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Histoire de Tahiti

Le peuplement de l’üle de Tahiti

Les migrations austronésiennes

Les anthropologues estiment que les premiers habitants de Tahiti sont arrivĂ©s environ en l'an 300 de notre Ăšre, aprĂšs de longues navigations depuis l’Asie du Sud-Est ou l’IndonĂ©sie, via les archipels des Fidji, des Samoa et des Tonga.

Cette hypothĂšse des migrations depuis le Sud-Est asiatique est Ă©tayĂ©e par de nombreuses preuves linguistiques, biologiques et archĂ©ologiques. Par exemple, les langues des Fidji et de la PolynĂ©sie appartiennent toutes au mĂȘme sous-groupe ocĂ©anien, le fidjien-polynĂ©sien, qui fait lui-mĂȘme partie de la grande famille des langues austronĂ©siennes.

Cette migration, Ă  travers plusieurs centaines de kilomĂštres de haute mer, a Ă©tĂ© rendue possible par l’emploi de pirogues Ă  balancier pouvant atteindre plusieurs dizaines de mĂštres de long et transporter familles, plantes en terre dans des paniers et animaux domestiques. Ainsi, en 1769, James Cook remarque Ă  Tahiti un bateau de 33 mĂštres de long, pouvant progresser Ă  la voile ou aux pagaies[1].

En 2010, une expédition sur une pirogue simple à balancier et à voile a retracé, en inverse, le chemin de peuplement, de Tahiti à l'Asie[2].

La civilisation pré-européenne

Avant l’arrivĂ©e des EuropĂ©ens, l’üle est divisĂ©e en diffĂ©rentes chefferies aux territoires bien prĂ©cis dominĂ©s par un clan. Ces chefferies Ă©taient liĂ©es entre elles par des rapports d’allĂ©geance fondĂ©s sur les liens de parentĂ© de leurs dirigeants et leur puissance guerriĂšre[3]. Le clan le plus important de l’üle est celui des Teva[4], dont le territoire s’étendait au sud de Tahiti Nui jusqu’à la presqu’üle vers Tahiti Iti. Le clan des Teva Ă©tait composĂ© des Teva i Uta (« Teva de l'intĂ©rieur Â») et des Teva i Tai (« Teva de la mer Â»), et Ă©tait dirigĂ© par Amo et Purea[5].

Un clan est composĂ© d’un chef (ari’i rahi), de nobles (ari’i) et de sous-chefs (’ÄȘato’ai). Les ari’i, descendants des dieux polynĂ©siens, sont investis du mana (pouvoir, puissance surnaturelle). Ils portent traditionnellement des ceintures de plumes rouges, symbole de ce pouvoir. Le chef de clan n’a pas de pouvoir politique absolu : il doit composer avec les ari’i et les ’ÄȘato’ai lors de conseils ou des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales, notamment en cas de guerre[4]. Plus les ari’i sont Ă©loignĂ©s du chef de clan, plus ils sont autonomes et font contrepoids Ă  son autoritĂ©.

Les clans sont organisĂ©s autour du « marae », lieu de culte sacrĂ© en plein air. Ces marae sont vĂ©ritablement le cƓur de la vie religieuse et sociale du clan : on y invoque les dieux, intronise les chefs, on y prĂ©pare la guerre et la pĂȘche, on y cĂ©lĂšbre les naissances et les dĂ©cĂšs. Il existe une hiĂ©rarchie des marae, allant du simple marae familial au marae royal. La taille du marae est proportionnelle Ă  l’influence de la famille. Un des marae royaux de Tahiti est Farepu’a, construit Ă  l’avĂšnement de Tetuana’e Nui (voir plus bas : patrimoine archĂ©ologique). Les marae sont protĂ©gĂ©s par le tapu, interdit absolu et sacrĂ©, dont la transgression attire la malĂ©diction. Le terme passera d’ailleurs dans les langues occidentales : tabou.

