Accueil🇫🇷Chercher

Guilhermina Suggia

Guilhermina Suggia, (Porto, – ) est une violoncelliste portugaise. Elle Ă©tudie Ă  Paris avec Pablo Casals et se forge une rĂ©putation internationale, devenant la première femme virtuose professionnelle de l'instrument. Elle passe de nombreuses annĂ©es au Royaume-Uni, oĂą elle est particulièrement cĂ©lèbre. Elle prend sa retraite en 1939, mais donne des concerts en Grande-Bretagne. Son dernier a lieu en 1949, un an avant sa mort.

Guilhermina Suggia
photo
Guilhermina Suggia.
Nom de naissance Guilhermina Augusta Xavier de Medim Suggia Carteado Mena
Naissance
Porto, Drapeau du Portugal Portugal
DĂ©cès (Ă  65 ans)
Porto, Drapeau du Portugal Portugal
Activité principale Violoncelliste
Années d'activité 1897–1949
Collaborations John Barbirolli, Jelly d'ArányiFanny Davies, Pablo Casals
Maîtres Julius Klengel, Pablo Casals
Distinctions honorifiques Ordre de Sant'Iago de l'Épée (1923 et 1937), Ordre du Christ

Suggia a lĂ©guĂ© une bourse destinĂ©e aux jeunes violoncellistes, notamment accordĂ©e Ă  Rohan de Saram, Jacqueline du PrĂ©, Robert Cohen et Steven Isserlis.

Biographie

Enfance

Suggia naît à Porto dans une famille de descendance italienne et espagnole. Son père, Augusto Jorge de Menim Suggia, est un bon musicien professionnel, enseignant au conservatoire de Lisbonne puis travaillant au Teatro Nacional de São Carlos et enseignant à Porto. C'est lui qui lui apprend la théorie et le violoncelle dès ses cinq ans et elle sait lire ses notes avant de savoir lire ses lettres[1]. À l'époque, le violoncelle n'est pas un instrument approprié pour les jeunes filles en raison de la posture[2]. Malgré tout, ses progrès sont si rapides qu'elle se produit en public dès ses sept ans à Matosinhos (où habite la famille) :

« Habillé de bleu, assise dans une petite chaise, étreignant son violoncelle, elle nous rappelait d'une petite poupée enchanteur. Ses petites mains étaient tendues pour saisir les cordes... Elle sourit et joue avec l'archet comme si elle jouait dans sa chambre avec un jouet. Le mouvement de l'archet était fort et assuré, vraiment admirable pour un âge auquel les doigts manquent de force et d'agilité et que seule l'étude et la pratique peut apporter avec le temps. Son jeu était si étonnant que les dames et les messieurs se levèrent pour lui remonter le moral, la couvrant de baisers qu'elle recevait en souriant. »

— Journal de Noticias, Porto, 1892.

Ă€ l'âge de 13 ans, elle est nommĂ©e violoncelle solo de l'orchestre local, l’OrphĂ©on Portuense[3] - [4] fondĂ© par Bernardo Moreira en 1882, et joue en quatuor Ă  cordes avec Moreira dès 1901. Sa sĹ“ur aĂ®nĂ©e, Virginie, pratique le piano et elles donnent toutes deux des rĂ©citals qui font leur cĂ©lĂ©britĂ© locale.

Études

Dès 1898, son père insiste pour qu'elle prenne ses premières leçons de Pablo Casals, qui enseigne l'Ă©tĂ© au Casino d'Espinho, Ă  une quinzaine de kilomètres au Sud de Porto. Casals a vingt-deux ans et Suggia treize. Augusto et Guilhermina s'y rendent chaque semaine tout l'Ă©tĂ©.

