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Guerre du Dniestr

La guerre du Dniestr, aussi appelée guerre de Transnistrie ou guerre civile de Moldavie[5], est un conflit post-soviétique ayant opposé en 1992 l'armée transnistrienne (soutenue par la Russie) aux forces armées moldaves sur les berges du fleuve Dniestr, aux abords des villes de Bender/Tighina et Dubăsari.

Guerre du Dniestr
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de la région.
Informations générales
Date 2 mars – 21 juillet 1992
(4 mois et 19 jours)
Lieu barrage de Dubăsari et alentours de Bender/Tighina en Moldavie
Issue statu quo ante bellum : la Transnistrie reste de facto un État indépendant, considéré de jure comme une partie de la Moldavie.
Forces en présence
14 000 troupes régulières
9 000 miliciens
plus de 5 000 volontaires
5 000 au total
Pertes
plus de 1 413 tués
(823 Transnistriens, 90 Cosaques[1] ~600 civils plus un nombre inconnu d'autres pertes)
ou 1 544 pertes
(364 combattants tués et 624 blessés[2], environ 600 civils)
1 859-1 904 pertes
279[3] à 324[4] combattants tués (dont 90 policiers, 109 militaires et 125 civils)
1 180 combattants blessés
(dont 579 policiers, 560 militaires et 41 civils).

La Transnistrie fait partie, avec la Crimée, les régions séparatistes géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie ainsi que la Nouvelle-Russie (projet d'État censé regrouper les deux républiques sécessionnistes ukrainiennes auto-proclamées de Donetsk et Lougansk dans le Donbass) du « glacis géostratégique russe » qui permettrait à Moscou de contrôler économiquement, politiquement et militairement une zone d'influence qu'il qualifie d'exclusive et qui correspond dans les faits à un projet néo-impérialiste russe. C'est dans ce contexte qu'eut lieu cette guerre.

Le conflit se solde par un cessez-le-feu et la Transnistrie maintient son indépendance de facto.

Contexte historique

La Moldavie est une ancienne république unionale soviétique (republică unională, союзная республика) formée d'une grande partie de la Bessarabie, prise à la Roumanie en 1940 et majoritairement peuplée de roumanophones, et d'une petite partie majoritairement peuplée de russophones : la Transnistrie. Lors de la dislocation de l'URSS, les russophones, craignant de n'être plus qu'une minorité privée de tout privilège en cas de rattachement à la Roumanie, comme cela se produisit dans les pays baltes lors de leur détachement de l'URSS, autoproclament l'indépendance de la « république moldave du Dniestr » dite Transnistrie en 1990. Le gouvernement moldave présidé par Mircea Snegur, ancien agronome et directeur de kolkhoze, leur propose un statut d'autonomie territoriale, mais Igor Smirnov, dirigeant de la république moldave du Dniestr, ancien machiniste à l'usine Elektromach et apparatchik du PCUS, déclare souhaiter que « la RMN demeure partie intégrante de l'Union soviétique » et, après la dislocation de celle-ci, que « la RMN devienne un oblast de la fédération de Russie, comme l'oblast de Kaliningrad »[6]. Rétrospectivement, la guerre du Dniestr apparaît comme une « répétition générale » ou un « modèle » pour la guerre du Donbass en Ukraine[7].

Déroulement du conflit

Troupes transnistriennes sur un pont entre Tiraspol et Bender/Tighina.

L'enjeu de cette guerre entre la Moldavie et la Transnistrie, toutes deux peuplées de roumanophones et de russophones mélangés, était le contrôle des industries de Bender/Tighina et Tiraspol, de la voie ferrée y passant (reliant la capitale moldave Chișinău aux ports d'Odessa et de Reni), de l'arsenal de Cobasna (près de Rîbnița) et de la centrale hydroélectrique de Dubăsari (sur le Dniestr). Les négociations échouent et en mars 1992 les forces moldaves récemment constituées tentent d'expulser la 14e armée russe ex-soviétique commandée par Alexandre Lebed du barrage de Dubăsari et de Bender/Tighina (ville qui n'appartenait pas à la Transnistrie, mais est contrôlée par les russes). La plupart des affrontements sont des escarmouches alternant avec des rounds de négociations. L'échec de celles-ci et l'arrestation du major de la 14e armée russe Yermakov par la police moldave débouchent, le , sur un conflit à plus grande échelle, les troupes russes de la rive gauche du Dniestr ouvrant le feu sur la rive droite moldave. L'armée moldave reçoit alors l'ordre de « rétablir la légalité républicaine » dans Bender/Tighina et des échanges de tirs opposent les deux camps, causant des pertes civiles. Des chars russes de la 14e armée sont détruits dans le centre-ville de Bender/Tighina : ces nouvelles parviennent à Moscou où le vice-président russe Routskoï, dans un discours télévisé, appelle les forces russes de Moldavie à « défendre Bender ». Avec l'appui des chars russes, les volontaires de la Garde républicaine de Transnistrie et les cosaques du Don se mobilisent et transforment la ville en camp retranché, creusant des tranchées et posant des blocs anti-chars tout autour.

