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Gouffre de Jardel

Le gouffre de Jardel ou gouffre de Jardelles, puits de Jardelles, trou de Jardelles, est un gouffre français profond de 128 mètres, situĂ©e en rĂ©gion Bourgogne-Franche-ComtĂ©, dans le dĂ©partement du Doubs Ă  proximitĂ© de Pontarlier.

Gouffre de Jardel
Localisation
Coordonnées
46° 55′ 00″ N, 6° 14′ 19″ E
Pays
FRA
Région française|Région
DĂ©partement
Massif
Localité voisine
Caractéristiques
Type
Carte

Il est notamment connu pour avoir servi de dĂ©charge pour des obus datant de la Première Guerre mondiale alors mĂŞme qu'un cours d'eau souterrain le traverse dans sa partie basse. Ce dernier est un affluent souterrain des sources de la Loue, rivière qui alimente en eau potable une partie du dĂ©partement du Doubs. En pĂ©riode de montĂ©e des eaux dans le gouffre, les obus se retrouvent noyĂ©s sous une hauteur d'eau variant de 1 Ă  20 m durant 4 Ă  6 mois (selon le degrĂ© de pluviomĂ©trie et d'engorgement de la nappe karstique).

L'approche de la cavité est interdite (grillage, panneaux) pour des raisons de sécurité, y compris depuis 1978 pour les spéléologues, par arrêté municipal.

GĂ©ographie

Le gouffre de Jardel est situé en France, sur la commune de Chaffois, à quelques kilomètres de Pontarlier dans le département du Doubs en Bourgogne-Franche-Comté.

Il fait partie d'un complexe géologique karstique. La formation du gouffre est due à l'effondrement de la voûte d'une grande salle souterraine, à une période indéterminée.

Faune

Comme d'autres grandes cavités de la région, le gouffre abrite des chiroptères[1] (espèces protégées) et il est concerné par un plan de restauration national (Cf. Grenelle de l'Environnement).

Histoire

Le gouffre Ă©tait probablement connu des populations locales depuis longtemps, car on sait qu'il a servi de « bĂŞtoire », c'est-Ă -dire de charnier pour les animaux morts. Cette pratique Ă©tait autrefois courante dans la rĂ©gion et a Ă©tĂ© pratiquĂ©e jusqu'Ă  la fin du XIXe siècle. Ă€ titre d'exemple, environ 1 500 animaux morts du typhus y ont Ă©tĂ© jetĂ©s lors de la guerre de 1870), parfois mĂŞme avec les encouragements de l'administration puisque le Dr. Larmet (chef du Service Sanitaire DĂ©partemental) a dans un rapport au conseil gĂ©nĂ©ral du Doubs vivement reprochĂ© aux paysans du Doubs d'abattre en secret le bĂ©tail touchĂ© par le bacille du charbon pour en vendre la viande... alors qu'on aurait pu les jeter dans le gouffre de Jardel qui avait dĂ©jĂ  reçu des milliers de cadavres d'autres animaux[2], dont ceux morts du typhus.

Une dizaine de villages pĂ©riphĂ©riques ont utilisĂ© le « Trou de Jardelles » comme charnier. En 1901, les premières explorations ont lieu dont font partie Mansion et MarĂ©chal[3], la mĂŞme annĂ©e que celle oĂą Mansion a effectuĂ© (en ) de premières reconnaissances dans le gouffre du Gros-Gadeau, avec le Docteur Meynier[4]. On y trouve de quoi remplir plusieurs wagons de restes de cadavres animaux[5]. Lors de ces explorations, il est dĂ©montrĂ© en colorant l'eau qui circule au fond du gouffre que celle-ci rĂ©apparait en 24 heures environ aux sources de la Loue. Pire, une partie de l'eau est au passage prĂ©levĂ©e et arrive directement aux robinets des maisons du village d'Ouhans.

Il faudra attendre 1904 pour que l'administration, conseillée par le Dr. Larmet, change d'avis et interdise ces pratiques de charniers[6], mais cela n'empêchera pas l'armée, une vingtaine d'années plus tard, de l'utiliser comme décharge pour des munitions.

DĂ©charge militaire

Le scientifique Charles Domergue au gouffre Jardel en 1935.

En 1923, le gouffre a Ă©tĂ© utilisĂ© comme dĂ©charge pour plus de 3 000 tonnes de munitions (soit au minimum 515 m3, soit une Ă©paisseur de 3,30 m dont au moins 300 tonnes de mĂ©linite). Ces obus correspondent Ă  des stocks non utilisĂ©s ou non explosĂ©s durant la Première Guerre mondiale. L'administration n'aurait redĂ©couvert l'existence du site qu’en 1972.

