Histoire de Sao Tomé-et-Principe
Cette page traite de l'histoire de Sao Tomé-et-Principe.
PĂ©riode coloniale
Dans les années 1460, les Portugais découvrent les 14 îles du Cap Vert, à 450 kilomètres des côtes africaines, première station de ravitaillement mais trop au Nord.
Première colonisation en 1486
Le : l'île de São Tomé est explorée le jour de la Saint Thomas par les navigateurs portugais João de Santarém et Pedro Escobar[1]. Vers 1473, Rui de Sequeira découvre l'île de Principe. Ces îles sont alors inhabitées[2].
En 1484, Jean II du Portugal donne "aux juifs de son royaume le choix d’être baptisé catholique ou de coloniser São Tomé et d’y épouser des femmes" noires, écrit en 1864 l’explorateur et historien William Reade dans son livre "Savage Africa"[1], où il décrit ces femmes comme "amenées d’Angola"[1], mais sans avoir les moyens de le vérifier.
À la suite de la construction en 1485 du fort Saint-Georges-de-la-Mine et la remontée par les Portugais du fleuve sur 200 kilomètres à l'intérieur du royaume Kongo, l'archipel leur apparait comme un poste géostratégique de ravitaillement mais aussi comme une potentielle colonie productrice de sucre et permettant la diffusion du christianisme[3]. Pour financer son expansion coloniale, le Roi impose de lourds impôts aux juifs, ceux qui ne peuvent les acquitter immédiatement doivent payer en enfants[1].
La première tentative de colonisation de São Tomé débute l'année suivante, en 1486, sous la direction du capitaine João de Paiva (pt). Elle échoue à cause de l'insalubrité climatique[3]. Ces premiers colons reçurent des concessions foncières à condition de planter de la canne à sucre[4] car l'île apparut aux Portugais comme remarquablement favorable à cette culture[4]. Mais il faudra attendre 1529 pour que Sâo Tome exporte du sucre[4] et 1554 pour qu'elle compte 60 petits moulins[4].
Deuxième colonisation
Selon les archives portugaises, après le décret de l'Alhambra de l'Année cruciale 1492, 23 320 juifs[5] sont entrés au Portugal en 1493, l'année où des enfants juifs sont déportés dans l'île. En 1496, les souverains espagnols forceront leur voisin portugais à expulser à son tour les Juifs du Portugal, les « Juifs portugais » connus dans toute l'Europe, qu'ils viennent du Portugal ou d'Espagne à travers le Portugal.
Beaucoup des premiers gouverneurs de l'île meurent du paludisme, mal soignés par d'abondantes saignées[4]. La maladie a aggravé aussi la déportation de 2 000 enfants juifs en 1493, parmi lesquels 600 seulement auraient survécu en 1499[4], et pas plus de 60 en 1532[4]. Ils arrivent lors d'une seconde tentative de colonisation, dirigée par Alvaro Caminha en 1493, dans le but d'assurer implantation définitive de colons blancs[6]. Des criminels condamnés, appelés degradados, accompagnaient ces enfants juifs espagnols séparés de leurs familles[3], les 2 000 enfants juifs de Sao Tomé. Dès leur arrivée en 1493, il est prescrit au gouverneur d'attribuer à chaque nouvel habitant blanc une esclave[3]. Le gouverneur Alvaro de Caminha réussit à en sauver 60 bambins en les envoyant avec des nurses africaines à Principe et Rio Reale[1].
En 1548, d'autres juifs seront déplacés, cette fois sur l'île de Santo Antao, laissant des traces de leur présence dans un village appelé Synagoga et plusieurs cimetières[1].
Les mesures démographiques de 1514 à 1517
L'immigration européenne restant faible, réticente, et décimée par les maladies, la Couronne portugaise encourage les unions entre blancs et noire. En 1514, Manuel 1er oblige les propriétaires à baptiser leurs esclaves dans les six mois suivant leur acquisition, avec des noms chrétiens. Les esclaves, en échange d'une relative liberté de mouvement ne recevaient ni nourriture, ni vêtements, mais se voyaient laissé au minimum un jour par semaine pour travailler pour leur propre compte[4]. Ils sont lusitanisés et très tôt les enfants de Blancs et de femmes esclaves déclarés libres[4], ce qui est régularisé pour pallier l'immigration défaillante. En 1515, accorde l'affranchissements aux enfants métis, nés d'un père blanc et d'une mère noire, elle aussi affranchie. En 1517, il affranchit les esclaves noirs qui ont accompagné les premiers colons. Toutes ces décisions font émerger les forros, ex-esclaves métissés et affranchis et leur descendants, les mestiços[3].
