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DĂ©cret du 15 mars 1790

Par le décret du 15 mars 1790[2], l'Assemblée nationale traite de l'abolition des privilÚges seigneuriaux et féodaux. Le décret est « formé de la réunion de plusieurs décrets partiels » (nous dirions, aujourd'hui, de leur codification) : les décrets respectivement du 24, 25, 26 et 27 février, 1er, 3, 4, 6, 8, 10, 11 et 15 mars 1790. Sanctionné par lettres-patentes, le 28 mars 1790, le décret du 15 mars 1790 devint le décret des 15-28 mars 1790 « relatif aux droits féodaux »[3] - [1].

DĂ©cret du 15 mars 1790
Description de l'image DĂ©cret du 15 mars 1790.jpg.
Présentation
Titre Abolition des privilĂšges
Pays Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Type DĂ©cret
Adoption et entrée en vigueur
LĂ©gislature Ancien RĂ©gime (Maison de Bourbon)
Gouvernement Jacques Necker
Adoption par l'Assemblée nationale
Sanction par lettre patente de Louis XVI[1]

Son prĂ©ambule rĂ©sume ainsi les dĂ©crets des 4, 6, 7, 8 et 11 aoĂ»t 1789 : « aux termes de l'article 1er [des] dĂ©crets des 4, 6, 7, 8 et 11 aoĂ»t 1789, le rĂ©gime fĂ©odal est entiĂšrement dĂ©truit ; [...] Ă  l'Ă©gard des droits et devoirs fĂ©odaux ou censuels, ceux qui dĂ©pendaient ou Ă©taient reprĂ©sentatifs, soit de la mainmorte personnelle ou rĂ©elle, soit de la servitude personnelle, sont abolis sans indemnitĂ© ; [...] en mĂȘme temps, tous les autres droits sont maintenus jusqu'au rachat par lequel il a Ă©tĂ© permis aux personnes qui en sont grevĂ©es de s'en affranchir, et qu'il a Ă©tĂ© rĂ©servĂ© de dĂ©velopper par une loi particuliĂšre les effets de la destruction du rĂ©gime fĂ©odal, ainsi que la distinction des droits abolis d'avec les droits rachetables ».

Son titre Ier précise les « effets généraux de la destruction du régime féodal » ; son titre II énumÚre les « droits seigneuriaux qui sont supprimés sans indemnité » ; et son titre III, les « droits seigneuriaux rachetables ».

Contexte

Les conditions du tiers Ă©tat devenues insupportables

Eau-forte en couleur intitulĂ©e : «  faut espĂ©rer q'eu s jeu la finira ben tĂŽt »
Un païsan portant un Prélat et un Noble.
Allusion aux impĂŽts dont le poids retombait en entier sur le peuple : M.M. les EclĂ©siastiques et les Nobles non seulement ne payoient rien, mais encore obtenoient des graces, des pensions qui Ă©puisoient l'État et le Malheureux cultivateur pouvoit a peine fournir Ă  sa subsistance.
Caricature anonyme, Paris, mai 1789

Texte

PRÉAMBULE

L'ASSEMBLÉE NATIONALE, considĂ©rant qu'aux termes de l'article 1er de ses dĂ©crets des 4, 6, 7, 8 et 11 aoĂ»t 1789, le rĂ©gime fĂ©odal est entiĂšrement dĂ©truit ; qu'Ă  l'Ă©gard des droits et devoirs fĂ©odaux ou censuels, ceux qui dĂ©pendaient ou Ă©taient reprĂ©sentatifs, soit de la mainmorte personnelle ou rĂ©elle, soit de la servitude personnelle, sont abolis sans indemnitĂ© ; qu'en mĂȘme temps, tous les autres droits sont maintenus jusqu'au rachat par lequel il a Ă©tĂ© permis aux personnes qui en sont grevĂ©es de s'en affranchir, et qu'il a Ă©tĂ© rĂ©servĂ© de dĂ©velopper par une loi particuliĂšre les effets de la destruction du rĂ©gime fĂ©odal, ainsi que la distinction des droits abolis d'avec les droits rachetables, a DÉCRÉTÉ et DÉCRÈTE ce qui suit[2] :

Article 1er

Toutes distinctions honorifiques, supériorité et puissance résultant du régime féodal, sont abolies ; quant à ceux des droits utiles qui subsisteront jusqu'au rachat, ils sont entiÚrement assimilés aux simples rentes et charges fonciÚres.