Premiers contacts avec les Européens

La rencontre de Wallis et d'Oberea

A la fin du XVIIIe siĂšcle, naĂźt l'hypothĂšse que Pedro Fernandes de QueirĂłs aurait Ă©tĂ© le premier EuropĂ©en Ă  apercevoir en 1606 l’üle de Tahiti, qu’il aurait nommĂ©e La Sagitaria (ou Sagittaria)[6]. Cependant, cette thĂ©orie est aujourd'hui dĂ©mentie par la compilation des divers rĂ©cits de son voyage, exhumĂ©s des archives au XIXe siĂšcle, et il s'avĂšre que La Sagittaria correspond en rĂ©alitĂ© Ă  un atoll des Tuamotu[7].

Le premier EuropĂ©en Ă  dĂ©couvrir Tahiti est en rĂ©alitĂ© le lieutenant britannique Samuel Wallis qui accoste le [8] dans la baie de Matavai, situĂ©e sur le territoire de la chefferie de Pare (Arue/Mahina), dirigĂ©e par la cheffe Oberea (ou Purea). Wallis baptise l’üle « Île du Roi George »[9]. Les premiers contacts sont difficiles : les chaloupes anglaises envoyĂ©es dans le but de sonder sont prises Ă  partie par les habitants de l'Ăźle dĂšs le , et malgrĂ© de premiers Ă©changes du 21 au , les relations se dĂ©tĂ©riorent Ă  nouveau et du 24 au [10], des pirogues tentent de prendre le navire Ă  l’abordage, soit pour s’approprier les objets mĂ©talliques du navire, soit par crainte d’une installation durable des Anglais. En reprĂ©sailles, les marins anglais tirent sur les pirogues et la foule massĂ©e sur les collines. En rĂ©action Ă  cette puissante contre-attaque, les habitants de la Baie dĂ©posent de nouvelles offrandes aux Anglais, manifestant ainsi leur volontĂ© de paix ou de soumission[11]. AprĂšs cet Ă©pisode, Samuel Wallis eut des relations cordiales avec la cheffe Oberea (Purea) et resta sur l’üle jusqu’au [12].

La baie de Matavai, peinte par William Hodges, membre d'une expédition de Cook

Le [13], c’est au tour de Louis-Antoine de Bougainville d’accoster dans la baie de Matavai. Il ne reste qu’une dizaine de jours dans cette Ăźle qu’il surnomme la « Nouvelle-CythĂšre », en hommage Ă  l’accueil chaleureux et Ă  la douceur des mƓurs tahitiennes. Le rĂ©cit qu’il fera de son escale contribuera Ă  la crĂ©ation du mythe du « paradis polynĂ©sien » et alimentera le thĂšme du « bon sauvage », cher Ă  Jean-Jacques Rousseau et alors trĂšs Ă  la mode. De cette date jusqu’à la fin du XVIIIe siĂšcle, le nom de l’üle est phonĂ©tiquement orthographiĂ© « TaĂŻti ». À partir du XIXe siĂšcle, l’orthographe tahitienne « Tahiti » devient d’usage en français[14].

James Cook est missionnĂ© en juillet 1768 par la Royal Society pour observer le transit de VĂ©nus devant le Soleil, phĂ©nomĂšne qui doit ĂȘtre visible depuis Tahiti le [15]. Il arrive Ă  Tahiti Ă  bord de l’Endeavour en et reste sur l’üle pendant 3 mois[16]. Ce sĂ©jour permet de rĂ©aliser pour la premiĂšre fois un vĂ©ritable travail scientifique d’observation ethnographique et naturaliste de l’üle. AssistĂ© du botaniste Joseph Banks et du dessinateur Sydney Parkinson, Cook rassemble de prĂ©cieuses informations sur la faune et la flore, ainsi que sur la sociĂ©tĂ©, la langue et les coutumes. Son Ă©quipe entretient par ailleurs des relations amicales avec la cheffe Oberea (Purea), Ă  l’origine de la dynastie Pomare.

