Einar Ărn Benediktsson
Einar Ărn Benediktsson, parfois simplement appelĂ© Einar Ărn, est un chanteur islandais, nĂ© le Ă Copenhague. Il a Ă©tĂ© Ă la tĂȘte, dans les annĂ©es 1980, des groupes Purrkur Pillnikk (1981â1982), Kukl (1983 â 1985) et The Sugarcubes (Sykurmolarnir) (1986â1992). Il crĂ©e parallĂšlement le label islandais Smekkleysa (Bad Taste) aprĂšs avoir travaillĂ© pour le label Gramm.
Naissance |
Copenhague, Danemark |
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Activité principale | Chanteur, musicien |
Instruments | Trompette, voix |
Années actives | Depuis 1981 |
Labels | Gramm, Crass Records, One Little Indian, Smekkleysa |
Site officiel | ghostigital.com |
Titulaire du grade de Bachelor of Arts en technique des mĂ©dias du Polytechnic of Central London, il sâintĂ©resse Ă la fois aux nouveaux moyens de communication et Ă la musique actuelle et organise des concerts et festivals en Islande. Il participe, entre autres, Ă lâĂ©laboration de la bande-son du film 101 ReykjavĂk (2000) de Baltasar KormĂĄkur, avec Damon Albarn, avant de fonder le groupe Ghostigital en 2003.
Biographie
Naissance et famille
Einar Ărn Benediktsson est nĂ© le Ă Copenhague, Danemark de Vala KristjĂĄnsson, enseignante et chanteuse, nĂ©e le 22 avril 1938, et Benedikt Ărn Ărnason, acteur et rĂ©alisateur, nĂ© le 22 dĂ©cembre 1931. Vala KristjĂĄnsson est la fille dâEinar KristjĂĄnsson, chanteur dâopĂ©ra[1].
Le pĂšre de sa mĂšre, Einar KristjĂĄnsson (Reykjavik ; 24 novembre 1910-24 avril 1966) a suivi une carriĂšre internationale de chanteur dâopĂ©ra (tĂ©nor) et de lieder. AprĂšs des Ă©tudes de chant lyrique Ă Dresde de 1931 Ă 1933, il est engagĂ© successivement par les opĂ©ras allemands de Dresde (1933-1936), Stuttgart (1936-1938), Duisbourg (1938â1941) et Hambourg (1941 â 1946), ce qui ne lâempĂȘche pas de se produire rĂ©guliĂšrement publiquement Ă ReykjavĂk. Il signe ensuite un engagement au thĂ©Ăątre royal de Copenhague (Danemark) oĂč il se produit de 1949 Ă 1962, par exemple dans La traviata (1953). Il revient enfin en Islande et sâinstalle dĂ©finitivement Ă ReykjavĂk avec sa famille oĂč il enseigne le chant lyrique au TĂłnlistarskĂłlinn Ă ReykjavĂk. TrĂšs estimĂ© pour ses qualitĂ©s Ă la fois de chanteur dâopĂ©ra et de lieder, il fut notamment particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© pour ses interprĂ©tations des lieder de Franz Schubert[2].
Einar Ărn a un frĂšre, Ărni Benediktsson (24 avril 1964), qui, aprĂšs avoir obtenu un diplĂŽme dâingĂ©nierie en agronomie, travaillera en diffĂ©rents endroits en Europe (Pays-Bas, France, ..) et exploitera une ferme en Islande avant de gĂ©rer les comptes du groupe The Sugarcubes entre 1988 et 1992, pour ensuite diriger une nouvelle exploitation agricole au nord de lâIslande. Il travaille actuellement en tant qu'agent pour des groupes islandais[1] - [3] - [4].
Enfance
Câest donc peu aprĂšs sa naissance quâEinar se retrouve dans la partie ouest de Reykjavik oĂč lui et son frĂšre seront Ă©levĂ©s dans un petit immeuble de Meistaravellir. Bien que nâayant jamais suivi de cours de chant, sa mĂšre est engagĂ©e, durant les annĂ©es qui suivent, dans des productions musicales : elle tient le rĂŽle dâEliza dans My Fair Lady, elle joue dans lâinterprĂ©tation islandaise dâUn violon sur le toit, ⊠Quant Ă son pĂšre, acteur, il interprĂšte de nombreux rĂŽles, principalement pour le thĂ©Ăątre. Câest ainsi dans une ambiance plutĂŽt artistique et bohĂšme quâEinar et son jeune frĂšre grandissent, insĂ©parables et assez libres. En dehors de lâĂ©cole les deux enfants occupent souvent leur temps libre devant les scĂšnes de thĂ©Ăątre, durant les rĂ©pĂ©titions, ou derriĂšre, pendant ou aprĂšs les reprĂ©sentations. Einar est un enfant sans problĂšmes, plutĂŽt expansif, qui trouve trĂšs tĂŽt chez les scouts lâoccasion de satisfaire son besoin de mouvement et de communication. Son frĂšre suit. Einar endosse en quelque sorte assez vite le rĂŽle de tuteur.
Alors quâEinar Ă 11 ans, ses parents divorcent. Les enfants sont Ă la garde de leur mĂšre qui dĂ©mĂ©nage pour sâinstaller non loin, rue NĂœlendugata, plus prĂšs du centre et du port. Si Einar ne semble pas trop affectĂ© par ce divorce, celui-ci aura tout de mĂȘme des consĂ©quences importantes pour son avenir puisque son pĂšre sâinstalle en Angleterre. Lors de leurs visites rĂ©guliĂšres Ă leur pĂšre les deux enfants/adolescents auront ainsi, durant la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 1970, lâoccasion dâĂȘtre des tĂ©moins privilĂ©giĂ©s du mouvement punk, ce qui laissera une trĂšs forte marque sur lâesprit du jeune Einar. Câest Ă©galement vers lâĂąge de 11 ans quâEinar entre au HagaskĂłli, Ă©tablissement de ce qui reprĂ©sente lâĂ©quivalent de notre collĂšge. TrĂšs vite Einar y noue des relations privilĂ©giĂ©es avec deux autres Ă©coliers qui resteront pendant les annĂ©es qui suivront ses meilleurs amis, Bragi Ălafsson et FriĂ°rik Erlingsson (dit « Frikki »). De nombreuses choses rapprochent les jeunes Einar et FriĂ°rik : le pĂšre de ce dernier est Ă©galement acteur, il habite Ăldugata, et sa mĂšre est musicienne et professeur de guitare. FriĂ°rik en joue dâailleurs dĂ©jĂ plutĂŽt bien. Il est de plus trĂšs douĂ© pour le dessin. Mais si, durant ces annĂ©es de collĂšge FriĂ°rik et Bragi sâintĂ©ressent plutĂŽt Ă la musique, au point de former un groupe de rock influencĂ© par des formations comme Emerson, Lake & Palmer, Yes ou King Crimson, Einar, lui, ne participe pas au groupe, ne ressentant alors aucune attirance particuliĂšre pour la musique en gĂ©nĂ©ral. Jusquâau printemps 1977[3].
Adolescence
Einar nâa pas encore 15 ans. Lors dâune de ses visites, son pĂšre lui ramĂšne dâAngleterre le premier single du groupe Buzzcocks, Spiral Scratch. Pour la premiĂšre fois un morceau, un style de musique, correspond parfaitement Ă son Ă©tat dâesprit, son caractĂšre. Durant lâĂ©tĂ© 1977, lorsquâil partira chez son pĂšre, il nâaura de cesse de chercher de nouveaux disques issus de ce style Ă©mergeant que lâon appelle punk et de se renseigner sur les groupes qui en sont les reprĂ©sentants. Durant les quelques annĂ©es qui suivent il dĂ©vore avec boulimie tout ce quâil peut trouver sur les groupes punks, se procure toutes les semaines les magazines anglais Sounds, Melody Maker et New Musical Express (NME), tous les mois Zigzag, .. Il ne se contente d'ailleurs pas de suivre le mouvement punk dans son aspect musical, mais en adopte Ă©galement le style vestimentaire en ajoutant par exemple les complĂ©ments indispensables (Ă©pingles Ă nourrice, ..) aux fripes dĂ©modĂ©es quâil peut trouver Ă ReykjavĂk. En 2001, Gunnar LĂĄrus HjĂĄlmarsson, dira ainsi de lui, dans son histoire du rock en Islande, quâil fut certainement le premier vĂ©ritable punk de ReykjavĂk[5].
