Accueil🇫🇷Chercher

GĂ©ochimie

La géochimie applique les outils et concepts de la chimie à l'étude de la Terre et plus généralement des planètes. Dans une certaine mesure, des échantillons sont accessibles à l'investigation chimique (notamment par l'étude des météorites) ; sinon, la présence des éléments chimiques est déterminée par des méthodes indirectes, ce qui permet à cette discipline scientifique d'étudier l'abondance relative et absolue de ces éléments, leur distribution et leurs migrations lors de la différenciation planétaire. Ces études permettent in fine de chercher des lois générales du comportement de la matière à l'échelle planétaire, ce qui lie cette discipline à la cosmochimie dans la mesure où elle s'intéresse aux processus de formation planétaires et intraplanétaires. En ce qui concerne la Terre, cette discipline a pour objectif la connaissance des cycles par lesquels la plupart des éléments chimiques sont conduits alternativement en surface et en profondeur au sein de la planète. S'agissant du sédiment, la géochimie étudie les phénomènes chimiques qui se déroulent de l'interface eau-sédiment à la profondeur du sédiment lui-même.

Abondance des éléments dans la croûte terrestre supérieure en fonction de leur numéro atomique (éléments pétrogènes et éléments métallogènes).
Modèles de structure interne des planètes géantes.

Éléments historiques

Le russe Mikhaïl Lomonossov est traditionnellement considéré comme le père de cette discipline scientifique (en), le savant étudiant les gisements de minerais au XVIIIe siècle. Un siècle plus tard, des chimistes et minéralogistes tels que Martin Heinrich Klaproth, Lavoisier, Berthollet ou Fourcroy posent les bases de la chimie minérale qui relève de la géologie et de la géochimie[1].

L'invention du terme de « géochimie » est attribuée au chimiste allemand Christian Schönbein en 1838. Cependant, pendant près d'un siècle, le terme le plus courant pour désigner cette discipline est celui de « géologie chimique » et il y a peu de contact entre les géologues et les chimistes[2].

Le russe Vladimir Vernadsky et ses collègues germano-norvégien Victor Moritz Goldschmidt et américain Frank Wigglesworth Clarke sont considérés comme les fondateurs de la géochimie moderne dans les années 1920[3].

D'abord avec l'extension de la chimie à travers la minéralogie superficielle, la géochimie a acquis un statut de discipline à part entière après la Seconde Guerre mondiale, au moment du développement de la géologie isotopique (géochronologie absolue). Par son approche transdisciplinaire, la géochimie est un bon exemple de fusion entre plusieurs domaines aux objectifs distincts, comme la physique, la biologie, la paléontologie (discipline également multidisciplinaire), etc.[4].

Domaines d'application

D'un point de vue applicatif, les buts de la géochimie sont, entre autres :

  • la dĂ©termination de la composition des diffĂ©rentes enveloppes terrestres, de leur Ă©volution, des hautes couches de l'atmosphère Ă  la graine ;
  • la quantification des transferts de matière et d'Ă©nergie au sein de la Terre ; l'identification et la quantification des interactions entre ses diffĂ©rentes enveloppes ou rĂ©servoirs ;
  • l'identification et la caractĂ©risation des processus chimiques, mĂ©caniques, minĂ©ralogiques ou autres, qui modifient les compositions chimiques des gĂ©omatĂ©riaux, provoquant leur diffĂ©renciation ;
  • la dĂ©termination de l'âge des roches et des Ă©vĂ©nements ayant affectĂ© la Terre, par le biais de la gĂ©ochronologie ;
  • l'Ă©tude des conditions environnementales passĂ©es (palĂ©oenvironnements).

Dans ses ramifications théoriques et appliquées, la géochimie couvre aussi bien des processus endogènes qu'exogènes, sur du matériel organique ou non organique. Ainsi, l'application des méthodes de la géochimie à l'étude des êtres vivants a donné naissance à la biogéochimie. Les deux plus grands domaines restent toutefois la géochronologie, et l'étude des roches « chaudes » (en profondeur) ou « froides » (en surface), sur Terre ou dans les autres systèmes planétaires.

Grands principes

Pour un type de matériau et/ou d'unité géologique considérés, les mesures et études des divers éléments chimiques, et les informations qu'ils peuvent apporter, sont fortement liés à leur abondance relative, ce que l'on appelle la composition chimique du matériau :

