Histoire de Tahiti
Le peuplement de lâĂźle de Tahiti
Les anthropologues estiment que les premiers habitants de Tahiti sont arrivĂ©s environ en l'an 300 de notre Ăšre, aprĂšs de longues navigations depuis lâAsie du Sud-Est ou lâIndonĂ©sie, via les archipels des Fidji, des Samoa et des Tonga.
Cette hypothĂšse des migrations depuis le Sud-Est asiatique est Ă©tayĂ©e par de nombreuses preuves linguistiques, biologiques et archĂ©ologiques. Par exemple, les langues des Fidji et de la PolynĂ©sie appartiennent toutes au mĂȘme sous-groupe ocĂ©anien, le fidjien-polynĂ©sien, qui fait lui-mĂȘme partie de la grande famille des langues austronĂ©siennes.
Cette migration, Ă travers plusieurs centaines de kilomĂštres de haute mer, a Ă©tĂ© rendue possible par lâemploi de pirogues Ă balancier pouvant atteindre plusieurs dizaines de mĂštres de long et transporter familles, plantes en terre dans des paniers et animaux domestiques. Ainsi, en 1769, James Cook remarque Ă Tahiti un bateau de 33 mĂštres de long, pouvant progresser Ă la voile ou aux pagaies[1].
En 2010, une expédition sur une pirogue simple à balancier et à voile a retracé, en inverse, le chemin de peuplement, de Tahiti à l'Asie[2].
La civilisation pré-européenne
Avant lâarrivĂ©e des EuropĂ©ens, lâĂźle est divisĂ©e en diffĂ©rentes chefferies aux territoires bien prĂ©cis dominĂ©s par un clan. Ces chefferies Ă©taient liĂ©es entre elles par des rapports dâallĂ©geance fondĂ©s sur les liens de parentĂ© de leurs dirigeants et leur puissance guerriĂšre[3]. Le clan le plus important de lâĂźle est celui des Teva[4], dont le territoire sâĂ©tendait au sud de Tahiti Nui jusquâĂ la presquâĂźle vers Tahiti Iti. Le clan des Teva Ă©tait composĂ© des Teva i Uta (« Teva de l'intĂ©rieur ») et des Teva i Tai (« Teva de la mer »), et Ă©tait dirigĂ© par Amo et Purea[5].
Un clan est composĂ© dâun chef (ariâi rahi), de nobles (ariâi) et de sous-chefs (âÄȘatoâai). Les ariâi, descendants des dieux polynĂ©siens, sont investis du mana (pouvoir, puissance surnaturelle). Ils portent traditionnellement des ceintures de plumes rouges, symbole de ce pouvoir. Le chef de clan nâa pas de pouvoir politique absolu : il doit composer avec les ariâi et les âÄȘatoâai lors de conseils ou des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales, notamment en cas de guerre[4]. Plus les ariâi sont Ă©loignĂ©s du chef de clan, plus ils sont autonomes et font contrepoids Ă son autoritĂ©.
Les clans sont organisĂ©s autour du « marae », lieu de culte sacrĂ© en plein air. Ces marae sont vĂ©ritablement le cĆur de la vie religieuse et sociale du clan : on y invoque les dieux, intronise les chefs, on y prĂ©pare la guerre et la pĂȘche, on y cĂ©lĂšbre les naissances et les dĂ©cĂšs. Il existe une hiĂ©rarchie des marae, allant du simple marae familial au marae royal. La taille du marae est proportionnelle Ă lâinfluence de la famille. Un des marae royaux de Tahiti est Farepuâa, construit Ă lâavĂšnement de Tetuanaâe Nui (voir plus bas : patrimoine archĂ©ologique). Les marae sont protĂ©gĂ©s par le tapu, interdit absolu et sacrĂ©, dont la transgression attire la malĂ©diction. Le terme passera dâailleurs dans les langues occidentales : tabou.