Troisième colonisation et décollage sucrier des années 1530 et 1550
Les Portugais voient ainsi Sâo Tome comme un espace où développer un semi-esclavage moins coûteux qu'à Madère dont ils ne souhaitent pas l'expansion depuis que les Juifs s'y réfugient au début du XVIe siècle. Le semi-esclavage métissé de Sao Taomé moins gourmand en canaux d'irrigation, en approvisionnement et en surveillance des esclaves, dans un île plus grande, moins sèche et plus éloignée des côtes et des axes de navigation. Plus tard, les Portugais tiennent à importer des esclaves d'Afrique équatoriale pour leur résistance aux maladies, à une faune effrayante de crocodiles[4], et leur expérience en milieu tropical[4], alors que les premiers venaient très vraisemblablement de Lisbonne après avoir été captés de la traite orientale via l'île proche de la Mauritanie. Les portugais accompagnent ainsi le décollage du sucre dans l'île dans les années 1530, car elle ne devient exportatrice qu'en 1529[4] puis les années 1550, lorsqu'elle compte 60 moulins, tous installés sur d'importantes plantations, dans la partie du Nord de l'archipel[4]. Le sucre de Sâo Tome est alors 4 fois moins cher que celui de Madère[4], car le climat équatorial empêche de le sécher assez pour diminuer sa teneur en humidité[4]. Mais il prend la première place sur le marché[1] - [4].
Les Portugais font coup double en en faisant aussi progressivement de l'île un entrepôt pour les esclaves africains à expédier en Amérique[4]. Ils restent parfois dans l'île des mois ou des années, le circuit de déportation balbutiant encore, vers le Brésil, où le sucre démarre tout juste, mais pas assez longtemps pour parler de nouvelle vague de colonisation de l'île. Celle du Brésil ne commence qu'en 1532 avec la fondation de São Vicente puis de Salvador (Bahia) en 1949 et la canne à sucre va d'abord recourir à une main-d'œuvre amérindienne.
Les noirs édophones qui arrivent dans l'île à cette époque sont originaires du royaume du Bénin voisin. Plus tard, au XVIe siècle, ils viendront du royaume Kongo locuteurs du kikongo et d'esclaves locuteurs du kimbundu originaires du royaume de Ndongo, amenés dans les îles[3].
L'entrepôt à esclaves et les révoltes
En 1554 l'île est peuplée d'environ 1 200 Blancs et 2 000 esclaves au travail[4], tandis que 5 000 autres attendant des navires pour leur déportation en Amérique[4]. Beaucoup plus tard, environ 4 000 esclaves seront déportés annuellement à São Tomé[7]. Dès le XVIe siècle, São Tomé et Principe sont devenus la première économie de plantation esclavagiste basée sur la monoculture de la canne à sucre[3] - [8]. Les importations d'esclaves s'intensifiant et changeant de vocation, les nouveaux venus vont fuir dans les montagnes[1] même s'il n'y trouveront pas le même potentiel agricole que les premiers semi-esclaves souvent affranchis. Les révoltes d'esclaves deviennent fréquentes. En 1595 notamment, une émeute d'esclaves menée par Amador détruit les plantations de canne à sucre[6] - [9].
La quatrième colonisation après l'abolition
En 1876, l'esclavage est aboli sur l'archipel. Avec l'abolition de l'esclavage, l'archipel se trouve confronté à une pénurie de main d'œuvre. Des travailleurs contractuels, les serviçais, sont amenés d'Angola, du Cap-Vert et du Mozambique[10].
Une trentaine de roças des deux îles de Sao Tomé-et-Principe, constituent le cœur d’une économie s'appuyant sur la production de cacao et de café. « Ces roças étaient des entités parfaitement organisées. On y vivait mieux qu’à l’extérieur : elles avaient l’électricité, l’accès aux soins, le chemin de fer, le luxe et une organisation féodale huilée ». En 1913, l’archipel est devenu le premier exportateur de cacao au monde. Mais l’essor de la production de café et de cacao en Afrique de l’Ouest et le désintérêt croissant des colons portugais pour cet archipel, au milieu du golfe de Guinée, entraînent ensuite le déclin progressif des plantations[10].
