Indice des prix à la consommation harmonisé
L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est un indice des prix à la consommation (IPC) calculé par Eurostat pour chacun des pays de l’Union européenne et quelques autres pays européens ; il permet de calculer le niveau de l'inflation de façon la plus comparable possible pour tous les pays et est utilisé par la Banque centrale européenne comme indicateur de stabilité des prix et comme moyen de vérifier le respect du critère de convergence concernant l’inflation.
Il est distinct de l'indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Objectifs
L’objectif premier des indices des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est de fournir un indicateur d’inflation dans chaque État membre qui soit comparable entre pays, susceptible d’agrégation pour des groupes de pays et utilisable pour déterminer le degré de stabilité des prix et la convergence entre pays. Il sert également pour évaluer le respect du critère de convergence concernant l’inflation par les pays désirant adopter l’euro comme monnaie et ceux qui l’ont adopté.
Des IPCH sont produits par tous les États membres de l'Union européenne et par un nombre croissant d’États européens hors UE. Même le Bureau of Labor Statistics (Bureau des statistiques du travail) des États-Unis calcule à titre expérimental un IPC qui suit autant que possible les règles des IPCH[1].
Ayant leurs objectifs propres, les IPCH ne sont pas destinés à remplacer les indices des prix à la consommation nationaux.
Historique et textes législatifs
Le principe de l’harmonisation des indices des prix à la consommation au sein de l’Union européenne découlait du Traité de Maastricht. Le le Conseil des ministres de l'Union européenne adoptait un règlement[2] qui fixait un cadre pour la production des IPCH et était suivi le d'un second règlement sur les mesures initiales à prendre[3].
Depuis, une vingtaine de règlements et autres documents ont été publiés pour expliciter la méthode à mettre en œuvre. Un document reproduit l’ensemble des textes adoptés jusqu’en [4]. On peut trouver les textes plus récents sur le site d'EUR-Lex[5].
En 2016, pour tenir compte de l'évolution des besoins et des techniques, un nouveau règlement[6] entre en vigueur et abroge le règlement adopté en 1995[2]. Les actes délégués permettant la mise en œuvre de ce nouveau règlement sont sous la responsabilité de la Commission. Le règlement de 2016 régit le calcul de l'IPCH, de l'IPCH-TC (indice des prix à la consommation harmonisé à taux de taxation constant) et l'IPL (indice des prix des logements).
La famille des IPCH
Les IPCH incluent d’abord les IPCH nationaux et les IPCH provisoires pour les pays candidats et les pays en voie d’adhésion, désagrégés par groupes de consommation, avec leurs pondérations annuelles nationales de « dépense monétaire de consommation finale des ménages ». À partir de ces indices nationaux, on calcule différents indices régionaux :
- l’indice des prix à la consommation européen (IPCE), qui couvre les États membres de l’UE
- l’indice des prix à la consommation de l’Union monétaire (IPCUM) pour les pays de la zone euro,
- l’indice des prix à la consommation de l’Espace économique européen (IPCEEE).
On peut aussi calculer divers indices spéciaux comme l'IPCH hors produits pétroliers, l'IPCH hors tabac, etc. Pour mieux refléter l’inflation ressentie par les ménages, on peut calculer un indice des prix des dépenses fréquentes en liquide (DFL) et autres dépenses (non-DFL) [7] ou un « indice expérimental basé sur l’IPCH des prix administrés dans la zone euro »[8].
Spécificités et différences avec les indices des prix à la consommation usuels
Eurostat a publié en une brève description des caractéristiques principales des IPCH[9]. Une comparaison entre IPCH et IPC usuels est fournie (en anglais) du manuel de l' OIT[10].
Population couverte
Une première différence concerne la population concernée. Habituellement, un IPC national est destiné à déflater la consommation des ménages résidents. Cette consommation inclut (en théorie au moins) les dépenses de consommation des ménages sur le sol national et à l’étranger et exclut les dépenses sur le sol national des non-résidents (touristes, personnel d’ambassades ou de bases militaires étrangères, etc.). L’IPCH couvre la totalité des dépenses de consommation des ménages réalisées sur le territoire national, y compris par les ménages non résidents.