Premiers contacts avec les Européens
A la fin du XVIIIe siĂšcle, naĂźt l'hypothĂšse que Pedro Fernandes de QueirĂłs aurait Ă©tĂ© le premier EuropĂ©en Ă apercevoir en 1606 lâĂźle de Tahiti, quâil aurait nommĂ©e La Sagitaria (ou Sagittaria)[6]. Cependant, cette thĂ©orie est aujourd'hui dĂ©mentie par la compilation des divers rĂ©cits de son voyage, exhumĂ©s des archives au XIXe siĂšcle, et il s'avĂšre que La Sagittaria correspond en rĂ©alitĂ© Ă un atoll des Tuamotu[7].
Le premier EuropĂ©en Ă dĂ©couvrir Tahiti est en rĂ©alitĂ© le lieutenant britannique Samuel Wallis qui accoste le [8] dans la baie de Matavai, situĂ©e sur le territoire de la chefferie de Pare (Arue/Mahina), dirigĂ©e par la cheffe Oberea (ou Purea). Wallis baptise lâĂźle « Ăle du Roi George »[9]. Les premiers contacts sont difficiles : les chaloupes anglaises envoyĂ©es dans le but de sonder sont prises Ă partie par les habitants de l'Ăźle dĂšs le , et malgrĂ© de premiers Ă©changes du 21 au , les relations se dĂ©tĂ©riorent Ă nouveau et du 24 au [10], des pirogues tentent de prendre le navire Ă lâabordage, soit pour sâapproprier les objets mĂ©talliques du navire, soit par crainte dâune installation durable des Anglais. En reprĂ©sailles, les marins anglais tirent sur les pirogues et la foule massĂ©e sur les collines. En rĂ©action Ă cette puissante contre-attaque, les habitants de la Baie dĂ©posent de nouvelles offrandes aux Anglais, manifestant ainsi leur volontĂ© de paix ou de soumission[11]. AprĂšs cet Ă©pisode, Samuel Wallis eut des relations cordiales avec la cheffe Oberea (Purea) et resta sur lâĂźle jusquâau [12].
Le [13], câest au tour de Louis-Antoine de Bougainville dâaccoster dans la baie de Matavai. Il ne reste quâune dizaine de jours dans cette Ăźle quâil surnomme la « Nouvelle-CythĂšre », en hommage Ă lâaccueil chaleureux et Ă la douceur des mĆurs tahitiennes. Le rĂ©cit quâil fera de son escale contribuera Ă la crĂ©ation du mythe du « paradis polynĂ©sien » et alimentera le thĂšme du « bon sauvage », cher Ă Jean-Jacques Rousseau et alors trĂšs Ă la mode. De cette date jusquâĂ la fin du XVIIIe siĂšcle, le nom de lâĂźle est phonĂ©tiquement orthographiĂ© « TaĂŻti ». Ă partir du XIXe siĂšcle, lâorthographe tahitienne « Tahiti » devient dâusage en français[14].
James Cook est missionnĂ© en juillet 1768 par la Royal Society pour observer le transit de VĂ©nus devant le Soleil, phĂ©nomĂšne qui doit ĂȘtre visible depuis Tahiti le [15]. Il arrive Ă Tahiti Ă bord de lâEndeavour en et reste sur lâĂźle pendant 3 mois[16]. Ce sĂ©jour permet de rĂ©aliser pour la premiĂšre fois un vĂ©ritable travail scientifique dâobservation ethnographique et naturaliste de lâĂźle. AssistĂ© du botaniste Joseph Banks et du dessinateur Sydney Parkinson, Cook rassemble de prĂ©cieuses informations sur la faune et la flore, ainsi que sur la sociĂ©tĂ©, la langue et les coutumes. Son Ă©quipe entretient par ailleurs des relations amicales avec la cheffe Oberea (Purea), Ă lâorigine de la dynastie Pomare.