En 1951, l'archipel accède au statut de province ultramarine de l'Empire colonial portugais. Mais en 1953. Des manifestations nationalistes émaillent l'année, avec notamment le massacre de Batepá[11]. Pendant la guerre du Biafra, à la fin des années 1960, la piste d'atterrissage de la capitale est utilisée pour ravitailler en vivres, en médicaments, mais aussi en armes les séparatistes biafrais en révolte contre le gouvernement de Lagos[12].
En , des Ă©lections constituantes ont lieu dans les Ă®les portugaises de SĂŁo TomĂ© et Principe. Le Portugal, puissance coloniale, est encore sous le rĂ©gime de la dictature salazariste, mĂŞme si AntĂłnio de Oliveira Salazar est mort en juillet 1970. Le chef du gouvernement portugais, Marcelo Caetano, tente des ouvertures politiques : c'est la recherche de «l'Ă©volution sans la rĂ©volution». Ces Ă©lections ont pour but de constituer une assemblĂ©e qui assistera les gouverneurs nommĂ©s par Lisbonne, avec une certaine autonomie locale. Le gouvernement portugais veut dĂ©tourner les populations d'un dĂ©sir d'indĂ©pendance en leur offrant une participation plus large Ă la vie politique[13]. Mais un an plus tard Ă©clate au Portugal la RĂ©volution des Ĺ’illets, en avril 1974, qui renverse le rĂ©gime salazariste. Un comitĂ© de libĂ©ration de Sao-TomĂ© et Principe (CLSTP), qui s'est renommĂ© en mouvement de libĂ©ration (le MLSTP ou Movimento de Libertação de SĂŁo TomĂ© e PrĂncipe), est constituĂ© depuis plusieurs annĂ©es par des exilĂ©s de Sao TomĂ©-et-Principe, sur le continent africain[14]. Des nĂ©gociations pour l'indĂ©pendance s'engagent entre le MLSTP et le nouveau pouvoir portugais[15]. Un accord est conclu Ă Alger le 26 novembre 1974 pour une indĂ©pendance en juillet 1975[16]. En dĂ©cembre 1974, un gouvernement de transition est constituĂ© un premier ministre et quatre ministres, nommĂ©s par le MLSTP, et un ministre dĂ©signĂ© par le Portugal[17]. Manuel Pinto da Costa, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Mouvement de libĂ©ration de Sao-TomĂ© et Principe (MLSTP), appelĂ© Ă devenir chef de l'État, et qui ne devait rentrer dans l'archipel qu'après la proclamation de l'indĂ©pendance, quitte Libreville, au Gabon, d'oĂą il animait la lutte contre les autoritĂ©s coloniales, pour revenir plus tĂ´t que prĂ©vu sur Sao TomĂ©-et-Principe, calmer les rivalitĂ©s apparues dĂ©but 1975 entre modĂ©rĂ©s et extrĂ©mistes, et prendre la situation en main[18].
Indépendance
Les 7 et 8 juillet 1975, des élections constituantes sont organisées. Le , l'indépendance de la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe est proclamée[19]. Un régime marxiste-léniniste, avec parti unique, est instauré[20]. L'Assemblée constituante, qui devient nationale au mois de , élit Manuel Pinto da Costa, secrétaire du Mouvement de libération de Sao Tomé-et-Principe (MLSTP, marxiste), au poste de président de la République.
Plusieurs milliers de colons portugais émigrent au Portugal, ce qui prive le jeune État de presque tous ses cadres. Les plantations de cacao, qui représentent l'essentiel des exportations, sont nationalisées, mais la situation économique ne s’améliore guère. Le gouvernement obtient cependant des résultats importants en matière d’éducation et le taux d'alphabétisation devient l'un des plus élevés d'Afrique[21].
Le : les premières élections législatives ont lieu à Sao Tomé-et-Principe. Pinto da Costa est reconduit président. Le , Manuel Pinto da Costa est à nouveau réélu président par l'Assemblée nationale après les élections législatives.
En 1990, le multipartisme est instauré sous la pression de l'opposition rassemblée au sein de la Coalition démocratique. Le : le principal parti d'opposition, le Parti de convergence démocratique – Groupe de réflexion (PCD-GR), remporte les élections législatives. Miguel Trovoada, ancien Premier ministre de Manuel Pinto da Costa, tombé en disgrâce, arrêté en 1979 et emprisonné pendant deux ans à l'époque par son président devenu son rival, est élu président[22]. Il est seul candidat. Il rejoint l'année suivante l'Action démocratique indépendante (ADI). Il met en œuvre sous la pression des institutions financières internationales des mesures économiques impopulaires qui déclenchent des mouvements de grève[21].