Dépenses couvertes
Les IPC couvrant la totalité des dépenses de consommation finale des ménages résidents, ils couvrent également les dépenses non monétaires : services « fictifs » de logement produits et consommés par les propriétaires occupant leur logement, autoconsommation par des producteurs non marchands (jardins potagers). Au contraire, les IPCH ne concernent que les dépenses monétaires des ménages.
La différence la plus importante entre IPC et IPCH est ainsi l’exclusion des dépenses de logement des ménages propriétaires, ce qui se comprend vu les grandes différences dans les méthodologies utilisées par les IPC nationaux pour ces dépenses. Un accord s’est cependant fait jour pour l’adoption d’une méthodologie commune. Celle-ci consiste en la création d’un indice des acquisitions nettes de nouveaux logements par le secteur des ménages, excluant ainsi les ventes de logements anciens entre ménages. Cette méthode a été jugée préférable à celle consistant à évaluer l’indice des prix des loyers fictifs que les ménages propriétaires de logement se versent à eux-mêmes à partir des variations de prix des loyers effectivement versés par les locataires non propriétaires. Un manuel provisoire a été publié[11] et un manuel international sur les indices des propriétés résidentielles[12] est en cours de préparation. Ce manuel devrait être prêt fin 2010.
Il existe une série de biens et services de consommation non couverts pas les IPCH, soit parce que les méthodologies diffèrent entre pays et qu’un accord n’est pas encore obtenu, soit parce que certains IPC ne les couvrent pas. C’est le cas des achats de consommation de biens d’occasion.
Classification des biens et services
La classification utilisée est la « Classification des fonctions de la consommation individuelle des ménages adaptée aux exigences du calcul des IPCH » (COICOP-HICP)[13].
- 01 Produits alimentaires et boissons non alcoolisées
- 02 Boissons alcoolisées et tabac
- 03 Articles d’habillement et articles chaussants
- 04 Logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles
- 05 Ameublement, équipement ménager et entretien courant de la maison
- 06 Santé
- 07 Transports
- 08 Communications
- 09 Loisirs et culture
- 10 Enseignement
- 11 Restaurants et hôtels
- 12 Autres biens et services
Traitement des impôts, taxes et remboursements
Les IPCH mesurent le prix réel payé par les consommateurs, prenant en compte les taxes et impôts indirects, et après déduction des remboursements reçus (notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation). Par exemple, une baisse de remboursement des médicaments induira une hausse de l’IPCH[14]. Les IPC nationaux, quant à eux, diffèrent dans leurs pratiques et peuvent même exclure totalement de l’indice certaines de ces dépenses.
Coût du logement
Le coût du logement pour les propriétaires (loyers imputés, charge d'intérêt sur les prêts immobiliers) est pris en compte dans le calcul des indices de prix nationaux de certains pays (États-Unis, Japon, Australie)[15] - [16]. Ainsi, le part du logement dans l'indice d'inflation américain était de 31 % en : 7,6 % correspondaient aux loyers, tandis que 23,5 % correspondaient à la part des loyers équivalents pour les propriétaires[17]. Dans l'Union européenne, seuls les loyers sont pris en compte ; ils représentent environ 6,5 % de l'indice en 2021[18] - [19]. Dans la zone euro et au Royaume-Uni, la mesure de l'inflation intègre seulement les loyers effectifs. Le Royaume-Uni publie un autre indice, appelé Consumer Prices Index including owner occupiers' housing costs (CPIH), qui intègre les coûts de l'immobilier pour les propriétaires occupants[20]. L'Allemagne produit également un indice national non harmonisé qui intègre des loyers imputés[21]. Pour la période 1996-2005, le calcul intégrant seulement les loyers effectifs conduit à une mesure de l'inflation française très voisine de celle qui serait obtenue si on retenait la pondération utilisée pour le calcul du PIB, qui intègre les loyers imputés des propriétaires-occupants. Cependant, pour la période 2005-2012, l'approche retenant les loyers imputés aurait conduit à une inflation française plus élevée de plusieurs points[21].
La méthodologie de calcul de l'IPCH d'Eurostat, qui inclut les loyers seulement à hauteur de leur part dans la consommation des ménages et ne prend pas en compte le prix d'achat des biens immobiliers, fait l'objet de critiques de la part d'universitaires[22] - [23], de banquiers centraux[24] et de membres du Parlement européen. En 2018, Mario Draghi explique dans une lettre à l'eurodéputé Sander Loones que « la BCE a été, d'un point de vue conceptuel, favorable à l'inclusion d'un indice des prix du logement occupé par son propriétaire dans l'IPCH », mais que ce changement nécessitait une évaluation par Eurostat, l'agence statistique européenne[25].
