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Giovanni Paolo Feminis

Giovanni Paolo Feminis, francisé en Jean-Paul Feminis[1]ou Féminis[2] accentué, est un migrant italien installé à Cologne qui a produit et commercialisé comme analgésique une Eau Admirable (Admirabilis Aqua) à base d'essence de romarin[3] après l'avoir brevetée en 1704 sous le nom d'Eau de Cologne. Il en aurait transmis la formulation à Jean-Marie (Giovanni Maria) Farina son neveu et compatriote de Domo d'Ossola[4] lui aussi installé à Cologne[5], qui en fit une vaste diffusion.

Feminis
Jean-Paul Feminis
Biographie
Naissance

Crana (Santa Maria Maggiore) Italie
Décès
(Ă  76 ans)
Cologne
Activité
NĂ©gociant, parfumeur, inventeur de l'eau de Cologne

Biographie

Il est né à Crana (Santa Maria Maggiore), dans le Val Vigezzo, région de Domo d'Ossola le 6 janvier 1660[6], de Giovanni Antonio Feminis (1637-1666) et de Caterina Farina seconde épouse (6 janv.1625-?)[7]. Il immigre à Rheinberg dès sa jeunesse, puis à Mayence (1685) où il est actif comme colporteur (krämer)[8] et enfin à Cologne (1676 ? ou 1693 ou 94 )[9] où il développe son activité avec son compatriote, Giovanni Paolo Feminis, marchand à Maastricht, qui produisait l'Eau de la Reine de Hongrie (eau à base d'essence de romarin) et comme Feminis l'Aqua Mirabilis (it) et avec Catherine Feminis (veuve de Johann Maria Bernhardi ?-1679 ) qui avait un commerce de produits français. Il aurait commencé à produire son eau admirable peu de temps après s'être installé à Cologne[10](1695[11]) . Selon un texte de 1879, Feminis avait un commerce florissant de sucre, de citrons verts, de citrons, d'oranges, de raisins secs, de figues, de prunes et d'autres fruits du sud et d'Eau de Cologne.

Le 23 août 1687 il épouse Sophia Ryfarts (1660?-1739) de Bergka, il donnent naissance à 7 enfants et il meurt opulent à Cologne le 26 novembre 1736[4].

L'origine de l'Eau de Cologne

Attestation de Jean-Marie Farina sur l'Eau admirable dite de Cologne qu'il dit inventée par Paolo Feminis (1727)
Le 13 janvier 1727, la Faculté de Pharmacie de Cologne délivre une attestation à J-P Feminis qui permet de commercialiser son l'Eau de Cologne

Les recherches des juristes et des pharmaciens attribuent la mise au point de l'Eau Admirable ou Eau de Cologne à Paolo Feminis qui en aurait légué la formule à un de ses neveux[12] Giovanni Maria Farina (1685-1766), natif de Santa Maria Maggiore (Ne pas confondre avec le Giovanni Maria Farina de Maastricht (1657-1732) à qui la paternité de l'eau de Cologne a été attribuée[13]). Eau Admirable est un terme générique, Acqua mirabile-Acqua di Colonia sont utilisés à l'origine. L'eau de Cologne est brevetée par Feminis en 1704[14] et reçoit le 13 janvier 1727[15] le certificat de la Faculté de Médecine de Cologne[16].

Le terme eau de Cologne (en français) apparait en 1719 dans une liste allemande de drogues[17], en 1725 Isaac Pitman en donne en anglais la composition (bigarade, citron, bergamote, romarin)[18], en 1733, Le Mercure de France cite l'eau de Cologne comme remède au mal de tête[19].

Jean-Marie Farina, propriétaire du secret de son aïeul Paul Feminis, le premier et seul inventeur de l'Eau de Cologne (1811)[20]

La Grande encyclopĂ©die Drefus, Berthelot (1886) Ă©voque une hypothĂ©tique origine orientale: «La tradition veut que ce Feminis ait tenu sa prĂ©cieuse recette d'un moine d'Orient de passage Ă  Domo d'Ossola»[4], d'autres sources mentionnent un officier anglais de retour des Indes[21]. L'hypothèse selon laquelle l’Aqua mirabilis est une ancienne (XIVe siècle) prĂ©paration mise au point par une nonne du couvent Santa Maria Novella[22], Ă  Florence est mentionnĂ©e par Paul Vandenabeele (2009)[23] Ă  ceci près que l'huile essentielle de bergamote n'est pas mentionnĂ©e avant le dĂ©but XVIIIe siècle[24].

