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HĂ©ctor Cabanillas

HĂ©ctor Eduardo Cabanillas (CĂłrdoba, 1914 — Buenos Aires, 1998) Ă©tait un militaire argentin, qui dirigea les services secrets de son pays dans la deuxiĂšme moitiĂ© de la dĂ©cennie 1950.

HĂ©ctor Cabanillas
Nom de naissance HĂ©ctor Eduardo Cabanillas
Naissance
CĂłrdoba (Argentine)
DĂ©cĂšs (Ă  84 ans)
Buenos Aires
Origine Argentine
Allégeance Drapeau de l'Argentine Argentine
Arme Armée de terre
Grade Colonel
AnnĂ©es de service 1934 – 1959
Autres fonctions Chef des services de renseignement (1955-1959)
Famille Pùre d’Eduardo Rodolfo Cabanillas

IngĂ©nieur militaire de formation, antipĂ©roniste et anticommuniste fanatique, Cabanillas devint sous le rĂ©gime autodĂ©nommĂ© RĂ©volution libĂ©ratrice chef du Service de renseignements de l’État (SIDE), puis des renseignements militaires, et Ă  ce titre conçut et planifia, mais sans pouvoir aboutir, plusieurs attentats contre PerĂłn dans les annĂ©es qui suivirent la chute du pĂ©ronisme en [1]. En 1956, il fut chargĂ© par le dictateur Aramburu d’occulter dans le plus grand secret le cadavre embaumĂ© d’Eva PerĂłn dans un cimetiĂšre en Italie ; c’est Ă  lui encore que le dictateur Lanusse confia en la direction de l’opĂ©ration dite DĂ©volution, consistant, dans un geste d’apaisement politique, Ă  exhumer cette mĂȘme dĂ©pouille et Ă  la transfĂ©rer d’Italie vers la rĂ©sidence madrilĂšne de Juan PerĂłn[2].

Biographie

NĂ© Ă  CĂłrdoba en 1914, il suivit une formation en gĂ©nie militaire au Colegio Militar de la NaciĂłn d’El Palomar, au terme de laquelle il obtint en 1934 le grade de sous-lieutenant d’infanterie. Pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale, il adhĂ©ra sans enthousiasme Ă  la cause des alliĂ©s et, quoique la majoritĂ© des officiers supĂ©rieurs qui s’emparĂšrent du pouvoir en 1943 fussent de tendance fasciste, son profil Ă©tait alors si peu marquĂ© qu’il escalada les Ă©chelons par la seule inertie[3]. Cependant, dans les clubs militaires, les jeunes officiers parlaient avec antipathie de certain colonel qui « attisait la haine de classes et Ă©dictait des lois qui protĂ©geaient la tourbe des usines contre l’autoritĂ© des patrons », et Cabanillas apprit Ă  dĂ©tester cet homme, Juan PerĂłn, qui avait concentrĂ© en ses mains les pouvoirs du secrĂ©tariat au Travail, du ministĂšre de la Guerre et de la vice-prĂ©sidence du gouvernement de facto[3]. Devenu ainsi farouchement antipĂ©roniste, il aura une part active Ă  la chute du deuxiĂšme gouvernement de Juan PerĂłn en septembre 1955[2].

Tentatives d’assassinat de Juan Perón

Cabanillas planifia et participa Ă  trois attentats (avortĂ©s) contre Juan PerĂłn. La premiĂšre tentative eut lieu en , lorsqu’il devint membre d’un commando mis sur pied par le gĂ©nĂ©ral Ávalos, alors commandant de la garnison de Campo de Mayo, qui se proposait d’enlever PerĂłn, le « colonel des travailleurs », pour le fusiller ; cependant PerĂłn, qui avait eu vent de ce qu’un soulĂšvement militaire se fomentait, contremanda le dĂ©placement qu’il devait faire Ă  Campo de Mayo et qui aurait dĂ» permettre aux militaires rebelles de l’attirer dans une embuscade[3]. Par la suite, l’on jugea que les conditions politiques n’étaient alors pas rĂ©unies pour mener Ă  bien un projet d’assassinat, compte tenu notamment de l’effervescence populaire qui allait culminer lors de la journĂ©e du 17 octobre 1945. Au vu du risque de guerre civile, Avalos prĂ©fĂ©ra pour l’heure se tenir sur la rĂ©serve[1] - [3].