La Commission européenne a publié en 2018 un rapport[26] faisant état d'une évaluation sur l'opportunité de prendre en compte ou non le coût des logements occupés par leur propriétaire (LOP) dans l'IPCH. Le rapport conclut en défaveur d'une inclusion immédiate en 2018, parce qu'un indice mensuel de prix LOP n'est pas disponible dans tous les pays de l'UE, et parce que cela s'éloignerait de la définition actuelle de l'IPCH.
Début 2019, l'économiste en chef de la BCE, Peter Praet, a annoncé que des travaux étaient en cours pour inclure les prix de l'immobilier dans l'IPCH. « Conformément à la répartition des responsabilités au niveau européen, ces travaux sont menés par la BCE dans le domaine des variables financières et par Eurostat pour les variables physiques de marché. Les deux institutions coopèrent étroitement sur le sujet et nous sommes confiants qu'elles feront de bons progrès »[27].
Si la feuille de route proposée par le Conseil des Gouverneurs est approuvé par le Système statistique européen, un indice expérimental trimestriel pourrait être publié en 2023. Une fois les changements réglementaires validés et effectués, il pourrait devenir officiel vers 2026[28].
Autres différences
Les IPCH peuvent différer des indices nationaux sur de nombreux points :
- traitement des changements de qualité ;
- traitement des promotions et soldes ;
- inclusion et traitement des loteries, jeux de hasard, services financiers ;
- formules de calcul des indices, notamment au niveau le plus détaillé et pour leur agrégation ;
- classification des biens et services.
Comme les IPC, les IPCH excluent les dépenses de biens et services dont les variations de prix sont très difficiles à mesurer, comme la consommation de stupéfiants.
En pratique, au niveau national, les évolutions de l’IPC et de l’IPCH sont assez similaires, surtout si on élimine de l’IPC la composante « loyers fictifs ». Mais il faut noter que certains pays ne suivent pas totalement les recommandations et que leur IPCH n’est qu’un IPC légèrement modifié[29].
Critiques
Les critiques concernant les IPCH concernent en particulier :
- les objections classiques aux IPC[30] ;
- la primauté donnée au marché et à la macro-économie par les IPCH (déflation de la consommation finale globale sur le territoire économique national) alors que les IPC sont beaucoup plus concernés par la dimension sociale (mesure du pouvoir d'achat, inclusion partielle de la consommation non monétaire)[31] ;
- les différentes sources de biais des IPCH[32].
Notes
- (en) Walter Lane et Mary Lynn Schmidt, « Comparing U.S. and European Inflation: the CPI and the HICP », Monthly Labor Review, , p. 20-27.
- Règlement (CE) n° 2494/95 du Conseil, du 23 octobre 1995, relatif aux indices des prix à la consommation harmonisés, Journal officiel n° L 257 du 27/10/1995 p. 0001–0004, sur EUR-Lex.
- Règlement (CE) n° 1749/96 de la Commission du 9 septembre 1996 sur les mesures initiales de la mise en application du règlement (CE) nº 2494/95 du Conseil concernant les indices des prix à la consommation harmonisés, JO L 229 du 10.9.1996, p. 3–10. Version pdf ici ou ici
- Eurostat Recueil de documents de référence sur l’ICPH (2/2001/B/5), Communautés européennes, mars 2004, ii + v + 334 p.
- En juin 2009, le portail d’Eurostat sur les IPCH n’avait toujours pas de version française et ne donnait aucun accès aux textes récents.
- Règlement (UE) 2016/792 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif aux indices des prix à la consommation harmonisés et à l'indice des prix des logements, et abrogeant le règlement (CE) n° 2494/95 du Conseil, Journal officiel no L 135 du .
- Mile, Ibolya HICP - Frequent Out-of-pocket Purchases - A New Special Aggregate, Statistics in Focus, Economy and Finance, No. 15/2009, Eurostat, Feb. 2009, 8 pp.
- European Central Bank, Experimental HICP-Based Estimates of Administered Prices in the euro Area, March 2009, 5 pp. Données, 1 p.