Cessez-le-feu et mission de maintien de la paix

L'échec des forces moldaves donne à la Russie le contrôle des industries de Bender/Tighina et de Tiraspol, de la voie ferrée reliant Chișinău aux ports ukrainiens, de l'arsenal de Cobasna et de la centrale électrique de Dubăsari, plaçant la Moldavie en situation de dépendance vis-à-vis de Moscou. Un accord de cessez-le-feu est donc signé le par les présidents de Russie (Boris Eltsine) et de Moldavie (Mircea Snegur). Il prévoit la constitution d'une « force de maintien de la paix » chargée de veiller au respect du cessez-le-feu, composée de cinq bataillons russes, trois bataillons moldaves et de deux bataillons transnistriens sous les ordres d'une structure de commandement militaire conjoint, la « Commission mixte de contrôle » (CMC). La mission PFK de maintien de la paix de la CEI déploie ses hommes le le long du Dniestr et autour de Bendery. Elle comprend 402 soldats russes et 492 transnistriens, tandis que les Moldaves sont 355, et il y a aussi 10 observateurs militaires ukrainiens[8].

En juillet 1992, la Moldavie signe un accord proposé par la Russie qui accorde une autonomie à la Transnistrie au sein de la Moldavie et la possibilité d'une autodétermination au cas où la Moldavie s'unirait à la Roumanie. La république moldave du Dniestr (RMD) n'est pas reconnue par la communauté internationale ; de jure c'est la région autonome russophone de la Moldavie, nommée « Unité territoriale autonome du Dniestr » (UTAD). Les territoires de facto de la RMD et de jure de l'UTAD ne concordent pas totalement, car la RMD administre des territoires qui ne font pas partie de l'UTAD, comme la ville de Bender/Tighina sur la rive droite du fleuve, et ne contrôle pas tout le territoire de l'UTAD, dont les communes de Cocieri, Molovata Nouă, Corjova, Coșnița, Pârâta et Doroțcaia qui ont préféré se placer sous l'autorité du parlement et du gouvernement de Chișinău.

À l’automne 1992, un accord est signé entre le président de la république de Moldavie Mircea Snegur et le président de la fédération de Russie, Boris Eltsine : la Russie resterait neutre (et cesserait d’appuyer la RMD) si :

  • la république moldave du Dniestr bénéficiait d’un statut politique particulier d'autonomie étendue dans le cadre de la république de Moldavie ;
  • la Moldavie s’engageait à ne plus revendiquer l'identité roumaine de sa majorité autochtone, à ne pas demander son rattachement à la Roumanie ou, dans ce cas, à accorder le droit à l’autodétermination à la RMD.

Mais l'accord n'est pas appliqué, pas même de 2001 à 2009 et depuis 2016 lorsque le gouvernement de la Moldavie redevient officiellement pro-russe sous la présidence des russophones Voronine et Dodon[9]. De fait, la Transnistrie refuse toujours le statut légal d'autonomie et continue à revendiquer un rattachement à la Russie (Igor Smirnov organise pour cela un référendum le , qui donne 97,1 % de voix en faveur du rattachement à la Russie[10]).

Bilan et violations des droits de l'Homme

Mémorial russophone à Bender/Tighina.