Cook revient Ă  Tahiti entre le et le , et une derniĂšre fois entre le et le . Lors de ce dernier sĂ©jour, il accompagne le chef TĆ« (neveu de la cheffe Oberea/Purea) lors d’une expĂ©dition guerriĂšre Ă  Mo’orea (’Aimeo). Cook refuse cependant d’apporter son soutien militaire et se contente de visiter l’üle.

L'influence britannique et l’ascension des Pomare

Les mutinés du Bounty

Bligh transplantant des arbres Ă  pain

Le , le Bounty, dirigĂ© par le capitaine William Bligh, dĂ©barque Ă  Tahiti avec pour mission de rapporter des arbres Ă  pains tahitiens (’Uru) aux CaraĂŻbes. Joseph Banks, le botaniste de la premiĂšre expĂ©dition de Cook, estime en effet que cette plante serait idĂ©ale pour nourrir Ă  moindre coĂ»t les esclaves africains travaillant dans les plantations des CaraĂŻbes. L’équipage reste Ă  Tahiti environ 5 mois, le temps de transplanter les pousses d’arbres. Trois semaines aprĂšs le dĂ©part de Tahiti, le , l’équipage se mutine sur l’initiative de Fletcher Christian. Les mutinĂ©s s’emparent du navire et dĂ©barquent le capitaine et les membres d’équipage restĂ©s fidĂšles sur une chaloupe. Une partie des mutinĂ©s revient alors s’installer Ă  Tahiti.

Alors que les explorateurs ont refusĂ© de prendre part aux conflits tribaux, les mutinĂ©s du Bounty offrent leurs services de mercenaires et fournissent des armes Ă  la famille qui deviendra la dynastie Pomare. Le chef TĆ« sait en effet tirer parti de sa prĂ©sence sur les havres prĂ©fĂ©rĂ©s des navigateurs. GrĂące Ă  l’alliance avec les mutinĂ©s, il parvient Ă  accroĂźtre considĂ©rablement sa suprĂ©matie sur l’üle de Tahiti.

Vers 1790, l’ambitieux chef TĆ« prend le titre de roi et se donne le nom de Pomare. Le capitaine Bligh expliquera que ce nom Ă©tait un hommage Ă  sa fille aĂźnĂ©e, morte de tuberculose, une « maladie qui la faisait beaucoup tousser (mare), surtout la nuit (pƍ) ».

En 1791, le capitaine Edward Edwards dĂ©barque Ă  Tahiti dans l’espoir de retrouver des mutins. Le nouveau roi Pomare Ier lui livre les rebelles. Le dĂ©part du HMS Pandora marque la fin de l’aventure des mutinĂ©s du Bounty sur l’üle de Tahiti, mais leur prĂ©sence aura marquĂ© durablement l’histoire tahitienne.

Les escales des baleiniers

Dans les annĂ©es 1790, des baleiniers commencent Ă  faire escale Ă  Tahiti lors de leurs campagnes de pĂȘche dans l’hĂ©misphĂšre Sud. L’arrivĂ©e de ces baleiniers, rejoints ensuite par des nĂ©gociants originaires des colonies pĂ©nitentiaires d’Australie, marque le premier bouleversement majeur de la sociĂ©tĂ© traditionnelle tahitienne. Les Ă©quipages introduisent l’alcool, les armes et les maladies dans l’üle, et encouragent la prostitution et la crĂ©ation de distilleries. Ces premiers Ă©changes avec les Occidentaux ont des consĂ©quences catastrophiques sur la population tahitienne, qui dĂ©croĂźt rapidement, ravagĂ©e par les maladies.

L’arrivĂ©e des missionnaires

Le , des missionnaires de la London Missionary Society dĂ©barquent Ă  la pointe VĂ©nus (Mahina) Ă  bord du Duff (en), avec pour ambition de dĂ©truire les cultes maohi et de christianiser la population. L’arrivĂ©e de ces missionnaires marque un nouveau tournant pour l’üle de Tahiti, dont la culture locale et la structure sociale sont profondĂ©ment bouleversĂ©es.