- Eurostat, Indices des Prix à la Consommation Harmonisés (IPCH). Petit guide de l’utilisateur, Communautés européennes, mars 2004, i + 15 pp.
- Annex 1. Harmonized Indices of Consumer Prices (European Union), Aug. 2007, 21 pp. in ILO, IMF, OECD, Eurostat, United Nations and World Bank, Consumer Price Index Manual: Theory and Practice, International Labour Organization, Geneva, Aug. 2004, xxxi + 537 pp. Dernière révision : nov.2008. 32 fichiers pdf ici ; 18 fichiers pdf de mise à jour ici. Voir aussi OFS, Suisse, Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Aperçu des méthodes et pondération 2008, Office fédéral de la statistique OFS, Département fédéral de l’intérieur DFI, Confédération Suisse, Neuchâtel, mars 2008, 23 pp. (aussi disponible ici.
- Eurostat, Draft Technical Manual on Owner-Occupied Housing for Harmonised Index of Consumer Prices, Eurostat, June 2008, 51 pp.
- International Handbook on Residential Property Price Indices.
- La dernière version est disponible sur le serveur Ramon d’Eurostat.
- À noter que la hausse ne concerne que les bénéficiaires de remboursements, Par exemple, le prix réel payé par les non résidents est en général hors remboursement.
- Jim Leaviss, « How do house prices feed into inflation rates around the world? It’s important for central banks, and for bond investors », .
- « Housing in the Consumer Price Index », sur gouvernement de l'Australie, .
- (en) « How to improve the measurement of housing costs in the CPI », sur PIIE, (consulté le )
- (en) « Housing and the Cost of Living » [PDF], sur Parlement européen, , p. 13.
- « La prise en compte des prix immobiliers pour calculer l’inflation fait débat », Le Figaro, .
- (en) « Consumer price indices, a brief guide: 2017 », sur Office for National Statistics, Royaume-Uni (consulté le ).
- Juan Carluccio, « L’impact de l’évolution des prix immobiliers sur les coûts salariaux Comparaison France-Allemagne », Bulletin de la Banque de France, 2e trimestre 2014, p. 81-99.
- (en) Todd White et Yuko Takeo, « Housing Prices Are the Missing Ingredient in the ECB’s Inflation Estimate », sur bloomberg.com (consulté le ).
- (en) Stephen Cecchetti, « Housing in inflation measurement », sur voxeu.org, .
- Mojmir Hampl et Tomas Havranek, « Headline inflation measures shouldn’t ignore costs of home ownership », sur voxeu.org, .
- Mario Draghi, « Réponse à la question de M. Sander Loones », sur Banque centrale européenne, .
- « Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’adéquation de l’indice des prix des logements occupés par leur propriétaire (LOP) en vue de son inclusion dans la couverture de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) », .
- (en) Peter Praet, « On the importance of real estate statistics », sur Banque centrale européenne (consulté le ).
- Julien André, Yannick Kalantzis, Antoine Lalliard et Paul Vertier, « La prise en compte du coût du logement des propriétaires dans la mesure de l’inflation », sur blocnotesdeleco.banque-france.fr, (consulté le ).
- Au Luxembourg, l’IPC national n’est autre que l’IPCH ; voir Astin, John, The European Union Harmonized Indices of Consumer Prices (HICP), Aug. 2000, 12 pp. (p. 4).
- Par exemple le statisticien trouvera « évident » (et a certainement raison) de comparer le prix du journal du vendu au au prix du journal du vendu le (et non au prix du même journal du vendu le , qui ne vaut presque plus rien) mais trouvera « totalement aberrant » de faire de même pour des ordinateurs ou des postes de télévision.
- Astin, John, The European Union Harmonized Indices of Consumer Prices (HICP), Aug. 2000, 12 pp., publié également in in the Statistical Journal of the United Nations ECE Vol. 16, 1999, pp. 123-135.Diewert, Erwin Harmonized Indexes of Consumer Prices: their Conceptual Foundations, Working Paper No. 130, European Central Bank, March 2002, i + 80 pp.
- Camba-Mendez, Gonzalo; Gaspar, Vítor and Wynne, Mark, Measurement Issues in European Consumer Price Indices and the Conceptual Framework of the HICP, European Central Bank, Frankfurt am Main and Centre for Economic Policy Research, London, 2002, ii + 38 pp., également disponible ici.
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