Article 2

La foi et hommage, et tout autre service purement personnel, auxquels les vassaux censiers et tenanciers ont été assujettis jusqu'à présent, sont abolis.

Article 3

Les fiefs qui ne devaient que la bouche et les mains, ne sont plus soumis Ă  aucun aveu ni reconnaissance.

Article 4

Quant aux fiefs qui sont grevĂ©s de devoirs utiles ou de profits rachetables, et aux censives, il en sera fourni par les redevables de simples reconnaissances passĂ©es Ă  leurs frais, par-devant tels notaires qu'ils voudront choisir, avec dĂ©claration expresse des confins et de la contenance ; et ce, aux mĂȘmes Ă©poques, en la mĂȘme forme et de la mĂȘme maniĂšre que sont reconnus, dans les diffĂ©rentes provinces et lieux du royaume, les autres droits fonciers, par les personnes qui en sont chargĂ©es.

Article 5

En conséquence, les formes ci-devant usitées des reconnaissances par aveux et dénombrements, déclarations à terrier, gages-pleiges, plaids et assises, sont abolis ; et il est défendu à tout propriétaire de fiefs de continuer aucuns terriers, gages-pleiges ou plaids et assises commencés avant la publication du présent décret.

Article 6

En attendant qu'il ait Ă©tĂ© prononcĂ© sur les droits de contrĂŽle, il ne pourra ĂȘtre perçu, pour le contrĂŽle des reconnaissances mentionnĂ©es dans l'article 4, de plus forts droits que ceux auxquels Ă©taient soumis les dĂ©clarations Ă  terrier et autres actes abolis par l'article 5.

Article 7

Toutes saisies féodales et censuelles et droits de commise sont abolis ; mais les propriétaires des droits féodaux et censuels non supprimés sans indemnité, pourront exercer les actions, contraintes, exécutions, privilÚges et préférences qui, par le droit commun, les différentes coutumes et statuts des lieux, appartiennent à tous premiers bailleurs de fonds.

Article 8

Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les rentes, redevance et autres droits qui sont rachetables par leur nature ou par l'effet des décrets du 4 août 1789 et jours suivants, seront, jusqu'à leur rachat et à compter de l'époque qui sera déterminée par l'article 33 du titre II du présent décret, soumis pour le principal à la prescription que les différentes lois et coutumes du royaume ont établie, relativement aux immeubles réels ; sans rien innover, quant à présent, à la prescription des arrérages.

Article 9

Les lettres de ratification établies par l'édit du mois de juin 1771 continueront de n'avoir d'autre effet sur les droits féodaux et censuels, que d'en purger les arrérages, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par une nouvelle loi à un régime uniforme et commun à toutes les rentes et charges fonciÚres pour la conservation des privilÚges et hypothÚques.

Article 10

Le retrait féodal, le retrait censuel, le droit de prélation féodale ou censuelle, et le droit de retenue seigneuriale, sont abolis.

Article 11

Tous privilÚges, toute féodalité et nobilité de biens étant détruits, les droits d'aßnesse et de masculinité à l'égard des fiefs, domaines et alleux nobles, et les partages inégaux à raison de la qualité des personnes, sont abolis. En conséquence, toutes les successions, tant directes que collatérales, tant mobiliÚres qu'immobiliÚres, qui écherront, à compter du jour de la publication du présent, seront, sans égard à l'ancienne qualité noble des biens et des personnes, partagées entre les héritiers, suivant les lois, statuts et coutumes qui rÚglent les partages entre tous les citoyens ; toutes lois et coutumes à ce contraires sont abrogées et détruites.

Seront exceptés ceux qui sont actuellement mariés ou veufs avec enfants, lesquels, dans les partages à faire entre eux et leurs cohéritiers de toutes les successions mobiliÚres et immobiliÚres, directes et collatérales, qui pourront leur échoir, jouiront de tous les avantages que leur attribuent les anciennes lois.

Les puĂźnĂ©s et les filles, dans les coutumes oĂč ils ont eu jusqu'Ă  prĂ©sent sur les biens tenus en fief plus d'avantage que sur les biens non fĂ©odaux, continueront de prendre dans les ci-devant fiefs les parts Ă  eux assignĂ©es par lesdites coutumes, jusqu'Ă  ce qu'il ait Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© un mode dĂ©finitif et uniforme de succession pour tout le royaume.