Cook revient Ă Tahiti entre le et le , et une derniĂšre fois entre le et le . Lors de ce dernier sĂ©jour, il accompagne le chef TĆ« (neveu de la cheffe Oberea/Purea) lors dâune expĂ©dition guerriĂšre Ă Moâorea (âAimeo). Cook refuse cependant dâapporter son soutien militaire et se contente de visiter lâĂźle.
L'influence britannique et lâascension des Pomare
Les mutinés du Bounty
Le , le Bounty, dirigĂ© par le capitaine William Bligh, dĂ©barque Ă Tahiti avec pour mission de rapporter des arbres Ă pains tahitiens (âUru) aux CaraĂŻbes. Joseph Banks, le botaniste de la premiĂšre expĂ©dition de Cook, estime en effet que cette plante serait idĂ©ale pour nourrir Ă moindre coĂ»t les esclaves africains travaillant dans les plantations des CaraĂŻbes. LâĂ©quipage reste Ă Tahiti environ 5 mois, le temps de transplanter les pousses dâarbres. Trois semaines aprĂšs le dĂ©part de Tahiti, le , lâĂ©quipage se mutine sur lâinitiative de Fletcher Christian. Les mutinĂ©s sâemparent du navire et dĂ©barquent le capitaine et les membres dâĂ©quipage restĂ©s fidĂšles sur une chaloupe. Une partie des mutinĂ©s revient alors sâinstaller Ă Tahiti.
Alors que les explorateurs ont refusĂ© de prendre part aux conflits tribaux, les mutinĂ©s du Bounty offrent leurs services de mercenaires et fournissent des armes Ă la famille qui deviendra la dynastie Pomare. Le chef TĆ« sait en effet tirer parti de sa prĂ©sence sur les havres prĂ©fĂ©rĂ©s des navigateurs. GrĂące Ă lâalliance avec les mutinĂ©s, il parvient Ă accroĂźtre considĂ©rablement sa suprĂ©matie sur lâĂźle de Tahiti.
Vers 1790, lâambitieux chef TĆ« prend le titre de roi et se donne le nom de Pomare. Le capitaine Bligh expliquera que ce nom Ă©tait un hommage Ă sa fille aĂźnĂ©e, morte de tuberculose, une « maladie qui la faisait beaucoup tousser (mare), surtout la nuit (pĆ) ».
En 1791, le capitaine Edward Edwards dĂ©barque Ă Tahiti dans lâespoir de retrouver des mutins. Le nouveau roi Pomare Ier lui livre les rebelles. Le dĂ©part du HMS Pandora marque la fin de lâaventure des mutinĂ©s du Bounty sur lâĂźle de Tahiti, mais leur prĂ©sence aura marquĂ© durablement lâhistoire tahitienne.
Les escales des baleiniers
Dans les annĂ©es 1790, des baleiniers commencent Ă faire escale Ă Tahiti lors de leurs campagnes de pĂȘche dans lâhĂ©misphĂšre Sud. LâarrivĂ©e de ces baleiniers, rejoints ensuite par des nĂ©gociants originaires des colonies pĂ©nitentiaires dâAustralie, marque le premier bouleversement majeur de la sociĂ©tĂ© traditionnelle tahitienne. Les Ă©quipages introduisent lâalcool, les armes et les maladies dans lâĂźle, et encouragent la prostitution et la crĂ©ation de distilleries. Ces premiers Ă©changes avec les Occidentaux ont des consĂ©quences catastrophiques sur la population tahitienne, qui dĂ©croĂźt rapidement, ravagĂ©e par les maladies.
LâarrivĂ©e des missionnaires
Le , des missionnaires de la London Missionary Society dĂ©barquent Ă la pointe VĂ©nus (Mahina) Ă bord du Duff (en), avec pour ambition de dĂ©truire les cultes maohi et de christianiser la population. LâarrivĂ©e de ces missionnaires marque un nouveau tournant pour lâĂźle de Tahiti, dont la culture locale et la structure sociale sont profondĂ©ment bouleversĂ©es.
