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Fieseler Fi 103R (Reichenberg)

Le Fieseler Fi 103R, nom de code « dispositif Reichenberg Â» (en allemand : « Reichenberg-Gerät Â»), Ă©tait une version pilotĂ©e de la bombe volante V1, aussi connue sous la dĂ©signation plus exacte de Fieseler 103. Produite par les Nazis Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle devait permettre aux Allemands de mener des attaques au cours desquelles le pilote avait de très fortes chances de laisser sa peau (comme c'Ă©tait d'ailleurs Ă©galement le cas avec l'avion-suicide japonais Ohka, qui Ă©tait propulsĂ© par fusĂ©e). Dans le meilleur des cas, le pilote aurait eu la « chance Â» de pouvoir sauter en parachute hors de son avion juste avant d'arriver sur le site de bombardement, auquel cas il aurait très probablement Ă©tĂ© aspirĂ© par le moteur qui propulsait l'appareil.

Fi 103R-IV « Reichenberg Â»
Vue de l'avion.
Un Fi 103R Reichenberg (sans sa charge militaire), capturé par les troupes britanniques en 1945.

Constructeur Fieseler
Rôle Missile piloté
Statut prototype annulé
Premier vol
Mise en service jamais
Date de retrait
Nombre construits ~ 175
Dérivé de Fieseler F1 103
Équipage
un pilote suicidaire
Motorisation
Moteur Argus As 014
Nombre 1
Type Pulsoréacteur
PoussĂ©e unitaire 2,2 kN au point fixe
3,3 kN en vol
Dimensions
Envergure 5,72 m
Longueur 8,00 m
Hauteur 1,42 m
Masses
Carburant acĂ©tylène0,500 kg
Avec armement 2 250 kg
Performances
Vitesse de croisière 650 km/h
Vitesse maximale 800 km/h (Mach 0,65, en piquĂ©)
Rayon d'action ~ 330 km
Armement
Interne 850 kg d'explosif Amatol-39

Les missions auraient dĂ» ĂŞtre menĂ©es par l'« escadron Leonidas Â» (en allemand : Selbstopferkommando Leonidas), le V. Gruppe de l'escadre de bombardement Kampfgeschwader 200 (KG 200)

Historique

Contexte

Fieseler Fi 103R Reichenberg-Gerät, exposé au Schweizerisches Militärmuseum Full (en).

L'« escadron Leonidas Â», Ă©lĂ©ment du KG 200, avait Ă©tĂ© crĂ©Ă© comme escadron pour les vols d'essai et les missions suicides ou quasi-suicides. On demandait aux volontaires de signer une dĂ©claration qui disait : « Je m'engage par la prĂ©sente Ă  intĂ©grer le groupe suicidaire en tant que pilote de bombe volante. Je prends entièrement connaissance du fait que mon engagement dans cette activitĂ© me causera la mort »[1] - [2] - [Note 1].

Initialement, deux appareils avaient Ă©tĂ© choisis pour remplir ce type de missions : le V1 (donc le Fi 103, de sa dĂ©signation exacte), et le Messerschmitt Me 328. Finalement, on prĂ©fĂ©ra se reporter uniquement sur l'avion de Messerschmitt, Ă©quipĂ© d'une bombe de 900 kg[3]. Toutefois, la conversion du Me 328 posa de nombreux problèmes, et Heinrich Himmler souhaita annuler le projet. Otto Skorzeny, qui avait dĂ©jĂ  envisagĂ© sĂ©rieusement l'usage de torpilles humaines contre les navires des forces alliĂ©es, fut sommĂ© par Hitler de relancer le projet, et il contacta en parallèle la cĂ©lèbre pilote d'essais Hanna Reitsch pour en faire partie. Le Fi 103 fut ressuscitĂ©, et comme il semblait finalement pouvoir offrir Ă  son pilote une – maigre – chance de survie, il fut choisi pour le projet[4].

Le projet reçut le nom de code « Reichenberg Â», d'après le nom de la capitale de l'ancien territoire tchĂ©coslovaque de la rĂ©gion des Sudètes, « Reichsgau Sudetenland Â» (actuellement Liberec), alors que les avions prirent le nom de « dispositif Reichenberg Â» (en allemand : « Reichenberg-Geräte Â»)[4].