Article 12

La garde royale, la garde seigneuriale et le déport de minorité sont abolis.

Article 13

Sont pareillement abolis tous les effets que les coutumes, statuts et usages avaient fait rĂ©sulter de la qualitĂ© fĂ©odale ou censuelle des biens, soit par rapport au douaire, soit pour la forme d'estimer les fonds, et gĂ©nĂ©ralement pour tout autre objet, quel qu'il soit ; sans nĂ©anmoins comprendre dans la prĂ©sente disposition, en ce qui concerne le douaire, les femmes actuellement mariĂ©es ou veuves, et sans rien innover, quant Ă  prĂ©sent, aux dispositions des coutumes de nantissement, relativement Ă  la maniĂšre d'hypothĂ©quer et aliĂ©ner les hĂ©ritages ; lesquelles continueront, ainsi que les Ă©dits et dĂ©clarations qui les ont expliquĂ©es, Ă©tendues ou modifiĂ©es, d'ĂȘtre exĂ©cutĂ©es suivant leur forme et teneur, jusqu'Ă  ce qu'il en ait Ă©tĂ© autrement ordonnĂ©.

Article 1er

La mainmorte personnelle, réelle ou mixte, la servitude d'origine, la servitude personnelle du possesseur des héritages tenus en mainmorte réelle, celle de corps et de poursuite, les droits de taille personnelle, de corvées personnelles, d'échute, de vide-main, le droit prohibitif des aliénations et dispositions à titre de vente, donation entre vifs ou testamentaire, et tous les autres effets de la mainmorte réelle, personnelle ou mixte, qui s'étendaient sur les personnes ou les biens, sont abolis sans indemnité.

Article 2

NĂ©anmoins, tous les fonds ci-devant tenus en mainmorte rĂ©elle ou mixte continueront d'ĂȘtre assujettis aux autres charges, redevances, tailles ou corvĂ©es rĂ©elles dont ils Ă©taient prĂ©cĂ©demment grevĂ©s.

Article 3

Lesdits hĂ©ritages demeureront pareillement assujettis aux droits dont ils pouvaient ĂȘtre tenus en cas de mutation par vente, pourvu nĂ©anmoins que lesdits droits ne fussent pas des compositions Ă  la volontĂ© du propriĂ©taire du fief dont ils Ă©taient mouvants, et n'excĂ©dassent point ceux qui ont accoutumĂ© ĂȘtre dus par les hĂ©ritages non mainmortables tenus en censive dans la mĂȘme seigneurie, ou suivant la coutume.

Article 4

Tous les actes d'affranchissement par lesquels la mainmorte rĂ©elle ou mixte aura Ă©tĂ© convertie sur les fonds ci-devant affectĂ©s de cette servitude, en redevances fonciĂšres et en droits de lods aux mutations, seront exĂ©cutĂ©s selon leur forme et teneur ; Ă  moins que lesdites charges et droits de mutations ne se trouvassent excĂ©der les charges et droits usitĂ©s dans la mĂȘme seigneurie, ou Ă©tablis par la coutume ou l'usage gĂ©nĂ©ral de la province, relativement aux fonds non mainmortables tenus en censive.

Article 5

Dans le cas oĂč les droits et charges rĂ©elles mentionnĂ©s dans les deux articles prĂ©cĂ©dents se trouveraient excĂ©der le taux qui est indiquĂ©, ils y seront rĂ©duits ; et sont entiĂšrement supprimĂ©s les droits et charges qui ne sont reprĂ©sentatifs que de servitudes purement personnelles.

Article 6

Seront nĂ©anmoins les actes d'affranchissement faits avant l’époque fixĂ©e par l'article 33 ci-aprĂšs, moyennant une somme de deniers, ou pour l'abandon d'un corps d'hĂ©ritage certain, soit par les communautĂ©s, soit par les particuliers, exĂ©cutĂ©s suivant leur forme et teneur.

Article 7

Toutes les dispositions ci-dessus concernant la mainmorte auront également lieu en Bourbonnais et en Nivernais pour les tenures en bordelage, et en Bretagne pour les tenures en mote et en quevaise ; à l'égard des tenures en domaines congéables, il y sera statué par une loi particuliÚre.