Il est Ă noter quâen ce mois de septembre 1977 paraĂźt une premiĂšre interview, dans un article des pages culturelles du quotidien MorgunblaĂ°iĂ° intitulĂ© « je compose souvent des morceaux, mais les oublie complĂštement tout de suite aprĂšs »[6], dâune fille de 11 ans au caractĂšre bien trempĂ©. Elle y relate la façon dont sâest dĂ©roulĂ©, durant l'Ă©tĂ©, lâenregistrement dâun disque qui paraĂźtra quelques semaines plus tard. Il y a fort Ă parier quâEinar, Ă ce moment-lĂ , ne prĂȘte aucune attention Ă cet article, pas plus quâau disque lui-mĂȘme ou Ă l'interviewĂ©e dont il est question, une certaine Björk GuĂ°mundsdĂłttir, qui deviendra pourtant, quelques petites annĂ©es plus tard, lâune de ses plus fidĂšles amies.
En 1978, Einar entre au MenntaskĂłlinn viĂ° HamrahlĂĂ°(MH), lycĂ©e prĂ©-universitaire de Reykjavik rĂ©putĂ©, entre autres, pour le niveau de son enseignement en lettres et sur les activitĂ©s artistiques. Il y obtiendra un diplĂŽme en lettres modernes en 1981. Ses amis FriĂ°rik Erlingsson et Bragi Ălafsson, quant Ă eux, sâorientent tout dâabord vers un cursus commercial en intĂ©grant le VerzlunarskĂłli Ăslands (VĂ). Mais FriĂ°rik abandonne rapidement cette voie pour entrer au Myndlista-og HandĂĂ°askĂłlinn, Ă©cole de peinture et dâarts manuels, et Bragi rejoindra le MH aprĂšs avoir obtenu son diplĂŽme commercial[3].
CarriĂšre musicale
PremiĂšres implications
DĂšs 1977-1978, cette passion pour la musique punk devient, chez Einar, une incitation supplĂ©mentaire Ă lâaction et la communication. Il ne lui vient pourtant pas alors Ă lâesprit de mettre son Ă©nergie dans une formation rock/punk comme nombre de jeunes gens de ces annĂ©es lĂ : il ne sait jouer dâaucun instrument et ne peut encore envisager de chanter. En 1978, selon JĂłnatan GarĂ°arsson, personnalitĂ© de la tĂ©lĂ© islandaise et fondateur du label Spor, Einar propose dĂ©jĂ ses services lors dâun concert islandais des Stranglers[7]. Plus tard, dĂ©but 1980, il aidera le groupe FrĂŠbbblarnir Ă sortir son premier album False Death grĂące Ă certaines de ses connaissances Ă Sheffield et sâarrangera pour faire venir la formation The Clash en Islande le 21 juin de cette mĂȘme annĂ©e. Mais il cherche Ă©galement Ă faire partager sa passion Ă travers la radio, en particulier en entrant en contact avec les animateurs de lâune des Ă©missions musicales de lâunique station radio de ReykjavĂk en 1977, Ăfangar, laquelle devait jouer un rĂŽle essentiel quelques annĂ©es plus tard dans la formation du groupe Kukl, elle-mĂȘme entrainant celle du groupe The Sugarcubes.
Au dĂ©but des annĂ©es 1970 deux jeunes camarades du lycĂ©e MenntaskĂłlinn viĂ° Tjörnina (actuellement MenntaskĂłlinn viĂ° Sund (MS)), Ă Reykjavik, aspirent Ă faire partager leurs goĂ»ts musicaux par le plus grand nombre. Ils ont lâidĂ©e dâenvoyer un projet dâĂ©mission musicale Ă lâunique station radiophonique, Ă©mise par la radio publique islandaise RĂkisĂștvarpiĂ° (RĂV). Leur projet est Ă©tudiĂ© et accueilli favorablement, de sorte quâils sont invitĂ©s Ă prĂ©senter une premiĂšre sĂ©rie dâĂ©missions en aoĂ»t 1974. Mais câest au tout dĂ©but de lâannĂ©e 1975 que les deux compĂšres, Ăsmundur JĂłnsson et GuĂ°ni RĂșnar Agnarsson, alors ĂągĂ©s respectivement de 20 et 19 ans, lancent leur programme musical sous un format hebdomadaire (le vendredi soir). Par rapport aux autres programmes musicaux Ă tendance pop de la chaĂźne (Lög unga fĂłlksins, PopphorniĂ° et TĂu ĂĄ toppnum), Ăfangar se distingue par une programmation Ă la fois plus pointue et plus Ă©clectique (le rock ou le folk y cĂŽtoie le jazz, la soul ou certaines piĂšces classiques), mĂȘme si les deux animateurs ne cachent pas leur penchant pour la musique folk de la Westcoast amĂ©ricaine[8].
Einar Ărn entre ainsi en contact avec les deux DJ en 1977 et se lie rapidement dâamitiĂ© avec Ăsmundur. Entre 1977 et 1979 il alimentera lâĂ©mission des singles de punk-rock issus de groupes anglais ou amĂ©ricains quâil ramĂšnera lui-mĂȘme dâAngleterre. La programmation de lâĂ©mission sera alors plutĂŽt tournĂ©e vers ce genre musical. Il est Ă noter que, d'autre part, Ăsmundur JĂłnsson et GuĂ°ni RĂșnar Agnarsson entrent en 1977 dans le label FĂĄlkinn, rue Laugavegur, qui sortira en cette fin 77 le disque de Björk GuĂ°mundsdĂłttir, Björk, dont il a Ă©tĂ© question plus haut. FĂĄlkinn fait partie d'un groupe industriel aux activitĂ©s multiples qui produit et fabrique des disques Ă partir de 1930. Actuellement le groupe ne fabrique des disques que pour le compte d'autres label, y compris Ă©trangers, et ne les produit plus.
PremiÚre expérience en tant qu'agent
DĂ©but 1980, sous lâimpulsion de deux frĂšres guitaristes, Daniel et Mike Pollock et du chanteur Bubbi Morthens, se forme, Ă Reykjavik, un nouveau groupe punk qui allait marquer les esprits malgrĂ© sa courte existence - le groupe se sĂ©parant en aoĂ»t 1981 - en bĂ©nĂ©ficiant de nombreuses couvertures mĂ©diatiques, en particulier Ă la suite de leur concert du FĂ©lagsheimili KĂłpavogs, le 12 avril 1980, Ă l'occasion duquel le quotidien ĂŸjóðviljinn leur consacre une page entiĂšre. Le bassiste RĂșnar Erlingsson et le batteur MagnĂșs StefĂĄnsson Ă©taient venus complĂ©ter la formation du nom de UtangarĂ°smenn.
MalgrĂ© son jeune Ăąge (il a tout juste 18 ans) lâimpression quâa laissĂ©e Einar lors de lâorganisation du concert des Clash Ă ReykjavĂk le (le groupe UtangarĂ°smenn en assurait la premiĂšre partie) est telle que Daniel Pollock le contacte en automne 1980 pour lui proposer dâĂȘtre leur agent. Einar accepte la fonction qui consiste essentiellement Ă trouver des lieux de concerts, organiser les manifestations et les tournĂ©es et en faire la promotion. Il est encore lycĂ©en et ce travail exige de lui une Ă©nergie hors du commun ainsi quâune bonne dose de dĂ©brouillardise. AprĂšs une pĂ©riode de concerts en Islande, Einar accompagne mĂȘme la formation Ă l'Ă©tranger, en particulier dans les pays scandinaves et aux Pays-Bas. Durant toute cette pĂ©riode, les relations entre les membres du groupe d'une part et Einar de l'autre resteront courtoises et respectueuses mais nĂ©anmoins strictement professionnelles, la diffĂ©rence dâĂąge expliquant peut-ĂȘtre cela, au moins en partie.
Groupes
Purrkur Pillnikk
Purrkur Pillnikk est un groupe, Ă©phĂ©mĂšre, qui ne dure que 18 mois (mars 1981-septembre 1982), et Ă©tait trĂšs actif, avec la publication de deux 33-tours, deux 45-tours et un album live. Les caractĂšres distinctifs du groupe Ă©taient les hurlements et le chant, en dehors de la tonalitĂ© gĂ©nĂ©rale, de Einar Ărn, ainsi que les paroles qui dĂ©crivaient souvent des choses terre-Ă -terre de façon angoissante. Des membres du groupe se retrouvĂšrent plus tard dans le groupe Kukl, ou en 1986 dans The Sugarcubes.
Câest dans ce contexte quâen ce dĂ©but du mois de mars 1981 trois amis dâEinar, FriĂ°rik Erlingsson Ă la guitare, Bragi Ălafsson Ă la basse et Ăsgeir Bragason Ă la batterie (il avait une formation de bassiste), se rĂ©unissent dans un local pour composer une dizaine de morceaux en utilisant le matĂ©riel du groupe UtangarĂ°smenn qu'Einar avait empruntĂ© pour eux. Einar est prĂ©sent. Les trois musiciens lui tendent alors un micro et lui demandent dâimproviser sur leurs morceaux en sâexprimant comme il veut. AprĂšs une hĂ©sitation Einar sâexĂ©cute. Ce qui nâĂ©tait alors que le fruit de la spontanĂ©itĂ© du moment deviendra par la suite la caractĂ©ristique essentielle du groupe Purrkur Pillnikk, Einar dĂ©livrant gĂ©nĂ©ralement sur scĂšne et en studio un numĂ©ro de chant oĂč se mĂȘleront cris, vocifĂ©rations, gĂ©missements et rĂąles dans une dĂ©bauche dâĂ©nergie, dâagitation et de mimiques parfois thĂ©Ăątrales ou teintĂ©es d'agressivitĂ©.
