Henri Dollet
Henri Dollet, communément appelé docteur Dollet, né le à Gilly-sur-Loire et fusillé mort pour la France le au bois de Marloux à Mellecey en France, est un médecin et résistant français, maire de Luzy (Nièvre) sous l'Occupation.
Henri Dollet | |
Photographie non datée. | |
Fonctions | |
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Maire de Luzy | |
– (3 ans, 5 mois et 5 jours) |
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Prédécesseur | Louis Baroin (SFIO) |
Successeur | Marie-Joseph Bondoux (SFIO) |
Biographie | |
Nom de naissance | Louis Henri Dollet |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Gilly-sur-Loire |
Date de décès | |
Lieu de décès | Mellecey |
Nature du décès | Fusillé |
Nationalité | Française |
Diplômé de | Université de Lyon |
Profession | Médecin généraliste Capitaine |
Distinctions | Chevalier de la Légion d'honneur Médaille militaire Médaille de la Résistance française Croix de guerre 1939-1945 Médaille en argent du service d'honneur de l'Assistance à l'enfance de la Seine |
Religion | Catholicisme |
Nommé maire par le régime de Vichy en , Henri Dollet met en place une politique de réconciliation entre gauche et droite et, à partir de l'automne 1943, profite de son statut pour mener diverses actions de résistance, souvent en lien avec les groupes déjà existants dans la région.
En , après un faux témoignage d'un jeune résistant, il s'offre en otage pour protéger sa ville de la destruction promise par l'occupant. Il est exécuté par la Milice française quelques jours plus tard. Il est récipiendaire de la médaille de la Résistance française et est chevalier de la Légion d'honneur.
Biographie
Issu d'une famille catholique (Jean Louis et Pierrette Claudine Julie Beaucaire[1]), Louis Henri Dollet est élevé au petit séminaire d'Autun[2] avant de continuer ses études de médecine[3] à l'université de Lyon. Sa thèse, rédigée sous la direction d'Étienne Rollet[4], Les voies de sortie au pole postérieur oculaire du mélanome choroïdien, est publiée en 1921[5]. Il débute ensuite sa carrière de médecin généraliste à Luzy en 1922, succédant au docteur Favelier[1], et officie aussi à Millay[6]. Il s'y marie en 1924 avec Louise Étiennette Marie Yvonne Dureuil[1], domiciliée à Millay[7] - [2]. Ils ont deux enfants et s'installent à Gilly-sur-Loire puis à Luzy[8].
Le docteur Dollet œuvre également pour les Enfants assistés de la Seine. Il est nommé en 1932 médecin de service pour la circonscription médicale de Luzy-Est, en remplacement du docteur Maillefert[9], à titre provisoire[10]. En 1938, il reçoit une médaille de bronze le récompensant d'avoir fourni des soins gratuitement à la gendarmerie pendant plus de quinze ans[11].
Maire de Luzy et résistance à l'Occupation
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Henri Dollet, alors médecin-capitaine de réserve de 44 ans, est mobilisé[12] en [1]. Fait prisonnier en par l'Allemagne nazie[1], il y est emmené puis rapatrié en octobre[12] - [3] à la demande du régime de Vichy (en tant que personnel de santé)[1].
Le même régime, alors en place, voulant une éradication des politiques de gauche, entreprend de nommer les maires par les préfets, et non plus de les faire élire par le suffrage universel masculin[12] - [13]. À Luzy, le maire socialiste en place (par intérim depuis le décès d'Émile Bramart[14]), Louis Baroin, démissionne pour raisons de fatigue[13]. Le préfet de la Nièvre, André Paul Sadon, nomme le docteur Dollet comme nouveau maire dès le [1] - [12] - [13]. Novice en politique (« on savait qu'il était du parti de l'ordre », écrit le curé de la commune Auguste Tambour dans Luzy pendant l'Occupation en 1946[2]), il accepte tout de même la fonction[12]. Une de ses premières actions est de nommer Baroin « maire honoraire » de la ville[2]. Il intègre également à la liste municipale d'anciens conseillers socialistes[12], des anciens prisonniers de guerre et une femme, Marie Ravier[7].