Les Farina

Portrait de J-P Feminis que détenaient les Farina (Le Panthéon de l'industrie - 1879)[25]

Des marchands les plus divers revendiquent vendre la vĂ©ritable eau de Cologne, qu'on attribuait aux frères Rossi (1761)[26], «rien  qu'Ă   Cologne, on compte une  quarantaine de maisons qui usurpent ce nom et en ont fait leur raison sociale»[27]Jean-Marie Farina se dĂ©fendra inlassablement ĂŞtre seul propriĂ©taire du secret de Jean-Paul Feminis, et ira en justice attaquer un brevet du Roi de France (1829)[28] et - avec succès - des copies jusqu'Ă  l'Ă©tiquette de son eau de Cologne (1928), avec «sa marque distinctive qui repressentait, appliquĂ©e sur ses boites, d'un cĂ´tĂ©, trois Ă©cussons, et de l'autre, le portrait de Paul Feminis»[29]. L'enseigne Paul Feminis sera exploitĂ©e longtemps Ă  Paris[30], le secret de Paul Feminis est encore Ă©voquĂ© en 1862 par les Farina[31].

Dans un reportage sur les parfums à l'exposition de Londres (1862) A. Dupuis observe: «L’Allemagne compte en première ligne une douzaine de Jean-Marie Farina, tous de Cologne, et tous issus de Jean-Paul Féminis, qui se trouverait sans doute non moins heureux qu’étonné s’il revenait au monde, de se voir une si belle et si nombreuse postérité.»[32].

Aqua mirabilis

Le terme est d'un usage ancien; il désigne toutes sortes de préparations pharmaceutiques dont les indications médicales sont nombreuses. Feminis fait suivre ce nom de Cologne, ville qui avait la réputation de détenir le secret de la composition[33].

Jean Liebault (1573) consacre un article à Eau admirable, qui est dite mère du Baulme, de laquelle les propriétés sont admirables et l'effet merveilleux és fistules[34]. Le Miroir de la beauté et santé corporelle (1643) fait référence à l'aqua mirabilis, remède de Nicolas Spagyrics (Paracelse). Du vivant de Feminis le terme est fréquent, en 1691 Thomas Brunet prétend en avoir en partie inventé sa formule[35], en 1716 Le Breton donne une Eau admirable pour empêcher la gangrène contre l'hémorragie[36]... Kenelm Digby en 1700 donne une Eau admirable, très facile à faire pour embellir le visage[37], les formulaires anglais donnent des compositions d'aqua mirabilis souvent à base de cardamome, gingembre et muscade 1705[38], 1725[39]. Noël Chomel y fait entrer le romarin en 1732[40] et en 1775, William Lewis, infuse l'écorce de citron dans son eau admirable[41]. D'après Élisabeth de Feydeau (2019) Jean-Marie Farina serait le premier à utiliser la bergamote (en 1709)[42].

portrait de G. P. Feminis - inédit non sourcé

Il faut attendre 1751 pour que la Gazette de Médecine annonce la disponibilité de l'Eau admirable de Cologne en vente chez «Frederic Avieny, de Nation Allemande, qui a le secret de la composition de cette Eau, [qui] a établi un magasin rue Montorgueil, en face de la rue Tireboudin,[ ] beaucoup de médecins préfèrent l'Eau de Cologne à l'Eau des Carmes. Elle s'emploie dans les mêmes occasions»[33].

Elle est classée dans la catégorie médecine-cosmétique[43]. Gisèle d'Assailly (Nouveauté, avril 1939) écrit « Après la création de l'eau d'ange, faite de styrax de benjoin et de cannelle, un jeune Italien du nom de Jean-Paul Féminis créa l'eau admirable [ ] un remède en quelque sorte universel [ ] On la buvait donc, cette eau universelle, dans du vin, du bouillon et autres liquides»[44].

Vertus thérapeutiques de l'Eau de Cologne

Le succès de l'eau de Feminis tient à sa renommée à ses propriétés merveilleuses[27]: cet extrait d'un avis publié en 1761 donne une idée du vaste domaine thérapeutique: «très bon Remède contre l'Apoplexie, la Paralysie, les Obstructions, la Colique, les Tumeurs, les Brûlures, les maux de Dents, la Pierre, les douleurs de la Goutte, les maladies de la peau etc. C'est aussi un Préservatif contre toutes fortes de poisons et surtout contre le mauvais air. Elle dissipe les tintements d'oreilles, fortifie la vue, soulage la migraine, guérit les palpitations du cœur etc. On la trouve à Paris, chez le sieur Broüet, Epicier-Droguiste, rue Dauphine»[45].