Les premiĂšres annĂ©es sont laborieuses pour les missionnaires, malgrĂ© leur association avec les Pomare, dont ils connaissent l’importance grĂące aux rĂ©cits des prĂ©cĂ©dents navigateurs. En 1803, Ă  la mort de Pƍmare Ier, son fils Vaira'atoa lui succĂšde et prend le titre de Pƍmare II. Il s’allie encore davantage avec les missionnaires, et dĂšs 1803 ces derniers lui enseignent la lecture et les Évangiles. Les missionnaires encouragent par ailleurs sa volontĂ© de conquĂȘte, afin de n’avoir Ă  traiter qu’avec un seul interlocuteur politique[17]. La conversion de Pomare II en 1812 inaugure l’essor du protestantisme dans l’üle.

Vers 1810, Pomare II Ă©pouse Teremo’emo’e[18], fille du chef de Raiatea, pour s’allier aux chefferies des Îles sous le Vent. Le [19], grĂące Ă  ces alliances, Pomare II remporte une bataille dĂ©cisive Ă  Fe’i PÄ« (Punaauia), notamment contre Opuhara, le chef du puissant clan des Teva, encore animistes[20]. Cette victoire permet Ă  Pomare II d’ĂȘtre reconnu Ari’i Rahi, c’est-Ă -dire roi de Tahiti[17]. C’est la premiĂšre fois que Tahiti est unifiĂ©e sous la domination d’une seule famille. C’est la fin de la fĂ©odalitĂ© tahitienne et de l’aristocratie militaire, remplacĂ©e par une monarchie absolue[17]. ParallĂšlement, le protestantisme se propage rapidement grĂące au soutien de Pomare II, et remplace les croyances traditionnelles. DĂšs 1817, les Evangiles sont traduits en tahitien et enseignĂ©s dans les Ă©coles religieuses. En 1818, le Pasteur Crook fonde la ville de Papeete, qui deviendra la capitale de l’üle.

Tahitiennes en robes « missionnaires Â» ; auparavant, les femmes comme les hommes portaient seulement des ceintures de palmes, des manteaux en fibres, des couronnes de fleurs et des parures.

En 1819, Pomare II, sur l’initiative des missionnaires, instaure le premier code de lois tahitiennes, connu sous le nom de Code Pomare[17]. Les missionnaires et Pomare II imposent alors l’obligation de porter des vĂȘtements couvrant tout le corps, l’interdiction des danses et des chants, des tatouages et des parures de fleurs, toutes ces traditions Ă©tant qualifiĂ©s d’« impudiques Â».

Dans les annĂ©es 1820, l’ensemble des Tahitiens est converti au protestantisme. Duperrey, qui accoste Ă  Tahiti en , tĂ©moigne de la transformation de la sociĂ©tĂ© tahitienne dans une lettre datĂ©e du : « Les missionnaires de la SociĂ©tĂ© Royale de Londres ont totalement changĂ© les mƓurs et les coutumes de ces habitants. L’idolĂątrie n’existe plus parmi eux et ils professent gĂ©nĂ©ralement la religion chrĂ©tienne. Les femmes ne viennent plus Ă  bord des bĂątiments, elles sont mĂȘme d’une rĂ©serve extrĂȘme lorsqu’on les rencontre Ă  terre. (
) Les guerres sanglantes que ces peuples se livraient et les sacrifices humains n’ont plus lieu depuis 1816. » [21]

Lorsque le [17] Pƍmare II meurt, son fils Pomare III n’a qu’un an. Son oncle et les religieux assurent alors la rĂ©gence, jusqu’au [17], date Ă  laquelle les missionnaires procĂšdent Ă  son couronnement, cĂ©rĂ©monie inĂ©dite Ă  Tahiti. Profitant de la faiblesse des Pomare, les chefs locaux rĂ©cupĂšrent une partie de leur pouvoir et prennent le titre hĂ©rĂ©ditaire de « Ta’vana Â» (issu de l’anglais governor). Les missionnaires en profitent aussi pour modifier l’organisation des pouvoirs, et rapprocher la monarchie royale tahitienne d’une monarchie constitutionnelle sur le modĂšle anglais. Ils crĂ©ent ainsi l’assemblĂ©e lĂ©gislative tahitienne qui siĂšge pour la premiĂšre fois le [17].