Article 8

Les droits de meilleur-cartel ou morte-main, de taille à volonté, de taille ou d'indire aux quatre cas, de cas impérieux et d'aide seigneuriale, sont supprimés sans indemnité.

Article 9

Tous droits qui, sous la dénomination de feu, cheminée, feux allumants, feu mort, fouage, monéage, bourgeoisie, congé, chiennage, gßte aux chiens, ou autre quelconque, sont perçus par les seigneurs sur les personnes, sur les bestiaux, on à cause de la résidence, sans qu'il soit justifié qu'ils sont dus, soit par les fonds invariablement, soit pour raison de concessions d'usages ou autres objets, sont abolis sans indemnité.

Article 10

Sont pareillement abolis sans indemnité :

1° Les droits de guet et de garde, de chassipolence, ensemble les droits qui ont pour objet l'entretien des clÎtures et fortifications des bourgs et des chùteaux, ainsi que les rentes ou redevances qui en sont représentatives, quoique affectées sur des fonds, s'il n'est pas prouvé que ces fonds ont été concédés pour causes de ces rentes ou redevances ;
2° Les droits de pulvérage levés sur les troupeaux passant dans les chemins publics des seigneurs ;
3° Les droits qui, sous la dénomination de banvin, vet-du-vin, étanche ou autre quelconque, emportaient pour un seigneur la faculté de vendre seul et exclusivement aux habitants de sa seigneurie, pendant un certain temps de l'année, ses vins ou autres boissons et denrées quelconques.

Article 11

Les droits connus en Auvergne et autres provinces sous le nom de cens en commande ; en Flandre, en Artois et en CambrĂ©sis, sous celui de gave, gavenne ou gaule ; en Hainaut, sous celui de poursoin ; en Lorraine, sous celui de sauvement ou sauve-garde ; en Alsace, sous celui d’avourie ; et gĂ©nĂ©ralement tous les droits qui se payaient ci-devant, en quelque lieu du royaume et sous quelque dĂ©nomination que ce fĂ»t, en reconnaissance et pour prix de la protection des seigneurs, sont abolis sans indemnitĂ©, sans prĂ©judice des droits qui, quoique perçus sous les mĂȘmes dĂ©nominations, seraient justifiĂ©s avoir pour cause des concessions de fonds.

Article 12

Les droits sur les achats, ventes, importations et exportations de biens meubles, de denrĂ©es et de marchandises, tels que les droits de cinquantiĂšme, centiĂšme ou autre denier du prix des meubles ou bestiaux vendus, les lods et ventes, treiziĂšme et autres droits sur les vassaux, sur les bois et arbres futaies, tĂȘtards et fruitiers, coupĂ©s ou vendus pour ĂȘtre coupĂ©s, sur les matĂ©riaux des bĂątiments dĂ©molis ou vendus pour ĂȘtre dĂ©molis ; les droits d'accise sur les comestibles, le droit de leyde ou dĂźme sur les poissons, les droits de bouteillage, de wingeld ou autres sur les vins et autres boissons, les impĂŽts et billots seigneuriaux et autres de mĂȘme nature, sont abolis sans indemnitĂ©.

Article 13

Les droits de pĂ©age, de long et de travers, passage, halage, pontonnage, barrage, chĂąmage, grande et petite coutume, tonlieu, et tous autres droits de ce genre, ou qui en seraient reprĂ©sentatifs, de quelque nature qu'ils soient et sous quelque dĂ©nomination qu'ils puissent ĂȘtre perçus, par terre ou par eau, soit en matiĂšre, soit en argent, sont supprimĂ©s sans indemnitĂ© ; en consĂ©quence, les possesseurs desdits droits sont dĂ©chargĂ©s des prestations pĂ©cuniaires et autres obligations auxquelles ils pouvaient ĂȘtre assujettis pour raison de ces droits.

Article 14

Il sera pourvu par les assemblées administratives à l'entretien des ouvrages dont quelques-uns desdits droits sont grevés.

Article 15

Sont exceptés, quant à présent, de la suppression prononcée par l'article 13 :

1° Les octrois autorisés qui se perçoivent sous aucune des dénominations comprises dans ledit article, soit au profit du trésor public, soit au profit des provinces, villes, communautés d'habitants ou hÎpitaux ;
2° Les droits de bac et de voiture d'eau ;
3° Ceux des droits énoncés dans ledit article qui ont été concédés pour dédommagement de frais de construction de canaux et autres travaux ou ouvrages d'art construits sous cette condition ;
4° Les péages accordés à titre d'indemnité à des propriétaires légitimes de moulins, usines ou bùtiments et établissements quelconques supprimés pour raison de l'utilité publique.