DĂ©veloppement

À l'été 1944, l'institut allemand de recherche pour le vol à voile (DFS, Deutsche Forschungsanstalt für Segelflug), à Ainring, se lança dans le développement d'une version pilotée du Fi 103, et un exemplaire prêt pour les essais en vol fut réalisé en quelques jours. Rapidement, une ligne de production fut établie à Dannenberg[5].

Le V1 était converti en Reichenberg d'une manière assez basique, en ajoutant un poste de pilotage juste en avant de l'entrée d'air du moteur, là où le V1 classique était normalement équipé de réservoirs d'air comprimé. Le cockpit était pourvu d'instruments de vol rudimentaires et d'un siège baquet en contreplaqué. La verrière en une seule pièce intégrait un panneau avant blindé et donnait accès à l'intérieur de l'appareil en s'ouvrant sur le côté. Les deux réservoirs d'air comprimé déplacés furent remplacés par un seul, qui était disposé plus en arrière que d'origine, prenant la place du système de pilote automatique des V1 classiques. Les ailes furent équipées de bords d'attaque renforcés afin de pouvoir couper les câbles des ballons de barrage, un dispositif qui était très utilisé par les Britanniques pendant la guerre[5].

Il fut proposé que le bombardier He 111 H-22 emporte un ou deux de ces engins en dessous de ses ailes, les relâchant en arrivant près de la cible. Les pilotes auraient ensuite manœuvré leurs avions vers la cible, larguant la verrière et sautant en parachute peu avant l'impact. Il était cependant estimé que les chances de survie de ces pilotes étaient de moins de 1 %, essentiellement en raison de la présence de l'entrée d'air du pulsoréacteur juste derrière le cockpit[6]. Contrairement à ce que laisse entrevoir le film Opération Crossbow, les Reichenbergs étaient tout le temps lancés depuis les airs, et n'utilisaient pas les rampes de lancement qu'utilisaient habituellement les V1.

Versions

Il a existé cinq versions de cet appareil[7] - [8]. Au mois d'octobre 1944, environ 175 modèles R-IV étaient prêts à entrer en action[9] :

  • R-1 : Version monoplace de base, planante et non propulsĂ©e ;
  • R-II : Planeur non propulsĂ©, dotĂ© d'un deuxième cockpit Ă  l'emplacement oĂą devait normalement se situer la charge militaire ;
  • R-III : Appareil biplace, propulsĂ© par un pulsorĂ©acteur ;
  • R-IV : Version standard opĂ©rationnelle ;
  • R-V : Appareil d'entraĂ®nement propulsĂ© pour le Heinkel He 162 (avec un nez raccourci).

Carrière opérationnelle

Entraînement

Les volontaires s'entraînaient d'abord sur des planeurs, afin de se familiariser avec les sensations du vol non propulsé, puis passaient ensuite sur des modèles plus pointus, dotés d'ailes raccourcies, qui pouvaient effectuer des piqués proches de 300 km/h. Ensuite, ils passaient sur le modèle à double commande du Fi 103, le R-II[6].

Le véritable entraînement commençait sur les R-I et R-II, et même si les faire atterrir sur un ski était difficile, l'avion était assez facile à contrôler, et les autorités jugèrent que l'escadron Leonidas serait rapidement au point pour employer ces machines au combat. Le , Albert Speer écrivit à Hitler pour lui dire qu'il était contre l'idée de gaspiller des hommes et du matériel contre les forces alliées en France, et que selon lui, l'emploi de ces appareils serait stratégiquement plus utile contre des centrales électriques en Russie[6].

Vols d'essais

Les troupes américaines inspectent un Fieseler Fi 103R, en 1945 à Neu Tramm.

Le premier vol rĂ©el eut lieu en Ă  l'aĂ©rodrome de Rechlin–Lärz (Erprobungsstelle Rechlin), l'avion Ă©tant larguĂ© d'un He-111. Il se termina par un crash lorsque le pilote perdit contrĂ´le de l'avion après avoir larguĂ© accidentellement la verrière. Un second vol, le jour suivant se termina Ă©galement par un crash, et les vols suivants furent effectuĂ©s par les pilotes d'essais Heinz Kensche et Hanna Reitsch. Reitsch elle-mĂŞme endura de nombreux accidents, desquels elle sortait toujours saine et sauve[6]. Elle effectua de nombreux vols afin de comprendre pourquoi autant d'Ă©lèves s'Ă©taient tuĂ©s au moment de poser l'appareil. En effectuant des essais Ă  haute altitude, afin de pouvoir « rĂ©cupĂ©rer Â» l'avion en cas de problèmes, elle dĂ©couvrit que l'avion avait une vitesse de dĂ©crochage extrĂŞmement Ă©levĂ©e, et les pilotes, avec leur maigre expĂ©rience des hautes vitesses, avaient tentĂ© de poser l'avion avec une vitesse beaucoup trop faible. Elle recommanda tout simplement aux Ă©lèves-pilotes d'aborder les phases d'approche Ă  l'atterrissage avec une vitesse bien plus Ă©levĂ©e que celle qu'ils pratiquaient habituellement.