En 1976, la CPEPESC a dénoncé, puis périodiquement a de nouveau soulevé la question du problème de Jardel. En 1980, elle montre le problème à travers la réalisation du film Il était autrefois des sources d’eau pure projeté lors du premier colloque sur les eaux souterraines des régions calcaires en 1981[7].

Une voiture entière a été aussi jetée dans ce gouffre (filmée).

Des obus ont également été trouvés dans les gouffres de la Gribouillette à La Châtelaine (39) et du Gros-Bois à L'Hôpital du Gros-Bois (25), remis à la gendarmerie[8].

Il a été dit que certains obus pouvaient être chargés d'ypérite (produit qui reste quasiment intact et actif tant que l'obus ne fuit pas ou n'explose pas) mais sans preuve ni confirmation des autorités[9], néanmoins l'explosif contenu dans la tête des obus est, au moins en grande partie, de l'acide picrique (ou acide carbo-azotique ; 2,4,6-trinitrophénol autrefois appelé mélinite par les fabricants d'armes) qui peut dans certaines conditions (production de picrates) devenir instable avec le temps et qui est toxique, ce qui inquiète une partie des riverains ou acteurs locaux. Ici la température très basse et l'immersion périodique limitent la formation de picrates.

Le dépôt a été inspecté par la protection civile et le spéléo-club du CAF de Pontarlier le .

Il est confirmé en 2009 que ces munitions ne sont pas des munitions endommagées ou non explosées provenant du front, mais qu'elles proviendraient toutes de stocks d'artillerie du début du XXe siècle.

De même, il apparaît que « les eaux souterraines passant par le gouffre de Jardel ne réapparaissent pas à la source de la Loue, mais à une source aval secondaire, par conséquent, le suivi d’éventuelle pollution est à revoir »[10].

Une expertise a eu lieu in situ les 15,16 et (avec le service de dĂ©minage de Colmar, le comitĂ© dĂ©partemental de spĂ©lĂ©ologie du Doubs, un hydrogĂ©ologue, avec le soutien de l'Agence rĂ©gionale de santĂ© (ARS) et la direction de la SĂ©curitĂ© civile), en partie filmĂ©e pour la tĂ©lĂ©vision[11]. 17 modèles d'obus (de 9 calibres diffĂ©rents allant de 65 Ă  220 mm[12]) ont Ă©tĂ© recensĂ©s dans le gouffre en 2010 (75 Ă  240 mm) qui selon les donnĂ©es disponibles en 2011 sont tous de type « conventionnels » (non chimiques)[13]. Les images faites en 2010 montrent des obus de calibres 75, 90, 120, 155 et 210 mm dont l'amorce a Ă©tĂ© retirĂ©e[11]. Selon l'expertise prĂ©sentĂ©e en 2011, tous les obus observĂ©s Ă©taient de nationalitĂ© française et tous sans système d’amorçage (dĂ©tonateur)[12].

Cette investigation a Ă©tĂ© associĂ©e Ă  une reconnaissance en plongĂ©e de la rivière souterraine sur une distance d'environ 150 mètres avec franchissement de cinq siphons peu profonds (dĂ©jĂ  visitĂ©s partiellement en 1982) et l'exploration d'une 6eme siphon jusqu'Ă  26 m de profondeur. Ces conduits immergĂ©s prĂ©sentent des Ă©troitures ponctuelles, freins Ă  l'Ă©coulement actif Ă  l'origine d'une importante mise en charge de la base du puits en hautes eaux. Les obus ne sont rencontrĂ©s que dans le premier siphon mais des objets hĂ©tĂ©roclites entraĂ®nĂ©s par le flux sont dĂ©couverts dans le reste de la galerie aval (bidons mĂ©talliques, pneus, nombreux ossements...)

Selon Christian Decharrière (préfet de Franche-Comté) lors d'une conférence de presse faite en sous-préfecture de Pontarlier (), les auteurs du rapport technique faisant suite aux investigations d’ excluent toute pollution en provenance de la cavité naturelle[13].

