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Diaspora russe

La diaspora russe est l'ensemble des populations russophones et/ou d'origine russe vivant hors des frontières de la fĂ©dĂ©ration de Russie et reprĂ©sentant un ensemble d'environ 15 000 000 personnes. Cet ensemble est très disparate :

  • par les origines (certaines populations sont issues de Russie mĂŞme, d'autres ont diffĂ©rentes origines mais ont Ă©tĂ© russifiĂ©es soit sur place, lĂ  oĂą elles vivaient initialement, soit par transplantation dans d'autres rĂ©gions oĂą le russe Ă©tait la langue de communication entre les divers peuples comme au Kazakhstan par exemple) ;
  • par l'anciennetĂ© (certaines diasporas datent du XVIIe siècle, d'autres sont postĂ©rieures Ă  1940) ;
  • par le nombre et la proportion de russophones dans le pays concernĂ© (25 % au Kazakhstan, entre 10% et 20% dans la plupart des anciennes rĂ©publiques soviĂ©tiques qui sont aussi d'anciennes provinces de l'Empire russe, mais beaucoup moins dans les autres pays) ;
  • par le motif de leur dispersion (recherche de fourrures par les trappeurs et recherche de ressources minĂ©rales par les prospecteurs de l'Oural jusqu'en Alaska ; colonisation dĂ©mographique et Ă©tablissement de communautĂ©s cosaques sous l'Empire russe ; expatriation religieuse comme dans le cas des Doukhobors ou des Lipovènes ; expatriation Ă©conomique, notamment aux États-Unis ; expatriation culturelle d'intellectuels, artistes ou scientifiques fuyant le totalitarisme, notamment vers l'Europe occidentale ; expatriation politique des Russes blancs, des ruraux persĂ©cutĂ©s comme « koulaks », des rescapĂ©s du Holodomor, des purges, des rĂ©pressions ; colonisation dĂ©mographique, dĂ©portation et assignation Ă  rĂ©sidence dans de nouvelles rĂ©gions pendant l'ère soviĂ©tique).

Terminologie

diaspora et minorités nationales

Les termes diaspora et minorités nationales sont utilisés mais connotés[1].

compatriote

En Russie, le terme compatriote est défini juridiquement. Le terme se voulant neutre, définit civiquement et non ethniquement la nation, par une vision étatique « masculine » de la patrie (le pays des pères) et non affective et « féminine » (rodina, le lieu où l’on est né, la filiation maternelle).

« tout individu vivant de manière permanente sur le territoire de l’URSS et étant citoyen de l’URSS s’il considère le russe comme sa langue maternelle (…), s’il se considère comme appartenant à la civilisation russe et n’a pas renoncé volontairement à cette citoyenneté, ainsi que les descendants de ces personnes » »

— Déclaration des droits des compatriotes russiens adoptée le 30 janvier 1994 par le Congrès des communautés russes[1]

« une patrie unifiée (…), à la préservation, la continuation et le développement de l’étaticité russienne (…), à l’usage de la langue russe en tant que langue officielle (…) au système scolaire national russe (…) La défense face aux actions pouvant être assimilées à un génocide[1] »

La terminologie est précisée dans deux textes :

  • « Sur les principales directions de la politique Ă©tatique de la fĂ©dĂ©ration envers les compatriotes vivant Ă  l’étranger » du 11 aoĂ»t 1994,
  • « DĂ©claration de soutien Ă  la diaspora russienne et de protection des compatriotes russiens » du 9 dĂ©cembre 1995[1].

Situation

Le dĂ©nombrement de la diaspora russe dĂ©pend de sa dĂ©finition. MikhaĂŻl Souslov compte 50 millions d’anciens citoyens soviĂ©tiques rĂ©sidant Ă  l’extĂ©rieur de la Russie, 15 millions de Russes ethniques et 5 millions de citoyens de Russie ayant Ă©migrĂ© (d’après les chiffres officiels russes). Toutefois, les statistiques varient selon les pays ; par exemple, les sources officielles russes comptent 16 000 Ă©migrĂ©s russes s’étant installĂ©s en Allemagne entre 2011 et 2014 quand les sources allemandes en comptent 97 000 sur la mĂŞme pĂ©riode[2] - [3].

