Documentation française, 1986.
Notes et références
- « Jean Charles Naouri (fortune) », sur Challenges (consulté le ).
- Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot, Nouveaux patrons, nouvelles dynasties, Paris, Calmann-Lévy, , 272 p. (ISBN 978-2-7021-3039-1), p. I-I-4.
- « Le PDG de Casino visé par une nouvelle plainte pour violences psychologiques conjugales et viol », sur Sud Ouest, .
- Sophie Lecluse, « Qui est vraiment Jean-Charles Naouri, le patron de Casino au cœur de la tourmente ? », sur Capital.fr, (consulté le ).
- Le Monde, « • JEAN-CHARLES NAOURI: directement de quatrième en seconde. », Le Monde,‎ (lire en ligne , consulté le ).
- (en-US) « Jean-Charles Naouri Biography », sur Groupe Casino (consulté le ).
- « Louis-le-Grand a le chic pour former des millionnaires », sur www.journaldunet.com (consulté le ).
- Sabine Delanglade, « Jean-Charles Naouri. Le Caddie de ses soucis », sur Les Échos, .
- « M. Naouri est nommé directeur du cabinet de M. Bérégovoy », Le Monde ,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « L'État et son jeune champion », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Jean-Charles Naouri, Analyse factorielle des correspondances continues, S.l., s.n., , 101 p. (lire en ligne).
- Corinne Scemama, « Les batailles de Jean-Charles Naouri, le très secret patron du groupe Casino », sur L'Express.fr, .
- Sophie Coignard et Romain Gubert, L'Oligarchie des incapables, Paris, Albin Michel, , 368 p. (ISBN 978-2-226-23860-3), chapitre 7.
- Nicolas Colin, « Pour un nouveau rapport Naouri », sur L'Obs, .
- Le PDG de Casino Jean-Charles Naouri devient représentant spécial de la France pour le Brésil, latina-eco.com, 20 juin 2013.
- The Left's Dirty Job: The Politics of Industrial Restructuring in France and Spain, W. Rand Smith, University of Toronto Press, 1998, p. 255.
- 20 février 1986 : le Matif, la folle histoire du marché à terme, Pascale Besses-Boumard et Christèle Fradin, latribune.fr, 26 juillet 2013.
- Et si on revenait à l'encadrement du crédit, Alexandre Kateb, Les Échos.fr, 28 juin 2012.
- Ministère de l'Économie et des Finances, Livre blanc sur la réforme du financement de l'économie, Notes Bleues no 268, 24 février-2 mars 1986 (extrait), Le texte fondateur de la réforme financière française, CRDP Montpellier.
- André Icard et Françoise Drumetz, « Développement des marchés de titres et financement de l'économie française », Banque de France, juin 1994.
- Françoise Renversez, « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers », Cairn, 2008.
- Le carnet des décideurs -Jean-Charles Naouri, LSA conso, 26 septembre 2013
- Tristan Gaston-Breton, La saga des Rothschild : L'argent, le pouvoir et le luxe, Editions Tallandier, , 333 p., Ch 21.
- Martine Orange, Rothschild, une banque au pouvoir, Paris, Albin Michel, , 368 p. (ISBN 978-2-226-24383-6), Ch7.
- Delits d'initiés : 2,2 millions d'amende requis, tempsreel.nouvelobs.com, 15 novembre 2002
- Procès du raid boursier sur la Société Générale : le tribunal correctionnel de Paris prononce une condamnation et deux relaxes, legalnewspublic.fr, 24 décembre 2002
- La bonne fortune de Jean-Charles Naouri, L'Express - L'Expansion, 4 mars 1993
- « Comment Jean-Charles Naouri a bâti son groupe », Les Échos,‎ (lire en ligne).
- Philippe Bertrand, « Comment Jean-Charles Naouri a construit son groupe à partir de rien », sur Les Échos, (consulté le ).
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- Rallye remporte la bataille de Casino. Promodès abandonne son OPA sur l'enseigne stéphanois, Libération, 30 décembre 1992
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- Christophe Alix, Casino : comment Naouri a joué et perdu avec son empire, liberation.fr, 24 mai 2019
- Éric Pichet, « Les quatre grandes leçons de l’affaire Casino », sur The Conversation, (consulté le ).
- Philippe Bertrand, Jean-Charles Naouri, la chute d'un surdoué, lesechos.fr, 4 juillet 2023
- « Soupçon de manipulation de cours : Jean-Charles Naouri, PDG de Casino, en garde à vue » , Les Échos, (consulté le ).
- Les Barons de la Bourse - Jean-Charles Naouri, Zonebourse
- Les Échos no 17621 - Jean-Charles Naouri est nommé président du conseil d'administration de Rallye
- (en-US) « Jean-Charles Naouri | Fondation Euris » (consulté le ).
- Vice-président de la Fondation Casino
- Nomination de Jean-Charles Naouri, représentant spécial pour la relation économique avec le Brésil, France Diplomatie, 20 juin 2013
- Jean-Charles Naouri LSA, 26 septembre 2013
Liens externes
- Nathalie Funès, Odile Benyahia-Kouider, « L'Einstein des supermarchés », Le Nouvel Observateur du 5 mars 2003.
- Philippe Manière, « Naouri, l'épicier fort en maths », L'Expansion du 1er mai 2003.
- Bruno Abescat, « La martingale de Naouri », L'Express du 22 mai 2003.
- Daniel Mermet, LĂ bas si j'y suis, Ă©missions du 15 mars et du 3 juin 2010.