Les premiĂšres annĂ©es sont laborieuses pour les missionnaires, malgrĂ© leur association avec les Pomare, dont ils connaissent lâimportance grĂące aux rĂ©cits des prĂ©cĂ©dents navigateurs. En 1803, Ă la mort de PĆmare Ier, son fils Vaira'atoa lui succĂšde et prend le titre de PĆmare II. Il sâallie encore davantage avec les missionnaires, et dĂšs 1803 ces derniers lui enseignent la lecture et les Ăvangiles. Les missionnaires encouragent par ailleurs sa volontĂ© de conquĂȘte, afin de nâavoir Ă traiter quâavec un seul interlocuteur politique[17]. La conversion de Pomare II en 1812 inaugure lâessor du protestantisme dans lâĂźle.
Vers 1810, Pomare II Ă©pouse Teremoâemoâe[18], fille du chef de Raiatea, pour sâallier aux chefferies des Ăles sous le Vent. Le [19], grĂące Ă ces alliances, Pomare II remporte une bataille dĂ©cisive Ă Feâi PÄ« (Punaauia), notamment contre Opuhara, le chef du puissant clan des Teva, encore animistes[20]. Cette victoire permet Ă Pomare II dâĂȘtre reconnu Ariâi Rahi, câest-Ă -dire roi de Tahiti[17]. Câest la premiĂšre fois que Tahiti est unifiĂ©e sous la domination dâune seule famille. Câest la fin de la fĂ©odalitĂ© tahitienne et de lâaristocratie militaire, remplacĂ©e par une monarchie absolue[17]. ParallĂšlement, le protestantisme se propage rapidement grĂące au soutien de Pomare II, et remplace les croyances traditionnelles. DĂšs 1817, les Evangiles sont traduits en tahitien et enseignĂ©s dans les Ă©coles religieuses. En 1818, le Pasteur Crook fonde la ville de Papeete, qui deviendra la capitale de lâĂźle.
En 1819, Pomare II, sur lâinitiative des missionnaires, instaure le premier code de lois tahitiennes, connu sous le nom de Code Pomare[17]. Les missionnaires et Pomare II imposent alors lâobligation de porter des vĂȘtements couvrant tout le corps, lâinterdiction des danses et des chants, des tatouages et des parures de fleurs, toutes ces traditions Ă©tant qualifiĂ©s dâ« impudiques ».
Dans les annĂ©es 1820, lâensemble des Tahitiens est converti au protestantisme. Duperrey, qui accoste Ă Tahiti en , tĂ©moigne de la transformation de la sociĂ©tĂ© tahitienne dans une lettre datĂ©e du : « Les missionnaires de la SociĂ©tĂ© Royale de Londres ont totalement changĂ© les mĆurs et les coutumes de ces habitants. LâidolĂątrie nâexiste plus parmi eux et ils professent gĂ©nĂ©ralement la religion chrĂ©tienne. Les femmes ne viennent plus Ă bord des bĂątiments, elles sont mĂȘme dâune rĂ©serve extrĂȘme lorsquâon les rencontre Ă terre. (âŠ) Les guerres sanglantes que ces peuples se livraient et les sacrifices humains nâont plus lieu depuis 1816. » [21]
Lorsque le [17] PĆmare II meurt, son fils Pomare III nâa quâun an. Son oncle et les religieux assurent alors la rĂ©gence, jusquâau [17], date Ă laquelle les missionnaires procĂšdent Ă son couronnement, cĂ©rĂ©monie inĂ©dite Ă Tahiti. Profitant de la faiblesse des Pomare, les chefs locaux rĂ©cupĂšrent une partie de leur pouvoir et prennent le titre hĂ©rĂ©ditaire de « Taâvana » (issu de lâanglais governor). Les missionnaires en profitent aussi pour modifier lâorganisation des pouvoirs, et rapprocher la monarchie royale tahitienne dâune monarchie constitutionnelle sur le modĂšle anglais. Ils crĂ©ent ainsi lâassemblĂ©e lĂ©gislative tahitienne qui siĂšge pour la premiĂšre fois le [17].
