HĂ©lia Correia
Hélia Correia (Lisbonne, 1949) est une poétesse, romanciÚre, nouvelliste, traductrice littéraire et dramaturge portugaise[1], lauréate du prix CamÔes 2015.
Naissance |
Lisbonne, Portugal |
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Activité principale | |
Distinctions |
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Langue dâĂ©criture | portugais |
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Mouvement | réalisme magique ; classicisme ; post-modernisme |
Genres |
roman, poésie, théùtre, nouvelle, conte, littérature de jeunesse, traduction littéraire |
Ćuvres principales
Quoiquâayant dĂ©butĂ© dans la poĂ©sie, elle se fit un nom au Portugal par des publications en prose â romans, contes, thĂ©Ăątre et littĂ©rature de jeunesse â dâune nature trĂšs diverse, mais montrant des affinitĂ©s avec le rĂ©alisme magique latino-amĂ©ricain et certains auteurs britanniques, tels quâIris Murdoch ou Emily BrontĂ«, et trouvant dans le thĂ©Ăątre grec classique ses points de rĂ©fĂ©rence, Ă la lumiĂšre desquels elle sâattache Ă dĂ©crypter le monde contemporain.
Biographie
HĂ©lia Correia naquit en 1949 Ă Lisbonne, de parents antifascistes, et grandit Ă Mafra, localitĂ© dâorigine de sa mĂšre, situĂ©e Ă une trentaine de km (Ă vol dâoiseau) au nord-ouest de la capitale[2] - [3]. Elle y vĂ©cut au milieu dâun groupe dâopposants au rĂ©gime salazariste, parmi lesquels, au premier chef, son propre pĂšre, qui avait fait un sĂ©jour en prison avant la naissance de sa fille. Elle bĂ©nĂ©ficia, selon ses propres dires, « dâune Ă©ducation extrĂȘmement progressiste, trĂšs Ă©galitaire, et aucunement sexiste, en complet dĂ©calage par rapport Ă lâĂ©ducation normale de cette Ă©poque ». En plus dâĂȘtre tolĂ©rants, ses parents Ă©taient aussi de grands liseurs, se laissant souvent entraĂźner dans des discussions littĂ©raires, oĂč le pĂšre queirosien faisait la rĂ©plique Ă la mĂšre camilienne. Elle eut, dit-elle, une « enfance heureuse, trĂšs libre et crĂ©ative », encore que sous la menace permanente et terrifiante de la PIDE, la police politique du rĂ©gime, et dans la crainte constante de voir ses parents incarcĂ©rĂ©s, ce qui lui imposait mutisme et dissimulation.
AprĂšs quâelle eut appris Ă lire Ă lâĂąge de quatre ans, par les soins dâune sienne amie de quatre ans son aĂźnĂ©e, dans le grenier dâun des enfants du groupe dâopposants de Mafra, elle se mit Ă dĂ©vorer tous les livres qui lui tombaient sous la main, au risque de lire des Ă©crits peu en accord avec son Ăąge, tels que p. ex. l'Homme qui rit, qui fait, aujourdâhui encore, partie de ses pires frayeurs et lui fit prendre en horreur Victor Hugo. Quand elle eut six ans, le mĂ©decin de famille diagnostiqua chez elle un Ă©tat dâ« Ă©puisement », prescrivit que les livres fussent mis hors de sa portĂ©e et persuada son pĂšre de la garder hors de lâĂ©cole cette annĂ©e-lĂ . Pour se tirer de lâennui, elle assista alors aux leçons de lâĂ©cole depuis lâextĂ©rieur, Ă travers la fenĂȘtre de la salle de classe que lâinstitutrice gardait toujours ouverte.
AprĂšs sa formation primaire Ă Mafra, elle suivit lâenseignement secondaire Ă Lisbonne, puis obtint une licence en philologie romane Ă la facultĂ© de Lettres de lâuniversitĂ© de Lisbonne. Câest vers le dĂ©but de ses Ă©tudes universitaires quâelle commença, ĂągĂ©e de 18 ans, Ă publier des poĂšmes dans les supplĂ©ments littĂ©raires de revues et journaux de cette Ă©poque, notamment dans DiĂĄrio de Lisboa Juvenil, dirigĂ© par lâĂ©crivain et journaliste MĂĄrio Castrim. Elle complĂ©ta sa formation par un postgraduat en thĂ©Ăątre classique[4] et fut professionnellement active comme professeur de littĂ©rature portugaise dans l'enseignement secondaire[3].