Concernant les affrontements du 19-, les médias russes ont accusé les troupes moldaves de s'être livrées à des exécutions sommaires de civils et d'avoir pris pour cible des ambulances[11]. Le , le cessez-le-feu étant en négociation, la journaliste française d'origine moldave Olga Căpățînă filme un tir transnistrien d'artillerie qui anéantit un car de civils (surtout des femmes), trois autres véhicules, une vedette des garde-frontières moldaves et quelques maisons à proximité de la forêt de Hârbovăț/Gerbovetskii : les artilleurs de la 14e armée russe, voyant du mouvement, pensaient tirer sur « d'importantes concentrations de forces moldaves »[12] et les tirs font, selon Olga Căpățînă, 112 morts. Selon les témoignages qu'elle a recueillis, de nombreux civils ont péri, non pour avoir été sciemment mitraillés, mais parce que les combattants tiraient en aveugle sur les positions adverses[13]. Olga Căpățînă affirme que le nombre des victimes de cette guerre s'élève à environ 3 500 morts et autant de blessés, et non 6 000 à 8 000 morts comme l'ont affirmé les médias tant moldaves que russes ; elle note qu'il y a eu dans chaque armée des russophones et des roumanophones mélangés, et qu'à son avis il ne s'agit pas d'un conflit « ethnique » entre Moldaves et Russophones comme cela a été présenté en Occident, mais d'un conflit géopolitique entre la Moldavie et la Russie pour le contrôle des industries et des voies de communication du Dniestr[14].

Notes et références

  1. ВОЗРОЖДЕННОМУ В ПРИДНЕСТРОВЬЕ ЧЕРНОМОРСКОМУ КАЗАЧЬЕМУ ВОЙСКУ – 15 ЛЕТ Olvia Press. Dec 18, 2006. Retrieved 2006, December 18; See also: "В Приднестровье отмечают 15-летие Черноморского казачьего войск,"« Новый Регион – Приднестровье », December 14, 2006.
  2. Dnestrovskaya Pravda, no. 84-85, page 2, November 24, 2001
  3. Monumentul eroilor căzuți în războiul transnistrean, MONUMENT.MD
  4. Accente, Nr. 36, March 14, 2002
  5. Les trois dénominations sont issues de la presse, mais le nom « guerre civile de Moldavie » est dû à des exégètes éloignés du théâtre des opérations, ayant pris ces combats pour un « conflit ethnique » entre Russes et Moldaves/Roumains sur toute l'étendue du territoire.
  6. Zbigniew Brzezinski et Paige Sullivan du Center for Strategic and International Studies, Russia and the Commonwealth of Independent States: Documents, Data, and Analysis, éd. M.E. Sharpe, 1997, (ISBN 1563246376).
  7. Valery Korovine, « La Fin du projet “Ukraine” », Saint-Pétersbourg, Piter, 2014.
  8. « PKF - Force conjointe de maintien de la paix sur la frontière moldavo-transnistrienne »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), ROP,
  9. Depuis l'accord de paix moldo-russo-ukrainien de 1992 consécutif à la guerre du Dniestr, il est prévu le rapatriement des forces russes présentes le long du Dniestr, mais en fait, ce rapatriement n'a jamais eu lieu car, selon Andreï Devyatkov, expert senior au Centre de recherche post-soviétiques de l'Académie des sciences de la fédération de Russie, il est important pour la Russie de maintenir une présence militaire sur le Dniestr, capable d'intervenir rapidement en Moldavie si celle-ci risquait de basculer du côté occidental (U.E. et OTAN) et de prendre à revers l'Ukraine en cas d'extension de la guerre du Donbass vers l'ouest : .
  10. Résultats du référendum du 17 septembre 2006
  11. (en) Large-scale and gross violations of human rights and the situation in the zone of armed conflict in and around the city of Bendery (June-July, 1992), Memorial Human Rights Center.
  12. (ru) Кровавое Лето В Бендерах (записки походного атамана) Часть 13. "Геноцида не допустим". Часть 14. Конец войны., Art Of War, 2 février 2010.
  13. Olga Căpățînă : (ro) et (ru) Книга воинам / Cartea războiului, Association des mères des soldats abattus, Chisinău 2000, (ISBN 9975-9562-0-3).
  14. Olga Căpățînă: Книга воинам / Cartea războiului, Association des mères des soldats abattus, Chișinău 2000, (ISBN 9975-9562-0-3).

Voir aussi

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