Jean-Charles Legrand
Jean-Charles Legrand, né à Paris le et mort à Lannion le [1], est un avocat et homme politique français.
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Jean Emmanuel Marie Legrand |
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Philippe Diolé (petit-cousin) |
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Charles Legrand (d) |
Conjoint |
Parti politique |
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Biographie
Jean-Emmanuel-Marie (dit Jean-Charles) Legrand[1] naît et grandit dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne. Son père, Charles-Emmanuel-Venceslas Legrand (1856-1919), industriel spécialisé dans la fabrication de tissus d'ameublement, est président de la chambre de commerce de Paris (1911-1913) et commandeur de la Légion d'honneur[2]. Son oncle, Victor-François-Paul Legrand (1856-1914), censeur de la Banque de France et officier de la Légion d'honneur[3], a quant à lui présidé le tribunal de commerce de la Seine (1899-1901)[N 1].
Formation, carrière et premières activités politiques
Licencié ès lettres et diplômé de l’École des sciences politiques[4], Jean-Charles devient avocat à la cour d'appel de Paris en 1923. La même année, il est élu secrétaire de la conférence des avocats du barreau de Paris. Parmi les confrères et consœurs qui l'ont choisi figure une jeune avocate à la cour d'appel, Jeanne Rospars, qu'il épouse le [4].
Après avoir été le collaborateur d'Alexandre Millerand, Me Legrand acquiert une certaine notoriété en défendant le meurtrier Almazian en 1929[5]. Au cours des années 1930, il assure la défense de personnalités telles que les aviateurs René Drouillet (en faveur duquel il se rend à Rome pour s'entretenir avec Benito Mussolini)[6] et Jean Mermoz[7] ou l'ancien député Philibert Besson, et de criminels célèbres tels que l'escroc Gustave Tissier ou le pédophile Gabriel Socley[5]. En , le procureur de la république de Valence, Jean Verne, critique sévèrement les méthodes de l'avocat, qui lui envoie ses témoins[8]. Dans ce conflit qui l'oppose à un magistrat, Legrand est désavoué par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui le frappe d'un an de suspension dès le mois suivant. Il décide alors d'envoyer sa démission[5] mais le conseil refuse celle-ci avant de le radier finalement du barreau en [9]. Ainsi empêché de plaider, il continue cependant à travailler dans son cabinet en devenant le secrétaire de son épouse[10]. Cette disgrâce professionnelle accompagne sa radicalisation politique.
Politiquement, Jean-Charles Legrand milite tout d’abord au centre droit, au sein de l'Alliance démocratique (AD), parti présidé depuis 1933 par son confrère et ami Pierre-Étienne Flandin. Ce dernier, qui avait été l'un des témoins de Legrand lors de son mariage[4] (et qui le sera à nouveau lors de la demande de réparations à Verne)[8], avait attaché son confrère à son cabinet ministériel en 1929[11]. Membre de la commission de propagande[12] puis du comité directeur de l'AD, Legrand est désigné en pour succéder à Gaston Morancé, vice-président de l'AD, à la tête des Jeunesses républicaines[13], qui constituent à la fois le mouvement de jeunesse et l'aile gauche de l'AD[14]. Après avoir accepté ce poste afin d'être « l'avocat de la jeunesse »[14], il en démissionne, ainsi que de l'AD, dès le mois suivant afin de se consacrer à un nouveau mouvement, le Front de la jeunesse[15].
Front de la jeunesse (1937-1939)
Le Front de la jeunesse pour une France neuve[16] (FJ), fondé par Legrand en [17], est une petite formation politique ouverte aux jeunes hommes de vingt à quarante ans[16]. Son siège est situé au no 4 de la rue de l'Arcade et l'insigne de ses adhérents représente un coq[18]. À la tête du mouvement, l'ex-avocat préconise la création d'un ministère de la Jeunesse[19], le recours au référendum[16], mais aussi l'instauration d'une « République d'ordre et d'autorité »[20], d'esprit technocratique et antiparlementaire[21], ainsi que l'application d'un programme social de sensibilité corporatiste[22], ce qui situe le FJ à l'extrême droite de l'échiquier politique.
Après avoir prôné un « Front des Français » en dehors des partis, Legrand appelle en vain deux d'entre eux, le PPF de Jacques Doriot et le PSF du colonel de La Rocque, à s'associer au FJ, à la Confédération des classes moyennes et à la Confédération des anciens combattants, pour constituer un « Bloc français »[23] dans le sillage du Front de la liberté.