En 2011, elle apporta son soutien à la candidature de Manuel Alegre aux élections présidentielles portugaises.
CarriĂšre littĂ©raire et Ćuvre
Abstraction faite des poĂ©sies quâencore Ă©tudiante elle avait publiĂ©es de façon Ă©parse dans des journaux et revues, HĂ©lia Correio dĂ©buta en 1981 avec une Ćuvre en prose : O Separar das Ăguas (litt. la SĂ©paration des eaux), bientĂŽt suivie en 1982 dâO NĂșmero dos Vivos (le Nombre des vivants). Plus tard, elle fit paraĂźtre A Casa Eterna (la Maison Ă©ternelle, 2000), couronnĂ© du PrĂ©mio MĂĄxima de Literatura, Lillias Fraser, qui lui valut en 2001 le PrĂ©mio de Ficção do Pen Club et en 2002 le PrĂ©mio D. Dinis, Bastardia, rĂ©compensĂ© Ă nouveau par le PrĂ©mio MĂĄxima de Literatura en 2006, et Adoecer (Tomber malade, 2010), prix de la Fondation InĂȘs de Castro. De 2014 date le recueil de nouvelles Vinte degraus e outros contos (litt. Vingt Marches et autres contes), distinguĂ© par le Grand Prix du conte Camilo Castelo Branco. Au milieu de ces cinq volumes de prose parus dans la dĂ©cennie 1980 sâintercale A Pequena Morte / Esse Eterno Canto (litt. la Petite Mort / Ce Chant Ă©ternel), livre de poĂ©sies composĂ© en collaboration avec son compagnon Jaime Rocha, pseudonyme littĂ©raire du journaliste Rui Ferreira de Sousa.
Quoiquâelle ait donc dĂ©butĂ© avec de la poĂ©sie (et que lâon puisse arguer quâelle nâa jamais cessĂ© dâĂȘtre poĂšte, attendu qu'elle introduit la poĂ©sie dans tout ce quâelle produit), câest nĂ©anmoins comme prosatrice quâelle acquit sa notoriĂ©tĂ© et la reconnaissance critique, par des Ćuvres oĂč lâon perçoit une parentĂ© avec le rĂ©alisme magique â filiation que lâauteur ne cherche pas Ă rĂ©pudier : « Je ne vais pas nier lâimportance quâeut pour moi le rĂ©alisme magique sud-amĂ©ricain », dĂ©clare-t-elle, mais tient Ă souligner du reste quâelle nâa jamais eu de « projet dâĂ©criture » dĂ©fini. De fait, son Ćuvre tĂ©moigne Ă©galement dâautres influences dĂ©terminantes : Camilo Castelo Branco, les sĆurs BrontĂ«, en particulier les Hauts de Hurlevent (« Emily BrontĂ« est une personne de ma maison, elle vit avec moi », dit-elle), les peintres prĂ©raphaĂ©lites (« Ce sont des gens avec lesquels je me sens beaucoup dâintimitĂ©, davantage quâavec nombre de vivants de mon quotidien »), et les classiques grecs pour ce qui touche Ă sa production thĂ©Ăątrale. De façon gĂ©nĂ©rale cependant, ses affinitĂ©s lâorientent plutĂŽt vers la culture anglaise.
Ă partir des annĂ©es 1990, elle publia plusieurs Ćuvres thĂ©Ăątrales, puis, au dĂ©but du XXIe siĂšcle, en 2001, ce qui est sans doute son ouvrage le plus cotĂ©, Lillias Fraser, roman dont lâaction se situe entre 1746 et 1762, au Portugal et en Ăcosse, et qui met notamment en scĂšne le tremblement de terre de Lisbonne, lequel pousse lâhĂ©roĂŻne Ă fuir la capitale pour Mafra.