Bibliographie

  • P. Duplias. TraitĂ© de la fabrication des liqueurs et de la distillation des alcools. Pairs,  Gauthier-Villars et fils (Tom 1) 1866. Recettes d'eau de Cologne[46].
  • Jean-Antoine Farina. Eau de Cologne. Köln : F. J. H. Greveniche Buchdruckerei 1855[47]. Extrait

j’ai en main les preuves les plus évidentes. C’est aussi pourquoi sans hésiter je répète le premier inventeur de la véritable de de Cologne est Jean Paul Feminis! Jean Paul Feminis vivait dans la seconde moitié du dix-septième siècle à Cologne, où il exerçait la fabrication de l’Eau de Cologne, et le relevé des habitants de la paroisse, fait par le curé de St. Laurent à l’époque des Pâques, et conservé encore aux archives de la ville, fait mention de lui en ces termes: Juni 1695. „Johannes Paulus de Feminis habuit testimonium pastoris St. Làurentii ad gaffliam.„

La Chronique de Cologne ayant considéré l’objet comme assez important pour en prendre acte, désigne également Jean Paul Feminis comme le premier inventeur de l’Eau de Cologne, avec l’observation suivante : extrayait lui même des plantes, les essences dont est composée cette eau, puis ensuite le faisait dissoudre dans de l’esprit de vin. La proportion du composé de ces ingrédients forme le secret, qui en vertu d’un contrat transmis, après décès de l’inventeur, à Jean Antoine Farina de la ville de Milan