Ă€ quinze ans, en , la cĂ©lĂ©britĂ© des sĹ“urs font qu'elles sont invitĂ©es Ă  jouer au Palais royal. Elle rĂ©pond Ă  une question de la reine AmĂ©lie du Portugal, sur ce que pourrait ĂŞtre le rĂŞve de sa vie : perfectionner ses connaissances musicales Ă  l'Ă©tranger. Quelques mois plus tard, elle se rend sous le patronage d'Amalia, au Conservatoire de Leipzig pour Ă©tudier avec Julius Klengel[5]. Son père l'accompagne et sa sĹ“ur, restĂ©e Ă  Porto, contribue par des leçons de piano au financement de l’entretien du père. Elle en sort diplĂ´mĂ© Ă  l'âge de 18 ans[1], après seize mois d'Ă©tudes, alors que trois annĂ©es Ă©taient prĂ©vues.

En moins d'un an, Suggia est invitĂ©e Ă  se produire en soliste avec l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction d'Arthur Nikisch, lors d'un concert anniversaire de l'orchestre, le (dans le concerto de Volkmann qui a Ă©tĂ© bissĂ© entièrement) et un autre concert de musique de chambre en duo avec Klengel. Une première pour l'orchestre d'accompagner une femme soliste. En mars, elle rentre au Portugal. Elle commence sa carrière internationale par des tournĂ©es et construit sa rĂ©putation : en Suisse, Ă  La Haye, BrĂŞme, Amsterdam, Paris, Mayence, Bayreuth, Prague, Vienne (oĂą elle joue avec Sinigaglia), Karlsbad (oĂą elle rencontre David Popper), Berlin, bien d'autres villes et en Russie, en Roumanie. Dans ce dernier pays, elle est surnommĂ©e « Paganina ! » par le public.

Paris

De 1906 Ă  1912, elle vit et travaille Ă  Paris, Ă  la Villa Molitor, avec le violoncelliste Pablo Casals[4]. Pendant ces annĂ©es, elle frĂ©quente beaucoup d'artistes : les pianistes Harold Bauer, Ferruccio Busoni, Raoul Pugno et Mieczyslaw Horszowski, Pierre Monteux encore altiste, et le violoniste Jacques Thibaud ; les violonistes et compositeurs parmi les plus cĂ©lèbres de l'Ă©poque Fritz Kreisler, Georges Enesco et Eugène YsaĂże, le compositeur Julius Röntgen ; tous frĂ©quentent la Villa. On croyait gĂ©nĂ©ralement Ă  tort, qu'ils Ă©taient mariĂ©s : Suggia Ă©tant parfois prĂ©sentĂ©e comme « Madame P. Casals-Suggia »[4]. Ă€ partir de 1908, le couple passe l'Ă©tĂ© Ă  San Salvador, en Espagne, oĂą Casals a fait bâtir une maison. Ils y reçoivent amis et musiciens tel Enrique Granados.

Le compositeur hongrois Emánuel MoĂłr leur dĂ©die son « Concerto pour deux violoncelles » (jouĂ© en Ă  Paris) et Donald Tovey une sonate Ă  deux violoncelles. Elle et Casals sont classĂ©s comme les « grands violoncellistes du monde »[6]. Après leur sĂ©paration, Suggia conserve son admiration pour Casals, le dĂ©crivant comme le plus important des violoncellistes vivant[7]. Casals a toujours refusĂ© de s'exprimer sur Suggia, rĂ©sumant simplement que c'Ă©tait « l'Ă©pisode le plus cruellement malheureux » de sa vie. Il semble que Suggia ressentait qu'il Ă©tait impossible d'ĂŞtre violoncelliste et femme de violoncelliste et qu'ainsi elle resterait dans l'ombre de Casals. Elle a prĂ©cipitĂ© leur rupture pour son indĂ©pendance tant Ă©motionnelle que professionnelle[1]. Les deux musiciens ne rejouent jamais ensemble.