Selon lâessayiste et poĂšte Pedro Mexia, membre du jury du prix CamĂ”es qui en 2015 attribua Ă HĂ©lia Correio la plus haute distinction littĂ©raire de lâaire lusophone, lâune des raisons qui motivĂšrent le choix du jury fut la polyvalence de lâĂ©crivaine lisboĂšte quant aux styles dâĂ©criture et aux genres. HĂ©lia Correia non seulement pratique tous les genres â roman, nouvelle, conte, thĂ©Ăątre, poĂ©sie, littĂ©rature de jeunesse â, mais ses livres sont tous trĂšs dissemblables entre eux. Un autre Ă©lĂ©ment dâapprĂ©ciation important fut, toujours selon Pedro Mexia, « le dialogue que lâauteur Ă©tablit avec les traditions : avec lâantiquitĂ© classique, surtout grecque » et « avec un imaginaire qui nâest pas Ă proprement parler magique, mais tellurique plutĂŽt, un imaginaire aussi de fĂ©es et dâĂȘtres fantastiques. (âŠ) Il y a dans sa littĂ©rature Ă©galement un cĂŽtĂ© gothique et des rĂ©fĂ©rences Ă la littĂ©rature contemporaine, rĂ©fĂ©rences qui vont dâun personnage de JosĂ© Saramago jusquâaux livres de la littĂ©rature anglaise, les auteurs de lâĂ©poque victorienne, les sĆurs BrontĂ« et les prĂ©raphaĂ©lites ».
Son Ă©diteur Francisco Vale, de la maison dâĂ©dition A RelĂłgio D'Ăgua, qui affirme accepter inconditionnellement de publier tout ce que lui apporte HĂ©lia Correia, indique quâelle « est lâun des Ă©crivains qui manie le mieux la langue portugaise (âŠ) ; son portugais est trĂšs fĂ©cond. Elle possĂšde un style propre, avec une grande prĂ©cision de langage. Chaque phrase prĂ©sente le nombre exact de syllabes. Câest lĂ le niveau auquel elle hisse la rigueur dâĂ©criture ».
Pour Rosa Maria Martelo, professeur Ă la facultĂ© de lettres de lâuniversitĂ© de Porto, lâaspect le plus sĂ©duisant de lâĆuvre dâHĂ©lia Correia est la façon dont lâauteur articule registre narratif et tonalitĂ©s poĂ©tiques, combine des Ă©lĂ©ments de notre quotidien avec le fantastique, pour aboutir Ă une Ă©criture hybride au moyen de laquelle elle rĂ©alise une fuite hors du rĂ©alisme, sans jamais cependant cesser de porter une attention trĂšs directe au monde oĂč nous vivons.
Un exemple particuliĂšrement rĂ©ussi de cette alliance trĂšs efficace entre inactuel et actuel, entre localisĂ© et universel, est selon Rosa Martelo le recueil de poĂšmes A Terceira MisĂ©ria, publiĂ© en 2012 et primĂ© par le prix Correntes dâEscritas, qui signa son retour saisissant en poĂ©sie et dans lequel HĂ©lia Correia anticipa ce qui allait se produire en GrĂšce et voulut attirer lâattention sur la nĂ©cessitĂ© de rĂ©soudre le problĂšme de la GrĂšce comme si câĂ©tait notre problĂšme Ă nous tous, faisant partie intĂ©grante de notre projet de monde Ă nous tous, en tant quâhumains. Dans le livre, qui « davantage que comme une simple collection de poĂšmes, se prĂ©sente comme un seul et long poĂšme en plusieurs parties, construit sur la base dâune matrice classique europĂ©enne, oĂč le prĂ©sent est interprĂ©tĂ© Ă la lumiĂšre de la GrĂšce classique, afin de rĂ©flĂ©chir sur des questions fondamentales de lâOccident[5], la poĂ©tesse rĂ©ussit, poursuit Rosa Maria Martelo, Ă dĂ©montrer comment tout ce qui appartient Ă notre tradition et Ă notre culture nous rend Ă mĂȘme de saisir le monde contemporain dans toute sa complexitĂ© et nous pourvoit en mĂȘme temps des outils intellectuels nĂ©cessaires nous permettant de sauvegarder lâhumain. Ă travers ce livre, qui fut couronnĂ© par le prix Correntes d'Escritas Ă lâunanimitĂ© du jury, HĂ©lia Correia dit avoir voulu rendre hommage Ă la civilisation grecque oĂč, souligne-t-elle, « tout Ă©tait fait Ă la mesure de lâHomme, et pour lâHomme, et lâHomme en avait conscience. Depuis lors, nous avons perdu cette notion. Le monstre sâappelle Ă©conomie, mais il me dĂ©plaĂźt de dire cela, dâautant quââĂ©conomieâ est un joli mot grec, qui signifie âloi de la maisonâ, la gestion harmonieuse de la maison. Notre Ă©conomie nâa plus rien Ă voir avec cela. »[6].
