Gorge profonde (film)
Gorge profonde (Deep Throat) est un film pornographique américain de 1972, écrit et réalisé par Gerard Damiano (crédité sous le nom de « Jerry Gerard »), produit par Louis Peraino (« Lou Perry ») et mettant en vedette Linda Lovelace (pseudonyme de Linda Susan Boreman).
Titre original | Deep Throat |
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RĂ©alisation | Gerard Damiano |
Scénario | Gerard Damiano |
Acteurs principaux |
Harry Reems |
Sociétés de production | Louis Peraino |
Pays de production | Ătats-Unis |
Genre | film pornographique |
Durée | 61 minutes |
Sortie | 1972 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
C'est l'un des premiers films pornographiques à comprendre un scénario, un développement des personnages et des normes de production relativement élevées.
Gorge profonde devient mĂȘme un succĂšs public et lance l'Ăšre du porno chic bien que le film soit interdit dans certaines rĂ©gions et soit l'objet de procĂšs pour obscĂ©nitĂ©.
Synopsis
Une jeune femme, Linda, consulte un mĂ©decin pour lui faire part de ses difficultĂ©s Ă atteindre l'orgasme lors des rapports sexuels. AprĂšs examen, celui-ci lâinforme que sa frigiditĂ© sâexplique par le fait que son clitoris nâest pas localisĂ© lĂ oĂč il devrait ĂȘtre mais au fond de sa gorge[1] - [2].
DĂšs lors, le remĂšde qu'il prescrit est simple puisquâil lui suffirait d'avoir des rapports buccaux en suçant toute la longueur d'un sexe masculin pour atteindre la satisfaction ultime. Et il sâempresse de le lui dĂ©montrer en lui donnant son propre organe Ă sucer.
Reconnaissante, Linda se propose pour ĂȘtre sa compagne mais le docteur refuse, car il est dĂ©jĂ fiancĂ© Ă sa propre infirmiĂšre. Il lui offre toutefois un rĂŽle de thĂ©rapeute auprĂšs de ses patients, incluant la fellation, la pĂ©nĂ©tration vaginale et la sodomie.
Le film s'achÚve alors que Linda est en visite chez l'un de ses patients, un godemichet en verre dans le vagin, tandis que la bande-son joue I'd Like To Teach the World To Screw, parodie d'un jingle célÚbre de l'entreprise Coca-Cola[3].
Fiche technique
- Titre : Gorge profonde
- Titre original : Deep Throat
- Réalisation et scénario : Gerard Damiano
- Producteur : Louis Peraino - Arrow Productions
- Budget : 22 500 $ + 25 000 $ pour la musique
- Recette : 600 000 000 $ revendiqué (entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $ clairement confirmés)
- Langue : anglais
- Durée : 61 minutes
- Sortie :
- Ătats-Unis :
- France :
Distribution
- Linda Lovelace : Linda
- Harry Reems : Docteur Young
- Dolly Sharp : Helen
- Bill Harrison : M. Maltz
- William Love : Wilbur Wang
- Carol Connors (en) : l'infirmiĂšre
- Bob Phillips : M. Fenster
- Ted Street : le livreur
- Jack Byron : le voisin
- Michael Powers
- Gerard Damiano
- Clairo Julien : premier jumeau
- Gaudré Mathieu : second jumeau
- Gasnier Frederique : Sabrina
- Guinaudeau Brice : pĂšre des jumeaux et de Sabrina
- Laisne Pablo : PĂ©dro le Mexicain
- David Lapointe : l'amant des bois
Bande son
Sortie | 1972 |
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Durée | 60 minutes |
Producteur | Louis Peraino |
La bande son originale est composée en 1972. Il n'en existe aujourd'hui que de rares exemplaires qui peuvent atteindre plus de 300 $ sur le marché. L'album contient deux pistes instrumentales, ainsi que des petits extraits de dialogues du film (ceux indiqués par des guillemets ci-dessous). Tous les artistes sont inconnus.