La deuxiĂšme tentative eut lieu sous la prĂ©sidence de facto de Lonardi, peu aprĂšs le coup d’État du 16 septembre 1955 qui renversa PerĂłn et inaugura le rĂ©gime militaire autodĂ©nommĂ© RĂ©volution libĂ©ratrice. Alors que PerĂłn se trouvait exilĂ© Ă  Villarrica au Paraguay, Cabanillas (alors chef du Renseignement) et ses hommes projetĂšrent d’enlever l’ancien chef d’État, de le transfĂ©rer Ă  Puerto Esperanza, c’est-Ă -dire la bourgade argentine la plus proche, et de l’y assassiner. Le coup de main, quoique minutieusement prĂ©parĂ©, et prĂ©vu pour ĂȘtre exĂ©cutĂ© le , fut dĂ©couvert par le service de sĂ©curitĂ© de PerĂłn et par les services de renseignement paraguayens et se solda par un fiasco total ; la plupart des fonctionnaires militaires argentins impliquĂ©s furent arrĂȘtĂ©s et incarcĂ©rĂ©s des mois durant au Paraguay, tandis que Cabanillas parvint Ă  s’esquiver[1] - [3].

La plus grande frustration de ma vie est de n’avoir pas rĂ©ussi Ă  ĂȘtre gĂ©nĂ©ral de la Nation. J’ai accompli, pour atteindre ce rang, tout ce qui Ă©tait exigĂ© d’un officier d’honneur. Je ne l’ai pas pu parce qu’on m’a embringuĂ© dans des intrigues et des rivalitĂ©s. L’autre ambition qui m’a Ă©chappĂ© des mains Ă©tait de tuer Juan PerĂłn. Trois fois j’ai Ă©tĂ© sur le point d’y parvenir. Si j’avais eu de la chance, j’aurais sauvĂ© l’Argentine de ses disgrĂąces. Je ne cesse de dĂ©plorer cet Ă©chec. Et voyez quelles sont les ironies de la vie : la personne qui n’a pas su en finir avec PerĂłn est la mĂȘme que celle qui a prĂ©servĂ© la Eva des atrocitĂ©s qu’on Ă©tait en train de faire Ă  son cadavre. J’ai tenu l’histoire de l’Argentine dans mes mains, mais l’histoire m’a court-circuitĂ©. Personne ne se souvient, personne ne me connaĂźt. Peut-ĂȘtre est-ce mieux ainsi.

HĂ©ctor Cabanillas, propos recueillis par TomĂĄs Eloy MartĂ­nez[3].