Ăsmundur JĂłnsson (dit Ăsi) a dĂ©jĂ acquis chez FĂĄlkinn une expĂ©rience de quelques annĂ©es sur le fonctionnement dâun label quand Einar lui demande de sâoccuper de la sortie de leur premier disque. Ăsi profite alors de lâoccasion pour sâassocier avec DĂłra EinarsdĂłttir et Björn Valdimarsson avec qui il jette les bases dâune nouvelle sociĂ©tĂ© de management et de production quâils nomment Gramm. Les trois associĂ©s demanderont plus tard Ă Einar de se joindre Ă eux. En mai 1982, les Purrkur Pillnikk sont en concert Ă Londres. Ils y retrouvent John Loder qui gĂšre le studio dâenregistrement Southern Studios de Londres oĂč le groupe avait enregistrĂ© leur LP Ekki enn. John Loder est accompagnĂ© de Derek Birkett et Andy Palmer avec lesquels Einar Ărn sympathise rapidement.
Formation et débuts
Durant lâĂ©tĂ© 1983, la radio publique islandaise RĂkisĂștvarpiĂ° (RĂV) opĂšre une profonde rĂ©organisation de son contenu et une importante mutation dans lâensemble de ses animateurs. Elle doit en effet lancer une deuxiĂšme station, RĂĄs 2, devant sâajouter Ă celle dĂ©jĂ en place (RĂĄs 1). Elle sait par ailleurs que les jours de son monopole sont dĂ©sormais comptĂ©s â les ondes tĂ©lĂ© et radio seront libĂ©ralisĂ©es en 1985 - et se prĂ©pare Ă faire face Ă la concurrence. Dans ce contexte certaines Ă©missions sont purement et simplement supprimĂ©es. Parmi celles-ci se trouve le programme hebdomadaire Ăfangar qui doit produire sa derniĂšre Ă©mission le vendredi 29 juillet, Ă minuit. Ă cette occasion les deux animateurs ont lâidĂ©e dâinviter quelques musiciens quâils ont pu apprĂ©cier durant leurs presque neuf annĂ©es de diffusion. Einar Ărn reçoit naturellement une invitation. Sont Ă©galement invitĂ©s Björk GuĂ°mundsdĂłttir du groupe Tappi TĂkarrass, GuĂ°laugur Kristinn Ăttarsson et Sigtryggur Baldursson du groupe Ăeir, ĂĂłr Eldon et Einar Melax du groupe Fan Houtens KĂłkĂł, Birgir Mogensen des groupes SpilafĂfl et MeĂ° Nöktum, et ayant collaborĂ© avec le groupe punk anglais Killing Joke, Ărni KristjĂĄnsson du groupe VonbrigĂ°um et SjĂłn. Si ce dernier et ĂĂłr Eldon, alors en France, ne peuvent rĂ©pondre Ă l'invitation, Ărni KristjĂĄnsson, lui, la dĂ©cline. D'autres, par contre, participeront Ă©galement Ă l'Ă©mission, comme Megas, accompagnĂ©, entre autres, de Bragi Ălafsson Ă la basse[9] - [10].
MontĂ©e pour cette unique occasion, la formation se produit donc dans le studio de lâĂ©mission aprĂšs une quinzaine de jours de rĂ©pĂ©titions, sous le nom de Gott Kvöld. Dans sa biographie sur Björk, Mark Pytlik rapporte ainsi les propos de JĂłnatan GarĂ°arsson sur cette soirĂ©e : « Ce concert sâest rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre un trĂšs bon moment. La plupart de ceux qui Ă©taient dans le studio Ă ce moment-lĂ ont continuĂ© Ă travailler ensemble, ce qui nâĂ©tait pas prĂ©vu. Je pense que câest principalement grĂące Ă Einar quâils ont poursuivi, parce quâil Ă©tait toujours le plus combatif. Il est comme une force[7]. » Einar rĂ©ussi en effet Ă convaincre Björk GuĂ°mundsdĂłttir (chant), GuĂ°laugur Kristinn Ăttarsson (guitare), Sigtryggur Baldursson (batterie), et Birgir Mogensen (basse) de se retrouver afin de se produire une fois sur la scĂšne du concert ViĂ° krefjumst framtĂĂ°ar quâil est en train dâorganiser et qui doit se tenir un peu plus dâun mois plus tard. Il faut un nom Ă cette formation et câest Björk qui propose celui de Kukl (sorcellerie, magie) durant les rĂ©pĂ©titions ayant lieu durant ce mois dâaoĂ»t. Le nom est adoptĂ© et ajoutĂ© Ă lâaffiche du festival aux cĂŽtĂ©s de Crass, Flux of Pink Indians ainsi que dâautres groupes punks (Ikarus). Câest donc le que Kukl fait ses dĂ©buts dans une salle Laugardalshöll, Ă Reykjavik, pleine dâenviron 5 000 personnes. Le concert est un succĂšs et encouragera les membres du groupe Ă poursuivre leur collaboration.
Ă l'automne 1983 Einar s'inscrit au cursus de Technique des mĂ©dias du Polytechnic of Central London (PCL), Ă Londres (University of Westminster depuis 1992) Ă l'issue duquel il obtiendra le grade de Bachelor of Arts au printemps 1986. Il s'installe donc dans la capitale britannique, dans le district de Stoke Newington, et y restera 4 ans, jusqu'en 1987. TrĂšs rapidement, Einar y renforce ses relations avec les membres du collectif Crass, en particulier avec le groupe Flux of Pink Indians et son batteur Martin Wilson. Il passe la plupart de son temps libre avec eux et se produit mĂȘme parfois en concert avec le groupe. Durant les deux annĂ©es et demie qui vont suivre, alors que la formation Kukl tournera en Islande et dans diffĂ©rents pays dâEurope, Einar participera aux concerts pendant les vacances universitaires ou enregistrera les vocaux qui seront utilisĂ©s sur scĂšne lors de son absence. Il apportera Ă©galement sa contribution vocale Ă certaines prestations du groupe au travers dâune liaison tĂ©lĂ©phonique depuis la capitale britannique. Câest durant sa pĂ©riode de rĂ©sidence Ă Londres quâEinar Ă©pouse GuĂ°rĂșn MargrĂ©t JĂłnsdĂłttir (nĂ©e Ă Reykjavik, le 13 aoĂ»t 1963), en dĂ©cembre 1984. Elle prĂ©pare un Bachelor of Science en Sciences Physiques Ă lâImperial College de Londres quâelle obtiendra au printemps 1987.
Albums
Contrairement au groupe Purrkur Pillnikk qui servait essentiellement de prĂ©texte Ă quatre amis pour se retrouver et manifester leur intĂ©rĂȘt commun pour une certaine forme de musique, Kukl est lâassociation accidentelle et, en quelque sorte, artificielle de six individualitĂ©s ayant au dĂ©part peu de rapport entre eux. Si tous ont dĂ©jĂ eu lâoccasion de se rencontrer sur la scĂšne punk-rock forcĂ©ment Ă©troite de la petite capitale islandaise, seuls Gulli (GuĂ°laugur Kristinn Ăttarsson) et Siggi (Sigtryggur Baldursson) ont une expĂ©rience musicale commune acquise au sein du groupe Ăeyr, seule formation ayant eu jusquâalors une certaine notoriĂ©tĂ© et la faveur de la critique en Grande-Bretagne. Plus ĂągĂ© que les autres membres du groupe â il est nĂ© le â et dotĂ© de lâavantage que lui confĂšre sa position privilĂ©giĂ©e dâex-guitariste de Ăeyr et dâingĂ©nieur en physique et Ă©lectronicien Ă la tĂȘte dâune petite sociĂ©tĂ© dâĂ©lectronique et informatique, Gulli contribue largement au choix de la direction que prend le groupe, Ă la fois au niveau musical et sur son aspect visuel, son style et son penchant pour lâĂ©sotĂ©risme. Celui qui se fait appeler God/Gud Krist sur les pochettes des deux albums du groupe fait naĂźtre au sein de la formation une tension perpĂ©tuelle qui entrainera par ailleurs sa rupture au printemps 1986. Dâautre part les liens Ă©troits quâentretient Einar avec les membres du collectif Crass et lâimplication du groupe dans leur tournĂ©es - ils accompagnent Crass et Flux of Pink Indians en 1984 en soutien aux mineurs britanniques alors en grĂšve - mĂȘme sâil nâen partage pas les motivations purement politiques, radicalisent encore davantage lâattitude des membres sur scĂšne et lors des tournĂ©es en Islande et en Europe. Fin 1983 et dans les premiers mois de 1984 le groupe se contente de rĂ©pĂ©ter, souvent sans la prĂ©sence dâEinar, et de faire quelques concerts en Islande oĂč ils se confrontent, au mieux Ă lâindiffĂ©rence, au pire Ă lâhostilitĂ©, de la presse et du public. Sur lâidĂ©e dâEinar le groupe enregistre quand mĂȘme son premier LP The Eye en janvier 1984 aux Southern Studios de Londres.
