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Fruit machine

La Fruit machine, littéralement « trieuse à fruits », est un appareil censé permettre d'identifier les homosexuels, mis au point au Canada par Frank Robert Wake[1] dans les années 1950. Le terme « fruit (en) » désigne en anglais de maniÚre insultante les homosexuels[3][4].

La machine projetait aux sujets des images de corps nus et photographiait le diamÚtre de leurs pupilles (test du réflexe pupillaire), dont la dilatation était supposée traduire une réaction érotique. La conception d'un tel test repose sur des postulats erronés concernant l'homosexualité et ne permet pas d'identifier l'orientation sexuelle d'une personne.

Contexte historique

La machine a Ă©tĂ© utilisĂ©e au Canada dans les annĂ©es 1950-1960 dans le cadre d'une opĂ©ration visant Ă  dĂ©tecter les homosexuels dans la fonction publique, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l'armĂ©e. 9 000 personnes ont fait l'objet d'une enquĂȘte de la part de la Gendarmerie royale du Canada[5] - [6]. Certaines ont Ă©tĂ© licenciĂ©es. Bien que le financement du projet ait Ă©tĂ© interrompu Ă  la fin des annĂ©es 1960, les enquĂȘtes se sont poursuivies au-delĂ .

Le Conseil de sécurité a fait appel au docteur en psychologie F. R. Wake, professeur à la Carleton University d'Ottawa pour mettre au point des tests de détection ; cette démarche s'inscrivait dans le contexte de la médicalisation contemporaine de l'homosexualité[7].

F.R. Wake a par ailleurs occupĂ© dans les annĂ©es 1950 la fonction de chercheur mĂ©dical dans le cadre de la Commission royale d'enquĂȘte sur le droit pĂ©nal en matiĂšre de psychopathie sexuelle criminelle, instance qui a ƓuvrĂ© dans le sens d'une criminalisation accrue de l'homosexualitĂ© au Canada[7].

Dispositif

La machine utilise une chaise similaire Ă  celle utilisĂ©e par les dentistes. Elle a une poulie avec une camĂ©ra en direction des sujets Ă©tudiĂ©s ; une boĂźte noire situĂ©e devant affiche des photos d'hommes et de femmes, les unes pornographiques[8], les autres jugĂ©es « neutres » par Frank Robert Wake, telles que des images du Christ sur la croix[7]. Le postulat Ă©tait que les pupilles se dilateraient en fonction du degrĂ© d'intĂ©rĂȘt pour l'image, et que « le test du rĂ©flexe pupillaire »[9] rĂ©vĂšlerait l'homosexualitĂ©.

On avait d'abord fait croire que le but de la machine était d'évaluer le stress[10]. Quand un grand nombre de personnes ont appris le véritable objectif de l'expérience, peu de gens ont accepté de se s'y soumettre[11].

Le gouvernement fédéral a consacré l'équivalent de 80 000 $ de 2017 au financement des tests[12].

HypothÚses et paramÚtres de test erronés

Les postulats scientifiques sur lesquels reposait la « machine à fruits » sont fragiles.

  • Le test de rĂ©flexe pupillaire est fondĂ© sur des hypothĂšses erronĂ©es selon lesquelles les homosexuels et les hĂ©tĂ©rosexuels rĂ©agiraient diffĂ©remment Ă  ces stimuli visuels, et qu'il n'y a que deux types de sexualitĂ©[13]. L'homosexualitĂ© est supposĂ©e ĂȘtre une dĂ©viance et l'hĂ©tĂ©rosexualitĂ©, la norme[7].
  • Les chercheurs n'ont pas pris en compte les diffĂ©rentes tailles des pupilles et les diffĂ©rentes distances entre les yeux[9] - [13]
  • La quantitĂ© de lumiĂšre provenant des photographies change Ă  chaque diapositive, et provoque une dilatation des pupilles des sujets qui n'est pas liĂ©e Ă  leur intĂ©rĂȘt pour l'image[12].
  • La dilatation des pupilles est extrĂȘmement difficile Ă  mesurer, car le changement Ă©tait souvent infĂ©rieur Ă  un millimĂštre[9].

Autres tests de détection concurrents

D'autres « machines Ă  fruits » ont Ă©tĂ© utilisĂ©es au Canada Ă  la mĂȘme Ă©poque : le plĂ©thysmographe (mesure du volume sanguin du doigt) ; des tests de sudation, ou d’association de mots[7] - [14].