En 1827, le jeune Pomare III meurt subitement, et câest sa demi-sĆur, âAimata, ĂągĂ©e de 13 ans, qui prend le titre de Pomare IV[17]. Le pasteur Pritchard, consul dâAngleterre, devient son principal conseiller et tente de lâintĂ©resser aux affaires du royaume. Mais lâautoritĂ© de la reine, bien moins charismatique que son pĂšre, est contestĂ©e par les chefs, qui ont reconquis une part importante de leurs prĂ©rogatives depuis la mort de Pomare II. Le pouvoir des Pomare est devenu plus symbolique que rĂ©el, et Ă plusieurs reprises la reine Pomare, protestante et anglophile, demande en vain le protectorat de lâAngleterre[17].
Le protectorat français et la fin du royaume Pomare
Mise en place du protectorat
En 1836, le pasteur Pritchard, conseiller de la reine, fait expulser deux prĂȘtres catholiques français, Caret et Laval. En rĂ©action, la France envoie en 1838 lâamiral Abel Aubert Du Petit-Thouars pour obtenir rĂ©paration. Une fois sa mission accomplie, lâamiral Du Petit-Thouars se dirige vers les Ăźles Marquises, quâil annexe en 1842 sur les conseils de Jacques-Antoine Moerenhout, un nĂ©gociant et diplomate français bien implantĂ© sur place[22]. En , l'amiral Du Petit-Thouars revient faire escale Ă Tahiti. Il sâallie alors avec des chefs de Tahiti hostiles aux Pomare et favorables Ă un protectorat français. Il leur fait signer une demande de protectorat en lâabsence de leur reine, avant dâobliger cette derniĂšre Ă ratifier le traitĂ© de protectorat[23]. Avant mĂȘme que le traitĂ© ne soit ratifiĂ© par la France, Jacques-Antoine Moerenhout est nommĂ© commissaire royal auprĂšs de la reine Pomare[22].
Du protectorat Ă l'annexion
Dans le cadre de ce traitĂ© de 1842, la France reconnaĂźt la souverainetĂ© de l'Ătat tahitien. La reine est responsable des affaires intĂ©rieures, tandis que la France dirige les relations extĂ©rieures, et assure la dĂ©fense et le maintien de l'ordre[23]. Avec la signature du traitĂ© de protectorat dĂ©bute une lutte d'influence entre les protestants anglais et les reprĂ©sentants de la France. Pendant les premiĂšres annĂ©es du protectorat, les protestants parviennent Ă conserver une grande emprise sur la sociĂ©tĂ© tahitienne grĂące Ă leur connaissance du pays et de sa langue. En 1843, le conseiller protestant de la reine, George Pritchard, convainc celle-ci d'arborer le drapeau tahitien Ă la place du drapeau du protectorat.
En reprĂ©sailles, l'amiral Dupetit-Thouars dĂ©clare l'annexion du royaume Pomare le et y installe le gouverneur Armand Joseph Bruat comme chef de la nouvelle colonie[23]. L'annexion dĂ©clenche alors lâexil de la reine aux Ăźles Sous le Vent, l'expulsion de Pritchard sous l'influence de Jacques-Antoine Moerenhout, et aprĂšs une pĂ©riode de troubles, câest une vĂ©ritable guerre franco-tahitienne qui dĂ©bute en .
