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Famille de mots

En lexicologie, le terme famille de mots ou famille lexicale dĂ©signe un groupe de mots qui constituent une sphĂšre considĂ©rĂ©e comme plus ou moins grande quant Ă  leur origine, en fonction de la vision du linguiste qui l’établit.

SphĂšre de la famille lexicale

Certains linguistes limitent la famille de mots Ă  ceux formĂ©s dans une langue donnĂ©e par dĂ©rivation Ă  partir d’une mĂȘme racine, et aux mots formĂ©s par composition de tels mots avec des mots ayant une racine diffĂ©rente[1] - [2].

Selon d’autres auteurs, la famille lexicale comprend Ă©galement des mots empruntĂ©s dont la racine est Ă©galement Ă  la base des mots formĂ©s sur le terrain de la langue considĂ©rĂ©e. Le mot empruntĂ© peut provenir de la langue mĂšre de la langue en cause. Par exemple, le mot latin classique caput « tĂȘte », par l’intermĂ©diaire du latin vulgaire *capum, a Ă©voluĂ© en français Ă  la forme chef (mot hĂ©ritĂ© du latin), mais son Ă©tymon se retrouve dans des emprunts comme capital ou dĂ©capiter, qui appartiennent Ă  la mĂȘme famille de mots[3]. De mĂȘme, le mot latin aqua a donnĂ© eau (mot hĂ©ritĂ© du latin), et aussi aquatique, aqueux, aqueduc et aquarium (emprunts au latin), ainsi que le dĂ©rivĂ© aquifĂšre (avec le suffixe Ă©galement latin -fĂšre). D’autres mots de cette famille, ayant la mĂȘme racine, sont empruntĂ©s non pas au latin mais Ă  une autre langue, tels aquarelle et gouache, Ă  l’italien[4]. Il y a aussi des familles lexicales qui contiennent des synonymes issus de la mĂȘme racine mais entrĂ©s dans la langue par des voies diffĂ©rentes, l’un Ă©tant hĂ©ritĂ©, l’autre empruntĂ©. Ce sont des doublets tel, en roumain, les mots signifiant « fraternel » : frățesc (dĂ©rivĂ© du mot hĂ©ritĂ© du latin frate « frĂšre ») et fratern (empruntĂ© au latin)[5].

Il y a des linguistes qui distinguent famille lexicale morphologique et famille lexicale sĂ©mantique. La famille morphologique est formĂ©e par dĂ©rivation. En français, par exemple, la famille du mot champignon contient le verbe champignonner. La base d’une autre famille morphologique est le latin fongus « champignon » (< latin classique fungus), dont est dĂ©rivĂ© l’adjectif fongique. Une autre famille morphologique encore est celle des termes de botanique et de mĂ©decine formĂ©s avec l’élĂ©ment formant myco- (< grec Όυ ́Îșης « champignon »). Ces trois familles pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une seule famille sĂ©mantique, Ă©tant trĂšs proches quant au sens, et mĂȘme se complĂ©tant les uns les autres. Il n’y a pas d’adjectif dans la famille morphologique de champignon, ni nom de maladie, mais il y a fongique et mycose. Il n’y a pas de verbe dans les familles morphologiques des deux derniers, mais il y a champignonner[6]. Un exemple semblable est en anglais la famille de eat « manger », qui comprend des dĂ©rivĂ©s de eat, l’emprunt au latin edible « mangeable » (< edibilis), et d’autres mots encore[7].

Parfois, la famille lexicale n’est pas limitĂ©e Ă  une seule langue, mais Ă©tendue Ă  toute une famille de langues. Dans ce sens, on considĂšre comme faisant partie de la mĂȘme famille tous les mots ayant pour base la mĂȘme racine de l’hypothĂ©tique indo-europĂ©en commun[8]. On dĂ©duit une telle racine par des mĂ©thodes de la linguistique comparĂ©e, sur la base de certaines lois phonĂ©tiques. Ainsi, le mot sanskrit parayati « mener Ă  travers », le grec ancien peirein « passer Ă  travers », le latin portare « porter », l’armĂ©nien hordan « avancer », le slave pariti « voler », le vieil anglais faran « aller, voyager » et tous les mots ayant ceux-ci pour base, fairaient partie de la mĂȘme famille, provenant de la racine indo-europĂ©enne commune *per-, dont le sens est « mener quelque part, passer par »[9].

Les familles lexicales formĂ©es de mots qui remontent Ă  un ancĂȘtre commun, mĂȘme entrĂ©s dans une langue par des chemins diffĂ©rents, sont appelĂ©s familles historiques. Celles de ces familles dont les membres sont sentis comme apparentĂ©s par les usagers, comme eau, aquatique, aqueux, etc., sont appelĂ©es synchroniques. Cependant, il y a des mots ayant la mĂȘme base qui ne sont plus perçus comme Ă©tant en relation, par exemple salade avec sel ou panier avec pain[8]. En anglais, un cas semblable est celui des mots borrow « emprunter » et bargain « nĂ©gocier »[7].