Le , lors du deuxième vol du R-III, une aile cassa à cause des vibrations, et Heinz Kensche parvint à sauter en parachute et à échapper au pire, malgré une certaine difficulté à s'extraire de l'avion, en raison de l'étroitesse de son cockpit[10].

Annulation du projet

Quand Werner Baumbach prit le commandement du KG 200, en octobre 1944, il écarta le Reichenberg en faveur du programme Mistel. Lui et Speer rencontrèrent finalement Hitler le 15 mars 1945 et parvinrent à le convaincre que les missions-suicides ne faisaient pas partie des valeurs et traditions allemandes, et plus tard dans la journée Baumbach ordonna la dissolution de l'unité Reichenberg[10].

Avions exposés

Notes et références

Notes

  1. En allemand : « Ich melde mich hiermit freiwillig zum Eisatz mit der von Oblt. Lange vorgeschlagenen Gleitbombe. Ich bin mir darĂĽber klar, daĂź der Einsatz mit meinem Tod enden wird. Â».

Références

  1. (en) Gilbert 2004.
  2. (en) Thomas 2015.
  3. (en) Hyland 1999, p. 219.
  4. (en) Renneberg 1999, p. 115.
  5. (en) Hyland 1999, p. 220.
  6. (en) Hyland 1999, p. 221.
  7. (en) Kay 1977, p. 84.
  8. (en) O'Neill 1981, p. 192.
  9. (en) O'Neill 1981, p. 193.
  10. (en) Zaloga 2005, p. 39.
  11. (en) « Flying Heritage Collection », États-Unis (consulté le ).
  12. (en) « Lashenden Air Warfare Museum », Ashford (Royaume-Uni) (consulté le ).
  13. « La Coupole », Saint-Omer (consulté le ).
  14. (en) « Texas Air Museum at Stinson Field - San Antonio, TX » (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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  • (en) Sir Martin Gilbert, The Second World War, Henry Holt and Co., , 504 p. (ISBN 0-8050-7623-9). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Geoffrey J. Thomas et Barry Ketley, Luftwaffe KG 200 : The German Air Force's Most Secret Unit of World War II, Stackpole Books, (rĂ©impr. 15 septembre 2015), 336 p. (ISBN 978-0-8117-1661-1, lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Gary Hyland et Anton Gill, Last Talons of the Eagle, Headline, , 373 p. (ISBN 0-7472-5964-X). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Antony L. Kay, Buzz Bomb, Boylston, Monogram Aviation Publications, (ISBN 0-914144-04-9). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Antony L. Kay, J. Richard Smith et Eddie J. Creek, German Aircraft of the Second World War, Naval Institute Press, (ISBN 1-55750-010-X).
  • (en) Richard O'Neill, Suicide Squads : Axis and Allied Special Attack Weapons of World War II : Their Development and Their Missions, Londres, Salamander Books, , 296 p. (ISBN 0-86101-098-1). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Monika Renneberg et Mark Walker, Science, Technology, and National Socialism, Headline, , 115 p. (ISBN 0-521-52860-7, lire en ligne). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Richard Anthony Young, The Flying Bomb, New York, Sky Book Press, (ISBN 0-89402-072-2).
  • (en) Steven J. Zaloga et Jim Laurier, V1 Flying Bomb 1942-52, Botley, Oxford, Osprey Publishing, (ISBN 1-84176-791-3). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (de) Hanna Reitsch, Fliegen : mein Leben, Munich (Allemagne), J. F. Lehmanns, , 275 p. (ISBN 3-469-00558-3).
  • (de) Flugzeug Typen der Welt : Modelle, Technik, Daten, Augsbourg, BechtermĂĽnz, , 929 p. (ISBN 3-86047-593-2).


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