Le , nouvelle alternance politique, le Mouvement pour la libération de Sao Tomé-et-Principe, devenu MLSTP-Parti social-démocrate (MLSTP-PSD), gagne les législatives, battant le PCD-GR et l'ADI.
Le , le président Trovoada est victime d'un putsch de Manuel Quintas de Almeida[23], mais il est rétabli dans ses fonctions les jours suivants[24]. Miguel Trovoada est réélu président de la République lors de l'élection présidentielle de 1996. Il bat l'ex-président Manuel Pinto da Costa, son adversaire historique[22].
Lors de l'élection présidentielle santoméenne de 2001, l'homme d'affaires Fradique de Menezes (ADI) est élu au second tour face à Manuel Pinto da Costa, membre du MLSTP-PSD[20] ; il fait cependant scission de l'ADI peu après et fonde le Mouvement pour les forces de changement démocratique – Parti libéral (MDFM-PL). Le , le MLSTP-PSD remporte de peu les élections législatives, face à la coalition entre le MDFM-PL et le Parti de convergence démocratique – Groupe de réflexion.
Le , un coup d'État dépose le président Fradique de Menezes, remplacé par le militaire Fernando Pereira. Il est restauré dans ses fonctions au bout d'une semaine après un accord avec l'armée[25]. Le , Fradique de Menezes est réélu, sous l'étiquette MDFM-PL, contre le candidat de l'ADI, Patrice Trovoada, fils de l'ancien président Miguel Trovoada. Le MDFM-PCD obtient une courte majorité à l'Assemblée de 23 sièges, le MLSTP-PSD en possédant 20. Patrice Trovoada devient Premier ministre le 14 février 2008, mais il ne conserve son poste que jusqu'au 20 mai suivant quand il est renversé par une motion de censure parlementaire[26].
Les Ă©lections lĂ©gislatives sont remportĂ©es par l'Action dĂ©mocratique indĂ©pendante (26 sièges), secondĂ© par le Mouvement de libĂ©ration de Sao TomĂ©-et-Principe – Parti social-dĂ©mocrate (20 sièges). Patrice Trovoada, de l'ADI, est Ă nouveau nommĂ© Premier ministre en 2010[26]. Mais la compĂ©tition Ă©lectorale se poursuit. Le , Manuel Pinto da Costa est Ă©lu prĂ©sident, Ă 74 ans, comme indĂ©pendant (le MLSTP-PSD ayant choisi un autre candidat), face Ă Evaristo Carvalho de l'ADI, après avoir Ă©chouĂ© en 1996 et 2001. Le scrutin est relativement serrĂ© : il rĂ©unit sur son nom 52,88 % des suffrages (35 110 voix) contre 47,12 % (31 287 voix) Ă son rival, le prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale Evaristo Carvalho, avec un taux d’abstention de 25,96 %. ArrivĂ© en tĂŞte au premier tour, il a rĂ©ussi Ă rallier entre les deux tours les autres candidats Ă©liminĂ©s[27]. Patrice Trovoada perd son mandat de Premier ministre en 2012, victime Ă nouveau d'une motion de censure parlementaire[28]. Cependant, le , l'ADI, menĂ© par Patrice Trovoada, augmente son nombre de parlementaires Ă l'occasion de nouvelles lĂ©gislatives. Le MLSTP en obtient 16. Le : Evaristo Carvalho remporte l'Ă©lection prĂ©sidentielle, seul au second tour après le dĂ©sistement de Pinto da Costa, qui dĂ©nonce des fraudes au premier tour. Cette victoire est symbolique comme au Portugal. La Constitution n’accorde qu’un rĂ´le d’arbitre au prĂ©sident de SĂŁo TomĂ©-et-PrĂncipe, oĂą le pouvoir est en rĂ©alitĂ© dĂ©tenu par le Premier ministre. Mais le rĂ©sultat met fin Ă une cohabitation entre le Premier ministre Patrice Trovoada, et le prĂ©sident Pinto da Costa. Patrice Trovoada, 54 ans, a dĂ©sormais toute latitude pour gouverner[22].
Voir aussi
Article connexe
Bibliographie
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- Natália Pedro da Costa Umbelina Neto, Les Ă®les SĂŁo TomĂ© et PrĂncipe (1853-1903) : de l'abolition de l'esclavage Ă la gĂ©nĂ©ralisation des travailleurs sous contrat, les Serviçaes, UniversitĂ© d'Aix-Marseille 1, 2007, 2 vol. 590 + 508 p. (thèse de doctorat)
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Lien externe
Références
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