En 1827, le jeune Pomare III meurt subitement, et c’est sa demi-sƓur, ’Aimata, ĂągĂ©e de 13 ans, qui prend le titre de Pomare IV[17]. Le pasteur Pritchard, consul d’Angleterre, devient son principal conseiller et tente de l’intĂ©resser aux affaires du royaume. Mais l’autoritĂ© de la reine, bien moins charismatique que son pĂšre, est contestĂ©e par les chefs, qui ont reconquis une part importante de leurs prĂ©rogatives depuis la mort de Pomare II. Le pouvoir des Pomare est devenu plus symbolique que rĂ©el, et Ă  plusieurs reprises la reine Pomare, protestante et anglophile, demande en vain le protectorat de l’Angleterre[17].

Le protectorat français et la fin du royaume Pomare

Mise en place du protectorat

En 1836, le pasteur Pritchard, conseiller de la reine, fait expulser deux prĂȘtres catholiques français, Caret et Laval. En rĂ©action, la France envoie en 1838 l’amiral Abel Aubert Du Petit-Thouars pour obtenir rĂ©paration. Une fois sa mission accomplie, l’amiral Du Petit-Thouars se dirige vers les Ăźles Marquises, qu’il annexe en 1842 sur les conseils de Jacques-Antoine Moerenhout, un nĂ©gociant et diplomate français bien implantĂ© sur place[22]. En , l'amiral Du Petit-Thouars revient faire escale Ă  Tahiti. Il s’allie alors avec des chefs de Tahiti hostiles aux Pomare et favorables Ă  un protectorat français. Il leur fait signer une demande de protectorat en l’absence de leur reine, avant d’obliger cette derniĂšre Ă  ratifier le traitĂ© de protectorat[23]. Avant mĂȘme que le traitĂ© ne soit ratifiĂ© par la France, Jacques-Antoine Moerenhout est nommĂ© commissaire royal auprĂšs de la reine Pomare[22].

le drapeau tahitien, objet de discorde en 1843.

Du protectorat Ă  l'annexion

Dans le cadre de ce traitĂ© de 1842, la France reconnaĂźt la souverainetĂ© de l'État tahitien. La reine est responsable des affaires intĂ©rieures, tandis que la France dirige les relations extĂ©rieures, et assure la dĂ©fense et le maintien de l'ordre[23]. Avec la signature du traitĂ© de protectorat dĂ©bute une lutte d'influence entre les protestants anglais et les reprĂ©sentants de la France. Pendant les premiĂšres annĂ©es du protectorat, les protestants parviennent Ă  conserver une grande emprise sur la sociĂ©tĂ© tahitienne grĂące Ă  leur connaissance du pays et de sa langue. En 1843, le conseiller protestant de la reine, George Pritchard, convainc celle-ci d'arborer le drapeau tahitien Ă  la place du drapeau du protectorat.

En reprĂ©sailles, l'amiral Dupetit-Thouars dĂ©clare l'annexion du royaume Pomare le et y installe le gouverneur Armand Joseph Bruat comme chef de la nouvelle colonie[23]. L'annexion dĂ©clenche alors l’exil de la reine aux Ăźles Sous le Vent, l'expulsion de Pritchard sous l'influence de Jacques-Antoine Moerenhout, et aprĂšs une pĂ©riode de troubles, c’est une vĂ©ritable guerre franco-tahitienne qui dĂ©bute en .