Article 16

Tous les droits exceptĂ©s par l'article prĂ©cĂ©dent continueront provisoirement d'ĂȘtre perçus suivant les titres et les tarifs de leur crĂ©ation primitive, reconnus et vĂ©rifiĂ©s par les dĂ©partements des lieux oĂč ils se perçoivent, jusqu'Ă  ce que, sur leur avis, il ait Ă©tĂ© statuĂ© dĂ©finitivement Ă  cet Ă©gard ; et, Ă  cet effet, les possesseurs desdits droits seront tenus, dans l'annĂ©e, Ă  compter de la publication du prĂ©sent dĂ©cret, de reprĂ©senter leurs titres auxdits dĂ©partements ; Ă  dĂ©faut de quoi, les perceptions demeureront suspendues.

Article 17

Les droits d'Ă©talonnage, minage, muyage, menage, leude, leyde, puginĂšre, bichenage, levage, petite coutume, sexterage, coponage, copel, coupe, cartelage, stellage, sciage, palette, aunage, Ă©tale, Ă©talage, quintalage, poids et mesures, et autres droits qui en tiennent lieu, et gĂ©nĂ©ralement tous droits, soit en nature, soit en argent, perçus sous le prĂ©texte de poids, mesures, marque, fourniture ou inspection de mesures, ou mesurage de grains, grenailles, sel, et toutes autres denrĂ©es ou marchandises, ainsi que sur leur Ă©talage, vente ou transport dans l'intĂ©rieur du royaume, de quelque espĂšce qu'ils soient, ensemble tous les droits qui en seraient reprĂ©sentatifs, sont supprimĂ©s sans indemnitĂ© ; sans prĂ©judice nĂ©anmoins des droits qui, quoique perçus sous les mĂȘmes dĂ©nominations, seraient justifiĂ©s avoir pour cause des concessions de fonds.

Article 18

Les étalons, matrices et poinçons qui servaient à l'étalonnage des poids et mesures, seront remis au municipalités des lieux, qui en paieront la valeur et pourvoiront à l'avenir gratuitement à l'étalonnage et vérification des poids et mesures.

Article 19

Les droits connus sous le nom de coutume, hallage, havage, cohue, et généralement tous ceux qui étaient perçus en nature ou en argent, à raison de l'apport ou du dépÎt des grains, viandes, bestiaux, poissons, et autres denrées et marchandises, dans les foires, marchés, places ou halles, de quelque nature qu'ils soient, ainsi que les droits qui en seraient représentatifs, sont aussi supprimés sans indemnité ; mais les bùtiments et halles continueront d'appartenir à leurs propriétaires, sauf à eux à s'arranger à l'amiable, soit pour le loyer, soit pour l'aliénation, avec les municipalités des lieux ; et les difficultés qui pourraient s'élever à ce sujet seront soumises à l'arbitrage des assemblées administratives.

Article 20

N'est pas compris, quant à présent, dans la suppression prononcée par l'article précédent, le droit de la caisse des marchés de Sceaux et de Poissy.

Article 21

En conséquence des dispositions de articles 18 et 19, le mesurage et poids des farines, grains, denrées et marchandises dans les maisons particuliÚres, sera libre dans toute l'étendue du royaume, à la charge de ne pouvoir se servir que de poids et mesures étalonnés et légaux; et quant au service des places et marchés publics, il y sera pourvu par les municipalités des lieux, qui, sous l'autorisation des assemblées administratives, fixeront la rétribution juste et modérée des personnes employées au pesage et mesurage.

Article 22

Tous droits qui, sous prétexte de permission donnée par les seigneurs pour exercer des professions, arts ou commerces, ou pour des actes qui, par le droit naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.

Article 23

Tous les droits de banalitĂ© de fours, moulins, pressoirs, boucheries, taureaux, verrats, forges et autres, ensemble les sujĂ©tions qui y sont accessoires, ainsi que les droits de verte-moute et de vent, le droit prohibitif de la quĂȘte-mouture ou chasse-des-meuniers, soit qu'ils soient fondĂ©s sur la coutume ou sur un titre acquis par prescription, ou confirmĂ©s par des jugements, sont abolis et supprimĂ©s sans indemnitĂ©, sous les seules exceptions ci-aprĂšs.