Dans son journal Le Défi (qu'il a nommé comme son voilier)[10] ou à l'occasion de meetings, Legrand reprend le slogan de « la France aux Français »[24] et s'en prend surtout aux Juifs[25]. Cet antisémitisme virulent vaut au tribun des FJ et à son délégué à la propagande, Jacques Dursort[N 2], d'être violemment agressés par des membres de la LICA en [26] - [27]. Le mois précédent déjà , la préfecture de police avait fait interdire plusieurs réunions publiques du FJ[28]. En septembre, elle fait saisir Le Défi[29].
Malgré des effectifs relativement réduits, l'organisation a des sections en province, comme à Lyon[30] et en Alsace, où le député Oberkirch les accuse de compter, aux côtés des militants agrariens de Joseph Bilger, parmi les principaux responsables d'une agitation antisémite pro-nazie[31]. En , les autorités suspectent même Legrand ainsi qu'un autre activiste raciste, Darquier de Pellepoix, directeur de La France enchaînée, de « propagande pour le compte de l'étranger »[32].
Collaboration et relations avec le régime de Vichy
Officier de réserve, le lieutenant Legrand commande une batterie antichars au début de la Seconde Guerre mondiale. Le [33], il est blessé et capturé par les Allemands lors de la bataille de la Meuse[34]. Transféré à l'Oflag IV-D en Silésie, il est libéré de ce camp pour raison de santé dès le mois de décembre[33], rapportant avec lui un manifeste maréchaliste qu'il a fait signer à plus de 400 autres prisonniers[35]. De retour à Paris, il y fait paraître un recueil d'articles tirés du Défi intitulé Paroles vivantes (Paris, Baudinière, 1941) et signe quelques billets d'humeur dans le journal collaborationniste Paris-Soir, où il exprime son mépris envers « les juifs et les politiciens de 1939 »[36], qu'il désigne comme les responsables de la défaite, tout en sachant se montrer critique envers les délateurs[37] et les théoriciens de la Révolution nationale[38].
Les idées politiques de Legrand, favorables au maréchal Pétain[39], et son amitié avec Pierre Laval l'amènent à se rapprocher du régime de Vichy, qui le nomme en 1942 chargé de mission au ministère de l'Information en lui donnant pour rôle de représenter celui-ci auprès des organismes de radiodiffusion de la zone occupée[40]. En , il obtient également de Laval sa réintégration de plein droit au tableau des avocats à la cour d'appel, mais le conseil de l'ordre refuse d'appliquer le décret[41]. Legrand doit par conséquent s'inscrire au barreau de Morlaix[42] avant de pouvoir reprendre son activité d'avocat l'année suivante[43].
Lors de la libération de Paris en , Legrand est arrêté par son concierge et conduit à la mairie du XVIe arrondissement[44]. En tant que collaborateur, il est incarcéré à Fresnes[45] et figure sur la liste des « écrivains indésirables » dressée par le Comité national des écrivains.
Notes et références
Notes
- Oncle de Jean-Charles, Victor Legrand est le grand-père de l'océanographe Philippe Diolé.
- Issu du PPF, Jacques Dursort quitte le FJ en 1939 pour rejoindre d'autres groupuscules fascistes puis collaborationnistes, comme le MSR de Deloncle et le PFNC de Clémenti, pour lequel il écrit de violents articles antisémites dans Le Pays libre. Après la guerre, il adhère au gaullisme et devient vice-président du conseil municipal de Paris. Son passé ayant été révélé, il doit démissionner en 1960 malgré le soutien de Roger Frey (« Scandale à l'hôtel de ville de Paris », Droit et Liberté, no 193, octobre 1960, p. 2).
Références
- Archives de l’état civil de Paris en ligne, mairie du 6e arrondissement, acte de naissance no 3958, année 1900 (consultable ici, page en ligne 8).
- « Cote LH/1560/36 », base Léonore, ministère français de la Culture.
- « Cote LH/1562/38 », base Léonore, ministère français de la Culture.
- « Mariages », Le Figaro, 3 janvier 1926, p. 2.
- « La démission de Me J.-C. Legrand », Le Matin, 23 juillet 1937, p. 2.
- Le Figaro, 7 mai 1936, p. 3.
- Le Journal, 6 novembre 1936, p. 1.
- « Un duel entre le procureur de Valence et Me Jean-Charles Legrand ? », Le Figaro, 9 juin 1937, p. 1.
- « Gazette des tribunaux », Le Figaro, 12 janvier 1938, p. 5.