Il entre dans la Résistance intérieure française en [8] et aide à la confection des fausses cartes d'identité permettant à de jeunes luzycois d'échapper au service du travail obligatoire. Il fournit de l'argent, des ravitaillements et des soins aux divers groupes de résistants de la région[1] - [12]. Le , Joseph Pinet écrit :
« Je soussigné Joseph Pinet [...] ex-chef de l'équipe de sabotage (Résistance-fer), certifie que le docteur Dollet, maire de Luzy, était au courant de l'activité de notre groupe.
Il savait la confection de fausses cartes d'identité avec le concours de la mairie ; de même qu'il était avisé du vol des titres de ravitaillement de la mairie.
A donné des soins aux résistants blessés et fourni de l'argent à des [illisible] de la Résistance[12]. »
— Joseph Pinet
Le , les membres du « maquis Louis » (de Larochemillay) font exploser une grue en gare de Luzy, paralysant totalement le trafic ferroviaire régional (par la ligne de Nevers à Chagny[15]). En réponse, un combat éclate entre les forces d'occupation et les maquisards au hameau du Chalet le lendemain. De son côté, le maire Dollet met en panne les camions de Luzy[1], que les Allemands veulent réquisitionner[3]. Le combat est une victoire pour les résistants, les Allemands ayant cinq hommes tués et trois blessés, pour trois tués et deux blessés au maquis[15]. Henri Dollet refuse ensuite de jeter à l'eau les corps des trois maquisards morts, et exprime sa volonté d'assister aux obsèques des défunts[12] - [3]. Au cours de l'enquête sur l'incident de la gare, les autorités allemandes prennent six luzycois en otage, voulant ainsi faire pression sur la population. Le docteur Dollet réussit à obtenir la libération des otages en harcelant l'autorité étrangère[12] et en refusant l'aide de miliciens locaux[3].
Arrêt et exécution
À la suite d'une attaque des maquisards sur un convoi allemand[1] le au lieu-dit « La Goulette », un jeune maquisard fait prisonnier finit par déclarer à ceux qui l'interrogent qu'il existe un contact téléphonique entre le maquis Louis et la mairie, ce qui est alors faux (il existait toutefois bel et bien une ligne menant du maquis au bureau de poste de la ville). Apprenant l'information, un détachement militaire venu d'Autun menace le jour suivant de détruire et de brûler la ville. Henri Dollet, pour sauver sa commune, s'offre alors comme otage. Il est arrêté[16] - [7] - [12] - [17].
Son fils Jean-Louis, de 19 ans, étudiant en quatrième année de médecine[18] pour un certificat d'études physiques, chimiques et biologiques[19] en vacances chez sa famille[2], informé de l’événement, arrive du hameau de Chevrette (à Millay, où réside sa grand-mère[20]) en vélo. Il est arrêté lui aussi[16] - [7] - [12] - [20] - [alpha 1], par la Gestapo. Selon Le Maitron, il n'aurait pas appartenu à la Résistance ni accompli d'actions en sa faveur[18].
Ils restent tous deux enfermés trois jours à Autun avant d'être emmenés le à Chalon-sur-Saône[1] - [17] - [12] - [3] - [20]. Informés que la libération de la région était proche, les dirigeants des prisons décident d'exécuter leurs prisonniers par petits groupes dans les environs[12]. Le , le docteur Dollet est fusillé, avec sept autres hommes[2], par la milice française à la lisière du bois de Marloux à Mellecey[1] - [17] - [21] - [alpha 2], deux heures après son fils[12] (lui mort à Fragnes[1] - [2] - [20], au lieu-dit L'Orivent[18]).