Londres

Suggia dĂ©cide de s'installer Ă  Londres. En 1914, elle crĂ©e brièvement un trio fĂ©minin, avec la violoniste Jelly d'Arányi et la pianiste Fanny Davies[4] et joue avec l'altiste Rebecca Clarke. Elle s'y crĂ©e une cĂ©lĂ©britĂ© en quelques annĂ©es dès l'après-guerre. En 1919, elle se fiance Ă  un aristocrate, Edward Hudson, qui lui offre un instrument, le Stradivarius de 1717. L'union ne se fera jamais, mais elle garde le violoncelle.

Pendant la pĂ©riode de son sĂ©jour en Grande-Bretagne, dans les annĂ©es 1920 et 1930[5], elle visite frĂ©quemment le château de Lindisfarne dans le nord de l'Angleterre, oĂą aujourd'hui est exposĂ© un violoncelle dans la salle de musique en commĂ©moration des moments qu'elle y a passĂ©[8]. Son violoncelle « Montagnana » de 1700, se trouve au Conservatoire de musique de Porto au Portugal.

Son répertoire est d'abord composé de concertos classiques, de Joseph Haydn, Dvorak, Saint-Saëns et Schumann ainsi que les suites de Bach. Puis dans les années 1930, elle élargit son répertoire en pièces par Edward Elgar, Rachmaninoff, Mendelssohn et César Franck. En 1947, elle a joué pour la première fois la Sonate pour violoncelle de Debussy.

Retraite et nouvelle carrière

En 1927, Suggia Ă©pouse Jose Mena (–), un mĂ©decin spĂ©cialiste des rayons X, mais sans descendance. Lors de la Seconde Guerre mondiale, Suggia et son mari retournent au Portugal, oĂą elle vit sa retraite[5]. Après guerre, elle donne des concerts de charitĂ© Ă  Londres, notamment avec le Concerto pour violoncelle d'Elgar[6] et se produit en 1949 une dernière fois en Angleterre avant sa mort au Festival d'Édinbourgh, ainsi qu'Ă  Bournemouth[6]. Son dernier concert portugais est donnĂ© le . Bien qu'invitĂ©e aux États-Unis, elle a toujours refusĂ© en raison des dommages possibles pour son instrument. Son dĂ©cès a rendu impossible une tournĂ©e prĂ©vue en 1950.

Suggia est décédée à Porto d'un cancer jugé inopérable, à l'âge de 65 ans, un an après son mari[5], vingt-trois ans avant son aîné de neuf, Pablo Casals.

Postérité

statue
Statue de Guilhermina Suggia à Porto par le sculpteur Irene Vilar. Inaugurée en 1989.

Suggia a lĂ©guĂ© son Stradivarius Â« Bonamy Dobree, Suggia » de 1717 Ă  la Royal Academy of Music de London, pour ĂŞtre vendu et financer une bourse d'Ă©tudes pour les jeunes violoncellistes[5]. Le don Suggia Ă©tabli en 1955, est depuis 1995 gĂ©rĂ© par le Musicians' Benevolent Fund. Il a Ă©tĂ© gagnĂ© par des violoncellistes, notamment : Rohan de Saram (1955), Jacqueline du PrĂ© (1956–1961)[9], Robert Cohen (1967–1971), HafliĂ°i HallgrĂ­msson, Steven Isserlis, Raphael Wallfisch et Julian Lloyd Webber. En 2010 il est annoncĂ© que le don Suggia Gift est conduit en association avec le festival international Guilhermina Suggia 2011, qui se tient dans sa ville natale[10].

La plus fameuse reprĂ©sentation de Suggia est son portrait du peintre gallois Augustus John, dont la fille, Amaryllis Fleming est plus tard devenu elle-mĂŞme une violoncelliste connue. Ce tableau, commencĂ© en 1920 n'est achevĂ© qu'en 1923. Lors de poses le peintre a suggĂ©rĂ© Ă  la musicienne de jouer Bach. Il a Ă©tĂ© montrĂ© au Carnegie Institute de Pittsburgh en 1924, achetĂ© par un amĂ©ricain, mais ensuite il retourne en Angleterre et se trouve Ă  la Tate Gallery. La toile mesure 186 Ă— 165 cm. The Manchester Guardian a Ă©crit Ă  son propos qu'il « servira Ă  rappeler aux gĂ©nĂ©rations futures qu'un musicien a Ă©galĂ© la noblesse de son art avec sa prĂ©sence sur l'estrade du concert[3] Â». Des photographies de Suggia par Alvin Langdon Coburn sont en possession des archives photographiques de la George Eastman House[11] et un portrait photographique de Bertram Park est au National Portrait Gallery de Londres[12].