- « Échos et potins », Le Nouvelliste d'Indochine, 31 octobre 1937, p. 4.
- « Les cabinets ministériels », Le Journal, 14 novembre 1929, p. 5.
- « L'Alliance démocratique à Roanne », Le Figaro, 21 mars 1927, p. 2.
- « M. Jean-Charles Legrand est élu président des Jeunesses républicaines », Le Matin, 4 novembre 1937, p. 2.
- « Me Jean-Charles Legrand est porté à la présidence des Jeunesses républicaines », Le Petit Parisien, 4 novembre 1937, p. 2.
- « M. Jean-Charles Legrand quitte l'Alliance démocratique pour se consacrer au Front de la jeunesse », Le Matin, 7 décembre 1937, p. 6.
- « Le Front de la jeunesse », Le Nouvelliste d'Indochine, 6 février 1938, p. 4.
- « Pour défendre une nouvelle cause, celle des jeunes, Me Jean-Charles Legrand fonde le Front de la jeunesse », Le Matin, 18 novembre 1937, p. 5.
- Le Journal, 8 janvier 1938, p. 2.
- « M. Jean-Charles Legrand définit, à Magic-City, le Front de la jeunesse », Le Journal, 20 janvier 1938, p. 6.
- « Le Front de la jeunesse réclame un comité de salut public », Le Journal, 12 mars 1938, p. 6.
- « Trois meetings du Front de la jeunesse », Le Journal, 22 mars 1938, p. 6.
- « M. Jean-Charles Legrand préconise un Front des Français en dehors des partis politiques », Le Matin, 27 janvier 1938, p. 2.
- « Vers la constitution d'un Bloc français », L'Ouest-Éclair, 13 mars 1938, p. 4.
- « Meeting du Front des Français ce soir à Angers », Le Journal, 23 avril 1938, p. 7.
- « Pas de ça chez nous », article de D'Artagnan cité dans le Paris-Municipal du 15 mai 1938, p. 2.
- « M. Jean-Charles Legrand assailli et blessé par des adversaires politiques aux Champs-Élysées », Le Journal, 21 avril 1938, p. 3.
- « L'agression contre M. J.-Ch. Legrand », Le Petit Parisien, 22 avril 1938, p. 2.
- « Des réunions du Front de la jeunesse interdites à Paris », L'Ouest-Éclair, 23 mars, p. 1.
- « Le Défi saisi par la police », Le Journal, 1er octobre 1938, p. 5.
- « Une affaire de propagande étrangère à Lyon », Le Temps, 12 juillet 1939, p. 4.
- La Tribune juive, no 12, 24 mars 1939, p. 190.
- « L'application du décret-loi sur la propagande pour le compte de l'étranger », Le Journal, 4 juillet 1939, p. 4.
- Paris-Soir, 6 décembre 1940, p. 3.
- « Le lieutenant Jean-Charles Legrand cité à l'ordre de la 22e division », Le Journal, 6 juillet 1942, p. 3.
- Paris-Soir, 21 juin 1941, p. 1.
- Paris-Soir, 24 avril 1941, p. 2.
- Paris-Soir, 14 décembre 1941, p. 1.
- Paris-Soir, 17 avril 1941, p. 2.
- Pierre Malo, « De retour de captivité, Jean-Charles Legrand nous parle de la guerre, de Mme Jeanne Rospars et de Sam, le bouvier des Flandres », Le Matin, 1er mars 1941, p. 2.
- « M. Jean-Charles Legrand est nommé chargé de mission au ministère de l'information », Le Matin, 10 juillet 1942, p. 2.
- Jean-Louis Halpérin, « La législation de Vichy relative aux avocats et aux droits de la défense », Revue historique, no 579, juillet-septembre 1991, p. 150, n. 39.
- Le Matin, 28 avril 1944, p. 2.
- « Me Jean-Charles Legrand pour sa rentrée au Palais défend un meurtrier dans le cabinet où il mena l'affaire Almazian », Le Matin, 28 juin 1944, p. 2.
- « Quelques collaborateurs arrêtés », L'Humanité, 26 août 1944, p. 2.
- L'Écho d'Alger, 30 septembre 1944, p. 2.
Bibliographie
- Joan Tumblety, « Front de la jeunesse », Remaking the Male Body : Masculinity and the uses of Physical Culture in Interwar and Vichy France, Oxford University Press, 2012, p. 201-203.
- Bulletin annuel de l'Association amicale des secrétaires et anciens secrétaires de la Conférence des avocats à Paris, 1939, p. 310.