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Forges du Saint-Maurice

Les Forges du Saint-Maurice furent le premier Ă©tablissement industriel au Canada. On y fabriquait de la fonte et du fer pour tous les usages du temps. Elles Ă©taient situĂ©es sur la rive sud-ouest de la rivière Saint-Maurice, au nord de la ville de Trois-Rivières. Établies en 1730, ces forges ont fonctionnĂ© durant plus de 150 ans au cours du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Elles furent reconnues comme lieu historique national le [1].

Lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice
Grande Maison et Haut Fourneau.
Présentation
Destination initiale
Centre de production de produits de métaux
Destination actuelle
Lieu historique national
Architecte
Construction
Propriétaire
Patrimonialité
Bien inventorié dans le répertoire du patrimoine culturel du Québec (d)
Lieu historique national ()
Site web
Coordonnées
46° 23′ 50″ N, 72° 39′ 35″ O
Carte

Histoire

  • Les vieilles forges, Canada-Est, 1841-1842.
    Les vieilles forges, Canada-Est, 1841-1842.
  • Les Forges du Saint-Maurice, Trois-Rivières, QC, 1888, aquarelle de H. Bunnett.
    Les Forges du Saint-Maurice, Trois-Rivières, QC, 1888, aquarelle de H. Bunnett.
  • Ouverture des Forges St-Maurice.
    Ouverture des Forges St-Maurice.

On connaissait depuis le XVIIe siècle la richesse en minerai de fer des régions des Trois-Rivières, du Cap-de-la-Madeleine et de Batiscan. Une seigneurie le long de la rive sud-ouest de la rivière des Trois-Rivières, au nord de la ville du même nom, est concédée à Maurice Poulin, sieur de Francheville. Ainsi, la seigneurie et la rivière deviendront connus sous le nom de Saint-Maurice.

Les Forges Saint-Maurice sont fondées par François Poulin de Francheville, qui obtient le un monopole d'exploitation de 20 ans[2]. Il crée en 1733 la Compagnie des Forges de Saint-Maurice. Le maître de forges François-Pierre Olivier de Vezin, originaire de Champagne, en est le premier directeur et met en chantier un établissement de forges complet. Les bâtiments et installations sont construits dans la seigneurie de Saint-Maurice, près de la rive du Saint-Maurice et d'un ruisseau qui s'y jette.

Pour l'établissement industriel, De Vézin fait venir des ouvriers spécialisés, en particulier des régions de Champagne et de Bourgogne, réputées à l'époque pour leurs forges. Ces ouvriers et leurs familles donneront naissance à la communauté industrielle des Forges, où vivaient plus de 400 personnes.

Parmi les investisseurs importants, dans la compagnie des Forges de Saint-Maurice, le directeur de la Ferme d'occident, François-Etienne Cugnet[3], qui reforme le 16 octobre 1736 une nouvelle compagnie l'associant Ă  Ignace Gamelin, François-Pierre Olivier de VĂ©zin, Jacques Simonet d’Abergemont, son protecteur l'intendant Gilles Hocquart, et un autre maĂ®tre de forges français, Thomas-Jacques Taschereau. Entre 1735 et 1741, les coĂ»ts d’établissement et d’exploitation s’élevèrent Ă  505 356 livres soit quatre fois plus que les reçus des ventes et de la production, qui totalisaient 114 473 livres. Poursuivi par les crĂ©anciers, Cugnet se dĂ©clara en faillite personnelle en 1741.

Le manque de capitaux privĂ©s occasionna plusieurs demandes d’aide Ă  l’État français: Cugnet et ses partenaires reçurent une avance initiale de 100 000 livres[4], qui devait ĂŞtre remboursĂ©e Ă  mĂŞme la production. De plus, un marchĂ© se trouvait garanti par les chantiers navals du roi Ă  QuĂ©bec, ainsi que par ceux de Rochefort en France. Si les prĂ©visions avaient Ă©tĂ© justes, les associĂ©s se seraient trouvĂ©s dans la position enviable d’avoir financĂ© leur industrie avec les subventions de l’État, sans avoir eu Ă  investir leur propre argent[4].

Les Forges deviennent propriété du roi en 1742. Après la conquête du Canada, elles passent sous propriété de la Couronne britannique, qui les accorde à bail à des industriels britanniques, pour lesquels travaillent des ouvriers Canadiens-français. Les forges furent fermées définitivement en 1883. Le site fut abandonné pendant près d'un siècle.

Le ministère des Affaires culturelles du Québec acquiert le site en 1963. Il le cède au gouvernement fédéral du Canada en 1973.