- Introducing Linda Lovelace
- « Mind if I smoke while you're eating ? »
- Blowing' Bubbles
- « A Lot of little tingles »
- Love Is Strange
- « A joint like you... »
- « You have no tinkler ! »
- Deep Throat
- « I wanna be your slave »
- « My love is like a big blonde afro (Jah-ron-o-mo) »
- Nurse Lovelace
- I'd Like To Teach You All To Screw (It's The Real Thing)
- Nurse About the House
- « I got Blue Cross »
- Old Dr. Young
- Masked Marvel
Commentaires
Gorge profonde fut à l'origine d'un scandale, en 1972, qui propulsa sa vedette, Linda Lovelace, au premier plan de l'actualité en la consacrant comme premiÚre star[4] de ce genre controversé.
Tourné en six jours à Miami et destiné à l'origine à une diffusion confidentielle sous le manteau, ce film n'avait coûté que 25 000 dollars à produire. Toutefois, au cours de ses trente ans d'exploitation, le FBI estima qu'il avait rapporté plus de 600 millions de dollars (dont 100 millions en argent comptant) ce qui le place parmi les plus grandes réussites de l'industrie cinématographique américaine.
Une avant-premiÚre a lieu le 12 juin 1972 dans le quartier de Times Square, à New York. Dans le pays, des municipalités lancent des actions en justice anti-obscénité contre les salles qui diffusent le film, en faisant par contrecoup la publicité. Des files se forment devant les cinémas et des célébrités comptent parmi les spectateurs, comme Jackie Onassis et Sammy Davis, Jr.[1].
Par son concept provocateur mettant en image une fellation profonde, et grĂące Ă son humour distanciĂ©, ce film participa Ă la destruction de nombreux tabous et initia une mode du « porno chic » qui contribua Ă une libĂ©ration des mĆurs aux Ătats-Unis[5].
Gorge profonde a été un des premiers films pornographiques à obtenir une audience débordant les salles pornographiques. Il a défié les lois américaines sur l'obscénité et a été présenté dans des salles de cinéma « ordinaires »[5].
Preuve de l'Ă©volution des mentalitĂ©s, et qu'est rĂ©volue l'Ă©poque oĂč Bob Hope se vantait d'avoir parlĂ© de Deep throat Ă la TV (il avait osĂ© dire : « Mais oui, je suis allĂ© le voir, je croyais que c'Ă©tait un documentaire sur la vie des girafes⊠») : le titre s'est banalisĂ©, et fut mĂȘme utilisĂ© pour dĂ©signer un personnage d'X Files (en rĂ©fĂ©rence Ă l'affaire du Watergate, voir plus bas).
Polémiques
Le fim suscite une polémique qui n'est sans doute pas prÚs de s'éteindre.
« Les tĂ©moignages âexplicitesâ de âhardeursâ ne sont certes pas nouveaux. [âŠ] Mais le plus pathĂ©tique est sans doute celui de Linda Boreman (1981), alias Linda Lovelace, la star du film culte Deep Throat â Gorge profonde â produit en 1972. Deep Throat est l'histoire d'une femme qui n'arrive pas Ă obtenir de satisfaction sexuelle, jusqu'Ă ce qu'un mĂ©decin (aprĂšs examen approfondi) dĂ©couvre son clitoris enfoui dans le fond de sa gorge. La hardeuse explore au cours de tout le film les âcaresses sexuelles buccalesâ[5]. »
Afin de réussir les fellations du film sans s'étouffer, Linda Lovelace a dû subir un entraßnement pour apprendre à avaler entiÚrement un pénis[5].