En , la rĂ©sistance tahitienne s'amplifie et le gouverneur Bruat dĂ©cide de contre-attaquer massivement en envoyant Ă  Mahaena l'ensemble de ses troupes. La guerre se termine le Ă  la prise de Fatahua, en faveur des Français. La reine revient d’exil en 1847 et accepte de signer une nouvelle convention qui rĂ©duit considĂ©rablement ses pouvoirs au profit de ceux du commissaire Jacques-Antoine Moerenhout[23]. Les Français rĂšgnent dĂ©sormais en maĂźtres sur le royaume de Tahiti. En 1863, ils mettent fin Ă  l’influence britannique en remplaçant les missions protestantes britanniques par la SociĂ©tĂ© des missions Ă©vangĂ©liques de Paris.

Le conflit entre George Pritchard et les représentants français prendra le nom d'« Affaire Pritchard ». Celle-ci entraßna des tensions diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni et amena Londres à exiger de Louis-Philippe Ier des excuses, le retour au statut de protectorat et le versement d'une indemnité au pasteur Pritchard pour la spoliation de ses biens

À la mĂȘme Ă©poque, environ un millier de Chinois, majoritairement cantonais, sont recrutĂ©s Ă  la demande d'un planteur de Tahiti, William Stewart, pour travailler dans la grande plantation de coton d'Atimaono. Lorsque l’entreprise fait faillite en 1873, certains travailleurs chinois rentrent dans leur pays, mais un groupe important reste Ă  Tahiti et se mĂȘle Ă  la population.

Papeetē en 1890

En 1866 sont crĂ©Ă©s les conseils de districts, Ă©lus, qui se voient attribuer les pouvoirs des chefs traditionnels hĂ©rĂ©ditaires. Dans le contexte de l'assimilation rĂ©publicaine, ces conseils essaient malgrĂ© tout de protĂ©ger le mode de vie traditionnel des populations locales. Mais de façon gĂ©nĂ©rale, la sociĂ©tĂ© traditionnelle tahitienne subit une crise durable, les structures sociales anciennes ayant volĂ© en Ă©clats sous l’influence des colonisateurs europĂ©ens.

Annexion

En 1877, la reine Pomare meurt aprĂšs cinquante ans de rĂšgne. Son fils, Pomare V, lui succĂšde alors sur le trĂŽne. Le nouveau roi se montre peu investi dans les affaires du royaume, et lorsqu’en 1880 le gouverneur ChessĂ©, soutenu par des chefs tahitiens, le pousse Ă  abdiquer en faveur de la France, il accepte. Le [23], il cĂšde Ă  la France le royaume de Tahiti ainsi que les Ăźles qui en dĂ©pendent. Devenue une colonie, Tahiti perd alors toute souverainetĂ©. Tahiti est cependant une colonie particuliĂšre, puisque tous les sujets du Royaume de Pomare se voient accorder la citoyennetĂ© française[24]. Le , sous les cris de « Vive la RĂ©publique », la foule cĂ©lĂšbre l'appartenance de la PolynĂ©sie Ă  la France lors du premier Tiurai (fĂȘte nationale et populaire). En 1890, Papeete devient une commune de la RĂ©publique.

Rattachement de Tahiti Ă  la France, 29 juin 1880
Pomare IV et Pomare V

En 1903, sont crĂ©Ă©s les Établissements français de l'OcĂ©anie, qui rassemblent Tahiti, les autres Ăźles de la SociĂ©tĂ©, les Ăźles Australes, les Ăźles Marquises et les Tuamotu.

Tahiti au XXe siĂšcle

À partir de 1903, l'histoire politique de Tahiti est indissociable de celle des Établissements français de l'OcĂ©anie, qui, de colonie, deviennent territoire français d'outre-mer en 1946 (Constitution de la IVe RĂ©publique) et reçoivent en 1957 le nom de PolynĂ©sie française. En 1977, la PolynĂ©sie obtient un statut d'autonomie, renforcĂ© en 1984 (statut d'autonomie interne)[25]. En 2004, une nouvelle Ă©tape est franchie : le territoire devient un pays d'outre-mer (POM)[26].

En 1974, Tahiti a été contaminé par des retombées radioactives à la suite des essais nucléaires français en Polynésie.