Diaspora russe sdans le monde en chiffres absolus. (nombre de personnes revendiquées)
  • Russie
  • >1 000 000
  • >100 000
  • >10 000
  • >1 000
  • Нет данных
  • Diaspora russe d'Ukraine (selon la dĂ©claration aux recensements : les russophones sont beaucoup plus nombreux, mais tous ne se dĂ©clarent pas Russes)

    Les plus grandes diasporas russes vivent dans les États anciennement soviĂ©tiques, comme l’Ukraine (environ 8 millions, CrimĂ©e comprise), le Kazakhstan (environ 4 millions), la BiĂ©lorussie (environ 1 million), l’OuzbĂ©kistan (environ 700 000), Lettonie (environ 700 000), Kirghizistan (environ 600 000) et la RĂ©publique de Moldavie (environ 500 000). Il y a aussi de petites communautĂ©s russes dans les Balkans principalement en Serbie (environ 5 000), dans les nations de l'Europe centrale et orientale comme la RĂ©publique tchèque, et dans d'autres rĂ©gions du monde, comme en Chine et en AmĂ©rique latine. Il existe des communautĂ©s russes importantes en IsraĂ«l (environ 900 000, pour la plupart des Juifs qui ont choisi l'alya Ă  l'invitation du gouvernement israĂ©lien) et en Allemagne (environ 1 200 000, pour la plupart des personnes d'origine ethnique allemande et de langue et culture russe rĂ©sidant auparavant dans les pays de l'ancienne Union soviĂ©tique). Ces communautĂ©s s’identifient elles-mĂŞmes Ă  la fois comme russes et comme citoyennes de ces pays, Ă  des degrĂ©s divers.

    La prĂ©sence et la situation des communautĂ©s russophones hors de Russie sont très diversement ressenties et dĂ©crites par les sources. Dans les pays baltes qui, devenus membres de l’Union europĂ©enne et de l’OTAN, ont complètement quittĂ© la sphère d’influence russe et n’ont pas intĂ©grĂ© la CEI, les minoritĂ©s russophones, jadis dominantes, ont perdu ce statut et sont obligĂ©es d’apprendre les langues de ces pays et de les possĂ©der parfaitement pour accĂ©der Ă  des emplois qualifiĂ©s : depuis la dislocation de l'URSS, elles se ressentent et se dĂ©crivent comme des « citoyens de seconde zone ». MĂŞme lorsqu’ils possèdent parfaitement la langue, les russophones de ces pays, notamment d'Estonie et de Lettonie qui ont la plus grande proportion de Russes des pays baltes, sont l’objet de discriminations illĂ©gales et d'une suspicion des autochtones, qui affirment que beaucoup de russophones sont des « colons Â» arrivĂ©s dans leurs pays Ă  la suite de l’invasion soviĂ©tique de 1940 (elle-mĂŞme suivie de la dĂ©portation d’une partie des populations locales vers le Goulag), en tant que colons et vecteurs d’une russification dĂ©libĂ©rĂ©e, assortie d’une rĂ©pression des autochtones. Or parmi les Russes qui sont arrivĂ©s pendant l’ère soviĂ©tique, peu Ă©taient des militaires ou des membres des organes rĂ©pressifs : la plupart sont venus pour des motifs Ă©conomiques, et quelquefois parce qu’on le leur avait ordonnĂ©. Ces russophones de Lettonie et de Estonie arrivĂ©s sous l’ère soviĂ©tique n’ont reçu, lors de l’indĂ©pendance de ces pays en 1991, qu'une « option » pour acquĂ©rir la citoyennetĂ© par naturalisation, sous rĂ©serve de rĂ©ussir l’examen de langue locale et d’instruction civique. Cette question est encore d’actualitĂ©, particulièrement en Lettonie, oĂą les russophones ont protestĂ© contre les plans d'Ă©ducation en langue lettone plutĂ´t qu'en russe.

    Tout autre est la situation dans les douze autres anciennes républiques soviétiques restées dans l’orbite russe et qui, pour la plupart, ont intégré la CEI. Le russe y est resté une langue soit officielle à côté de la langue locale (cas de la Biélorussie, du Kazakhstan et du Kirghizistan), soit « langue de communication inter-ethnique », officiellement (en Moldavie, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) ou officieusement (en Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Ukraine), et les russophones qui apprennent les langues locales, le font à leur rythme et sans y être contraints.

    Toutefois, certains mouvements politiques de ces pays ont, à divers moments, cherché à s’émanciper de la domination économique, politique et culturelle des minorités russophones qui ont alors été, volontairement ou non selon les personnes, impliquées dans des conflits comme les guerres civiles de Géorgie (1991-1993), de Moldavie (1992), du Tadjikistan (1992-1997) et du sud-est ukrainien (2013-2014). Les russophones de ces pays qui, fuyant les conflits, ont choisi d’émigrer vers la Russie, y sont souvent devenus des réfugiés que l’État russe a, le plus souvent, « oublié » d’aider à se réinsérer dans la « mère patrie », et qui y ont vécu très difficilement, au point qu’à l’issue des conflits (issue jusqu’ici toujours favorable aux pro-russes) certains sont revenus soit dans les pays qu’ils avaient quitté, soit dans les portions de ces pays qui, ayant auto-proclamé leur indépendance (parfois reconnue par la Russie) ou même leur rattachement à la Russie, acceptent de les accueillir (Abkhazie, Crimée, Nouvelle-Russie, Ossétie du Sud-Alanie, Transnistrie). Malgré l’acceptation officielle par la Russie de la demande de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe de « rectifier les manières de faire de l’ère soviétique », les minorités russophones des pays ex-soviétiques continuent à être des enjeux dans des conflits géopolitiques qui dépassent leurs intérêts immédiats et dont les conséquences vont souvent à l’encontre de leur qualité de vie et de leur sécurité.