Établissement des forges

C'est en 1729 que Francois Poulin de Francheville, un négociant de Montréal et seigneur de Saint-Maurice fait la demande au roi de France d'exploiter les mines de fer de sa seigneurie, ainsi que celles limitrophes de Grosbois-Est, de Cap-de-la-Madeleine contre une exclusivité de 20 ans pour l'exploitation et la transformation du fer en Nouvelle-France. La proposition de Francheville est acheminée au roi par le gouverneur Beauharnois et l'intendant Gilles Hocquart. Ceux-ci font valoir au roi que l'entreprise n'offre aucun risque au roi et que Francheville saura trouver des associés pour son entreprise. Le roi accorde le 25 mai 1730 son brevet d'exploitation avec des conditions encore plus généreuses que celles demandées, faisant commencer ses privilèges avec au début de l'exploitation, qui devait débuter au plus tard deux ans après le brevet[5].

Dès qu'il eut la sanction royale, Francheville fait recruter deux ouvriers mĂ©tallurgistes en France qui arrivent Ă  la fin de 1731. Ces derniers dĂ©butent la prospection et testent le minerai Ă  partir du printemps de 1732. Son contremaitre, Jean-Baptiste Labrèche visite la mĂŞme annĂ©e les petites forges amĂ©ricaines dont Francheville veut utiliser comme modèle pour celle de Saint-Maurice. Ă€ son retour, il fait fondre quelques barres de fer qu'il envoie au ministre Maurepas. Le 16 janvier 1733, conscient que l'entreprise reprĂ©sentait un coĂ»t Ă©levĂ© pour un seul homme, il crĂ©e la Compagnie des Forges du Saint-Maurice oĂą il s'associe avec 4 autres partenaires. Cependant, Francheville meurt subitement le 28 novembre 1733. Hocquart fait signer Ă  son Ă©pouse, ThĂ©rèse de Couagne, d'assumer les engagements de son Ă©poux. La compagnie dĂ©marre sa production durant l'hiver 1734. Les quatre employĂ©s, peu expĂ©rimentĂ©s, ne rĂ©ussirent qu'Ă  fondre par le procĂ©dĂ© de rĂ©duction directe que 2 000 livres de fer de qualitĂ© inĂ©gale. De plus au printemps venu, il Ă©tait rendu Ă©vident que le terrain oĂą Ă©tait situĂ© la forge de Francheville Ă©tait instable. Avouant son inexpĂ©rience, Labrèche dĂ©cide alors d'arrĂŞter l'exploitation[6].

Bien qu'infructueuse, l’expérience a quand même permis de constater qu'il y a du minerai de qualité en abondance. Hocquart décide d'envoyer en France à l'automne 1734 trois barres de fer ainsi que la maquette des forges de Francheville pour obtenir l'avis d'expert. Ils viendront à la conclusion que les ouvriers avaient manqués de savoir faire. À l'automne 1735, le ministre de la Marine envoie le maître de forges Pierre-François Olivier de Vézin, qui est originaire de Champagne. Après cinq semaines à étudier le site, il recommandera de poursuivre l'exploitation, mais à partir de nouvelles bases qui comprend la construction d'un haut fourneau. On charge alors Vézin de construire un établissement de forges complète[7].

Construit entre l'Ă©tĂ© 1736 et l'automne 1739 sur le modèle des «grosses forges» europĂ©ennes, le site ne connaĂ®tra pas de changements majeurs avant 1854. VĂ©zin soumet ses observations devant les autoritĂ©s coloniales, estimant le coĂ»t de son projet Ă  100 000 L[8]. On dissous l'ancienne compagnie et on en reconstitue une nouvelle compagnie avec VĂ©zin et deux anciens sociĂ©taires François-Etienne Cugnet et Ignace Gamelin. On donne Ă  la nouvelle compagnie les mĂŞmes avantages consenties Ă  celle de Francheville. La construction a Ă©tĂ© donnĂ©e dans les dĂ©lais prĂ©vus, mais les coĂ»ts et conditions emmèneront la compagnie Ă  la faillite seulement Ă  la suite de trois annĂ©es d'exploitations, soit 1742. Premièrement, VĂ©zin a sous estimĂ© les rigueurs du climat canadien et accumule les erreurs techniques. Il avait entre autres mal Ă©valuĂ© la nature du sol, le niveau Ă©levĂ© de la nappe phrĂ©atique qui provoque des problèmes lors de l'allumage du haut fourneau, et le cycle de gel-dĂ©gel qui met les fondations Ă  rude Ă©preuve. De plus les crues printanières du Saint-Maurice retarde la collecte des pierres de grès situĂ©es sur ses rives[9].