En Ă©tĂ© 1984 Kukl entreprend une tournĂ©e en Angleterre et sur le continent europĂ©en qui les amĂšnera Ă parcourir les Pays-Bas, le Danemark, lâAllemagne, la France et lâItalie (Einar sâoccupe de lâorganisation en Grande-Bretagne tandis que Siggi et Ăsmundur JĂłnsson, qui suit le groupe, sâoccupent des autres pays). Ils y reçoivent gĂ©nĂ©ralement un bon accueil de la part de la presse spĂ©cialisĂ©e. The Eye, sorti en Angleterre en septembre 1984 sur le label Crass est Ă©galement bien reçu par la presse et une partie du public europĂ©en : il est placĂ© en sixiĂšme position des ventes de disques indĂ©pendants par le magazine britannique Music Week[11]. La presse Ă©trangĂšre peut mĂȘme se montrer enthousiaste au point que, par exemple, le journaliste danois Jan Sneum invite spĂ©cialement le groupe Ă se produire dans son pays en juin 1985. Paradoxalement ce nâest quâen rĂ©action au succĂšs de la formation Ă lâĂ©tranger que les mĂ©dias islandais commencent Ă sâintĂ©resser au groupe, constat qui se renouvellera avec le groupe The Sugarcubes (Sykurmolarnir) et laissera longtemps Ă Einar et Ă Björk un sentiment dâamertume quant Ă l'attitude de leurs compatriotes de la presse et des Ă©lites culturelles en gĂ©nĂ©ral. Plus ambitieux et plus travaillĂ©, le deuxiĂšme album de Kukl, Hollidays in Europe, enregistrĂ© en octobre 1984, sâinspire de cette premiĂšre tournĂ©e; les huit morceaux qui le composent sont autant de rĂ©fĂ©rences aux grandes villes traversĂ©es par le groupe. Le groupe repart ensuite en tournĂ©e avec Crass, Flux of Pink Indians et The Fall.
SĂ©paration
En fĂ©vrier 1986, Kukl est invitĂ© Ă assurer la premiĂšre partie de EinstĂŒrzende Neubauten Ă Berlin. Ils en profitent pour faire une mini-tournĂ©e sur le continent; Einar les rejoint Ă Amsterdam et le groupe se produit Ă©galement Ă Hambourg et Copenhague. Ce seront alors leurs derniĂšres prestations scĂ©niques devant un public Ă©tranger. EinstĂŒrzende Neubauten devant se produire Ă Reykjavik le 19 mai de cette mĂȘme annĂ©e, Kukl est naturellement amenĂ© Ă assurer de nouveau la premiĂšre partie. Einar prĂ©pare son examen final et ne peut ĂȘtre prĂ©sent; il enregistre sa partie vocale pour lâoccasion. Les tensions entre les autres membres du groupe et le guitariste Gulli sont telles, durant la prĂ©paration de ce concert, que Siggi et Bigir claquent la porte d'une rĂ©pĂ©tition. Ils tĂ©lĂ©phonent Ă Einar, Ă Londres, qui sâentend avec eux sur le fait quâaprĂšs un peu plus de deux annĂ©es dâexistence, la formation sâarrĂȘtera aprĂšs leur courte prestation devant ĂȘtre enregistrĂ©e dans les studios de la tĂ©lĂ©vision islandaise. Cette derniĂšre prestation sera diffusĂ©e le 2 mai 1986 dans l'Ă©mission intitulĂ©e Rokkarnir geta ekki ĂŸagnaĂ° (les rockeurs ne peuvent pas se taire), prĂ©sentĂ©e par JĂłn GĂșstafsson[12]. Durant une vingtaine de minutes Einar y donne la rĂ©plique Ă une Björk arborant un ventre dĂ©nudĂ© dont les rondeurs dĂ©voilent une grossesse dĂ©jĂ avancĂ©e (elle donnera naissance Ă son fils Sindri Eldon ĂĂłrsson le 8 juin), ceci dans un dĂ©cor apocalyptique de poutres lumineuses et de voiles disposĂ©s de maniĂšre chaotique.
Pendant ces quelque deux ans et demi d'existence du groupe, Einar Ărn aura expĂ©rimentĂ© avec Björk une sorte de jeu ou de joute vocalique, souvent surrĂ©aliste, aux accents parfois dramatiques et sans aucun souci de plaire ou de se conformer aux attentes du public, Einar vocifĂ©rant plutĂŽt que chantant et poussant mĂȘme parfois le paroxysme thĂ©Ăątral en s'Ă©tranglant par exemple avec le fil de son micro, jusqu'Ă parvenir au bord de l'Ă©vanouissement.
The Sugarcubes
Parmi les personnes gravitant autour du groupe Kukl se trouvaient certains membres du groupe littĂ©raire et culturel MedĂșsa qui se revendiquait des mouvements surrĂ©aliste et dadaĂŻste et auquel appartenait Einar Melax lui-mĂȘme. SjĂłn et ĂĂłr Eldon en particulier se produisaient parfois sur scĂšne, en premiĂšre partie de leurs concerts, pour clamer des poĂšmes de leur composition, ce qui n'Ă©tait pas toujours du goĂ»t des membres de Crass moins guidĂ©s par des motivations culturelles que politiques. Ă la fin du printemps, dĂ©but de lâĂ©tĂ© 1986, Einar rentre dâAngleterre et passe une grande partie de son temps au domicile de Björk GuĂ°mundsdĂłttir et ĂĂłr Eldon, le couple ayant souvent accueilli les membres de Kukl pour les rĂ©pĂ©titions du groupe dans les diffĂ©rents lieux dâhabitation quâils ont occupĂ©s durant cette pĂ©riode. Einar et ĂĂłr envisagent la crĂ©ation dâune association culturelle de portĂ©e plus gĂ©nĂ©rale et plus ambitieuse que MedĂșsa.
ParallĂšlement Ă la constitution du collectif Smekkleysa, et dans le mĂȘme esprit, il est dĂ©cidĂ© de fonder un nouveau groupe composĂ© dâEinar Ărn au chant et Ă la trompette, Björk GuĂ°mundsdĂłttir au chant, ĂĂłr Eldon et FriĂ°rik Erlingsson aux guitares, Bragi Ălafsson Ă la basse, Sigtryggur Baldursson Ă la batterie et Einar Melax aux claviers. Einar a en effet fait appel Ă ses deux compagnons et amis de Purrkur Pillnikk, Bragi ayant, entre-temps, jouĂ© dans le groupe Ikarus puis « pris du recul par rapport aux activitĂ©s musicales[13] » en sâĂ©tablissant une annĂ©e en Espagne, FriĂ°rik, lui, ayant vecu Ă Akureyri.
En Ă©tĂ© 1987, Einar et son Ă©pouse reviennent dĂ©finitivement en Islande. Ă la recherche dâun logement et dâun emploi, le couple se voit offrir les deux dans lâĂ©tablissement FjölbrautaskĂłli Vesturlands de la ville dâAkranes, oĂč GuĂ°rĂșn enseigne la physique et Einar les techniques des mĂ©dias. EmportĂ© par le succĂšs inattendu du groupe en Angleterre Ă partir de lâautomne 1987, sous le nom de The Sugarcubes, Einar fera pratiquement tous les soirs lâaller-retour entre Akranes et Reykjavik pour les rĂ©pĂ©titions. Les destinĂ©es de GuĂ°rĂșn et dâEinar prennent alors petit Ă petit des chemins divergeant et le couple se sĂ©pare dans la premiĂšre moitiĂ© de lâannĂ©e 1988. Einar dĂ©missionne de son poste au bout dâun semestre pour se consacrer entiĂšrement Ă Smekkleysa et Ă la formation.
Le magazine musical britannique Melody Maker consacre Birthday « single de la semaine » dans son numĂ©ro du 23 aoĂ»t 1987. Le 24 octobre le groupe se retrouve simultanĂ©ment en couverture des deux principaux hebdomadaires musicaux britanniques, New Musical Express (NME) et Melody Maker. En lâespace de six mois, trois couvertures du Melody Maker, une du NME, une de Sounds leur sont consacrĂ©es[14], pour ne citer que ces quelques exemples.