Familles de mots en quelques langues

  • (en) eat « manger » ; le doublet eatable (dĂ©rivĂ©) = edible [empruntĂ© au latin (< edibilis)] « mangeable, comestible » ; edibility « comestibilitĂ© » ; inedible « immangeable, non comestible » ; inedibility « non comestibilitĂ© » ; eater « mangeur » ; eatery « restaurant » ; edacious « vorace » (dĂ©rivĂ© du (la) edax), etc.[10]
  • (ro) bun « bon », bunătate « bontĂ© », bunăvoință « bonne volontĂ© », bună-cuviință « biensĂ©ance », bunicel, bunișor (diminutifs de « bun »), Ăźmbuna « rendre quelqu’un plus doux », Ăźmbunare « action de rendre quelqu’un plus doux », Ăźmbunătăți « amĂ©liorer », etc.[1]
  • (hr) racine drv- (du mot drvo « arbre, bois »), drvce « petit arbre », drven « en bois », drvenjara « maison en bois », drvar « bĂ»cheron et/ou vendeur de bois », drvarica « femme qui coupe ou qui ramasse du bois », drvarnica « remise Ă  bois »[11].

En hongrois il y a des familles de mots relativement grandes, Ă©tant donnĂ© que non seulement la dĂ©rivation est trĂšs productive, mais la composition aussi, par rapport Ă  une langue comme le français, par exemple. Exemple de famille comportant des mots dĂ©rivĂ©s et composĂ©s : munka « travail », munkĂĄs « ouvrier » ; munkĂĄssĂĄg « activitĂ© de travail, ensemble des ouvriers » ; megmunkĂĄl « travailler, traiter » (transitif) ; munkĂĄlkodik « s’occuper Ă  travailler » ; munkaerƑ « main d’oeuvre » ; munkaterv « plan de travail » ; munkaszervezĂ©s « organisation du travail » ; vasmunkĂĄs « ouvrier en siderurgie », etc.[12].

Dans cette langue, il peut y avoir un nombre relativement grand de mots dĂ©rivĂ©s les uns des autres, membres d’une famille Ă  cĂŽtĂ© d’autres mots encore. Exemple Ă  partir de la racine ad- du verbe ad « donne »[13] : + -at → adat « donnĂ©e, information » + -ol → adatol « il/elle documente » + -hat → adatolhat « il/elle peut documenter » + -atlan → adatolhatatlan « impossible Ă  documenter » + -sĂĄg → adatolhatatlansĂĄg « impossibilitĂ© Ă  documenter »[14].

Notres et références

  1. Constantinescu-Dobridor 1998, article familie, partie ~ lexicală.
  2. Bokor 2007, p. 179.
  3. Dubois 2002, p. 195. L’astĂ©risque (*) indique une forme non attestĂ© mais reconstituĂ©e.
  4. Grevisse et Goosse 2007, p. 151, ainsi que les articles correspondants du TLFi.
  5. Dexonline, articles frate, frățesc et fratern.
  6. Hathout 2011, p. 262. Le signe < veut dire « provient de ».
  7. Bussmann 1998, p. 1287.
  8. Grevisse et Goosse 2007, p. 151.
  9. Etymonline, article *per- (2).
  10. Etymonline, les articles correspondants.
  11. Barić 1997, p. 287.
  12. Balogh 1971, p. 187.
  13. En hongrois, la forme de base du verbe, celle qui se trouve dans les dictionnaires, est celle de la 3e personne du singulier de l’indicatif prĂ©sent.
  14. Gerstner 2006, p. 324.

Sources bibliographiques

  • (hu) Balogh, DezsƑ ; GĂĄlffy, MĂłzes ; J. Nagy, MĂĄria, A mai magyar nyelv kĂ©zikönyve [« Guide du hongrois contemporain »], Bucarest, Kriterion, 1971
  • (hr) Barić, Eugenija et al., Hrvatska gramatika [« Grammaire croate »], 2de Ă©dition revue, Zagreb, Ć kolska knjiga, 1997 (ISBN 953-0-40010-1)
  • (hu) Bokor, JĂłzsef, « SzĂłkĂ©szlettan » [« Lexicologie »], A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e Ă©dition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 164-196 (consultĂ© le )
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, 1998 (ISBN 0-203-98005-0) (consultĂ© le )
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998; en ligne : Dexonline (DTL) (consultĂ© le )
  • (ro) Dicționare ale limbii romĂąne [« Dictionnaires de la langue roumaine »] (Dexonline) (consultĂ© le )
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, 2002 (consultĂ© le )
  • (hu) Gerstner, KĂĄroly, « 16. fejezet – A magyar nyelv szĂłkĂ©szlete » [« Chapitre 16 – Lexique de la langue hongroise »], Kiefer, Ferenc (dir.), Magyar nyelv [« La langue hongroise »], Budapest, AkadĂ©miai KiadĂł, 2006, (ISBN 963-05-8324-0), p. 306-334 (consultĂ© le )
  • (en) Harper, Douglas, Online Etymology Dictionary [« Dictionnaire Ă©tymologique en ligne »] (Etymonline) (consultĂ© le )
  • Hathout, Nabil, Une approche topologique de la construction des mots : propositions thĂ©oriques et application Ă  la prĂ©fixation en anti-, Des unitĂ©s morphologiques au lexique, Paris, Lavoisier, 2011, p. 251-317, (ISBN 978-2-7462-2986-0) (consultĂ© le )
  • TrĂ©sor de la langue française informatisĂ© (TLFi) (consultĂ© le )

Articles connexes

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