Un autre problème est la pénurie de main d’œuvre spécialisée. La construction en elle-même mobilise un bon nombre de maçons dans la colonie. Aussi, l'idée de construire une grande maison en pierre a provoqué une surcharge inutile de travaux. Une autre erreur a été d'embaucher les ouvriers précipitamment. Comme au cours de l'été 1736, on dû utiliser les maçons et charpentiers comme bucherons et manœuvres. De plus, l'arrivée hâtive des ouvriers métallurgistes provoque des dépenses inutiles et des problèmes de disciplines qui persisteront même après l'ouverture des ateliers[9].

Lors de sa faillite un 1741, la compagnie avait accumulĂ©e une dette de 350 000 L. Elle fit faillite principalement Ă  cause des nombreuses erreurs techniques de VĂ©zin ainsi qu'Ă  la gestion pas assez prudente de Cuget. La production des forges cesse. Le roi rĂ©cupère ses avances en saisissant l’établissement et seul Cugnet, qui s'Ă©tait endettĂ© de plus de 140 000 L a Ă©tĂ© vĂ©ritablement touchĂ© par l'aventure, ce qui le conduit Ă  la faillite personnelle[10].

Régie d'État

Une fois que les forges tombent sous le contrôle de l'État français, la France tombe dans une période de conflits qui régulera la gestion de la compagnie. La France s’engage dans la guerre de Succession d'Autriche entre 1741 et 1748 suivie par la guerre de Sept Ans, qui débute en 1754 dans la colonie[11].

Lieu historique

Le gouvernement fédéral crée en 1973 sur le site un lieu historique national nommé Forges-du-Saint-Maurice. Les lieux sont l'objet d'un vaste chantier archéologique de 1973 à 1979. Situé à une vingtaine de minutes du centre-ville de Trois-Rivières, le lieu historique commémore l'établissement de la première communauté industrielle au Canada. Le site est vaste et de très nombreux vestiges archéologiques rappellent la naissance et l'évolution de la première industrie sidérurgique canadienne. En 2023, le site, accessible au public, comprend notamment des visites guidées ou libres, des expositions, un spectacle, un programme éducatif, un parcours naturel.

Divers

Les forges sont à l'origine du nom du boulevard des Forges, une des principales artères de Trois-Rivières.

Les forges ont inspiré un feuilleton télévisé, Les Forges de Saint-Maurice, diffusé à Radio-Canada de 1972 à 1975.

Galerie

  • Ruine de la forge basse.
    Ruine de la forge basse.
  • Ruine de la forge haute.
    Ruine de la forge haute.
  • Vestige d’une fondation.
    Vestige d’une fondation.
  • Grande Maison.
    Grande Maison.
  • Ruine du moulin.
    Ruine du moulin.
  • Panneau d’accueil du lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice.
    Panneau d’accueil du lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice.
  • Balise limite.
    Balise limite.
  • Thuja occidentalis.
    Thuja occidentalis.
  • Fontaine du Diable.
    Fontaine du Diable.
  • George Seton (1819-1905).
    George Seton (1819-1905).
  • Henry Richard S. Bunnett, 1886.
    Henry Richard S. Bunnett, 1886.

Notes et références

  1. « Lieu historique national du Canada des Forges-du-Saint-Maurice », sur Les lieux patrimoniaux du Canada (consulté le )
  2. Louise Trottier, « Forges du Saint-Maurice », sur Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique française (consulté le )
  3. « Cugnet François-Étienne », sur Dictionnaire biographique du Canada (consulté le )
  4. Idem « Cugnet François-Étienne »
  5. Samson 1998, p. 13-14.
  6. Samson 1998, p. 14-16.
  7. Samson 1998, p. 16.
  8. Samson 1998, p. 17.
  9. Samson 1998, p. 20.
  10. Samson 1998, p. 21-22.
  11. Samson 1998, p. 24.

Annexes

Bibliographie

  • Benjamin Sulte, Les Forges Saint-Maurice, G. Ducharme, MontrĂ©al, 1920, 216 pages
  • Roch Samson, Les Forges du Saint-Maurice : Les dĂ©buts de l'industrie sidĂ©rurgique au Canada, 1730-1883, Sainte-Foy, Presses de l'UniversitĂ© Laval, , 460 p. (ISBN 2-7637-7547-0, lire en ligne).
  • Louise Trottier, Les Forges : Historiographie des Forges du Saint-Maurice. MontrĂ©al, BorĂ©al, Express, l980. 175 pages. (ISBN 9782890520158), [prĂ©sentation])
  • RenĂ© Hardy, La sidĂ©rurgie dans le monde rural, Les hauts fourneaux du QuĂ©bec au XIXe siècle, QuĂ©bec, Presses de l'universitĂ© Laval, 1995 [lire en ligne]

Articles connexes

Liens externes

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