Si le groupe Kukl avait permis Ă ses membres de parcourir et dĂ©couvrir de nombreux pays dâEurope, le succĂšs des Sugarcubes entraĂźnera Einar et ses compagnons sur les cinq continents entre 1988 et 1992. Ă la suite de nombreux concerts en Europe, pour la promotion de leur premier album, et peu aprĂšs lâintĂ©gration dans la formation de MargrĂ©t ĂrnĂłlfsdĂłttir (Magga), aux claviers, en juin 1988, le groupe sâenvole pour la premiĂšre fois vers le continent amĂ©ricain. Ils se produisent Ă Washington le 27 juillet, qui sera le point de dĂ©part dâune tournĂ©e de quelques semaines passant par 25 villes des Ătats-Unis et du Canada, pour une trentaine de concerts, jusqu'au dĂ©but du mois de septembre.
Post-Sugarcubes
Paternité
InterrogĂ© sur la façon dont il voit lâavenir du second album des Sugarcubes, Einar Ărn confie Ă Jonh Wilde, en aoĂ»t 1989 : « Nous ne nous prĂ©occupons mĂȘme pas de savoir comment marchera cet album. En mĂȘme temps, cela ne nous procurerait aucune satisfaction particuliĂšre de le voir se planter. Personne ne veut voir mourir son bĂ©bĂ©. Câest mon nouveau bĂ©bĂ©. Je suis le seul dans le groupe qui nâai pas de bĂ©bĂ© ou qui nâattends pas de bĂ©bĂ©. Ca me donne lâimpression dâĂȘtre un phĂ©nomĂšne Ă part ». Et il est vrai quâEinar nâa pas encore eu lâoccasion de se lancer dans une nouvelle relation durable et de fonder une famille aprĂšs son divorce dâavec GuĂ°rĂșn MargrĂ©t JĂłnsdĂłttir (qui sâest remariĂ© et attend alors une fille).
Câest pendant la tournĂ©e europĂ©enne de lâautomne 1989 des Sugarcubes quâil lui vient lâidĂ©e dâun canular qui prendra des proportions inattendues. Ărni MatthĂasson raconte : « Pendant toute la tournĂ©e europĂ©enne, One Little Indian nâavait reçu aucune nouvelle du groupe et, Ă la fin, est tombĂ© un fax provenant de SuĂšde qui annonçait que Bragi et Einar sâĂ©taient mariĂ©s dans la matinĂ©e et avaient lâintention de passer la nuit Ă l'HĂŽtel Scandic Sergel Plaza de Stockholm avec un quatuor Ă cordes Ă lâintĂ©rieur de la chambre. Cela fit naturellement grand bruit chez Ola [One Little Indian] et non moins dans la presse pop britannique, car personne ne sâen Ă©tait doutĂ©. Les gros titres furent consacrĂ©s Ă la nouvelle, alors que la plaisanterie Ă©tait venue un jour Ă lâesprit de Bragi et dâEinar tandis quâils Ă©taient en train de trinquer, comme souvent, aprĂšs un concert. [âŠ] Pour la petite histoire on peut noter que LibĂ©ration, Ă Paris, sâest longuement Ă©tendu sur le sujet de leur mariage[10]. »
De fait, dans le mensuel musical anglais Select on peut par exemple encore lire, en 1991, dans un article consacrĂ© Ă la promotion du troisiĂšme album du groupe : « Ce qui ajoute Ă la confusion est le fait quâEinar et Bragi sont mariĂ©s. Ils ont franchi le cap lâannĂ©e derniĂšre en partie car tout le monde dans le groupe semblait ĂȘtre mariĂ© et en partie parce que, comme lâĂ©nonce Einar⊠« Nous nous connaissions depuis 15 ans et ne nous Ă©tions jamais disputĂ©s. Ce nâest pas un mariage homosexuel, câest un mariage dâamitiĂ©. Le mariage devrait toujours ĂȘtre dâamitiĂ© et dâadmiration mutuelle, et jâadmire complĂštement ce type. » Comment est la vie maritale ? « Câest excellent, » sâesclaffe Einar. « On peut dire quâon est liĂ©s. On porte les mĂȘmes chaussettes. » Et les deux lĂšvent leur pied en lâair pour en faire la dĂ©monstration. Pour une raison indĂ©terminĂ©e, le fait quâils portent bien les mĂȘmes chaussettes est pour eux dâune trĂšs grande portĂ©e burlesque. Bragi porte sa main devant sa bouche, regarde Einar et sâesclaffe. »
On peut Ă©galement lire, en 1998, dans le chapitre sur les Sugarcubes de la biographie illustrĂ©e de Björk que lui consacre le journaliste rock Jordi Bianciotto, qui travaille, entre autres, pour le mensuel espagnol Rock De Lux : « âŠet pour complĂ©ter le tableau, Einar et Bragi se mariĂšrent au Danemark, protĂ©gĂ©s par la loi de ce pays qui lĂ©galise les unions gays. Ce fut, en fait, le premier mariage homosexuel du monde de la pop[15] - [16]. »
Pourtant, en mars 1991, Phil Ox, de Rock & Folk, dĂ©voile la supercherie : « Il y a deux ans, en tournĂ©e suĂ©doise, Einar et Bragi, le bassiste, ont mĂȘme pris une revanche mĂ©ritĂ©e en annonçant leur mariage unisex Ă lâattachĂ©e de presse de One Little Indian, leur label anglais. Celle-ci, un peu naĂŻve, sâest fendue dâun communiquĂ© de presse qui a fait le tour des rĂ©dactions et plus dâune colonne de texte. MĂȘme si, en toute euh⊠normalitĂ©, Einar frĂ©quente une jolie danseuse et que Bragi sâapprĂȘte de son cĂŽtĂ© Ă ĂȘtre papa dans quelques mois. » De fait, depuis 1990, la « jolie danseuse » en question, SigrĂșn GuĂ°mundsdĂłttir, partage la vie dâEinar Ărn. Elle lâaccompagne au Japon au printemps 1990 et aux Ătats-Unis, en 1991. Mais le couple attendra 1992 pour donner naissance Ă leur premier enfant, un fils dĂ©nommĂ© Hrafnkell FlĂłki mais surnommĂ© Kaktus depuis sa naissance. Vers lâĂąge de 7 ou 8 ans lâenfant montrera des prĂ©dispositions musicales, en particulier pour la trompette, et se produira parfois sur scĂšne avec son pĂšre, Ă partir de lâĂąge de 11 ans, lorsque ce dernier se lancera dans lâaventure Ghostigital.
Hrafnkell FlĂłki Einarsson, accompagnĂ© de ĂrnĂłlfur Eldon, le fils de ĂĂłr Eldon, monteront Ă©galement sur scĂšne le 17 novembre 2006, dans la salle Laugardalshöll de ReykjavĂk, devant environ 5 000 personnes, pour le dernier morceau du concert des Sugarcubes, Luftguitar, Ă lâoccasion de leur prestation exceptionnelle, cĂ©lĂ©brant le 20e anniversaire de leur formation. Einar et SigrĂșn donnent naissance Ă deux autres garçons : Kolbeinn Hringur, en 1999, et ArngrĂmur Broddi, en 2001. Bien qu'Einar se soit souvent dĂ©fendu de faire partie sĂ©rieusement des instrumentistes (il joue de la trompette), des interprĂštes, ou mĂȘme des chanteurs (en 2003, il confie Ă Ărni MatthĂasson : « Je trouve que c'est vraiment dĂ©valorisant pour les musiciens que de prĂ©tendre en ĂȘtre un, certains parmi eux pourraient s'offusquer de se retrouver assis sur le mĂȘme banc que moi[3] »), il semble qu'il ait su transmettre Ă ses fils un penchant pour la musique en gĂ©nĂ©ral, et les cuivres en particulier. » En effet on trouve en juin 2007 Kolbeinn Hringur Einarsson parmi les 18 membres instrumentistes Ă vent de la petite section (A-Sveit) du SkĂłlahljĂłmsveit Grafarvogs, groupe scolaire instrumental reconnu de Grafarvogur - partie rĂ©sidentielle du grand Reykjavik oĂč habitent Einar et sa famille depuis quelques annĂ©es - qui comprend trois sections, dirigĂ©es par Einar JÏnsson et s'Ă©tant dĂ©jĂ produit dans diffĂ©rents pays d'Europe depuis sa crĂ©ation, en 1992/1993 (Danemark, Portugal, NorvĂšge, Luxembourg, Hongrie...). Kolbeinn Hringur y apprend Ă jouer du saxophone.