En , la rĂ©sistance tahitienne s'amplifie et le gouverneur Bruat dĂ©cide de contre-attaquer massivement en envoyant Ă Mahaena l'ensemble de ses troupes. La guerre se termine le Ă la prise de Fatahua, en faveur des Français. La reine revient dâexil en 1847 et accepte de signer une nouvelle convention qui rĂ©duit considĂ©rablement ses pouvoirs au profit de ceux du commissaire Jacques-Antoine Moerenhout[23]. Les Français rĂšgnent dĂ©sormais en maĂźtres sur le royaume de Tahiti. En 1863, ils mettent fin Ă lâinfluence britannique en remplaçant les missions protestantes britanniques par la SociĂ©tĂ© des missions Ă©vangĂ©liques de Paris.
Le conflit entre George Pritchard et les représentants français prendra le nom d'« Affaire Pritchard ». Celle-ci entraßna des tensions diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni et amena Londres à exiger de Louis-Philippe Ier des excuses, le retour au statut de protectorat et le versement d'une indemnité au pasteur Pritchard pour la spoliation de ses biens
Ă la mĂȘme Ă©poque, environ un millier de Chinois, majoritairement cantonais, sont recrutĂ©s Ă la demande d'un planteur de Tahiti, William Stewart, pour travailler dans la grande plantation de coton d'Atimaono. Lorsque lâentreprise fait faillite en 1873, certains travailleurs chinois rentrent dans leur pays, mais un groupe important reste Ă Tahiti et se mĂȘle Ă la population.
En 1866 sont crĂ©Ă©s les conseils de districts, Ă©lus, qui se voient attribuer les pouvoirs des chefs traditionnels hĂ©rĂ©ditaires. Dans le contexte de l'assimilation rĂ©publicaine, ces conseils essaient malgrĂ© tout de protĂ©ger le mode de vie traditionnel des populations locales. Mais de façon gĂ©nĂ©rale, la sociĂ©tĂ© traditionnelle tahitienne subit une crise durable, les structures sociales anciennes ayant volĂ© en Ă©clats sous lâinfluence des colonisateurs europĂ©ens.
Annexion
En 1877, la reine Pomare meurt aprĂšs cinquante ans de rĂšgne. Son fils, Pomare V, lui succĂšde alors sur le trĂŽne. Le nouveau roi se montre peu investi dans les affaires du royaume, et lorsquâen 1880 le gouverneur ChessĂ©, soutenu par des chefs tahitiens, le pousse Ă abdiquer en faveur de la France, il accepte. Le [23], il cĂšde Ă la France le royaume de Tahiti ainsi que les Ăźles qui en dĂ©pendent. Devenue une colonie, Tahiti perd alors toute souverainetĂ©. Tahiti est cependant une colonie particuliĂšre, puisque tous les sujets du Royaume de Pomare se voient accorder la citoyennetĂ© française[24]. Le , sous les cris de « Vive la RĂ©publique », la foule cĂ©lĂšbre l'appartenance de la PolynĂ©sie Ă la France lors du premier Tiurai (fĂȘte nationale et populaire). En 1890, Papeete devient une commune de la RĂ©publique.
En 1903, sont crĂ©Ă©s les Ătablissements français de l'OcĂ©anie, qui rassemblent Tahiti, les autres Ăźles de la SociĂ©tĂ©, les Ăźles Australes, les Ăźles Marquises et les Tuamotu.
Tahiti au XXe siĂšcle
Ă partir de 1903, l'histoire politique de Tahiti est indissociable de celle des Ătablissements français de l'OcĂ©anie, qui, de colonie, deviennent territoire français d'outre-mer en 1946 (Constitution de la IVe RĂ©publique) et reçoivent en 1957 le nom de PolynĂ©sie française. En 1977, la PolynĂ©sie obtient un statut d'autonomie, renforcĂ© en 1984 (statut d'autonomie interne)[25]. En 2004, une nouvelle Ă©tape est franchie : le territoire devient un pays d'outre-mer (POM)[26].
En 1974, Tahiti a été contaminé par des retombées radioactives à la suite des essais nucléaires français en Polynésie.