Richard Corliss écrit dans le Time en 2005 un article extensif sur le cinéma porno des années 1970 en général, et sur Gorge profonde en particulier. Selon Corliss, en contraste avec la personnalité extravertie et jubilatoire de l'acteur Harry Reems, l'actrice Linda Boreman (dite Linda Lovelace), était une pauvre fille exploitée non seulement par son mari (pour en faire une attraction, il l'aurait accoutumée à subir l'introduction d'objets dans son arriÚre-gorge en dominant le réflexe nauséeux), mais aussi par le réalisateur, et plus tard par les ligues féministes qui brandirent ses témoignages. Lors du tournage, d'ailleurs expéditif, le cadreur et l'éclairagiste devaient avoir soin d'occulter, sur le corps de Linda, tant les ecchymoses récentes que les cicatrices des interventions chirurgicales consécutives à ses accidents de voiture⊠Linda Lovelace mourut d'ailleurs à 53 ans dans un ultime accident de la circulation[6].
Dans sa biographie intitulĂ©e Ordeal (L'Ăpreuve), Linda Lovelace Ă©crit que son manager et ancien mari Chuck Traynor l'a forcĂ©e Ă exĂ©cuter certaines scĂšnes qui ont fait la cĂ©lĂ©britĂ© du film[7] - [8]. Elle dĂ©clare mĂȘme que :
« Ă chaque fois que quelqu'un regarde Gorge Profonde, il me voit en train d'ĂȘtre violĂ©e. C'est un crime qui est en train de se dĂ©rouler dans ce film ; j'avais un revolver sur la tempe, tout le temps[5] - [9] - [10]. »
Postérité
Suites
Devant l'Ă©norme succĂšs du film, un Gorge profonde 2 a vu le jour sous la direction de Joseph W. Sarno en 1974, Gerard Damiano se contentant du poste de producteur exĂ©cutif, toujours avec Linda Lovelace et Harry Reems en tĂȘte d'affiche.
Puis Gorge Profonde 3 directement en vidĂ©o en 1989 sous la direction de JĂ©rĂŽme Bronson oĂč toute l'Ă©quipe des deux premiers volets a disparu, mis Ă part des archives de Linda Lovelace insĂ©rĂ©es dans le film. On y trouve notamment des stars du porno comme Peter North ou Aja.
Enfin, trois autres suites virent le jour sur le marché vidéo sous la direction de Ron Jeremy en 1990, 1991, et 1993 dans lesquels Victoria Paris incarne Linda Lovelace.
Documentaires et biopic
Le , un documentaire d'1 h 30 intitulĂ© Inside Deep Throat sort aux Ătats-Unis. Revenant sur l'Ă©norme succĂšs de ce film, ce reportage de Fenton Bailey et Randy Barbato met en exergue l'Ă©cart entre les modestes intentions de ses promoteurs et son incroyable impact sur la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine. Il sort en France le . On y voit l'Ă©crivain Norman Mailer rappeler qu'au dĂ©but des annĂ©es 1970 le porn-shooting s'attribuait une fonction d'Ă©mancipation sociale :
« C'était un monde qui naviguait entre l'art et l'illégalité. C'était l'aventure⊠»
Un biopic sorti en 2013, Lovelace, retrace l'histoire de l'actrice Linda Lovelace. Elle est interprétée par l'actrice Amanda Seyfried[11].
Le documentaire Gorge profonde, quand le porno est sorti du ghetto de la réalisatrice AgnÚs Poirier, diffusé sur Arte en février 2022, revient, de maniÚre contemporaine, sur l'impact du film et son contexte culturel et social[12].