Une nouvelle tentative se produisit Ă  Caracas, oĂč PerĂłn, aux cĂŽtĂ©s de sa nouvelle compagne MarĂ­a Estela MartĂ­nez, avait dĂ» trouver refuge le , par suite des pressions exercĂ©es par le gouvernement de la RĂ©volution libĂ©ratrice pour obtenir que PerĂłn quittĂąt son exil panamĂ©en avant le dĂ©but de la confĂ©rence au sommet des prĂ©sidents amĂ©ricains qui devait s’y tenir en juillet de la mĂȘme annĂ©e et Ă  laquelle Ă©tait appelĂ© Ă  assister le prĂ©sident de facto argentin Pedro Eugenio Aramburu[1]. Cabanillas, qui s’était derechef vu confier l’exĂ©cution de ce nouveau coup de main, donna Ă  son Ă©troit collaborateur, le premier-sergent Manuel Sorolla, la consigne prĂ©cise suivante : il aurait Ă  se faire passer pour un pĂ©roniste rabique jusqu’à se faire emprisonner ; une fois dĂ©tenu, il devait feindre une crise nerveuse afin d’ĂȘtre admis Ă  l’hĂŽpital, puis de lĂ  devait s’enfuir Ă  Montevideo avec l’aide de celui qui avait Ă©tĂ© son comparse dans la disparition du corps d’Evita, le colonel Hamilton DĂ­az. Cette tĂąche accomplie, la nouvelle du « prisonnier pĂ©roniste » en fuite commença Ă  courir et comme de juste parvint aussi aux oreilles de PerĂłn. De Montevideo, Sorolla se rendit, dans un pĂ©riple mouvementĂ© par voie de terre, Ă  Caracas en , oĂč il s’en fut voir le GĂ©nĂ©ral, lequel le reçut comme un hĂ©ros de la rĂ©sistance et qui, le croyant sans ressources, le prit Ă  son service comme mĂ©canicien et garde du corps. Ayant ainsi gagnĂ© la confiance de PerĂłn, Sorolla accompagna celui-ci dans ses dĂ©placements quotidiens, portant son pistolet de calibre 45. Le , Sorolla prit contact avec des fonctionnaires du gouvernement argentin, qui lui remirent la bombe qu’il devait placer sous le moteur de l’Opel de PerĂłn, en mĂȘme temps qu’un billet indiquant la date de l’attentat, le , fĂȘte nationale argentine[3]. La veille de la date prĂ©vue, Sorolla dit Ă  PerĂłn qu’il avait Ă©tĂ© appelĂ© au chevet de sa mĂšre gravement malade et qu’il avait l’intention d’entreprendre son retour en Argentine en esquivant les sbirres de la dictature et en transitant par Carmelo, ville uruguayenne frontaliĂšre, avec l’aide de quelques camarades de la rĂ©sistance. PerĂłn le crut, lui offrit de l’argent, et dans la nuit du , Sorolla prit Ă©galement congĂ© du chauffeur Isaac Gilaberte, juste avant de disposer la bombe sous le moteur ; le vĂ©hicule explosa le lendemain, mais PerĂłn en sortit indemne[1]. En effet, comme l’indiquera plus tard Cabanillas, la bombe avait Ă©tĂ© maladroitement posĂ©e ; Sorolla l’avait fixĂ©e au bloc moteur de telle sorte que le moteur fut projetĂ© en arriĂšre en volant en Ă©clats, alors que la banquette arriĂšre, oĂč se trouvait PerĂłn, ne subit aucun dommage. Le chauffeur Gilaberte fut lĂ©gĂšrment blessĂ© par quelques fragments de vitre qui vinrent se loger dans ses joues[3].

En 1989, Cabanillas déclara au journaliste Tomås Eloy Martínez :

« L’échec de cet attentat a Ă©tĂ© l’une des grandes dĂ©ceptions de ma vie. Nous avons mis des mois Ă  le prĂ©parer et tout a Ă©tĂ© fichu Ă  terre par un coup de malchance. L’histoire de l’Argentine aurait Ă©tĂ© diffĂ©rente sans PerĂłn. Il Ă©tait alors trop tĂŽt encore pour qu’on le voie comme un martyr, et trop tard dĂ©jĂ  pour que le mouvement pĂ©roniste, avec tous ses dirigeants emprisonnĂ©s ou dispersĂ©s, soit encore en mesure de s’unir. J’ai commis peu d’erreurs dans la vie et ces rares erreurs-lĂ  me font mal. Peut-ĂȘtre qu’aucune ne me fait autant mal que celle de n’avoir pas pu tuer PerĂłn[3]. »

Le cadavre d’Eva Perón

En 1956, sur ordre d’Aramburu, HĂ©ctor Cabanillas se chargea de la direction de l’opĂ©ration d’occultation du cadavre embaumĂ© d’Eva PerĂłn. Cabanillas, dotĂ© alors du grade de lieutenant-colonel, exerçait cette annĂ©e-lĂ  comme chef du Service de renseignements de l’État (SIDE, selon son sigle en espagnol), et remplaça quelques mois aprĂšs le titulaire du Service de renseignements de l’armĂ©e (SIE), le lieutenant-colonel Carlos E. de Moori Koenig, qui gardait dissimulĂ© le corps d’Evita au siĂšge du SIE, sis Ă  l’angle des rues de Callao et de TucumĂĄn[4]. Cabanillas reçut de la part d’Aramburu l’ordre de transporter secrĂštement les restes d’Eva PerĂłn vers un cimetiĂšre Ă  Milan, en Italie[2]. L’obligation de secret, qui donnera lieu Ă  de nombreuses conjectures Ă  propos du sort rĂ©servĂ© au cadavre, sera scrupuleusement remplie par Cabanillas, conformĂ©ment aux ordres reçus, pendant 16 ans. L’on sut plus tard, par ses propres rĂ©vĂ©lations, qu’Eva PerĂłn avait Ă©tĂ© inhumĂ©e dans tel cimetiĂšre milanais, sous le faux nom de « MarĂ­a de Magistris »[4] - [1]. Le colonel Cabanillas racontera dans un documentaire de la tĂ©lĂ©vision britannique, vers la fin des annĂ©es 1980, que l’opĂ©ration d’occultation du cadavre fut tellement rigoureuse « que le prĂ©sident Aramburu lui-mĂȘme ignorait oĂč exactement se trouvait le corps »[4].

