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Eugène Le Bègue de Germiny

Charles-Eugène Le Bègue, comte de Germiny, né à Melun le et mort en à Buenos Aires[1], est un avocat et homme politique français.

Figure montante de la droite catholique parisienne, il est foudroyé en 1876 par une affaire de mœurs.

Biographie

Eugène naît en 1841 à Melun, où son père, Charles Le Bègue de Germiny, occupe le poste de préfet de Seine-et-Marne. Fils d'un pair de France et gendre du ministre Georges Humann, Charles Le Bègue de Germiny sera ministre des Finances sous la Deuxième République, gouverneur de la Banque de France puis sénateur sous le Second Empire. Comme tous les membres de leur famille depuis 1715, Charles et ses fils portent le titre de « comte de Germiny ».

L'ascension d'un notable catholique

Après une scolarité au collège jésuite de Vaugirard dirigé par le père Olivaint, Eugène Le Bègue de Germiny poursuit ses études et devient docteur en droit. Jeune avocat inscrit au barreau de Paris en 1865[2], il est élu secrétaire de la Conférence du stage en 1867[3] - [4] avant d'être lauréat du prix Liouville en 1868[5]. La même année, il épouse Emma-Clémence-Marianne Le Bègue de Germiny, fille d'Henri-Gabriel-Marie Le Bègue de Germiny, un cousin de son père. Collègue et ami du jeune marié, l'ancien ministre Michel Hébert figure parmi les témoins[6]. Eugène et Marianne auront trois enfants[7], Raoul, Charles et Marie[8].

Disciple d'Henri Perreyve[9], ami d'Albert de Mun[10] et homme d'ordre profondément marqué par les événements de la Commune (pendant lesquels son ancien maître, le père Olivaint, qui souhaitait lui confier sa défense, a été exécuté sommairement[11]), Eugène est un catholique militant. Il appartient ainsi à plusieurs œuvres et cercles liés à l’Église, comme le comité de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre[12]. Secrétaire général de la Société générale d'éducation et d'enseignement, membre de l’Œuvre du Vénérable de La Salle, membre-fondateur puis administrateur (avec Charles Hamel et Ferdinand Riant) de l'Université catholique de Paris, il est, en 1876, l'avocat du père Stanislas du Lac, recteur de l'école jésuite de la rue des Postes.

Cet engagement le fait entrer en politique sous la bannière de la droite catholique et légitimiste. Le 29 novembre 1874, Eugène de Germiny est élu conseiller municipal du quartier Saint-Thomas-d'Aquin dans le 7e arrondissement de Paris. Également membre du conseil général de la Seine, il se présente aux élections législatives de février 1876 dans la circonscription correspondant à son arrondissement. Se présentant aux électeurs comme le défenseur de l'ordre, de la propriété, de la famille et de la religion[13], il est cependant largement devancé par le bonapartiste Anatole Bartholoni, le radical Charles-Félix Frébault et le républicain modéré Amédée Langlois, député sortant, qui se désiste avant le second tour en faveur de Frébault[14]. Germiny se désiste également, mais sans appeler à voter pour Bartholoni[15], qui sera finalement battu par Frébault.

Le scandale

Vespasiennes du jardin des Champs-Élysées (photographie de Marville).
Caricature de 1881 associant Germiny (à gauche) au capitaine Louis Voyer (d), victime d'une affaire similaire.

Espoir de la droite monarchiste et cléricale en lutte contre les républicains, Eugène de Germiny voit sa réputation et sa carrière s'effondrer le .

Ce soir-là, vers 23 heures, il est en effet arrêté par la police des mœurs alors qu'il se trouve dans une vespasienne des Champs-Élysées, près du café des ambassadeurs, en compagnie d'un jeune ouvrier de 18 ans, Pierre Chouard. L'affaire est très rapidement ébruitée : dans une lettre du 14 décembre adressée à Tourgueniev, Gustave Flaubert semble s'en réjouir : « Quelle histoire que celle du sieur de Germiny arrêté comme boulgre ! Voilà de ces anecdotes qui consolent et aident à supporter l’existence »[16]).

Accusé d'outrage public à la pudeur et de rébellion, Germiny se défend en prétendant ne s'être rendu dans ce lieu notoire de rencontres homosexuelles que pour y enquêter sur « certains faits scandaleux »[17]. Le , la huitième chambre du tribunal correctionnel le condamne à deux mois de prison et 200 francs d'amende[18].