Obsèques
Le au soir, alors que les habitants ne savent que la mort de huit résistants à Mellecey, quatre hommes se disant résistants, accompagnés d'un habitant d'Étaules, se rendent auprès des défunts[2]. Selon la Tribune de Saône-et-Loire du , citée par Tambour, « ils disent en reconnaître un comme un de leurs chefs de la « Résistance ». Des drapeaux français se trouvant là , ils en couvrent les corps ; ils proposèrent même de rapporter le lendemain des armes pour la « Résistance » du pays. » Le lendemain, dès neuf heures du matin, une cérémonie est organisée à Germolles[3] en mémoire des huit fusillés. La Tribune rajoute : « Sept voitures sont là pour transporter les huit cercueils disparaissant sous les fleurs. [...] Nous venions de quitter le pays, quand des voitures apparaissent à un tournant proche et un cri domine : « Les Allemands ! » Ceux-ci stoppent au milieu de la foule en panique. Une fusillade nourrie éclate. » Par la suite, les habitants seront encerclés, contrôlés, puis relâchés[2] - [alpha 3].
Le décès du maire-résistant n'est pas su directement par la commune de Luzy, contrairement à celui de son fils. Pour exemple, le (soit une vingtaine de jours après les exécutions) le maire-adjoint Hugon fini une missive part : « J'adresse toute ma sympathie au docteur Dollet enlevé par les troupes d'occupation et souhaite son prochain retour parmi nous. » À la suite de la Libération de la ville et de l'annonce de la mort d'Henri Dollet, le conseil municipal se dissout le [7].
Le corps du docteur Dollet n'est ramené que le à Luzy et inhumé le 14[12] au matin[2]. La cérémonie funèbre est présidée par Monseigneur Flynn[22], évêque de Nevers, et y assistent le sous-préfet de Château-Chinon, le commandant Fradet, certaines délégations de sociétés locales, l'ancienne et la nouvelle municipalité[2]. Dans son allocution, Joseph Pinet affirme que, « en ce qui concerne la Résistance, l'attitude civique du docteur Dollet fut prudente et très courageuse. Il subissait les exigences de l'ennemi sans céder aux pressions. Je suis assez informé sur son rôle pour affirmer qu'il était, vis-à -vis des Allemands, en état d'hostilité. [Il avait] le souci constant de sauvegarder la population luzycoise[7]. »
Postérité
Reconnaissance
Dans un document datant de 1954, il est certifié que le docteur Dollet « a servi dans les Forces françaises de l'intérieur au sein du maquis Louis War Office du au »[12] - [1]. Le dossier de demande d'appartenance au Forces françaises de Dollet est constitué fin 1946 par sa veuve. La commission départementale donne un avis favorable sur le dossier le et fixe la période de service à dix mois[3].
Distinctions
Henri Dollet obtient la mention mort pour la France[1] et est nommé après sa mort chevalier de la Légion d'honneur et bénéficiaire de la croix de guerre 1939-1945[8]. Le , il lui est attribué, à titre posthume, la médaille de la Résistance française[24], puis, le , la médaille militaire[25].
En , le Conseil général de la Seine décerne à titre posthume au docteur Dollet la médaille en argent du service d'honneur de l'Assistance à l'enfance de la Seine[26].
Commémoration
Le nom du docteur Dollet est inscrit sur la stèle du maquis Louis aux Fraichots à Larochemillay, sur le monument aux morts[27] et le tableau commémoratif de l'église Saint-Pierre de Luzy[28] - [alpha 4], sur le monument des maquisards de la même commune[29] - [30], sur le monument aux résistants assassinés à Mellecey[1] - [12] et sur le monument aux morts de Gilly-sur-Loire[8].
Le nom de son fils Jean-Louis, lui aussi reconnu mort pour la France[19], est inscrit sur les monuments commémoratifs de Fragnes-La Loyère[20] et de Farges-lès-Chalon[31] - [32] et sur les différents monuments de Luzy et à Gilly-sur-Loire[18].
Dès le , le nouveau conseil municipal vote la dénomination de l'avenue du Docteur-Dollet, section de la route départementale 985 traversant Luzy, dans laquelle il vivait. La décision est approuvée par le sous-préfet[33].
Publication
Voir aussi
Articles connexes
- Maquis Louis, son chef Paul Sarrette
- Léon Bondoux, maire socialiste de Château-Chinon, actif dans la Résistance
- Liste des maires de Luzy
- Liste de résistants en France
- Liste de résistants du Morvan
Bibliographie
- Auguste Tambour, Luzy pendant l'Occupation, .Réédité en fac-similé au sein de l'ouvrage Histoire de Luzy : de la Révolution au début du XXe siècle, Paris, Le livre d'Histoire, coll. « Monographies des villes et villages de France », , 432 p. (ISBN 2-84373-958-6).