En 1958, Cabanillas fut nommĂ© attachĂ© militaire Ă  l’ambassade d’Argentine Ă  Paris, mais le mois mĂȘme de son entrĂ©e en fonction, il fut rappelĂ© Ă  Buenos Aires et presque aussitĂŽt, en 1959, mis Ă  la retraite. En 1962, il occupa encore le poste de sous-secrĂ©taire Ă  la Guerre pour une brĂšve pĂ©riode[4]. Il fonda ensuite la premiĂšre entreprise de sĂ©curitĂ© privĂ©e du pays : la firme Orpi[2].

Pendant 16 ans, Ă  compter de 1956, Cabanillas resta donc le dĂ©positaire unique de la documentation secrĂšte sur le lieu de sĂ©jour de la dĂ©pouille d’Eva PerĂłn[2]. Trois lustres plus tard, en 1971, il fut Ă  nouveau convoquĂ© par les autoritĂ©s militaires en vue cette fois de la restitution du corps Ă  l’ancien prĂ©sident PerĂłn, qui rĂ©sidait alors dans sa propriĂ©tĂ© de Puerta de Hierro, dans la banlieue nord-ouest de Madrid. Dans un contexte de violence en Argentine, et peu aprĂšs l’enlĂšvement et l’exĂ©cution de l’ancien prĂ©sident Aramburu par les Montoneros, le gouvernement militaire de Lanusse avait rĂ©solu, par souci d’apaisement politique, de missionner Cabanillas de restituer le corps d’Eva PerĂłn Ă  l’ancien prĂ©sident[4]. DĂ©but se retrouvĂšrent donc face Ă  face Ă  Madrid Juan PerĂłn et celui qui avait tentĂ© plusieurs fois de l’assassiner, HĂ©ctor Cabanillas, chargĂ© de remettre Ă  son ennemi jurĂ© le cadavre d’Evita, de « cette femme, la Eva », qu’il avait haĂŻe avec tant d’acharnement[1]. Cependant, Cabanillas indiquera que lorsqu’il se rendit au domicile de PerĂłn Ă  Madrid, « [il] ne le voyait dĂ©jĂ  plus comme un ennemi. [Il] le regardait comme un vaincu. »[3]

DerniÚres années

Vers la fin de la dĂ©cennie 1960, Cabanillas avait coutume de placer des billets de sa main dans des journaux et revues. Dans l’un de ceux-ci, en , il dĂ©clara :

« À leur dĂ©but, les grandes Ă©pidĂ©mies ne se propagent pas par des manifestations spectaculaires et visibles, mais le font au contraire de maniĂšre silencieuse et insidieuse. Ainsi, sans dĂ©clarations, subrepticement, l’infection communiste va-t-elle s’étendant par le monde [...][3] - [2]. »

Une de ses derniĂšres apparitions publiques eut lieu dans un documentaire de la tĂ©lĂ©vision britannique dirigĂ© par TristĂĄn Bauer, oĂč il livra son tĂ©moignage sur la mort d’Eva PerĂłn et sur les tribulations de son cadavre.

Le colonel Ă  la retraite HĂ©ctor Cabanillas s’éteignit Ă  l’ñge de 84 ans, Ă  la suite d’une longue maladie qui l’avait privĂ© de la parole et de la vision[2]. Ses restes furent inhumĂ©s au cimetiĂšre Parque Memorial, dans la ville de Pilar[4].

Il était le pÚre du général Eduardo Rodolfo Cabanillas, antipéroniste notoire, qui fut condamné à la prison à perpétuité pour son implication dans la Guerre sale des années 1970 et 1980.

Liens externes

Notes et références

  1. (es) Felipe Pigna, « Atentado en Caracas », El Historiador (consulté le ).
  2. (es) « MuriĂł quien ocultĂł el cadĂĄver de Evita », ClarĂ­n,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  3. (es) TomĂĄs Eloy MartĂ­nez, « La tumba sin sosiego », La NaciĂłn,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. (es) « FalleciĂł el coronel (R) HĂ©ctor E. Cabanillas », La NaciĂłn,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
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