DĂ©but de siĂšcle
Durant cette pĂ©riode, le dĂ©veloppement de l'Ăźle de Tahiti et de sa capitale, Papeete, s'accĂ©lĂšre. Ă partir de 1903, Papeete devient ainsi le principal comptoir des Ătablissements Français de lâOcĂ©anie puis leur capitale politique et administrative. Le premier quart du XXe siĂšcle est marquĂ© par une seconde vague d'immigration chinoise, qui investit massivement le secteur du commerce et s'intĂšgre moins bien que la premiĂšre vague.
PremiĂšre et Seconde guerres mondiales
Le , l'escadre allemande du vice amiral Maximilian Von Spee, composée des deux croiseurs cuirassés SMS Scharnhorst et SMS Gneisenau, arrive devant Tahiti. Elle mÚne une guerre navale contre le trafic maritime allié. Les navires cherchent à se ravitailler dans le port de Papeete, doté d'un stock de 5 000 tonnes de charbon. Devant la résistance de la marine française dirigée par le lieutenant de vaisseau Maxime Destremau, les croiseurs allemands coulent sa canonniÚre, la Zélée, et bombardent le centre-ville de Papeete puis s'éloignent de Tahiti indemnes aprÚs avoir tiré un total de 49 obus, dont un sur la Zélée, mais sans charbon[27]. Cet échec Îte toute possibilité de ravitaillement à l'escadre de Von Spee, qui remportera sur la Royal Navy la bataille de Coronel, le , mais finira détruite à la bataille des Falklands le , ce qui supprimera toute menace navale de surface dans le Pacifique.
En novembre et , Tahiti est ravagée par une épidémie de grippe espagnole.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la colonie se rallie dÚs 1940 à la France libre et le commandant Félix Broche rassemble plusieurs centaines de volontaires pour rejoindre les Forces françaises libres.
Développement économique des Trente glorieuses et conséquences
Avec l'avĂšnement de la Ve RĂ©publique, la fin des annĂ©es 1950 et le dĂ©but des annĂ©es 1960 marquent un tournant dĂ©cisif pour le dĂ©veloppement Ă©conomique de l'Ăźle. Tahiti est dotĂ©e d'importantes infrastructures : construction Ă partir de 1958 de l'AĂ©roport International Tahiti Fa'a'a, installation en 1962 du QG du Centre d'expĂ©rimentation du Pacifique (CEP), extension consĂ©cutive du port de Papeete. Le tournage de la superproduction Les RĂ©voltĂ©s du Bounty avec Marlon Brando contribue au dĂ©veloppement Ă©conomique de l'Ăźle. L'Ătat français fait aussi de gros investissements pour dĂ©velopper les Ă©quipements et les services publics, ce qui, conjuguĂ© avec le dĂ©senclavement de l'Ăźle, provoque Ă la fois un exode rural vers Papeete, et un afflux massif de population sur l'Ăźle. Le secteur tertiaire se renforce considĂ©rablement dans la capitale. C'est le dĂ©but du phĂ©nomĂšne de macrocĂ©phalie urbaine sur Tahiti.
Par ailleurs, grĂące Ă la politique volontariste de l'Ătat, l'Ăźle de Tahiti rentre progressivement dans le moule rĂ©publicain et rattrape son retard par rapport Ă la mĂ©tropole. En 1973, les Chinois de Tahiti se voient attribuer la nationalitĂ© française[28] et en 1971, les districts de Tahiti (ou parfois un groupe de districts) sont Ă©levĂ©s au rang de commune.
DĂ©gradation de l'environnement
En 1974, l'essai nucléaire "raté" Centaure contamine l'ßle de Tahiti par une pluie radioactive. Les conséquences sanitaires et écologiques de cette contamination perdurent encore actuellement.
