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Erispoë

Erispoë[1], dont le nom est aussi reconstitué en latin tardif par Herispogius[2] ou Hervspogius[3] et même Respogius[4], est un roi de Bretagne[5] qui a régné, à la suite de son père Nominoë, de ou [6] jusqu'à sa mort, survenue en à Talensac (actuelle Ille-et-Vilaine).

Erispoë
Titre
Roi de Bretagne
Prédécesseur Nominoë
Successeur Salomon
Biographie
Nom de naissance Erispoe
Date de naissance vers 820
Date de décès -
Lieu de décès Talensac
Père Nominoë
Conjoint Marmohec
Enfants Conan
Une fille fiancée à Louis II de France
Liste des souverains de Bretagne

Introduction

Le contexte historique

Les Bretons, venus de la province romaine de Bretagne au cours du Ve siècle, contrôlent l'ouest et le nord de la péninsule armoricaine au moment de la disparition de l'empire d'Occident (476). Face au royaume franc constitué peu après par Clovis, ils apparaissent, bien que chrétiens, comme des barbares, soumettant à de fréquents raids de pillage les comtés de Nantes et de Rennes. Au début des années 770, Charlemagne établit la marche de Bretagne afin de mieux assurer la défense et fait procéder à plusieurs expéditions contre les Bretons. Louis le Pieux, son successeur, adopte une politique de coopération avec l'aristocratie bretonne, et de ce processus émerge la personnalité de Nominoë, placé à la tête des Bretons en tant que vassal de Louis.

Après la mort de Louis le Pieux (840), Nominoë entre en rébellion contre ses fils et s'assure une quasi indépendance. Son fils Erispoë conforte son pouvoir grâce à la victoire de Jengland (851) et obtient de Charles le Chauve la reconnaissance du titre royal.

Les sources

Une des principales sources est constituée par les annales de l'abbaye Saint-Bertin, qui sont plutôt favorables à la monarchie franque. On a aussi quelques chartes bretonnes datant du règne d'Erispoë, provenant de l'abbaye de Redon et de l'évêché de Nantes.

Biographie d'Érispoë

La bataille de Jengland et le traité avec Charles le Chauve (851)

Erispoë succède à son père à la tête de la Bretagne en [7] et affronte victorieusement le roi Charles le Chauve le à Jengland-Beslé près de la Vilaine. Le comte du Mans Vivien et le comte du palais Hildemar trouvent la mort dans cette bataille, aux côtés de plusieurs milliers de Francs. Les pertes bretonnes sont minimes.

Quelques semaines après cette bataille, Erispoë rencontre Charles le Chauve à Angers : un accord de paix est conclu.

Le texte de l'accord n'est pas connu directement, mais il est évoqué par les Annales de Saint-Bertin[8], qui rapportent que : « Erispoé, fils de Nominoë, venant auprès de Charles, dans la ville d'Angers par la dation des mains est accueilli et lui sont donnés tant les insignes royaux que la puissance jadis dévolue à son père, étant ajouté en outre le Rennais, le Nantais et le pays de Retz[9]. » Ce texte est capital :

  • par la « dation des mains », Erispoë engage sa fidélité et se reconnaît vassal de Charles le Chauve, ce qui, de fait, ne l'engage pas à grand-chose puisqu'il est en situation de force mais lui permet de bénéficier de la protection que le seigneur doit à son vassal.
  • l'usage des insignes royaux lui est accordé, même si, de fait, il s'était attribué ceux abandonnés par Charles le Chauve, à Jengland-Beslé, au cours de sa fuite nocturne[10]. Cette concession symbolique signifie sa reconnaissance comme roi de Bretagne par le roi de la Francie occidentale.
  • Erispoë se voit confirmer la possession des comtés de Rennes et de Nantes, et la Bretagne est agrandie du pays de Retz[11].

La signification du titre royal

En ce qui concerne la titulature ultérieure d'Erispoë, on peut remarquer que plusieurs actes du Cartulaire de Redon datés de 852 et un diplôme pour l'Église de Nantes du [12] le qualifient de princeps. Il ne semble pas exister de document (monnaie etc.) où il soit expressément appelé rex.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas oublier que les mots « roi » et « royaume » ont pour nous un sens un peu différent de celui des gens du haut Moyen Âge. Les rois francs portent, au moins depuis Clovis, le titre de rex Francorumroi des Francs ») et Charlemagne a été à la fois rex Francorum et rex Langobardorumroi des Lombards », en 774), avant d'ajouter le titre d’imperator (« empereur », en 800).

Or dans le royaume de Charlemagne, existent dès 781 un regnum Aquitaniaeroyaume d'Aquitaine », dévolu à Louis le Pieux) et un regnum Italiaeroyaume d'Italie », dévolu à Pépin d'Italie).

En 851, Erispoë se voit peut-être reconnu comme rex Britanniae, ce qui du point de vue du Carolingien Charles le Chauve, rex Francorum[13], n'est pas totalement hors norme. La seule vraie nouveauté sur le plan institutionnel est qu'Erispoë n'est pas membre de la famille carolingienne, ce qui est dû à un rapport de forces dans lequel les Bretons ont nettement l'avantage.

On peut remarquer que, dès , dans le capitulaire de Quierzy, Charles le Chauve, avant son départ pour l'Italie, évoque, entre autres problèmes, l'accord d'Angers, mais pour le dénoncer sur le plan institutionnel : « Pour ce qui est du titre de royaume accordé aux Bretons par nécessité, et confirmé par serment, nos fidèles sont dispensés de le reconnaître parce qu'il n'y a plus de descendants de ceux auxquels il fut concédé. » (c'est-à-dire à la famille de Nominoë).