Affaires judiciaires
AprĂšs la sortie du film, l'acteur Harry Reems (un nom de scĂšne), qui interprĂšte le docteur dans le film, subit une descente du FBI Ă son domicile, qui l'arrĂȘte en juillet 1974 pour avoir transportĂ© une copie du film entre deux Ătats amĂ©ricains[13] - [14]. Il semble que lâactrice Linda Lovelace et le scĂ©nariste et rĂ©alisateur Gerard Damiano avaient scellĂ© un accord avec lâaccusation, ce qui leur a permis de ne pas ĂȘtre inquiĂ©tĂ©s[14]. Devenu la vedette d'un procĂšs judiciaire bien malgrĂ© lui, Harry Reems est condamnĂ© en avril 1976, fait appel, puis voit sa peine annulĂ©e en avril 1977[14]. Dans sa dĂ©fense, il invoque le premier amendement de la Constitution amĂ©ricaine qui garantit la libertĂ© dâexpression[14]. Des stars du cinĂ©ma amĂ©ricain comme Jack Nicholson ou Warren Beatty le soutiennent[14]. Ă la suite de cette succession d'Ă©pisodes judiciaires, Harry Reems espĂšre pouvoir reprendre son parcours d'acteur tout en bĂ©nĂ©ficiant de la notoriĂ©tĂ© acquise par le film mais aussi en tant qu'hĂ©ros des libertĂ©s publiques, Ă la suite des poursuites dont il a fait l'objet. Mais « il sent le soufre » et les producteurs de cinĂ©ma n'en veulent pas dans les films. il fait alors un retour dans le X dans les annĂ©es 1980 puis est clochardisĂ©. Il se redresse au dĂ©but des annĂ©es 1990 et change de mĂ©tier, devenant un agent immobilier[14].
Scandale du Watergate
Le titre du film inspira au journaliste Bob Woodward le surnom de son informateur secret qui fut Ă l'origine du scandale du Watergate[15] : le cambriolage ratĂ© du QG dĂ©mocrate avait eu lieu trois jours avant la sortie de Gorge profonde dans les cinĂ©mas de BroadwayâŠ
On n'a appris qu'en 2005 qu'il se nommait W. Mark Felt et était l'ancien no 2 du FBI. Felt est décédé le dans une maison de retraite de Santa Rosa (Californie) à l'ùge de 95 ans.
Musique
- Dans la chanson When the World is Running Down, You Make the Best of What Still Around de The Police, le chanteur Sting y fait référence.
Notes et références
- Julien Laroche-Joubert, « Gorge profonde : le premier succĂšs XXL dâun film pornographique », Le Monde,â (lire en ligne)
- « Gorge profonde », sur Télérama
- (en) Stephen Milligen, The Bloodiest Thing That Ever Happened In Front Of A Camera: Conservative Politics, âPorno Chicâ and Snuff, SCB Distributors, (lire en ligne)
- Sidonie Sigrist, « Qui Ă©tait vraiment âGorge profondeâ ? : Retour sur la vie de Linda Lovelace, la premiĂšre icĂŽne porno des annĂ©es 1970 », Madame Figaro,â (lire en ligne).
- (en) Richard Poulin, La Mondialisation des industries du sexe, Editions Imago (lire en ligne)
- (en) Richard Corliss, « That old feeling : when porno was chic », Time,â (lire en ligne)
- Juliette Deborde, « Linda Lovelace, le couteau sous la Gorge profonde », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- Julien Laroche-Joubert, « Linda Lovelace, la star sous emprise de « Gorge profonde » », sur Le Monde, (consulté le ).
- Philippe Azoury, « Et «Deep Throat» passa du cul au culte », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- Julien Laroche-Joubert, « Comment le cas Linda Lovelace, lâactrice de Gorge profonde, a divisĂ© les fĂ©ministes », Le Monde,â (lire en ligne)
- Alexandre Boussageon, « Amanda Seyfried se dĂ©voile en Linda Lovelace », L'Obs,â (lire en ligne)
- Renaud Machart, « âGorge profondeâ, quand le porno est sorti du ghetto, sur Arte : lâinvention du "porno chic" », Le Monde,â (lire en ligne)
- Julien Laroche-Joubert, « Harry Reems, acteur principal de Gorge profonde et pornstar malgrĂ© lui », Le Monde,â (lire en ligne)
- Julien Laroche-Joubert, « Quand la censure sâemballait contre Gorge profonde et la pornographie », Le Monde,â (lire en ligne)
- Bob Woodward, Gorge profonde : La véritable histoire de l'homme du Watergate, Paris, Denoël, , 255 p. (ISBN 978-2-207-25781-4), p. 72.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Allociné
- CinémathÚque québécoise
- (en) AllMovie
- (pl) Filmweb.pl
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (de) OFDb
- (mul) The Movie Database
- John B. Root parle de Gorge Profonde sur X-Intime