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FERT

FERT, ou « FERT, FERT, FERT », dans sa forme longue, est la devise de la maison de Savoie, qui aurait Ă©tĂ© adoptĂ©e sous le rĂšgne d’AmĂ©dĂ©e VI, comte de Savoie, d’Aoste, et de Maurienne, dit le « Comte Vert ».

Ducat de Charles le Bon portant la devise FERT de part et d'autre de l'écu de Savoie (début du XVIe siÚcle).

Elle apparaüt de façon officielle dans les armoiries et sur les piùces de monnaie du royaume de Sardaigne (1720-1861), puis sur celles du royaume d’Italie (1861-1946).

Origine et significations

La devise serait apparu pour la premiĂšre fois sur le collier de l’ordre du Collier, ordre de chevalerie fondĂ© par le comte AmĂ©dĂ©e VI en 1364, et devenu, sous Charles le Bon (1486-1553), l’ordre de la TrĂ©s-Sainte-Annonciade. Toutefois, la premiĂšre mention du motto « FERT » n'est attestĂ©e qu'aprĂšs 1382[1]. Puisque ni AmĂ©dĂ©e VI ni Victor-AmĂ©dĂ©e II ou encore Charles le Bon n’ont fait clairement apparaĂźtre une quelconque explication dans les documents officiels qui Ă©manaient de leurs chancelleries, de nombreuses interprĂ©tations de la devise ont Ă©tĂ© faites tout au long des siĂšcles. D’aprĂšs certains chercheurs, il serait impossible d’établir le sens originel de celle-ci de nos jours[2].

Les interprétations les plus célÚbres sont les suivantes :

  • la plus connue est celle du sigle FERT reprenant la locution latine Fortitudo Eius Rhodum Tenuit, c’est-Ă -dire Par son courage il conquit Rhodes. Cette version, rapportĂ©e par l’écrivain italien Francesco Sansovino et certaines chroniques manuscrites, se rĂ©fĂšre Ă  un Ă©pisode lĂ©gendaire selon lequel un AmĂ©dĂ©e de Savoie se serait rendu Ă  Rhodes afin de la libĂ©rer d’un siĂšge opĂ©rĂ© par les Turcs ; il en aurait Ă©tĂ© le vainqueur. Les chroniques attribuent l’entreprise Ă  AmĂ©dĂ©e IV ou bien AmĂ©dĂ©e V, qu’elles rendent Ă©galement vainqueur d’un fait-d’armes Ă  Saint-Jean-d’Acre. En rĂ©alitĂ©, l’üle du DodĂ©canĂšse, une fois reprise aux Byzantins, passe aux chevaliers hospitaliers deux siĂšcles aprĂšs les Ă©vĂ©nements, et, de mĂȘme, aucun comte de Savoie ne semble s’ĂȘtre rendu Ă  Rhodes, ce qui n’ajoute pas Ă  cette lĂ©gende un fondement historique[3]. En outre, cette entreprise n’est pas mĂȘme mentionnĂ©e dans les statuts originaux de l’ordre du Collier ; or, une telle victoire aurait sans doute dĂ» faire l’objet d’un signalement si elle s’était produite[4]. Cette interprĂ©tation est dĂ©crite comme Ă©tant la plus courante, y compris par l’Enciclopedia Italiana, bien que le rĂ©cit ne soit pas historique et qu’il ne s’agisse que d’élever en dignitĂ© la maison de Savoie[5] ; elle est Ă©galement reprise comme Ă©tant la seule explication de la devise dans l’encyclopĂ©die linguistique Garzanti[6] ;
Il monumento al Conte Verde, le monument au Comte-Vert (Amédée VI), à Turin.
  • Fert est la troisiĂšme personne du singulier de l’indicatif prĂ©sent du verbe irrĂ©gulier latin ferƍ, fers, ferre, tulÄ«, lātum, et signifie dans un sens large « porter ». Fert devrait alors se comprendre comme une addition Ă  l'Ă©cu de Savoie et signifier « il porte la croix », en rĂ©fĂ©rence au Christ. Une autre acception du terme, avec le sens de « supporter » suggĂšre une exhortation faite aux membres de la famille et Ă  leurs successeurs, pour parer aux vicissitudes que subit la maison princiĂšre avec de l’esprit et de l’endurance. Cette idĂ©e est compatible avec l’esprit de l’ordre chevaleresque du Collier, dont la devise initiale est « FERT », qui, combinĂ© avec le nƓud de Savoie, indique la dĂ©votion mariale ; les membres sont invitĂ©s Ă  supporter les Ă©preuves par la dĂ©votion Ă  l'Annonciation de la Vierge ; cette thĂšse est soutenue par Luigi Cibrario alors que Dino Muratori fait valoir que la devise originelle n’a aucun lien avec l’ordre et aurait pu ĂȘtre bien antĂ©rieure Ă  celui-ci, mĂȘme si elle y a toujours Ă©tĂ© liĂ©e[7] ;
  • pour Padiglione, l’explication est sensiblement diffĂ©rente puisqu’il considĂšre que « FERT n’a pas eu d’autre signification que Fortitudo, [c’est-Ă -dire] la Fortezza [en français, forteresse], FERT Ă©tant la forme abrĂ©gĂ©e de FertĂš, un ancien mot qui signifie Forteresse (sic), dans le langage archaĂŻque parlĂ© Ă  l’époque, et veut dire aujourd’hui FermetĂ© (sic), c’est-Ă -dire Fortezza »[8] ;
  • une autre thĂ©orie ramĂšne l’adoption de la devise Ă  un tournoi organisĂ© Ă  ChambĂ©ry auquel AmĂ©dĂ©e VI aurait assistĂ© avec ses chevaliers, portant « la devise d’un collier qui a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour des courses de lĂ©vriers de chasse, avec pour inscription Fert en lettres d’or »[9].