Suite du règne (851-857)

La défense de Nantes et l'alliance avec les Danois (853)

En 853, la ville de Nantes est pillée par les Normands. Apprenant la nouvelle, le Danois Cédric (Sigtrygg), neveu du roi du Danemark, honore l'alliance conclue entre Nominoë et le roi Horik Ier de Danemark en attaquant les Norvégiens responsables du pillage de Nantes. Il fait la jonction avec l'armée d'Erispoë, et ils font conjointement le siège de l'île de Bièce, dans laquelle les Norvégiens se sont retranchés. Les Norvégiens capitulent bientôt en offrant des présents aux vainqueurs. Cédric, blessé dans la bataille, repart en mer. Il mourra peu de temps après non loin du Havre, tué par les troupes de Charles le Chauve[14].

L'entrevue de Louviers avec Charles le Chauve (856)

En 856, lors de l'entrevue de Louviers, il est question de marier Louis le Bègue, fils de Charles avec une fille d'Erispoë[15]. « Le roi Charles fait la paix avec le Breton Hérispoé, et fiance son fils Louis à la fille de celui-ci, auquel il donne le duché du Mans, jusqu'à la route qui conduit de Paris à Tours. »[16] Le mariage ne se fait pas mais cette maladresse est peut-être une des raisons du mécontentement d'un parti de noble dont son cousin Salomon à qui des domaines avait été accordés en Neustrie, et du complot qui entraîne sa mort[17].

La mort d'Erispoë

Son règne s'achève entre le et le [17] par son assassinat sur l'autel de l'église de Talensac[18], donc un lieu d'asile, par son successeur et cousin Salaün, aidé d'Alcmar[19].

Postérité

Erispoë était marié à Marmohec et avait au moins deux enfants :

  • un fils nommé Conan ;
  • une fille qui, après avoir été fiancée par son père au prince Louis le Bégue, fils de Charles le Chauve, aurait épousé Gurwant, « comte de Rennes » et « cousin de Salomon »[20] . Les sources contemporaines indiquent seulement qu'elle est la mère du princeps Judicaël[21]. Le même Gurwant assassinera ou fera assassiner Salomon en 874.

Annexes

Bibliographie

  • André Chédeville et Hubert Guillotel, La Bretagne des saints et des rois Ve-Xe siècle. Rennes, Éditions Ouest France, 1984 (ISBN 2858826137)
  • Arthur de La Borderie, Histoire de Bretagne. Mayenne, Joseph Floch, 1975, tome 2 : « Règne d'Erispoe 851-857 », p. 73-83.
  • Reynald Secher et René Le Honzec, Histoire de Bretagne. Noyal-sur-Vilaine, Éditions Reynald Secher, collection « Mémoire du futur », 1994.
  • Noël-Yves Tonnerre, Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale (Nantais et Vannetais) de la fin du VIIIe à la fin du XIIe siècle, Angers, Presses de l'Université d'Angers, , 625 p. (ISBN 2-903075-58-1).

Postérité littéraire

  • Julien Meunier, Les Marches de Bretagne - Tome 2 - Erispoë - Le Fils du Libérateur. Les Éditions des Montagnes Noires, 2017 ( (ISBN 978-2-919305-96-4))

Articles connexes

Notes et références

  1. A. de Courson, Cartulaire de l'abbaye de Redon en Bretagne, p. 17 et 29, Impr. impériale, Paris, 1863.
  2. Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l'Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. I, p. 140, Charles Osmont impr., Paris, 1742
  3. A. Cousteau, Les chroniques annalles des pays d'Angleterre et bretaigne faictes et compilees par noble et sage maistre Allain Bouchart., fo LXIIII vo, Jean Petit & Galliot, Paris, 1631.
  4. F. Grat, J. Vielliard & S. Clemencet, Annales de Saint-Bertin, in Bulletin de la Société d'Histoire de France, p. 72, Paris, 1964.
  5. Philippe Tourault, Les rois de Bretagne, 2005, p. 102 et sqq.
  6. A. Lemoyne de La Borderie, Examen chronologique des chartes du cartulaire de Redon antérieures au XIe siècle, in BECh, t. XXV, p. 280, Société de l'École des chartes, Paris, 1864.
  7. Généalogie d'Erispoë sur le site Medieval Lands
  8. Annales de Saint-Bertin : AD 851, p. 151
  9. Cité par Hubert Guillotel, in La Bretagne des saints et des rois, 1984 p. 283
  10. André Chédeville & Hubert Guillotel op. cit. p. 285
  11. Ph. Tourault, op. cit., p. 111.
  12. André Chédeville & Hubert Guillotel op. cit. p. 288, Appendices no 31, 34, 40.
  13. Les rois de France utilisent la formule rex Francorum jusqu'au XIIe siècle, devenant alors rex Franciae.
  14. Prudence Guillaume de Roujoux, Histoire des rois et des ducs de Bretagne, volume 1, Dufey, 1829, p. 362-363.
  15. Annales de Saint-Bertin, ad annum 856 Le Roi Charles fait la paix avec le breton Hérispoé, et fiance à la fille de celui-ci, son fils Louis, p. 159
  16. Pierre Riché, Les Caroligiens. Une famille qui fit l'Europe, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », , 434 p. (ISBN 2010196384), p. 193.
  17. André Chédeville et Hubert Guillotel, op. cit., p. 294
  18. Biographie de tous les Bretons qui se sont fait un nom, Prosper Jean Levot
  19. Annales de Saint-Bertin, ad annum 857 Hérispoé duc des Bretons, est tué par les Bretons Salaün et Almar depuis longtemps en querelle avec lui, p. 161, 162
  20. Dom Morice, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, tome I, p. 45.
  21. Chronique de Réginon de Prüm : AD 874.
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