- Jean Arnoux, « Les Maires de Luzy (3e partie), 1915-1945 », Bulletin du groupe d'histoire locale de Luzy, no 4,‎ , p. 23-27.
- Jean-Pierre Mordier, « Le Docteur Henri Dollet, F.F.I. à titre posthume », Bulletin du groupe d'histoire locale de Luzy, no 13,‎ , p. 41-50.
- Jean-Pierre Mordier (dir.), Jean Arnoux, Jean Millot, Jacques Charmant, Andrée Forneret et Sabine Nivot, Regards sur Luzy à travers les siècles, , 350 p. (ISBN 978-2-7466-5843-1).
Liens externes
- Ressource relative à la santé :
- Ressource relative aux militaires :
- Ressource relative Ă la vie publique :
Notes et références
Notes
- Le curé Auguste Tambour écrit : « Il n'avait rien fait qui justifiât cette mesure et encore moins son assassinat. Mais on ne pouvait s'attendre à ce que les sauvages que furent les Allemands en France respectent la justice, même la plus élémentaire » (Tambour 1946, Luzy sous l'Occupation, p. 93).
- Les archives municipales de Luzy indiquent : « À 12 h 30, le docteur Dollet fut assassiné à l'angle sud-est de la forêt de Marloux, à peu de distance de la route nationale 78 (d'Autun à Chalon-sur-Saône, entre Germolles et le Maupas), sur le territoire de la commune de Mellecey. Le maire de Luzy, atteint de trois balles de mitraillette à la tempe droite, mourut aussitôt. »
- Le monument aux résistants assassinés à Mellecey indique : « Les dépouilles de ces quatorze patriotes ont reçu une sépulture honorable malgré les Allemands qui ont eu la criminelle audace de disperser par les armes le cortège funèbre du 28 août 1944 ».
- Il est écrit : « Le docteur Dollet, maire de Luzy, conseiller de fabrique, homme d'un dévouement inlassable, et son fils Jean, fusillés odieusement par les Allemands le . »
Références
- Roland Tatreaux, « Monument de Mellecey (Saône-et-Loire) », sur Musée de la Résistance en ligne, (consulté le ).
- Tambour 1946, « Un crime », p. 88-94.
- Mordier 2011.
- (en) « Dollet, Henri », sur WorldCat (consulté le ).
- « Affichage de toutes les éditions pour Les voies de sortie au pole postérieur oculaire du mélanome choroïdien », sur WorldCat (consulté le ).
- Hubert de Laplanche, « Millay », Les Annales du pays nivernais, no 35,‎ , p. 22-24.
- Arnoux 2002.
- Jean-Louis Ponnavoy, « Dollet Louis, Henri, dit Henri », sur Le Maitron (consulté le ).
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- « V. Assistance publique, A. Nominations », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, Paris, Imprimerie municipale,‎ , p. 20 (lire en ligne).
- « Liste des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes qui donnent gratuitement des soins ou des médicaments à la gendarmerie et des vétérinaires qui soignent, sans exiger aucune rétribution, les chevaux de l'armée, auxquels le ministre a conféré, par décision du , des récompenses honorifiques », Journal officiel de la République française, no 216 de la 70e année,‎ (lire en ligne).
- Mordier et al. 2013, « Henri Dollet, un maire sous l'Occupation », p. 128-133.
- Tambour 1946, « Nouvelle municipalité », p. 62-63.
- Mordier et al. 2003, « Émile Bramard (1880-1939), un militant socialiste à la mairie », p. 122-127.
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- Roland Tatreaux, « Stèle de Fragnes (Saône-et-Loire) », sur Musée de la résistance en ligne, (consulté le ).
- Archives historiques de la société nationale des chemins de fer français au Mans : CXXV.8 118LM110/2, dossier no 383.
- Tambour 1946, « Allocution prononcée par Son Excellence Monseigneur Flynn aux obsèques du Docteur Dollet et de son fils dans l'église de Luzy, le 14 décembre 1944 », p. 94-97.
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