Hommages

Elle a reçu l'Ordre de Sant'Iago de l'Épée (Dame en 1923 et commandeur en 1937) très rarement donné aux femmes et Dame de l'Ordre du Christ

Le grand auditorium de la Casa da MĂşsica Ă  Porto est nommĂ© salle Suggia en son honneur[13].

TAP Portugal, compagnie nationale d'aviation, a baptisé un de ses avions, un Airbus A319, de son nom.

Discographie

Suggia qui n'avait que peu d’intĂ©rĂŞt pour le disque, n’a effectuĂ© qu'un petit nombre d'enregistrements 78 tours. Parmi ceux-ci, le Concerto en rĂ© majeur de Haydn avec John Barbirolli et le premier Concerto en la mineur de Saint-SaĂ«ns avec Lawrence Collingwood[4]. Enregistrements republiĂ©s en disque compact dès 1989[14].

Bibliographie

  • (en) Anita Mercier, Guilhermina Suggia : Cellist, Aldershot, Ashgate, , 169 p. (ISBN 978-0-7546-6169-6, OCLC 181424059, lire en ligne)
  • (en)/(pt) Fátima Pombo, Guilhermina Suggia ou o violoncello luxuriante. Or the Luxuriant Violoncello, Fundação Eng. AntĂłnio de Almeida, Porto (1993). (ISBN 972-9194-54-8)
  • (en) Robert Baldock, Pablo Casals, Boston, Northeastern University Press, , 334 p. (ISBN 1-55553-176-8, OCLC 27814322)
  • (en) Mario Claudio, Guihermina, La DiffĂ©rence, Paris 1995 (ISBN 978-2-7291-0300-2)
  • Henri Gourdin, La Suggia : l'autre violoncelliste, Paris, Éditions de Paris, , 256 p. (ISBN 978-2-84621-210-6, OCLC 905836044)
  • (en) Robert Anderson, The New Grove Dictionary of Music and Musicians (Ă©ditĂ© par Stanley Sadie) : Suggia, Guilhermina, Londres, Macmillan, seconde Ă©dition, 29 vols. 2001, 25000 p. (ISBN 978-0-19-517067-2, lire en ligne)

Notes et références

  1. (en) Guilhermina Suggia, article d'Anita Mercier, Professeur de la Juilliard School sur cello.org
  2. Jusqu'en 1930, l'orchestre de la BBC refusait l’embauche des femmes à ce pupitre, toujours considéré comme inapproprié.
  3. NĂ©crologie, The Manchester Guardian, 1 August 1950, p. 5
  4. Grove 2001
  5. NĂ©crologie, The Musical Times, September 1950, p. 362
  6. NĂ©crologie, The Times, 1 August 1950, p. 6
  7. Suggia, Guilhermina, "The Violoncello", Music & Letters", April 1920, p. 107
  8. "Guilhermina Suggia", Musicians' Benevolent Fund, accessed 27 January 2011
  9. Carol Easton, Jacqueline du Pré : A Biography, Cambridge, Da Capo Press, (ISBN 0-306-80976-1), p. 50
  10. "Guilhermina Suggia Gift", Musicians' Benevolent Fund, accessed 27 January 2011
  11. George Eastman House Fotoarchiv
  12. National Portrait Gallery
  13. Casa da Musica Room by Room
  14. Alan Sanders, "Cello Recital", Gramophone, February 1989, p. 96

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.