Hilmar Ărn Hilmarsson
Parmi les personnes qui ont jouĂ© un rĂŽle significatif dans le parcours musical d'Einar Ărn on peut citer Hilmar Ărn Hilmarsson, dont le nom est souvent Ă©voquĂ© par lâacronyme HĂH. Ce dernier cofonde, au tournant des annĂ©es 1970 et 1980, le groupe Ăeyr ; il commence sa carriĂšre en tant que batteur et poursuit comme manager du groupe. Il fonde Ă cette mĂȘme Ă©poque le label EskvĂmĂł avec GuĂ°ni RĂșnar Agnarsson, l'un des deux animateurs de l'Ă©mission radiophonique Ăfangar. Einar et Hilmar deviennent des amis durant cette pĂ©riode et travaillent ensemble dans la premiĂšre moitiĂ© de la dĂ©cennie 80. Ils ont l'intention de collaborer Ă nouveau pour la sortie d'un disque, mais les Ă©vĂšnements en dĂ©cident autrement. Einar est pris dans la spirale Sugarcubes et Hilmar collabore avec les musiciens de diverses autres formations. Hilmar suit nĂ©anmoins l'enregistrement du deuxiĂšme album des Sugarcubes Here Today, Tomorrow Next Week !. Il compose Ă©galement de nombreuses musiques de film. On lui doit, entre autres, la bande son du film, sorti en 1991, Börn nĂĄttĂșrunnar (Enfants de la nature), du rĂ©alisateur islandais FriĂ°rĂk ĂĂłr FriĂ°rĂksson, avec qui il a dĂ©jĂ travaillĂ© et qui fera encore de nombreuses fois appel Ă lui pour la musique de ses Ćuvres. Ce film reçoit 23 prix internationaux et est nommĂ© pour l'Oscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre, en 1992. Hilmar Ărn reçoit quant Ă lui, en 1991, le prix europĂ©en Felix du compositeur de musique de film de l'annĂ©e. Lâalbum de la musique originale Children of Nature sortira en 1996 sur le label Touch.
Au printemps 1992, alors que le groupe The Sugarcubes voit ses perspectives dâavenir sâassombrir progressivement, Einar trouve enfin lâoccasion de concrĂ©tiser son dĂ©sir de produire un disque avec son ami. Le duo dĂ©nomme le projet commun Frosbite (terme qui dĂ©signe leur collaboration). Lâalbum est enregistrĂ© trĂšs rapidement dans les studios de HafnarfjörĂ°ur et mixĂ© Ă Londres dans les mois qui suivent. Il sort en Angleterre sous le titre The Second Coming, en aoĂ»t 1993, sur le label One Little Indian. Le disque comprend huit morceaux dâune musique Ă©lectro fortement inspirĂ©e par lâĂ©tat dâesprit dâEinar, les rythmes sont soutenus et les sonoritĂ©s, un peu dures, issues de samples retravaillĂ©s sur des machines, Ă©vitent les rĂ©pĂ©titions. Lâalbum prĂ©sente Ă©galement un cĂŽtĂ© âbidouillage expĂ©rimentalâ, caractĂ©ristique de la mentalitĂ© des deux hommes : selon Hilmar Ărn, par exemple, la rythmique ne provient pas de lâĂ©lectronique mais est enregistrĂ©e Ă lâaide dâinstruments de cuisine, ou encore de ventouses pour dĂ©boucher les Ă©viers[17]. Einar pose sa voix sur certains morceaux avec des textes traitant de la vie nocturne de Reykjavik.
Le projet Frosbite se termine sur cet unique enregistrement, mais fin 1997, alors quâil sâĂ©tablit momentanĂ©ment et par intermittence Ă Londres afin de dĂ©velopper le site Internet du label One Little Indian, Einar entame parallĂšlement une nouvelle collaboration musicale avec Hilmar Ărn, Ă laquelle se joint cette fois le batteur Sigtryggur Baldursson. Leur nouvelle association prend le nom de Grindverk. InterrogĂ© sur cette collaboration, Einar relate leur travail ainsi : « - Nâaviez-vous pas travaillĂ© ensemble avec Sigtryggur depuis les Sugarcubes ? - Non, mais nous avions envie de tenter quelque chose et nous nous sommes rĂ©unis ce jour-lĂ dans le studio dâenregistrement, avec Hilmar Ărn. Il nâest pourtant pas sorti grand-chose de notre travail; nous avons simplement essayĂ© de connecter les ordinateurs ou ce genre de chose. Et quand nous avons fait le point sur le rĂ©sultat de la journĂ©e, il y avait un semblant de morceau Ă moitiĂ© fini que nous avons Ă©coutĂ© et qui nous a plu. Nous lâavons alors enregistrĂ© sur une petite bande que jâai prise avec moi et que jâai fait Ă©couter Ă des amis Ă moi Ă Londres et ils ont trouvĂ© ça gĂ©nial. Ils possĂšdent un petit label qui sâappelle Fat Cat Records et ils ont mis le morceau sur un disque avec une compilation dâautres morceaux qui devaient sortir, de sorte que nous nous sommes sentis obligĂ©s de continuer Ă travailler ensemble et cela nous a amenĂ© en avril 1998 oĂč nous nous sommes rĂ©unis Ă Londres, nous y sommes restĂ© une semaine et avons enregistrĂ© un disque entier. Il doit sortir bientĂŽt chez Fat Cat Records, mais le premier 30-cm est dĂ©jĂ sorti en Grande-Bretagne et sur le point de sortir ici[18]. »
Le EP, composĂ© de 4 titres instrumentaux, sâintitule Gesundheit von K. Il paraĂźt le 1er janvier 1999 en Grande-Bretagne sur le label Fat Cat Records. La musique y couvre une grande variĂ©tĂ© de styles: du funk industriel du morceau titre, jusquâau jazz alternatif de Kastrato. Lâalbum, cependant, prĂ©vu pour sortir dans la foulĂ©e, sur le mĂȘme label, sous le titre t.h.e.r.a.p.i.s.t.s., ne paraĂźtra jamais. Le trio se produit sur scĂšne le dans un hangar de lâaĂ©roport de ReykjavĂk, en premiĂšre partie du groupe islandais Gus Gus. Mais cette nouvelle collaboration ne donnera pas dâautres concerts, ni dâautres disques. En 1999, Sigtryggur rĂ©side aux Ătats-Unis et Hilmar au Danemark, de sorte que le projet Grindverk nâaura pas davantage de suite que Frosbite.
Activités extramusicales
MalgrĂ© leur succĂšs dans de nombreux pays, les membres des Sugarcubes, Ă lâinstar de nombreuses formations pourtant favorisĂ©es par le destin, nâont pu accumuler suffisamment dâargent durant leur aventure commune pour sâassurer un avenir paisible et oisif. Björk GuĂ°mundsdĂłttir, par exemple, devra attendre 1994/1995, avec la rĂ©ussite de son premier album solo, pour voir son niveau de vie matĂ©riel sâamĂ©liorer significativement.
En 2003, Einar confie Ă Ărni MatthĂasson, du quotidien MorgunblaĂ°iĂ° : « Nous aurions pu indubitablement aller beaucoup plus loin sur la voie de la cĂ©lĂ©britĂ© et certainement engranger beaucoup plus de gains, mais ce nâĂ©tait pas ce que nous cherchions, de sorte quâil nây a aujourdâhui aucun regret Ă ce niveau, pas de mon cĂŽtĂ© en tous cas[3]. » Par ailleurs les activitĂ©s dâĂ©dition et dâorganisation de concerts de la sociĂ©tĂ© Smekkleysa ne permettent pas non plus Ă ses membres dâen vivre. En effet, dĂšs ses dĂ©buts, le label/maison dâĂ©dition connaĂźt dâimportantes difficultĂ©s financiĂšres. Le 21 novembre 1990, la sortie en Islande du disque Gling-GlĂł, de Björk GuĂ°mundsdĂłttir et du trio de GuĂ°mundur IngĂłlfsson, chez Smekkleysa, sauve une premiĂšre fois la sociĂ©tĂ© de la faillite en se vendant trĂšs bien durant les mois qui suivent, au point de devenir disque de platine. Lâalbum sera rĂ©Ă©ditĂ© dans les annĂ©es 2000 avec le mĂȘme succĂšs.
En 1992, Björk et Bragi sont interrogés par Phil Ox, de Rock & Folk : «
- Björk : Notre sociĂ©tĂ©, Bad Taste, a fait venir les Satellites, Babylon Fighters et Manu Dibango pour un concert. JâĂ©tais lâattachĂ©e de presse.
- Bragi : Björk et Siggi sâen sont occupĂ©s avec lâambassade de France et un tourneur français.
- R & F : Ăa a Ă©tĂ© un succĂšs ?