D’autres interprĂ©tations font de FERT un acronyme de :

  • Fortitudo Et Robur Taurinensis (Force et robustesse turinoise). Toutefois, le dĂ©faut de cet acronyme est que les termes fortitudo et robur (le chĂȘne en français, qui, par excellence, est symbole de force ou d’endurance) sont presque synonymes. La rĂ©fĂ©rence Ă  Turin atteste en outre la fixation dĂ©finitive de la maison de Savoie dans la citĂ© (les origines familiales se trouvant Ă  l’origine au-delĂ  des Alpes) ;
  • Fors Eius Romam Tenuabit (Sa propre force dĂ©truira Rome). Cet acronyme peut faire rĂ©fĂ©rence Ă  un incident survenu au dĂ©but de l’anoblissement de la maison de Savoie, et en particulier lorsque le lĂ©gendaire Humbert aux Blanches Mains (Umberto Biancamano) a Ă©tĂ© contraint de recevoir l’investiture fĂ©odale des mains de l’empereur du Saint-Empire romain germanique, Ă  la suite du refus du Saint-SiĂšge. Il s’agit d’une interprĂ©tation formulĂ©e par quelques chercheurs spĂ©cialistes de cette famille italienne ; toutefois, cette devise est le patronage d’une puissante loge maçonnique anticlĂ©ricale encore active ;
  • Foedere Et Religione Tenemur (Que la paix et la religion nous lient) ;
  • Fides Est Regni Tutela (La foi est la protection du royaume).

Les deux derniÚres hypothÚses, selon lesquelles les Savoie se déclareraient clairement partisans de la religion catholique et romaine, font clairement référence à la théorie de la puissance terrestre du souverain provenant de la volonté divine.

Un autre acronyme pourrait provenir de la devise Frappez, entrez, rompez tout (en français)[10].

D’autres admettent que la devise provient d’une rĂ©fĂ©rence Ă  une piĂšce de monnaie, le ferto[11].

Une interprĂ©tation, issue la locution Foemina Erit Ruina Tua (La femme sera ta ruine), est devenue populaire, bien que ses fondements soient satiriques. En dĂ©veloppant cette explication de l’acronyme, un anonyme turinois, Pasquin, fait sans doute rĂ©fĂ©rence au mariage morganatique du roi Victor-AmĂ©dĂ©e II, veuf de la princesse Anne d’OrlĂ©ans, avec Anna Carlotta Teresa Canalis de Cumiana (en), veuve du comte Novarina, et devenue marquise di Spigno.

Galerie

  • Vitrail aux armes d’AmĂ©dĂ©e VIII, rĂ©alisĂ© par le verrier suisse Janin Loysel (verre et plomb, collection privĂ©e, dĂ©posĂ©e Ă  la Fondation du chĂąteau de Ripaille). Au centre, les armes de la maison de Savoie — de gueule Ă  la croix d’argent, entourĂ©es de deux nƓuds ou lacs d’amour et de la devise FERT de la famille.
    Vitrail aux armes d’AmĂ©dĂ©e VIII, rĂ©alisĂ© par le verrier suisse Janin Loysel (verre et plomb, collection privĂ©e, dĂ©posĂ©e Ă  la Fondation du chĂąteau de Ripaille). Au centre, les armes de la maison de Savoie — de gueule Ă  la croix d’argent, entourĂ©es de deux nƓuds ou lacs d’amour et de la devise FERT de la famille.
  • Le roi Victor-Emmanuel III et sa famille sur une carte postale de 1915, dans laquelle le fond se compose de la devise FERT reproduite Ă  plusieurs reprises.
    Le roi Victor-Emmanuel III et sa famille sur une carte postale de 1915, dans laquelle le fond se compose de la devise FERT reproduite Ă  plusieurs reprises.
  • Drapeau du Royaume albanais durant l’occupation italienne (1939-1944), comportant la devise FERT.
    Drapeau du Royaume albanais durant l’occupation italienne (1939-1944), comportant la devise FERT.

Notes et références

  1. (it) Luisa Gentile, Processi di rappresentazione del potere principesco in area subalpina, XIII-XVI secolo, riti ed emblemi, Dottora di recerca, Torino-Chambéry, 2003, p. 246.
  2. Padiglione 1869, p. 5-6.
  3. Padiglione 1869, p. 7.
  4. Padiglione 1869, p. 11.
  5. « FERT », Enciclopedia Italiana,‎ (lire en ligne).
  6. « FERT », Garzanti Linguistica,‎ (lire en ligne).
  7. Gentile 2008, p. 205.
  8. Padiglione 1869, p. 16.
  9. Fumagalli 1989, p. 390.
  10. (it) Luigi Cibrario et Domenico Casimiro Promis, Sigilli de’ principi di Savoia raccolti ed illustrati per ordine del re Carlo Alberto, Turin, Stamperia Reale, , 274 p. (OCLC 602835429), p. 54.
  11. « FERT », Enciclopedia Italiana,‎ (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Lien externe

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