Les romans Adoecer et Lillias Fraser montrent une HĂ©lia Correia fort proche du langage et de lâatmosphĂšre des Ă©crivains anglais, comme Iris Murdoch, mais aussi de la peinture des prĂ©raphaĂ©lites Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais ou Elizabeth Siddal, qui lâinspirĂšrent, en particulier Ă crĂ©er le personnage de Lizzie lors de la rĂ©daction dâAdoecer, personnage marquĂ© Ă la fois par lâamour et la maladie, par la salvation et la damnation. Lizzie et Lillias font figure de personnages exemplaires, ballottĂ©s entre force de caractĂšre et pathos, typiques des protagonistes fĂ©minins des romans dâHĂ©lia Correia.
Outre sa crĂ©ation littĂ©raire propre, on lui doit diverses traductions d'Ćuvres de la littĂ©rature Ă©trangĂšre[7].
Ćuvres d'HĂ©lia Correia
Prose
- 1981 â O Separar das Ăguas
- 1982 â O NĂșmero dos Vivos
- 1983 â Montedemo
- 1985 â Villa Celeste
- 1987 â Soma
- 1988 â A Fenda ErĂłtica
- 1991 â A Casa Eterna
- 1996 â InsĂąnia
- 2001 â Lillias Fraser
- 2001 â Antartida de mil folhas
- 2002 â Apodera-te de mim
- 2008 â Contos
- 2014 â Vinte degraus e outros contos
- 2018 - Um Bailarino na Batalha
Poésie
- 1986 â A Pequena Morte / Esse Eterno Canto
- 2012 â A Terceira MisĂ©ria
Théùtre
- 1991 â Perdição, ExercĂcio sobre AntĂgona
- 1991 â Florbela
- 2000 â O Rancor, ExercĂcio sobre Helena
- 2005 â O Segredo de Chantel
- 2008 â A Ilha Encantada (piĂšce pour le jeune public, d'aprĂšs Shakespeare)
Livres de jeunesse
- 1988 â A Luz de Newton (sept rĂ©cits sur les couleurs)[5]
Références
- (pt) « HĂLIA CORREIA », sur artistasunidos.pt, Artistas Unidos, (consultĂ© le )
- (pt) « Literatura: HĂ©lia Correia distinguida com PrĂ©mio VergĂlio Ferreira 2013 pela Universidade de Ăvora », sur Expresso,
- (pt) « HĂ©lia Correia Ă© a vencedora do PrĂ©mio CamĂ”es », sur PĂșblico, (consultĂ© le )
- (pt) Mariana Pereira, « HĂ©lia Correia Ă© PrĂ©mio CamĂ”es 2015 », sur DiĂĄrio de NotĂcias, (consultĂ© le )
- Communiqué et notice sur le site de Radio Renascença.
- Hélia Correia vence prémio Correntes d'Escritas - http://www.publico.pt/cultura/noticia/helia-correia-vence-premio-correntes-descrita-1585271
- (pt) Maria João Costa, « Hélia Correia vence Prémio Correntes d'Escritas », sur Radio Renascença, (consulté le )
Liens externes
- Notice sur le site de lâĂ©diteur.
- HĂ©lia Correia Ă© a vencedora do PrĂ©mio CamĂ”es, article de LuĂs Miguel QueirĂłs, Kathleen Gomes, Isabel Coutinho et Isabel Lucas, dans le journal PĂșblico, consultable en ligne.