Notes et références

  1. « Le Courrier français », sur Gallica, (consulté le ), p. 4
  2. « Le Courrier des tribunaux : journal de jurisprudence et des débats judiciaires », sur Gallica, (consulté le )
  3. Aromatherapy (lire en ligne), p 12
  4. University of Ottawa et M. Berthelot, La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Paris : Lamirault, (lire en ligne)
  5. Ont ) Internet Archive, The bedroom from the Renaissance to art deco, [Toronto] : Decorative Arts Institute, (ISBN 978-0-7727-7652-5, lire en ligne)
  6. Les sources en Italien donnent aussi 1766 - année de la mort de son père) moins probable
  7. (it) Luigi Rossi, J.P.F.: aqua mirabilis, Linea AGS, (lire en ligne), p 6
  8. (it) Luigi Rossi, J.P.F.: aqua mirabilis, Linea AGS, (lire en ligne)
  9. (de) Petra Reategui, Der gestohlene Duft: Jubiläumsausgabe, Emons Verlag, (ISBN 978-3-86358-833-5, lire en ligne)
  10. Internet Archive, Oh! de Cologne, Köln : Wienand, (ISBN 978-3-87909-150-8, lire en ligne), p 12
  11. Élisabeth de Feydeau, L'eau de rose de Marie-Antoinette et autres parfums voluptueux de l'histoire, Editions Prisma, (ISBN 978-2-8104-2241-8, lire en ligne)
  12. Pierre Bachoffner, « Sur une fausse « Véritable Eau admirable » de Cologne de Jean-Marie Farina », Revue d'Histoire de la Pharmacie, vol. 75, no 273,‎ , p. 129–132 (DOI 10.3406/pharm.1987.2869, lire en ligne, consulté le )
  13. (it) « L'Acqua di Colonia è nata in Val Vigezzo », sur TVSvizzera (consulté le )
  14. (de) Peter Amann, Reise Know-How Kalabrien, Basilikata: ReisefĂĽhrer fĂĽr individuelles Entdecken, Reise Know-How Verlag Peter Rump, (ISBN 978-3-8317-4592-0, lire en ligne), p 446
  15. Le Vieux papier (Paris) Auteur du texte, « Bulletin de la Société archéologique, historique & artistique le Vieux papier », sur Gallica, (consulté le )
  16. Aromatherapy (lire en ligne)
  17. (de) Johann Nikolaus Martius, Unterricht von der wunderbaren Magie und derselben medicinischen Gebrauch, Nicolai, (lire en ligne), p 354
  18. (en) Isaac Pitman & Sons, The World's Commercial Products: With Equivalents in French, German, and Spanish, Sir Isaac Pitman & Sons, Limited, (lire en ligne), p 60
  19. Mercure de France, Pancoucke, (lire en ligne), p 404
  20. « Niederrheinischer Kurier », sur Gallica, (consulté le )
  21. Élisabeth de Feydeau, Dictionnaire amoureux du parfum, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-259-27765-5, lire en ligne)
  22. Daniel Internet Archive, 75 ans d'autobus en France, [Nancy] : E.P.A., (ISBN 978-2-85120-089-1, lire en ligne), p 13
  23. Paul Vandenabeele, « D'où vient l'eau de Cologne ? », sur DHnet (consulté le )
  24. Nicolas LÉMERY, Traité universel des drogues simples, mises en ordre alphabétique. Où l'on trouve leurs différens noms ... et tout ce qu'il y a de particulier dans les animaux, dans les végétaux, et dans les minéraux. Ouvrage dépendant de la Pharmacopée Universelle, etc, (lire en ligne)
  25. « Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré », sur Gallica, (consulté le )
  26. « Le Négociant », sur Gallica, (consulté le ), p. 141
  27. University of Ottawa et M. Berthelot, La Grande encyclopâedie, inventaire raisonnâe des sciences, des lettres et des arts, Paris : Lamirault, (lire en ligne), p 206
  28. « Le Courrier des tribunaux : journal de jurisprudence et des débats judiciaires », sur Gallica, (consulté le ), p. 559
  29. Étienne (1805-1874) Auteur du texte Blanc, Traité de la contrefaçon et de sa poursuite en justice... par Étienne Blanc,..., (lire en ligne)
  30. « Annales de la science et du droit commercial et maritime : recueil mensuel de législation, de doctrine et de jurisprudence à l'usage des magistrats consulaires, des avocats, des avoués, des agréés, des négociants, des banquiers, des courtiers, des agents de change, etc. / par M. L. Le Hir,... et par M. Raoult, avocat », sur Gallica, (consulté le )
  31. « Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire », sur Gallica, (consulté le )
  32. La Patrie, (lire en ligne), p 3
  33. Gazette de Medecine, année ..., chez J. A. Grangé, (lire en ligne), p 384
  34. Jean Liebault, Quatre liures des secrets de medicine et de la philosophie chimique. Faicts francois par M. Iean Liebault Dijonnois .., ill., (lire en ligne), p 64
  35. Thomas Burnet, Le tresor de la pratique de medecine, ou le Dictionaire medical, contenant: l'histoire de toutes les maladies; et leurs remedes choisies dans les observations, consultes, conseils [et] ordonnances des plus habiles medecins : le tout recueilli, chez Hilaire Baritel, (lire en ligne), p 176
  36. Charles Le Breton, Remèdes choisis et éprouvés, tant de médecine que de chyrurgie... Suite du Tableau des maladies de Lommius par feu Mr. Le Breton..., chez Claude Jombert, (lire en ligne), p 131
  37. Kenelm Digby, Choice and Experimented Receipts, etc. Remedes souverains et secrets experimentez ... Avec plusieurs autres seerets sic &parfums curieux pour la conservation de la beauté des dames. Nouvelle édition, Etienne Foulque, (lire en ligne), p 191
  38. (en) William Y-WORTH, The Compleat Distiller ... to which is Added Pharmacopoeia Spagyrica Nova ... Being a Philosophical Sal-Armoniack ... Etc. ... The Second Edition, with Alterations ... Illustrated with Copper Sculptures, (lire en ligne), p 134
  39. (en) George Smith (distiller.), A Compleat Body of Distilling, Explaining the Mysteries of that Science: In a Most Easy and Familiar Manner, Bernard Lintot, (lire en ligne), p 26
  40. Noel Chomel, Dictionnaire oeconomique contenant divers moyens d'augmenter son bien et de conserver sa sante. 3. ed: M-Z, Veuve de Jacques Estienne, (lire en ligne), p 1565
  41. William (1714-1781) Auteur du texte Lewis, Connoissance pratique des médicamens les plus salutaires, simples & composés, officinaux & extemporanés ou magistraux, internes & externes, &c. ou Nouveau dispensaire. Tome 2 / ... Par M. Lewis. Ouvrage traduit de l'anglois, (lire en ligne), p 259
  42. collectif, En 2019, Le MIP se réinvente la fabuleuse histoire de l'eau de Cologne, Grace, Musée International de la Parfumerie, , 24 p. (lire en ligne), p 12
  43. « L'Avantcoureur : feuille hebdomadaire, où sont annoncés les objets particuliers des sciences & des arts, le cours & les nouveautés des spectacles, & les livres nouveaux en tout genre », sur Gallica, (consulté le )
  44. Nouveauté, (lire en ligne), p 7
  45. « Affiches, annonces, et avis divers : ... feuille hebdomadaire », sur Gallica, (consulté le ), p. 47
  46. P. Auteur du texte Duplais, Traité de la fabrication des liqueurs et de la distillation des alcools... : suivi du traité de la fabrication des eaux et boissons gazeuses et de la description complète des opérations nécessaires pour la distillation des alcools. Tome 1 / par P. Duplais aîné, 1866-1867 (lire en ligne), p 386 et sq.
  47. Jean Antoine Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris), Eau de Cologne du plus ancien distillateur Jean Antoine Farina à la ville de Milan, rue haute Nro. 129 à Cologne, Köln : F. J. H. Greveniche Buchdruckerei, (lire en ligne)

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