Selon l'ARS, cinq prélèvements ont été faits et analysés dont trois concernaient directement le gouffre : respectivement en amont de la zone de stockage, en aval de cette même zone et enfin sur la source principale de la Loue (résurgence du gouffre de Jardel, non loin d'un captage qui alimente les communes de Ouhans et ) ; les résultats n'ont pas montré d'acide picrique au-dessus du seuil de détection analytique du laboratoire, faisant conclure à l'ARS qu'il n'y a pas à ce jour de libération d’acide picrique dans la Loue à partir du gouffre de Jardel. Les analyses de deux munitions ont confirmé qu'elles contenaient de l'acide picrique, et une petite quantité de paraffine et de dinitronaphtalène (explosif très stable face aux chocs et contraintes mécaniques, fondant à 140 °C, difficile à amorcer et couramment utilisé au début du XXe siècle comme « flegmatisant actif » en mélange avec la mélinite). Il n'est pas considéré comme plus toxique que les autres dérivés nitrés aromatiques, et est peu soluble dans l'eau froide[12].

Le volume exact d'obus n'a pas pu ĂŞtre Ă©valuĂ© car « la surface du fond du gouffre n’est pas clairement Ă©tablie, des Ă©boulis Ă©tant prĂ©sents en grande quantitĂ©. Ils semblent provenir tant d’avant que d’après le dĂ©versement des munitions en 1923 »[12]. De nouvelles Ă©valuations du tonnage de munitions en place Ă©taient annoncĂ©es pour (programmation d'une visite de 9 jours la seconde quinzaine du mois septembre) [13].

Risques

Le gouffre est fermé au public et aux spécialistes, en raison du risque lié à la présence de munitions anciennes.

Un gouffre voisin dans lequel des déchets avaient été jetés a brûlé.

Un film relatif au gouffre a été fait, intitulé Il était autrefois des sources d’eau pure et projeté à l'occasion du premier colloque sur les eaux souterraines des régions calcaires en 1981[7].

Selon le CPEPESC, la nappe du karst peut en pĂ©riode de forte pluie (mĂŞme en Ă©tĂ©) remonter (au moins jusqu'Ă  40 m) dans le gouffre et donc inonder le dĂ©pĂ´t de munitions, comme elle a autrefois immergĂ© des milliers de charognes animales jetĂ©es lĂ .

Notes et références

  1. [PDF] Document SFEPM
  2. J. Pinard, Le Conseil Général du Doubs et le Monde Agricole 1870-1914, p. 168 à 179.
  3. (de) Document allemand sur le site de Franz Lindenmayr consacré à la spéléologie et aux grottes.
  4. [PDF] Document relatif à la spéléologie.
  5. E. Fournier, spel, mem n° 29, 1901-1902, p. 22 et 23
  6. [PDF] Note sur les gouffre charniers.
  7. « Il était autrefois des sources d'eau pure - YouTube », sur www.youtube.com (consulté le ), passage de une minute, situé à 10 minutes et 55 secondes du début.
  8. François Devaux - CPEPESC - Commission de Protection des Eaux, « Campagnes de dépollution des gouffres charniers dépotoirs franc-comtois (1984 - 1993) », Dans pdf www.cpepesc.org/IMG/pdf/campagne_charniers.pdf, p.20/23, sur cpepesc.org, (consulté le ).
  9. « 1 novembre : Le « Trou de mémoire » du gouffre de Jardel (ou Jardelle) », sur cpepesc.org, (consulté le ).
  10. « Articles de Presse - Gouffre de Jardel », sur speleo-doubs.com, Comité Départemental de Spéléologie du Doubs (CDS 25) (consulté le ).
  11. TF1 Presque cent ans après, les obus de 14-18 sont toujours là (vidéo, 2 min 15 s ; 11 nov. 2010 à 12h10.
  12. CPEPESC - Commission de Protection des Eaux, « Gouffre de JARDEL : A la recherche de la vérité au fond du gouffre poubelle militaire de Chaffois (25) », sur cpepesc.org, (consulté le ).
  13. « Ecologie Prélèvements dans la cavité où des tonnes d’obus de la Première Guerre mondiale ont été jetées en 1923. : Gouffre de Jardel : pas de pollution », sur www.estrepublicain.fr (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Rollier L. (1903), Le plissement de la ChaĂ®ne du Jura In Annales de GĂ©ographie (p. 403-410), nov 1903, Armand Colin.
  • Chauve P, Mudry J, Rosenthal P, Tissot G & Tresse P (1986), « RĂ´le des abaissements d'axe dans les circulations karstiques du Jura », Bulletin de la SociĂ©tĂ© GĂ©ologique de France, 2(2),
  • Humbert, D (2013), « Cent ans après 14-18 ; Les obus de la pollution » ; article de la revue Science & Vie,

Presse

Liens externes

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