Renouveau culturel
Ă partir des annĂ©es 1970, une nouvelle dynamique culturelle Ă©merge sur l'Ăźle, avec un renouveau de la culture tahitienne, qui se rĂ©fĂšre Ă un « Ăąge d'or prĂ©colonial ». Pour renouer avec l'identitĂ© culturelle abandonnĂ©e Ă la suite de l'arrivĂ©e des missionnaires, de nombreuses institutions et manifestations sont crĂ©Ă©es : la Maison des Jeunes et de la Culture (Fare Tahiti Nui), l'AcadĂ©mie tahitienne (Fare VÄna'a, crĂ©Ă©e en 1975), le MusĂ©e de Tahiti et des Ăles (crĂ©Ă© en 1977). Ce renouveau s'exprime aussi par la multiplication des fouilles archĂ©ologiques, les expositions artisanales et le nouvel essor du tatouage maohi Ă partir des annĂ©es 1980. De mĂȘme, les festivitĂ©s du Heiva, chaque mois de juillet, remettent Ă l'honneur les danses, les jeux et les sports traditionnels.
Notes et références
- « Les grands explorateurs », sous la direction de Nadeije Laneyrie-Dagen, éditions Larousse, 1996, (ISBN 2-03-505305-6), p. 148
- http://www.lesnouvelles.pf/article/la-vie-au-fenua/o-tahiti-nui-freedom-au-bout-de-son-reve
- « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 42-43
- Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française: Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
- « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 187
- (en) Ralph Griffiths, Art. VII - Discoveries of the French », The Monthly Review - Vol. VII, 1792, (lire en ligne), p. 251 et 252
- Annie, ... Baert, Histoire de la découverte des régions australes : ßles Salomon, Marquises, Santa Cruz, Tuamotu, Cook du Nord et Vanuatu, Montréal (Québec), (ISBN 2-7475-0429-8 et 978-2-7475-0429-4, OCLC 421728818, lire en ligne)
- « Les Grands Explorateurs », sous la direction de Nadeije Laneyrie-Dagen, éditions Larousse, 1996, (ISBN 2-03-505305-6), p. 181
- Pierre-Jacques Charliat, Le temps des grands voiliers, tome III de Histoire Universelle des Explorations publiée sous la direction de L.-H. Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1957, p. 160
- « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 44-45.
- « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9)p. 44-45.
- « Les grands explorateurs », op. cit. p. 181
- Louis-Antoine de Bougainville« Voyage autour du monde par la frĂ©gate la Boudeuse et la flĂ»te l'Ătoile », , ch VIII Lire sur Wikisource
- Books Ngram Viewer « Taïti » contre « Tahiti » [(en + fr) graphique Taïti, Tahiti (page consultée le 12 janvier 2011)]
- « Les Grands Explorateurs », op. cit. p. 184 Voir aussi Transit de Vénus
- « Les grands explorateurs », op. cit. p. 185
- Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française : Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
- Claude Robineau, « Tradition et modernité aux ßles de la Société: Les racines », IRD éditions, 1985, (ISBN 2-70-990687-2)p. 218
- Bernard Gille, Antoine Leca, op. cit.
- « Tahiti et les Iles de la Société », Encyclopédie du Voyage, éditions Gallimard, 2006, (ISBN 2-74-241917-9), p. 187.
- Etienne Taillemite, Marins français à la découvert du monde, Fayard, 1999 (ISBN 2-213-60114-3) p .498
- Fiche de Jacques-Antoine Moerenhout sur le site de l'Assemblée de la Polynésie française
- Bernard Gille, Antoine Leca, « Histoire des institutions de l'Océanie française: Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna », éditions L'Harmattan, 2009, (ISBN 978-2-296-09234-1)
- Loi du 30 décembre 1880, Messager de Tahiti, 25 mars 1881
- « Projet de loi complétant le statut de la Polynésie française », sur www.senat.fr (consulté le )
- « Projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française », sur www.senat.fr (consulté le )
- « La défense de Tahiti en 1914 par Noëlle Destremau », sur A la frontiÚre (consulté le )
- ARRIVĂE et INSTALLATION des CHINOIS sur la TERRE POLYNĂSIENNE
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Tahiti » (voir la liste des auteurs).