Cette condamnation infamante d'un partisan de l'Ordre moral fait la joie des républicains et, surtout, des plus anticléricaux d'entre eux. Elle prive Eugène de Germiny de son mandat municipal et de son poste d'administrateur de l'Université catholique, auquel il sera remplacé par Octave Depeyre[19].

L'exil en Argentine

Après avoir purgé sa peine à la prison de la Santé, il se sépare de son épouse en 1886[20] et s'exile en Argentine sous le nom de « Lebègue ».

Installé à Buenos Aires, où il vit en concubinage avec une mulâtresse, il écrit quelques articles pour L'indépendant, l'un des journaux de la colonie française. Il gagne tout d'abord sa vie comme clerc dans l'étude de maître Delcasse avant de passer des examens de droit pour être admis au barreau local[21]. Il reprend ainsi avec succès son ancienne activité d'avocat dans la capitale argentine, où il meurt en 1898.

Dans son testament, rédigé en 1892, il pardonne à ceux qui ont « brisé [s]a vie », et demande à son exécuteur testamentaire « de brûler tous [s]es papiers, désirant qu'une fois mort le silence se fasse absolument sur [lui] »[22].

Notes et références

  1. Albert Révérend (dir.), Annuaire de la noblesse de France, vol. 55, 1899, p. 454.
  2. Almanach national, annuaire officiel de la République française pour l'année 1873, Paris/Nancy, Berger-Levrault, p. 1060.
  3. Charles-Eugène, comte Lebègue Germiny
  4. Nobuhito Nagaï, Les conseillers municipaux de Paris sous la IIIe république (1871-1914), Publications de la Sorbonne, Paris, 2002, p. 136.
  5. Bulletin annuel de l'Association amicale des secrétaires et anciens secrétaires de la Conférence des avocats à Paris, 1899, p. 373.
  6. Registres d'état civil du 6e arrondissement de Paris, acte de mariage no 94, 17 février 1868.
  7. François Ducuing, « Affaire de Germiny », Le XIXe siècle, 25 décembre 1876, p.2-3.
  8. Albert Révérend (dir.), Annuaire de la noblesse de France, vol. 51, 1895, p. 329.
  9. L'Abbé Henri Perreyve, Paris/Lille, Lefort, 1867, p. 71-74.
  10. Philippe Levillain, Albert de Mun, catholicisme français et catholicisme romain du syllabus au ralliement, École française de Rome, 1983, p. 437.
  11. Armand de Ponlevoy, Actes de la captivité et de la mort des RR. PP. Olivaint, L. Ducoudray, J. Caubert, A. Clerc, A. de Bengy, de la compagnie de Jésus, 5e édition, Paris, 1872, p. 86 et 165-172.
  12. Edmond About, « La chute d'un ange », Le XIXe siècle, 15 décembre 1876, p. 1.
  13. « Élections de la Seine », Le Temps, 8 février 1876, p. 2.
  14. « Bulletin », Le XIXe siècle, 7 mars 1876, p. 1.
  15. « Chronique électorale », Journal des débats, 3 mars 1876, p. 3.
  16. Gustave Flaubert, Correspondance, éd. Danielle Girard et Yvan Leclerc, Rouen, 2003 (consultable en ligne).
  17. « Tribunaux », La Presse, 25 décembre 1876, p. 3-4.
  18. « Tribunaux », Le Rappel, 1er janvier 1877, p. 3.
  19. Pierre-Louis Péchenard, L'Institut catholique de Paris, 1875-1901, Paris, 1902, p. 25.
  20. « Séparation de biens », Archives commerciales de la France, no 85, 23 octobre 1886, p. 1330.
  21. « Le comte de Germiny et le général d'Andlau », Gil Blas, 28 janvier 1893, p. 3.
  22. « Nouvelles de l'étranger », Le Temps, 8 juin 1898, p. 2.

Bibliographie

  • Régis Révenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris : 1870-1918, Paris, L’Harmattan, , 225 p. (ISBN 978-2-7475-8639-9, lire en ligne), p. 93-94.
  • Christian Gury, L’Honneur perdu d’un politicien homosexuel en 1876, Kimé, 1999.

Liens externes

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