DĂ©but de siĂšcle

Durant cette pĂ©riode, le dĂ©veloppement de l'Ăźle de Tahiti et de sa capitale, Papeete, s'accĂ©lĂšre. À partir de 1903, Papeete devient ainsi le principal comptoir des Établissements Français de l’OcĂ©anie puis leur capitale politique et administrative. Le premier quart du XXe siĂšcle est marquĂ© par une seconde vague d'immigration chinoise, qui investit massivement le secteur du commerce et s'intĂšgre moins bien que la premiĂšre vague.

PremiĂšre et Seconde guerres mondiales

Papeete en ruine aprĂšs les bombardements.

Le , l'escadre allemande du vice amiral Maximilian Von Spee, composĂ©e des deux croiseurs cuirassĂ©s SMS Scharnhorst et SMS Gneisenau, arrive devant Tahiti. Elle mĂšne une guerre navale contre le trafic maritime alliĂ©. Les navires cherchent Ă  se ravitailler dans le port de Papeete, dotĂ© d'un stock de 5 000 tonnes de charbon. Devant la rĂ©sistance de la marine française dirigĂ©e par le lieutenant de vaisseau Maxime Destremau, les croiseurs allemands coulent sa canonniĂšre, la ZĂ©lĂ©e, et bombardent le centre-ville de Papeete puis s'Ă©loignent de Tahiti indemnes aprĂšs avoir tirĂ© un total de 49 obus, dont un sur la ZĂ©lĂ©e, mais sans charbon[27]. Cet Ă©chec ĂŽte toute possibilitĂ© de ravitaillement Ă  l'escadre de Von Spee, qui remportera sur la Royal Navy la bataille de Coronel, le , mais finira dĂ©truite Ă  la bataille des Falklands le , ce qui supprimera toute menace navale de surface dans le Pacifique.

La canonniÚre Zélée

En novembre et , Tahiti est ravagée par une épidémie de grippe espagnole.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la colonie se rallie dÚs 1940 à la France libre et le commandant Félix Broche rassemble plusieurs centaines de volontaires pour rejoindre les Forces françaises libres.

Développement économique des Trente glorieuses et conséquences

Avec l'avĂšnement de la Ve RĂ©publique, la fin des annĂ©es 1950 et le dĂ©but des annĂ©es 1960 marquent un tournant dĂ©cisif pour le dĂ©veloppement Ă©conomique de l'Ăźle. Tahiti est dotĂ©e d'importantes infrastructures : construction Ă  partir de 1958 de l'AĂ©roport International Tahiti Fa'a'a, installation en 1962 du QG du Centre d'expĂ©rimentation du Pacifique (CEP), extension consĂ©cutive du port de Papeete. Le tournage de la superproduction Les RĂ©voltĂ©s du Bounty avec Marlon Brando contribue au dĂ©veloppement Ă©conomique de l'Ăźle. L'État français fait aussi de gros investissements pour dĂ©velopper les Ă©quipements et les services publics, ce qui, conjuguĂ© avec le dĂ©senclavement de l'Ăźle, provoque Ă  la fois un exode rural vers Papeete, et un afflux massif de population sur l'Ăźle. Le secteur tertiaire se renforce considĂ©rablement dans la capitale. C'est le dĂ©but du phĂ©nomĂšne de macrocĂ©phalie urbaine sur Tahiti.

Compétition de javelot, lors du Heivā

Par ailleurs, grĂące Ă  la politique volontariste de l'État, l'Ăźle de Tahiti rentre progressivement dans le moule rĂ©publicain et rattrape son retard par rapport Ă  la mĂ©tropole. En 1973, les Chinois de Tahiti se voient attribuer la nationalitĂ© française[28] et en 1971, les districts de Tahiti (ou parfois un groupe de districts) sont Ă©levĂ©s au rang de commune.

DĂ©gradation de l'environnement

En 1974, l'essai nucléaire "raté" Centaure contamine l'ßle de Tahiti par une pluie radioactive. Les conséquences sanitaires et écologiques de cette contamination perdurent encore actuellement.