- Bragi : Euh, non, enfin oui, pour ceux qui sont venus voir le concert, mais ils nâĂ©taient pas trĂšs nombreux. On a perdu un peu dâargent, on espĂ©rait plutĂŽt en gagnerâŠ
- Björk : Câest lâhistoire de notre vie, les groupes que lâon a signĂ©s sur Bad Taste se tirent lorsquâils rĂ©ussissent pour aller dans une grosse boĂźte de disques. Bref, lorsquâils sont Ă©conomiquement Ă cĂŽtĂ© de la plaque, câest chez nous, lorsquâils rĂ©ussissent, câest chez les autres, Câest tout nous[19]. »
Ces difficultĂ©s financiĂšres prendront un caractĂšre chronique tout au long des annĂ©es 1990 et 2000. En 2006, la situation sera redressĂ©e une fois de plus in extremis grĂące au concert dâanniversaire de la formation des Sugarcubes dont tous les bĂ©nĂ©fices sont reversĂ©s au profit de la sociĂ©tĂ©. Contrairement Ă dâautres anciens membres du groupe, comme MargrĂ©t ĂrnĂłlfsdĂłttir ou Sigtryggur Baldursson, par exemple, qui vivent de la musique aprĂšs la dissolution de la formation, Einar exerce donc diffĂ©rentes activitĂ©s professionnelles durant les annĂ©es 1990 et 2000. En juillet 2003, Sheryl Garratt, Ă lâoccasion dâune rencontre avec le chanteur, rapporte dans un numĂ©ro du magazine britannique Word : « Einar Ărn [...] dirige le site web de Björk et est trĂšs fier du fait quâil a Ă©vitĂ©, jusquâĂ maintenant, tout travail rĂ©gulier [day job]. »
DĂšs 1992, le mensuel musical allemand Zillo[20] rapporte quâaprĂšs la fin de la tournĂ©e du deuxiĂšme album des Sugarcubes, au printemps 1990, Einar travaille en tant quâanimateur radio et comme videur dans une discothĂšque. Puis câest le magazine britannique Q qui, en juillet 1998, dans sa rubrique « Where are they now? », consacrĂ©e aux six membres du groupe, sâintĂ©resse aux activitĂ©s professionnelles du chanteur. Selon le magazine, qui rapporte ses propos, et en dehors de son travail de crĂ©ation musicale dont il a Ă©tĂ© question ci-dessus, durant la pĂ©riode 1992 â 1998, Einar travaille comme journaliste en Ă©crivant des articles sur la vie quotidienne Ă ReykjavĂk pour le journal Close Encounter. Il assure la promotion de disques pour Bad Taste. Il est employĂ© en tant que barman. Il prend en charge lâorganisation et la promotion de concerts Ă ReykjavĂk (Björk, The Prodigy, Fugees, Massive Attack). Il cofonde le premier cybercafĂ© de la capitale islandaise (The Siberia CafĂ©), sans succĂšs. Il travaille pour le ReykjavĂk Arts Festival. Et fin 1997, il sâinstalle momentanĂ©ment Ă Londres pour mettre en place le site Web de One Little Indian. On peut ajouter Ă cela quâil lance ensuite Ă©galement le site officiel de Björk, dont il demeure le principal webmaster, quâil continue de cogĂ©rer la sociĂ©tĂ© Smekkleysa et quâil a rĂ©cemment travaillĂ© Ă lâorganisation du festival NĂĄttĂșra se tenant Ă ReykjavĂk, fin juin 2008.
Damon Albarn
Plus inattendue, dâun point de vue musical, que la collaboration avec Hilmar Ărn Hilmarsson fĂ»t Ă priori celle dâEinar Ărn avec Damon Albarn, le chanteur du groupe pop-rock britannique Blur. Les deux hommes se rencontrent pour la premiĂšre fois lors du passage des Sugarcubes Ă Boston, le 9 mars 1990. Ils restent en contact et se voient assez rĂ©guliĂšrement Ă partir de 1991, soit Ă Londres, soit Ă Reykjavik, Damon Albarn se sentant de plus en plus attirĂ© par la capitale islandaise et le pays en gĂ©nĂ©ral.
Lorsquâen 1998 le rĂ©alisateur Baltasar KormĂĄkur leur prĂ©sente le scĂ©nario librement adaptĂ© du roman de HallgrĂmur Helgason, 101 ReykjavĂk, en leur demandant de composer la bande son du long mĂ©trage quâil a lâintention de tourner, Einar Ărn et Damon Albarn acceptent la proposition. Le tournage dĂ©bute Ă Reykjavik en janvier 1999. Le duo compose l'essentiel de la musique parallĂšlement au dĂ©roulement de la rĂ©alisation du film, Damon Albarn prenant en charge les lignes mĂ©lodiques et Einar Ărn la partie rythmique et diffĂ©rentes autres petites parties sonores. Ă l'issue de la pĂ©riode de montage du film, ils entrent en studio et enregistrent en quelques jours les idĂ©es ou compositions qui se sont accumulĂ©es durant environ un an et demi et qui constitueront la majeure partie de la musique du long mĂ©trage ainsi que le matĂ©riau principal dâun disque qui sera distribuĂ© Ă lâinternational par EMI-Soundtracks[21].
Le film est projetĂ© pour la premiĂšre fois en Islande le 1er juin 2000, puis Ă lâĂ©tranger dans les mois qui suivent (le 31 octobre 2001, en France). Contrairement Ă la coutume qui consiste Ă faire paraĂźtre le disque de la bande originale avant le film ou Ă peu prĂšs simultanĂ©ment, les islandais devront attendre que le film ait Ă©tĂ© projetĂ© dans les diffĂ©rents pays du monde pour voir lâalbum sortir sur leur territoire, plus dâun an aprĂšs la parution du film, EMI ayant coordonnĂ© la distribution du disque sur lâensemble des pays[22].
Deux ans plus tard paraĂźtra le premier disque de Ghostigital sur le label Honest Jons Records, de Damon Albarn. Câest sur une suggestion de ce dernier quâEinar contactera le label et enregistrera lâalbum.
Ghostigital
DĂ©but juin 2003, Einar Ărn se produit au chant et Ă la trompette sur une petite scĂšne londonienne, accompagnĂ© de son fils Hrafnkell FlĂłki Ă la trompette, son filleul ĂĂ°inn Ărn Hilmarsson et son voisin ElĂs Ărn PĂ©tursson Ă la guitare, ainsi que le producteur de disque Birgir Ărn Thoroddsen (a.k.a. Bibbi Curver) aux machines. Ce dernier forme avec Einar un duo dĂ©signĂ© sous le nom de Ghostigital. Ce mĂȘme ensemble, auquel se joint un troisiĂšme guitariste, Frosti Logason, se produit le 30 aoĂ»t suivant, dans le club de Reykjavik, Gaukur ĂĄ Stöng. Puis, le duo Einar Ărn, Bibbi Curver assure lâouverture au bar du Grand Rokk des rencontres musicales StefnumĂłt UndirtĂłna (les Rendez-vous des Sous-entendus) qui sont organisĂ©es en collaboration avec la station RĂĄs 2 et se tiennent Ă ReykjavĂk le 18 septembre. Fin septembre 2003, le duo est Ă New York, au Joeâs Pub, en compagnie de Björk GuĂ°mundsdĂłttir qui officie aux machines. Le 30 octobre, il prĂ©sente 3 vidĂ©os musicales lors dâune soirĂ©e de Smekkleysa, Ă la discothĂšque NASA de ReykjavĂk. Fin novembre, câest Ă la Tate Gallery de Londres quâil prĂ©sente sa musique au public britannique, avant de se produire Ă nouveau dans la capitale islandaise, le 5 dĂ©cembre, au KapĂtal. Ces prestations, au cours desquelles la composition des musiciens accompagnateurs est Ă gĂ©omĂ©trie variable, accompagnent la parution du premier album signĂ© Einar Ărn, sâintitulant Ghostigital, et qui sort simultanĂ©ment en Islande (chez Smekkleysa) et en Grande-Bretagne (chez Honest Jon's Records), le 15 dĂ©cembre 2003.
