Engagement libertaire de Georges Brassens
Georges Brassens, militant libertaire, est adhérent à la Fédération anarchiste entre 1946 et 1948.
Durant cette période, il contribue au journal Le Libertaire sous divers pseudonymes.
Depuis les années 1950, ses chansons sont un puissant vecteur de diffusion des idées anarchistes.
Le journaliste militant
En 1946, six ans aprÚs son installation à Paris, Georges Brassens lance Le Cri des Gueux, publication qui ne connaßt qu'un seul numéro[1].
Durant cette période, il rencontre des militants libertaires dont le peintre Marcel Renot et le poÚte Armand Robin. Il lit Bakounine, Proudhon et Kropotkine.
Au début de 1946, il envoie un article anonyme au Libertaire. Agréablement surpris de le voir publié, il vient frapper à la porte de la Fédération anarchiste, au 145, quai de Valmy, à Paris[2].
Câest en qu'il adhĂšre Ă la FĂ©dĂ©ration anarchiste, dont il est membre jusqu'en 1948.
Il sây lie notamment avec Marcel Lepoil et Henri BouyĂ© qui repĂšrent son talent littĂ©raire et lui proposent rapidement le secrĂ©tariat de rĂ©daction du Libertaire[2].
En 1946-1947, il signe une chronique réguliÚre dans Le Libertaire (aujourd'hui Le Monde libertaire) sous les pseudonymes de Géo Cédille, Gilles Colin, Charles Brenns, Georges, Charles Malpayé, ou encore Pépin Cadavre[2]. Il y exerce également un emploi non rémunéré de correcteur[3].
On retrouve dans ces textes, les thĂšmes qui, par la suite, reviendront dans ses chansons : l'anticlĂ©ricalisme (« Au pĂšlerinage de Lourdes [chez les marchands de foi] », le ), la dĂ©fiance Ă l'Ă©gard de la police (« Vilains propos sur la marĂ©chaussĂ©e », le ), l'anti-patriotisme (« IdĂ©e de patrie : bouĂ©e du capitalisme », le ), l'anti-militarisme (« Au sujet de la bombe atomique », le ), l'opposition au stalinisme (« Aragon a-t-il cambriolĂ© lâĂglise de Bon-Secours ? », le ) ou encore de la critique de la justice et de la magistrature (« Le scandale de la justice », le )[2].
Il quitte le secrĂ©tariat de rĂ©daction du Libertaire le , officiellement pour « raisons de santĂ© » et est remplacĂ© par AndrĂ© Prudhommeaux. DĂšs lors, Ă une ou deux exceptions prĂšs, il nâĂ©crit plus dans ce journal[2].
Il collabore, par ailleurs, au bulletin de la Confédération nationale du travail[3].
Il continue Ă militer Ă la FĂ©dĂ©ration anarchiste au moins jusqu'en , date oĂč il est secrĂ©taire du groupe du 15e arrondissement de Paris. Il conserve, par la suite, de nombreuses amitiĂ©s dans lâorganisation, notamment celles dâHenri BouyĂ©, de Maurice Joyeux et de Georges Fontenis[2].
S'il abandonne le militantisme actif, il participe durant les annĂ©es qui suivent Ă des galas de soutien Ă la presse libertaire[1]. En lien avec Suzy Chevet, il chante Ă plusieurs reprises pour le Groupe Louise Michel de la FĂ©dĂ©ration anarchiste, puis pour le gala du Monde libertaire. Il soutient Ă©galement la FĂ©dĂ©ration communiste libertaire qui peut, grĂące Ă son aide financiĂšre, sâinstaller en mars 1954 dans un local au 79, rue Saint-Denis, Ă Paris. Il participe Ă un rĂ©cital contre la peine de mort, le , avec LĂ©o FerrĂ©[2].
Le poĂšte auteur-compositeur-interprĂšte
Câest surtout par les textes de ses chansons quâil contribue ensuite Ă la diffusion de ses idĂ©es libertaires[2].
Ses chansons demeurent un puissant vecteur de diffusion libertaire depuis les années 1950 : l'union libre avec La Non-demande en mariage, la défiance à l'égard de la police et de la justice avec Hécatombe et Le Gorille, le pacifisme avec Les Patriotes, La Guerre de 14-18, Les Deux Oncles. Sa philosophie anarchiste s'exprime dans La Mauvaise Herbe, Mourir pour des idées, La Mauvaise Réputation[1].
Brassens prĂ©cise la nature de son anarchisme dans un entretien Ă la revue individualiste de Pierre Jouventin, Ăgo, en : « Câest pour moi une philosophie et une morale dont je me rapproche le plus possible dans la vie de tous les jours, jâessaie de tendre vers lâidĂ©al. Lâanarchisme, ce nâest pas seulement de la rĂ©volte, câest plutĂŽt un amour des hommes. La rĂ©volte nâest pas suffisante, ça peut mener Ă nâimporte quoi, au fascisme mĂȘme. »[4].
Brassens se disait « anarchiste au point de toujours traverser dans les clous afin de nâavoir pas Ă discuter avec la marĂ©chaussĂ©e »[2], sauf Ă devenir « lâamant de la femme dâun flic »[5].