Renouveau culturel

À partir des annĂ©es 1970, une nouvelle dynamique culturelle Ă©merge sur l'Ăźle, avec un renouveau de la culture tahitienne, qui se rĂ©fĂšre Ă  un « Ăąge d'or prĂ©colonial ». Pour renouer avec l'identitĂ© culturelle abandonnĂ©e Ă  la suite de l'arrivĂ©e des missionnaires, de nombreuses institutions et manifestations sont crĂ©Ă©es : la Maison des Jeunes et de la Culture (Fare Tahiti Nui), l'AcadĂ©mie tahitienne (Fare Vāna'a, crĂ©Ă©e en 1975), le MusĂ©e de Tahiti et des Îles (crĂ©Ă© en 1977). Ce renouveau s'exprime aussi par la multiplication des fouilles archĂ©ologiques, les expositions artisanales et le nouvel essor du tatouage maohi Ă  partir des annĂ©es 1980. De mĂȘme, les festivitĂ©s du Heiva, chaque mois de juillet, remettent Ă  l'honneur les danses, les jeux et les sports traditionnels.

Notes et références

  1. « Les grands explorateurs », sous la direction de Nadeije Laneyrie-Dagen, éditions Larousse, 1996, (ISBN 2-03-505305-6), p. 148
  2. http://www.lesnouvelles.pf/article/la-vie-au-fenua/o-tahiti-nui-freedom-au-bout-de-son-reve
  3. « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 42-43
  4. Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française: Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
  5. « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 187
  6. (en) Ralph Griffiths, Art. VII - Discoveries of the French », The Monthly Review - Vol. VII, 1792, (lire en ligne), p. 251 et 252
  7. Annie, ... Baert, Histoire de la découverte des régions australes : ßles Salomon, Marquises, Santa Cruz, Tuamotu, Cook du Nord et Vanuatu, Montréal (Québec), (ISBN 2-7475-0429-8 et 978-2-7475-0429-4, OCLC 421728818, lire en ligne)
  8. « Les Grands Explorateurs », sous la direction de Nadeije Laneyrie-Dagen, éditions Larousse, 1996, (ISBN 2-03-505305-6), p. 181
  9. Pierre-Jacques Charliat, Le temps des grands voiliers, tome III de Histoire Universelle des Explorations publiée sous la direction de L.-H. Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1957, p. 160
  10. « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 44-45.
  11. « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 44-45.
  12. « Les grands explorateurs », op. cit. p. 181
  13. Louis-Antoine de Bougainville« Voyage autour du monde par la frĂ©gate la Boudeuse et la flĂ»te l'Étoile », , ch VIII Lire sur Wikisource
  14. Books Ngram Viewer « TaĂŻti » contre « Tahiti » [(en + fr) graphique TaĂŻti, Tahiti (page consultĂ©e le 12 janvier 2011)]
  15. « Les Grands Explorateurs », op. cit. p. 184 Voir aussi Transit de Vénus
  16. « Les grands explorateurs », op. cit. p. 185
  17. Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française : Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
  18. Claude Robineau, « Tradition et modernité aux ßles de la Société: Les racines », IRD éditions, 1985, (ISBN 2-70-990687-2)p. 218
  19. Bernard Gille, Antoine Leca, op. cit.
  20. « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9), p. 187.
  21. Etienne Taillemite, Marins français à la découvert du monde, Fayard, 1999 (ISBN 2-213-60114-3) p .498
  22. Fiche de Jacques-Antoine Moerenhout sur le site de l'Assemblée de la Polynésie française
  23. Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française: Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », éditions L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
  24. Loi du 30 décembre 1880, Messager de Tahiti, 25 mars 1881
  25. « Projet de loi complétant le statut de la Polynésie française », sur www.senat.fr (consulté le )
  26. « Projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française », sur www.senat.fr (consulté le )
  27. « La défense de Tahiti en 1914 par Noëlle Destremau », sur A la frontiÚre (consulté le )
  28. ARRIVÉE et INSTALLATION des CHINOIS sur la TERRE POLYNÉSIENNE
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