  • Les Ă©lĂ©ments plus abondants, qui forment en gĂ©nĂ©ral Ă  quelques-uns les quelque 95 Ă  99 % du matĂ©riau, sont appelĂ©s, dans le contexte spĂ©cifique de l'Ă©tude, Ă©lĂ©ments majeurs. Cette Ă©tude est alors le plus souvent menĂ©e Ă  l'interface avec la minĂ©ralogie, du fait de la tendance de ces Ă©lĂ©ments Ă  s'organiser en phases plus ou moins dĂ©finies, les minĂ©raux.
  • Les Ă©lĂ©ments chimiques moins abondants, de l'ordre du pour-cent et appelĂ©s, toujours contextuellement, Ă©lĂ©ments mineurs, selon les conditions physico-chimiques, forment des phases, sous forme de minĂ©raux accessoires.
  • Enfin le reste des Ă©lĂ©ments chimiques, prĂ©sents en très petites Ă  infimes quantitĂ©s, sont dits en trace ou encore appelĂ©s Ă©lĂ©ments-traces. Leur comportement lors des processus de diffĂ©renciation s'explique le plus souvent via une application de la thĂ©orie thermochimique d'Ă©quilibre en milieux diluĂ©s, en faisant intervenir une notion de partage de ces Ă©lĂ©ments sous l'effet de la loi d'action de masse.
  • Depuis en gros le premier tiers du XXe siècle, le dĂ©veloppement de la spectromĂ©trie de masse a permis l'extension des mesures chimiques aux mesures isotopiques. Cet aspect, pas Ă  proprement parler « chimique », est toutefois totalement sous-entendu et intĂ©grĂ© en gĂ©ochimie, mĂŞme s'il est parfois spĂ©cifiĂ© sous le terme de gĂ©ochimie isotopique en complĂ©ment des gĂ©ochimies Ă©lĂ©mentaires (au sens de gĂ©ochimie des Ă©lĂ©ments chimiques). Sur le plan pratique, on distingue deux types de variations de rapports isotopiques, celles entre isotopes stables, et celles entre isotopes radioactifs ou radiogĂ©niques :

Bien que ces principes théoriques soient souvent emprunts d'une hypothèse d'équilibre thermodynamique, l'importance des métastabilités minérales confrontée aux longues périodes de temps géologiques qui permettent aux processus de diffusion chimique de jouer parfois un rôle dans l'évolution cinétique des matériaux, font de la géochimie un domaine singulier par rapport à la thermochimie traditionnelle.

MĂ©thodes d'analyse

L'analyse des roches, minéraux et autres géomatériaux fait appel à de nombreux types d'analyses physico-chimiques. En voici quelques-unes :

  • la micrographie : prĂ©paration d'une lame mince de roche et observation au microscope optique, notamment Ă  la lumière polarisĂ©e ;
  • l'analyse chimique Ă©lĂ©mentaire : dĂ©terminer la composition en Ă©lĂ©ments d'une roche (concentration massique des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, en gĂ©nĂ©ral traduite sous forme d'oxydes pour les Ă©lĂ©ments majeurs) ; initialement faite avec des rĂ©actions chimiques (dosages) Ă©lĂ©ment par Ă©lĂ©ment, ces analyses sont maintenant faites avec des mĂ©thodes physiques globales donnant la concentration en tous les Ă©lĂ©ments comme la spectromĂ©trie de masse Ă  source plasma ou la spectromĂ©trie de fluorescence X ;
  • l'analyse de phase par diffraction de rayons X : on a accès Ă  la structure cristalline des composants, et l'on peut donc dĂ©terminer la nature des phases, par exemple reconnaĂ®tre les diffĂ©rentes formes de cristallisation de la silice ou bien savoir si le calcium est prĂ©sent sous forme de CaO ou de CaCO3.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Frank Wigglesworth Clarke, The data of geochemistry [Les donnĂ©es de la gĂ©ochimie], bulletins de la United States Geological Survey n°330 (1908), n°491 (1911), n°616 (1916), n°695 (1920), n°770 (1924)
  • Alexandre Fersman, La gĂ©ochimie rĂ©crĂ©ative, Éditions en langues Ă©trangères, , 437 p.
  • Albert Jambon, Alain Thomas, GĂ©ochimie. GĂ©odynamique et cycles, Dunod, , 416 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Notes et références

  1. René Taton, Histoire générale des sciences, Presses universitaires de France, , p. 360
  2. (en) Helge Kragh, « From geochemistry to cosmochemistry: The origin of a scientific discipline, 1915–1955 », dans Carsten Reinhardt, Chemical Sciences in the 20th Century: Bridging Boundaries, John Wiley & Sons, (lire en ligne), p. 160–192
  3. Gennadi Aksenov, Vernadsky. La France et l’Europe, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, (lire en ligne), p. 195
  4. On consultera : Pour une histoire de la géochimie, par René Létolle (1996)
  5. Les controverses ultérieures sur le réchauffement climatique n'enlèvent rien au mérite de gestionnaire de Claude Allègre à cette époque antérieure de sa carrière. Voir à ce sujet : La Mise en place d’un institut national au sein du CNRS, l’INAG par Gérard Darmon.
  6. À l'époque où Claude Allègre était le directeur de l'IPGP, cet organisme était l'un des principaux composants de l'Institut national d'astronomie et de géophysique (INAG), lui-même rattaché au CNRS (l'INAG a existé à partir de 1967 et est devenu l'INSU en 1985).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.