Ces derniers mois de lâannĂ©e 2003 sont ainsi caractĂ©risĂ©s par le retour dâEinar Ărn sur la scĂšne musicale aprĂšs 11 ans d'un silence relatif, malgrĂ© les deux prĂ©cĂ©dents projets Frosbite et Grindverk. Son implication dans Ghostigital marque une nouvelle Ă©tape importante dans sa carriĂšre musicale. Les rubriques musicales de la presse islandaise gĂ©nĂ©raliste font rĂ©fĂ©rence au disque comme le premier « album solo » du chanteur : « Lorsquâil est question de faire un album solo, Einar ne peut plus guĂšre maintenir quâil nâest pas musicien et accepte donc le fait Ă contre cĆur, mais il ajoute que sâil peut se dire effectivement musicien sur le disque Ghostigital sâest grĂące Ă Birgi Ărn Thoroddson, Bibbi, qui travaille sur lâalbum avec lui. « Jâai toujours voulu faire ceci avec Bibbi, que cela soit notre travail, mais il a refusĂ©, mâa dit que je devais faire çà moi-mĂȘme, quâil serait lĂ simplement pour mâaider. Je ne voulais mĂȘme pas chanter sur lâalbum, mais il mâa dit que je devais le faire, mâa tendu le micro et mâa dit « chante ! », tout comme les copains de Purrkur Pillnik autrefois[3]. » Les mĂ©dias anglais (BBC, The Independent[23], ..) et les sites Internet britanniques spĂ©cialisĂ©s (musicomh.com, logo-magazine.com, ..) sâintĂ©ressent Ă©galement au retour de lâancien membre des Sugarcubes. Les critiques accueillent ce premier essai plutĂŽt favorablement, mĂȘme si la musique est qualifiĂ©e de « chaotique » ou de « dingue ».
Le premier opus paraĂźt donc mi-dĂ©cembre 2003 sous le titre Ghostigital. Outre Einar Ărn au chant et Bibbi Curver Ă la programmation, participent Ă©galement Ă lâalbum le rappeur/producteur Sensational sur trois morceaux, Hrafnell FlĂłki Ă la trompette sur un morceau, Frosti Logason Ă la guitare sur trois morceaux, Sigtryggur Baldursson aux percussions sur deux morceaux et DavĂĂ° ĂĂłr JĂłnsson au piano sur un morceau. Le disque est produit, enregistrĂ© et mixĂ© en Islande (les studios TĂmi et SĂœrland, oĂč avait Ă©tĂ© enregistrĂ© Here Today, Tomorrow Next Week !) sous la direction dâEinar et Bibbi. Durant lâannĂ©e 2004, le duo se produit de maniĂšre sporadique, gĂ©nĂ©ralement devant un public restreint, en diffĂ©rents lieux de la capitale et diverses autres localitĂ©s islandaises. En 2005 Einar Ărn et Bibbi Curver prĂ©parent et enregistrent leur deuxiĂšme album qui sâintitulera In Cod We Trust. Le disque est achevĂ© en octobre 2005 et, dĂšs lâautomne, la formation prĂ©sente ses nouveaux titres, mĂ©langes dâĂ©lectro-punk, de free-jazz, dâindus et de hip-hop, Ă son public islandais ainsi que devant le public allemand de Cologne, en novembre 2005.
In Cod We Trust paraĂźt le simultanĂ©ment chez Smekkleysa pour lâIslande, chez Honest Jon's, pour la Grande-Bretagne et la France, ainsi que sur le label Ipecac Recordings, de Mike Patton, ancien chanteur de Faith No More, pour les Ătats-Unis. Musicalement de la mĂȘme veine provocatrice et dĂ©structurĂ©e que le prĂ©cĂ©dent, ce deuxiĂšme album fait de nouveau appel Ă une plĂ©iade dâinvitĂ©s, encore plus hĂ©tĂ©roclite que sur le premier. On y trouve pĂȘle-mĂȘle les islandais Frosti du groupe MĂnus, Elli de Jeff Who?, GĂsli Galdu, Hrafn Ăsgeirsson, Hrafnkell FlĂłki, le fils d'Einar, Mugison, qui chante sur un morceau, ĂsgerĂ°ur JĂșnĂusdĂłttir, chanteuse d'opĂ©ra, ainsi que les rappeurs Sensational, qui Ă©tait dĂ©jĂ sur le premier album, et DĂ€lek, et enfin Mark E. Smith de The Fall et le pianiste de jazz Steve Beresford. Le disque est plutĂŽt bien accueilli par la critique islandaise. La tournĂ©e qui suit sa sortie passe cette fois par les Ătats-Unis, en mai (San Francisco, New York et Los Angeles) et septembre 2006 (Minneapolis). En 2007, Einar continue de dĂ©livrer son chant corrosif non seulement sur les scĂšnes amĂ©ricaines (Vancouver, Chicago), mais Ă©galement europĂ©ennes (Copenhague, Bristol...), en plus de se produire sur quelques concerts Ă Reykjavik. Cette mĂȘme annĂ©e Ghostigital produit deux remix des titres Declare Independence et Innocence, issus de lâalbum de Björk, Volta. Ă lâoccasion de la sortie de ce dernier, le magazine français Les Inrockuptibles fait paraĂźtre un hors-sĂ©rie consacrĂ© Ă la chanteuse, dans lequel un chapitre est consacrĂ© Ă la scĂšne islandaise actuelle. La formation bicĂ©phale y est prĂ©sentĂ©e dans les termes suivants : « Ghostigital, groupe dâun ex-Sugarcubes Ćuvrant dans une sorte de pop abrasive digne de The Fall â dont il a invitĂ© le leader Mark E. Smith sur son dernier album - et filtrĂ©e par un esprit proche des producteurs hardcore et mĂ©tal les plus tarĂ©s[24]. »
Notes et références
- DagblaĂ°iĂ° VĂsir (DV), 2 novembre 1987, page 42.
- TĂłnlistarsaga ReykjavĂkur meĂ° inngangi um sögu sönglĂfs Ă landinu frĂĄ ĂŸvĂ land byggĂ°ist, Baldur AndrĂ©sson
- MorgunblaĂ°iĂ°, 14 dĂ©cembre 2003, Ărni MatthĂasson, Hver er Einar Ărn
- Guitare et claviers, Les Sugarcubes: La pop pervertie du chaud et froid, Dominique Guillerm, n°91, décembre 1988
- Gunnar LĂĄrus HjĂĄlmarsson. 2001. Eru ekki allir Ă stuĂ°i? Rokk ĂĄ Ăslandi ĂĄ sĂĂ°ustu öld. ForlagiĂ°. ReykjavĂk. (ISBN 9979-53-427-3)
- MorgunblaĂ°iĂ° : « Ăg sem oft lög, en steingleymi ĂŸeim strax aftur », 25 septembre 1977, p.53-53.
- Björk: Wow and Flutter, Mark Pytlik, ECW Press, mai 2003 (ISBN 1-85410-960-X)
- MorgunblaĂ°iĂ°, 23 mars 1975, p.14, âSlagsĂĂ°an kynnir stjĂłrnendur poppĂŸĂĄtta Ăștvarpsinsâ
- MorgunblaĂ°iĂ°, 29 juillet 1983, p.4, âSĂĂ°asti Ăfanginnâ
- Sykurmolarnir, Ărni MatthĂasson, Ărn og Ărlygur, 1992, (ISBN 9979-55-038-4)
- Morgunblaðið, Kukl: Viðtal við hljómsveitinam, 21 décembre 1984
- DagblaĂ°iĂ° VĂsir (DV), 2 mai 1986, Kukl Ă sjĂłnvarp.
- Crossbeat, juillet 1988, The Sugarcubes, living through another cubes, interview de Sachiko Naganuma
- (en) MM : 24 octobre 1987, 2 janvier 1988, 16 avril 1988, NME : 24 octobre 1987, Sounds : 12 mars 1988
- Jordi Bianciotto, Björk, Editorial La Måscara, Valence (Espagne), collection Images du Rock (n°40), 1998, 64 pages (traduit de l'espagnol) (ISBN 84-7974-566-5)
- Note: Il est encore fait référence à ce mariage, plus récemment, dans l'ouvrage de l'ancien rédacteur en chef de Best et de Rolling Stone, France, Jean-Eric Perrin: J'ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson: Portraits de filles électriques, Mascara/Tournon Editions, mai 2009 (ISBN 2-35144-081-1)
- DagblaĂ°iĂ° VĂsir (DV), 19 aoĂ»t 1993, FasĂskt samstarf.
- MorgunblaĂ°iĂ°, 10 fĂ©vrier 1999, âFĂłlk Ă FrĂ©ttumâ
- Rock & Folk, n°295, mars 1992, âSugar du Nordâ, Phil Ox
- (de) Zillo, avril 1992, The Sugarcubes, Manfred Upnmoor.
- MorgunblaĂ°iĂ°, 12 septembre 1998, Damon Albarn og Einar Orn meĂ° tĂłnlistina Ă 101 ReykjavĂk.
- MorgunblaĂ°iĂ°, 16 juin 2001, Gefin Ășt um allan heim, Birta BjörnsdĂłttir.
- The Independent, 28 novembre 2003, Einar Ărn: Lifeâs rich pageant, Andy Gill
- Les Inrocks2 : Björk, « LâĂźle aux trĂ©sors », Joseph Ghosn & Pascal Bertin, 2e trimestre 2007
Liens externes
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