Excuses officielles

D’anciens employĂ©s de la Gendarmerie royale du Canada, de l’armĂ©e et de la fonction publique, membres du « RĂ©seau nous exigeons des excuses » demandent des excuses au gouvernement canadien en 2015 pour ce qu'ils nomment une « campagne nationale de purge contre les homosexuels » et les mesures discriminatoires dont ils ont Ă©tĂ© victimes[14].

En 2017 le Premier ministre Justin Trudeau présente des excuses aux personnes LGBT pour les discriminations qui les ont visées pendant des décennies[15].

Dans la culture populaire

La piÚce de 1998 de Brian Drader, The Fruit Machine, juxtapose le projet de trieuse à fruits et un scénario parallÚle exposant l'homophobie contemporaine[16].

Une tentative abandonnée d'utiliser une machine à fruits lors de l'interrogatoire du diplomate canadien John Watkins a été montrée dans le téléfilm de 2002 Agent of Influence.

Le roman Cold Dark Matter (2005) d'Alex Brett utilise le projet comme dispositif d'intrigue.

Le film documentaire de Sarah Fodey, The Fruit Machine (en), décrit les effets du dispositif sur plusieurs personnes[17].

Références

  1. (en-CA) « Carleton called on to apologize for gay ‘testing' », sur ottawasun (consultĂ© le )
  2. https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-eng.html?lang=eng&i=&index=frt&srchtxt=TRIEUSE%20TAPETTES
  3. L'équivalent en français serait «trieuse à tapettes» selon Termium +[2]
  4. Public Services and Procurement Canada Government of Canada, « TRIEUSE TAPETTES [1 record] - TERMIUM PlusÂź — Search - TERMIUM PlusÂź », sur www.btb.termiumplus.gc.ca, (consultĂ© le )
  5. Dan Levin, « Canada Offers $85 Million to Victims of Its 'Gay Purge,' as Trudeau Apologizes », The New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Gary William Kinsman, Dieter K. Buse et Mercedes Steedman, Whose National Security?: Canadian State Surveillance and the Creation of Enemies, Canada, Between the Lines, (ISBN 1-896357-25-3, lire en ligne), « 10 »
  7. Gentile, P. & Kinsman, G. (2008). « FiabilitĂ© », « Risque » et « RĂ©sistance » : surveillance au Canada des homosexuels durant la Guerre froide. Bulletin d'histoire politique, 16(3), 43–58. https://doi.org/10.7202/1056171a, lire en ligne
  8. « Justin Trudeau vient de présenter des excuses aux Canadiens LGBTQ2 », sur Global Citizen (consulté le )
  9. (en) John Sawatsky, Men in the shadows : the RCMP Security Service, Toronto, Ont. : Doubleday Canada ; Garden City, N.Y. : Doubleday, (ISBN 978-0-385-14682-1, lire en ligne), chap. 10 et 11
  10. «Subjects were told the machine was measuring stress», (en) Jack Hauen, « Canada 'poured thousands and thousands' into 'fruit machine' — a wildly unsuccessful attempt at gaydar », National Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  11. «Many agreed to it because they thought it was merely a stress test. When the thruth came out, the number of willing tests subjects dropped dramatically», (en) Dan Lewis, Now I Know: The Soviets Invaded Wisconsin?!: ...And 99 More Interesting Facts, Plus the Amazing Stories Behind Them, Simon and Schuster, (ISBN 978-1-5072-1015-4, lire en ligne), p.189
  12. (en) Jack Hauen, « Canada 'poured thousands and thousands' into 'fruit machine' — a wildly unsuccessful attempt at gaydar », National Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. The Current, CBC Radio, 9 May 2005
  14. Guillaume Bourgault-CÎté, « Quand le Canada rejetait les homosexuels », sur Le Devoir, (consulté le )
  15. (en-CA) « Trudeau to offer LGBT 'fruit machine' apology on November 28 », sur torontosun (consulté le )
  16. « Opposite eras attract in gay history story », Vancouver Sun,‎
  17. "The Fruit Machine: Why every Canadian should learn about this country's 'gay purge'". CBC Arts, May 30, 2018.

Bibliographie

Articles connexes

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