Article 24

Sont exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables :

1° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d'habitants et un particulier non seigneur ;
2° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite par une communauté d'habitants et son seigneur, et par laquelle le seigneur aura fait à la communauté quelque avantage de plus que de s'obliger à tenir perpétuellement en état les moulins, fours ou autres objets banaux ;
3° Celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d'usage dans ses bois ou prés, ou de communes en propriété.

Article 25

Toute redevance ci-devant payée par les habitants, à titre d'abonnement des banalités, de la nature de celles ci-dessus supprimées sans indemnité, et qui n'étaient point dans le cas des exceptions portées par l'article précédent, est abolie et supprimée sans indemnité.

Article 26

Il est fait défenses aux ci-devant baniers d'attenter à la propriété des moulins, pressoirs, fours et autres objets de la banalité, desquels ils sont affranchis par l'article 23 ; ladite propriété est mise sous la sauvegarde de la loi, et il est enjoint aux municipalités de tenir la main à ce qu'elle soit respectée.

Article 27

Toutes les corvĂ©es, Ă  la seule exception des rĂ©elles, sont supprimĂ©es sans indemnitĂ© ; et ne seront rĂ©putĂ©es corvĂ©es rĂ©elles que celles qui seront prouvĂ©es ĂȘtre dues pour prix de la concession de la propriĂ©tĂ© d'un fonds ou d'un droit rĂ©el.

Article 28

Toutes sujétions qui, par leur nature, ne peuvent apporter à celui auquel elles sont dues aucune utilité réelle, sont abolies et supprimées sans indemnité.

Article 29

Lorsque les possesseurs des droits conservés par les articles 9, 10, 11, 15, 17, 24 et 27 ci-dessus, ne seront pas en état de représenter de titre primitif, ils pourront y suppléer par deux reconnaissances conformes, énonciatives d'une plus ancienne, non contredites par des reconnaissances antérieures données par la communauté des habitants, lorsqu'il s'agira de droits généraux, et par les individus intéressés, lorsqu'elles concerneront des droits particuliers, pourvu qu'elles soient soutenues d'une possession actuelle qui remonte sans interruption à quarante ans, et qu'elles rappellent, soit les conventions, soit les concessions mentionnées dans les articles III.

Article 30

Le droit de triage, Ă©tabli par l'article 4 du titre XXV de l'ordonnance des eaux et forĂȘts de 1669, est aboli pour l'avenir.

Article 31

Tous Ă©dits, dĂ©clarations, arrĂȘts du conseil et lettres patentes, rendus depuis trente ans, tant Ă  l'Ă©gard de la Flandre et de l'Artois, qu'Ă  l'Ă©gard de toutes les autres provinces du royaume, qui ont autorisĂ© le triage hors des cas permis par l'ordonnance de 1669, demeureront Ă  cet Ă©gard comme non avenus, et tous les jugements rendus et actes faits en consĂ©quences sont rĂ©voquĂ©s. Et pour rentrer en possession des portions de leurs biens communaux dont elles ont Ă©tĂ© privĂ©es par l'effet desdits Ă©dits, dĂ©clarations, arrĂȘts et lettres patentes, les communautĂ©s seront tenues de se pourvoir, dans l'espace de cinq ans, par-devant les tribunaux, sans pouvoir prĂ©tendre aucune restitution de fruits perçus, sauf Ă  les faire entrer en compensation, dans le cas oĂč il y aurait lieu Ă  des indemnitĂ©s pour cause d'impenses.

Article 32

Le droit de tiers-denier est aboli dans les provinces de Lorraine, du Barrois, du Clermontois et autres oĂč il pourrait avoir lieu, Ă  l'Ă©gard des bois et autres biens qui sont possĂ©dĂ©s en propriĂ©tĂ© par les communautĂ©s ; mais il continuera d'ĂȘtre perçu sur le prix des ventes des bois et autres biens dont les communautĂ©s ne sont qu'usagĂšres.