    Hors de l’ancien Empire russe et de l’ancienne Union soviétique, un nombre significatif de Russes ont émigré au Canada, en Australie et surtout aux États-Unis. Brighton Beach, dans le district de Brooklyn de New York, est l’exemple d’une grande communauté d’immigrants russes récents. Il existe également une « émigration de luxe » des oligarques et des « nouveaux riches » russes vers les « paradis fiscaux » et vers les quartiers luxueux des grandes métropoles mondiales[4].

    Politique

    De 1991 à 2006, la politique russe vis-à-vis de sa diaspora présente dans le proche étranger a pu suivre différentes approches: soit une logique de politique étrangère invitant à soutenir les diasporas dans leur pays dans l’espoir qu’elles deviennent l’un des leviers de l’influence russe dans la région, soit une logique d’immigration appelant au « retour » massif et organisé des Russes dans une fédération en pleine crise démographique[1].

    En 1994, une institution étatique est créée: le Conseil des compatriotes[1].

    En 2001, Vladimir Poutine dansl'optique d'un « monde russe » (rousskiï mir), affirme appelle les Russes de l’étranger à « aider la patrie dans un dialogue constructif avec [ses] partenaires étrangers »[5].

    En octobre 2001, Vladimir Poutine se rend à Moscou au Congrès mondial des compatriotes vivant à l’étranger où il tient un discours affirmé apprécié des nationalistes affirmant que « la Russie est intéressée par le retour des compatriotes de l’étranger », et critique des efforts menés par l’État en la matière[1].

    « « Sur les dix années écoulées de travail avec les compatriotes, l’Etat a fait trop peu, on peut même dire si peu que cela en est inacceptable (…) Il y a eu des insuffisances évidentes du côté des pouvoirs officiels, du côté de l’Etat, et jusqu’à aujourd’hui, il y a des vides dans la législation, et les lois adoptées jusqu’à présent sont incomplètes, embrouillées, et parfois, elles ne sont tout simplement pas appliquées »

    — Vladimir Poutine, octobre 2021, Congrès mondial des compatriotes vivant à l’étranger, Moscou[1]

    L'activisme d'associations chargées de la question diasporique a influencé la sphère législative, et diffusé, dans le domaine public, une certaine vision de la situation des Russes du proche-étranger.

    Des associations comme le Conseil des compatriotes de la Douma, Rus’unie et le Conseil mondial des compatriotes du gouvernement de Moscou prétendent avec quelques dizaines d’associations peu représentatives dans de pays d’ex-URSS, représenter sociologiquement les compatriotes, et obtiennent une reconnaissance juridique du pouvoir politique à la recherche d’interlocuteurs institutionnalisés[1].

    Une vision catastrophiste est propagée par ces associations du fait de leur approche binaire de la situation des Russes du proche-étranger[1]:

    • rapatriement massif vers la Russie,
    • ou assimilation complète dans un Etat hostile et culturellement Ă©tranger Ă  la russitĂ©.

    En octobre 2006, Sergueï Lavrov déclare que «Nos compatriotes de l’étranger aspirent sincèrement à être utiles à leur Patrie historique »[5].

    Notes et références

    1. Marlène Laruelle, « La question des Russes du proche-étranger en Russie (1991-2006) », Les Études du CERI, no 126,‎ .
    2. Le « Monde russe » : la politique de la Russie envers sa diaspora, , 34 p. (ISBN 978-2-36567-744-8, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]).
    3. Mikhaïl Souslov, « Le "Monde russe" : la politique de la Russie envers sa diaspora », Russie.Nei.Visions, n° 103, Ifri, juillet 2017.
    4. Voir les références des articles en liens.
    5. « La russie et les «compatriotes » de l'étranger : Hier rejetés, demain mobilisés ? », dans Stéphane Dufoix, Loin des yeux, près du cœur: Les États et leurs expatriés, (ISBN 978-2-7246-1147-2, DOI 10.3917/scpo.dufoi.2010.01.183, lire en ligne), p. 183-204.

    Voir aussi

    Sources

    • Dimitri de Kochko, Russophonie et Russophones, in « Historiens et GĂ©ographes », no 404, octobre-novembre 2008, p. 185-186.
    • Alla Sergueeva , Qui sont les Russes ? (traduit du russe par Isabelle Deschamps), M. Milo, Paris ; TimĂ©li, Genève, 2006, 318 p. (ISBN 2-914388-85-3)
    • Nicolas Ross, Au cĹ“ur de la guerre froide. Les combats de l'Ă©migration russe de 1945 Ă  1960, Syrtes, 2023.

    Articles connexes

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