Antimilitarisme
- En 1952, Georges Brassens dans La Mauvaise RĂ©putation Ă©voque « son lit douillet », prĂ©fĂ©rĂ© Ă la « musique qui marche au pas » du dĂ©filĂ© du 14-Juillet. Il sâexplique sur son antimilitarisme, le , sur le plateau dâ« Apostrophes » : « Je suis devenu antimilitariste parce que trĂšs jeune j'ai dĂ©testĂ© la discipline », « J'aime la France, pas la patrie », jugeant que dans la Marseillaise, « la musique est pas mal, mais les paroles trĂšs discutables »[6].
Citation
Le terme « anarchie » n'apparaßt que dans une seule chanson de Brassens, Hécatombe.
Frénétique l'une d'elles attache
Le vieux maréchal des logis
Et lui fait crier : Mort aux vaches
Mort aux lois, vive l'anarchie !
Notes et références
- Sylvain Boulouque, Les Anarchistes Ni Dieu ni maĂźtre ! (anthologie), Le Monde, 2012, p. 187.
- Dictionnaire des anarchistes : notice biographique.
- Georges Brassens : Ćuvres complĂštes, Le Cherche midi, coll. « Voix publiques », , p. 1035.
- Georges Brassens Ă Marseille, Ego, avril 1970, lire en ligne.
- Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social : chansonnier, poĂšte et militant libertaire.
- L'antimilitarisme de Georges Brassens face au Général Bigeard, Apostrophes, 14 mars 1975, archive vidéo INA, voir en ligne.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Frédéric Bories, Georges Brassens. Militant anarchiste, Marseille, Le mot et le reste, 2022, 192 pages, (EAN 9782361399528), présentation en ligne sur Fabula.
- Marc Wilmet, Georges Brassens libertaire, Bruxelles, Ăditions Les Ăperonniers, collection « Sciences pour l'homme », 1991, rĂ©Ă©dition 2000.
- Marc Wilmet, Brassens le libertaire. La chanterelle et le bourdon (avec un choix des textes de Brassens parus dans Le Libertaire en 1946-1947), Bruxelles, Ăditions Aden, 2010.
- Clémentine Deroudille, Brassens : Le libertaire de la chanson, Paris, Gallimard, collection « Découvertes Gallimard » (no 571), 2011.
- Sylvain Boulouque, Les Anarchistes Ni Dieu ni maĂźtre ! (anthologie), Le Monde, 2012, notice Ă©diteur.
- Georges Brassens, Ćuvres complĂštes, sous la direction de Jean-Pierre LiĂ©geois, Cherche-Midi, 2007.
- Georges Brassens, Lettres Ă Toussenot, Textuel, 2001.
- Georges Fontenis, Changer le monde, Ăditions Alternative libertaire, 2008.
- Freddy Gomez, DĂ©dicaces : un exil libertaire espagnol (1939-1975), Rue des Cascades, 2018.
Travaux universitaires
- Nicolas Six, Brassens et la politique, mémoire de DEA de sciences politiques, Lille-II, 2003, texte intégral.
Articles
- Philippe Corcuff, Georges Brassens ou la fragilité libertaire, Médiapart, , texte intégral.
- Henri Bouyé, Brassens et les anarchistes, Le Libertaire, no 6, .
- Maurice Joyeux, Sous les plis du drapeau noir, Le Monde libertaire, 1988.
- Fabrice Magnone, « Georges Brassens, masculin singulier », Raforum, s.d., texte intégral.
- Franck Nouchi, « Le regard de Georges Brassens : un libertaire au cĆur gros comme ça », Le Monde.fr,â (ISSN 1950-6244, lire en ligne).
- Olivier Maison, Gare encore Ă Brassens, Marianne, , [lire en ligne].
- (it) Alessio Lega, Georges Brassens: l'individuo, la libertĂ , l'anarchia, Milan, A/Rivista Anarchica, no 371, 2012, pp. 41â102, notice.
Radio
- Georges Brassens, Jacques Brel, Léo Ferré, Que pensez-vous de l'anarchie ?, Rock'n Folk, RTL, , écouter en ligne.
- François-René Cristiani, Brel, Brassens, Ferré : trois hommes dans un salon : retranscription de leur conversation diffusée sur RTL, le , Paris Brézolles, Fayard, , 76 p. (ISBN 978-2-213-61671-1).
Notices
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, « Le Maitron » : notice biographique.
- Dictionnaire des anarchistes : notice biographique.
- L'ĂphĂ©mĂ©ride anarchiste : notice biographique.
- Centre international de recherches sur l'anarchisme (Lausanne) : notice bibliographique.
- RA.forum : notice bibliographique.
- (es) Juan Manuel Roca et IvĂĄn DarĂo Ălvarez Escobar, Diccionario anarquista de emergencia, Bogota, Norma Editorial, 2008,, 276 p. (ISBN 978-958-45-0772-3, lire en ligne), p. 196-197.
Liens externes
- « articles de presse : Brassens libertaire », georges-brassens.fr.
- « Brassens libertaire », culture-libre.org.