Les arrĂȘts du conseil et lettres patentes qui, depuis trente ans, ont distrait, au profit de certains seigneurs desdites provinces, des portions des bois et autres biens dont les communautĂ©s jouissent Ă  titre de propriĂ©tĂ© ou d'usage, sont rĂ©voquĂ©s ; et les communautĂ©s pourront dans le temps, et par les voies indiquĂ©es par l'article prĂ©cĂ©dent, rentrer dans la jouissance desdites portions, sans aucune rĂ©pĂ©tition des fruits perçus, sauf aux seigneurs Ă  percevoir le droit de tiers-denier dans le cas ci-dessus exprimĂ©.

Article 33

Toutes les dispositions ci-dessus, à l'exception de celles de l'article 11 du titre Ier, et des articles 13, 17 et 19 du présent titre, qui ne seront exécutées que du jour de la publication du présent décret, auront leur effet à compter du jour de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789.

Article 34

Tous procĂšs intentĂ©s et non dĂ©cidĂ©s par jugement en dernier ressort avant les Ă©poques respectives fixĂ©es par l'article prĂ©cĂ©dent, relativement Ă  des droits abolis sans indemnitĂ© par le prĂ©sent dĂ©cret, ne pourront ĂȘtre jugĂ©s que pour les frais des procĂ©dures faites et les arrĂ©rages Ă©chus antĂ©rieurement Ă  ces Ă©poques.

Article 35

Au surplus, il n'est point prĂ©judiciĂ© aux actions intentĂ©es ou Ă  intenter par les communautĂ©s d'habitants pour raison des biens communaux non compris dans les articles 31 et 32 du prĂ©sent titre, lesquelles seront dĂ©cidĂ©es, mĂȘme sur instance en cassation d'arrĂȘt, conformĂ©ment aux lois antĂ©rieures au prĂ©sent dĂ©cret.

Article 36

Il ne pourra ĂȘtre prĂ©tendu par les personnes qui ont ci-devant acquis de particuliers, par vente ou autre litre Ă©quipollent Ă  vente, des droits abolis parle prĂ©sent dĂ©cret, aucune indemnitĂ© ni restitution de prix ; et Ă  l'Ă©gard de ceux desdits droits qui ont Ă©tĂ© acquis du domaine de l'État, il ne pourra ĂȘtre exigĂ© par les acquĂ©reurs d'autre indemnitĂ© que la restitution, soit des finances par eux avancĂ©es, soit des autres objets ou biens par eux cĂ©dĂ©s Ă  l'État.

Article 37

II sera libre aux fermiers qui ont ci-devant pris Ă  bail aucun des mĂȘmes droits, sans mĂ©lange d'autres biens ou de droits conservĂ©s jusqu'au rachat, de remettre leurs baux ; et dans ce cas, ils ne pourront prĂ©tendre d'autre indemnitĂ© que la restitution des pots-de-vin et la dĂ©charge des loyers ou fermages, au prorata de la non-jouissance causĂ©e par la suppression desdits droits.

Quant à ceux qui ont pris à bail aucuns droits abolis conjointement avec d'autres biens ou avec des droits rachetables, ils pourront seulement demander une réduction de leurs pots-de-vin et fermages proportionnée à la quotité des objets frappés de suppression.

Article 38

Les preneurs Ă  rente d'aucuns droits abolis ne pourront pareillement demander qu'une rĂ©duction proportionnelle de redevances dont ils sont chargĂ©s, lorsque les baux contiendront, outre les droits abolis, des bĂątiments, immeubles ou autres droits dont la propriĂ©tĂ© est conservĂ©e, ou qui sont simplement rachetables; et dans le cas oĂč les baux Ă  rente ne comprendraient que des droits abolis, les preneurs seront seulement dĂ©chargĂ©s des rentes, sans pouvoir prĂ©tendre aucune indemnitĂ© ni restitution de denier d'entrĂ©e.

Article 39

Il est réservé de prononcer, s'il y a lieu :

1° Sur ceux des droits féodaux maritimes à l'égard desquels il n'a pas été statué par les articles précédents ;
2° Sur les droits de voirie, déshérence, bùtardise, épaves, amendes, afforage, taverne, tabellionage et autres dépendant de celui de justice ;
3° Sur les indemnitĂ©s dont la nation pourrait ĂȘtre chargĂ©e envers les propriĂ©taires de certains fiefs d'Alsace, d'aprĂšs les traitĂ©s qui ont rĂ©uni cette province Ă  la France.

Article 1er

Seront simplement rachetables, et continueront d'ĂȘtre payĂ©s jusqu'au rachat effectuĂ©, tous les droits et devoirs fĂ©odaux ou censuels utiles qui sont le prix et la condition d'une concession primitive de fonds.

Article 2

Et sont présumés tels, sauf la preuve contraire :

1° Toutes les redevances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, cire, denrées ou fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, censives, sur-cens, capcasal, rentes féodales, seigneuriales et emphytéotiques, champart, tasque, terrage, arrage, agrier, comptant, soëté, dßmes inféodées, ou sous toute autre dénomination quelconque, qui ne se paient et ne sont dues que par le propriétaire ou possesseur d'un fonds, tant qu'il est propriétaire ou possesseur, et à raison de la durée de sa possession.
2° Tous les droits casuels qui, sous les noms de quint, requint, treiziÚme, lods et treizains, lods et ventes, ventes et issues, mi-lods, rachats, venteroles, reliefs, relevoison, plaids et autres dénominations quelconques, sont dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession d'un fonds, par le vendeur, l'acheteur, les donataires, les héritiers et tous autres ayants-cause du précédent propriétaire ou possesseur.
3° Les droits d’accapte, arriĂšre-accapte et autres semblables, dus tant Ă  la mutation des ci-devant seigneurs qu'Ă  celle des propriĂ©taires ou possesseurs.

Article 3

Les contestations sur l'existence ou la quotité des droits énoncés dans l'article précédent, seront décidées d'aprÚs les preuves autorisées par les statuts, coutumes et rÚgles observées jusqu'à présent ; sans néanmoins que, hors de coutumes qui en disposent autrement, l'enclave puisse servir de prétexte pour assujettir un héritage à des prestations qui ne sont point énoncées dans les titres directement applicables à cet héritage, quoiqu'elles le soient dans les titres relatifs aux héritages dont il est environné et circonscrit.

Article 4

Lorsqu'il y aura, pour raison d'un mĂȘme hĂ©ritage, plusieurs titres ou reconnaissances, le moins onĂ©reux au tenancier sera prĂ©fĂ©rĂ©, sans avoir Ă©gard au plus ou moins d'anciennetĂ© de leur date, sauf l'action en blĂąme ou rĂ©formation de la part du ci-devant seigneur contre celles desdites reconnaissances qui n'en seront pas encore garanties par la prescription, lorsqu'il n'y aura Ă©tĂ© partie ni en personne, ni par un fondĂ© de procuration.

Article 5

Aucune municipalitĂ©, aucune administration de district ou de dĂ©partement, ne pourront, Ă  peine de nullitĂ©, de prise Ă  partie et de dommages-intĂ©rĂȘts, prohiber la perception d'aucun des droits seigneuriaux dont le paiement sera rĂ©clamĂ©, sous prĂ©texte qu'ils se trouveraient implicitement ou explicitement supprimĂ©s sans indemnitĂ©, sauf aux parties intĂ©ressĂ©es Ă  se pourvoir par les voies de droit ordinaires devant les juges qui doivent en connaĂźtre.

Article 6

Les propriĂ©taires de fiefs dont les archives et les titres auraient Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s ou pillĂ©s Ă  l'occasion des troubles survenus depuis le commencement de l'annĂ©e 1789, pourront, en faisant preuve du fait tant par titres que par tĂ©moins, dans les trois annĂ©es de la publication du prĂ©sent dĂ©cret, ĂȘtre admis Ă  Ă©tablir, soit par acte, soit par la preuve testimoniale d'une possession de trente ans antĂ©rieure Ă  l'incendie ou pillage, la nature et la quotitĂ© de ceux des droits non supprimĂ©s sans indemnitĂ© qui leur appartenaient.

Article 7

La preuve testimoniale dont il vient d'ĂȘtre parlĂ© ne pourra ĂȘtre acquise que par dix tĂ©moins, lorsqu'il s'agira d'un droit gĂ©nĂ©ral, et par six tĂ©moins dans les autres cas.

Article 8

Les propriĂ©taires de fiefs qui auraient, depuis l'Ă©poque Ă©noncĂ©e dans l'article 6, renoncĂ© par crainte ou violence Ă  la totalitĂ© ou Ă  une partie de leurs droits non supprimĂ©s par le prĂ©sent dĂ©cret, pourront, en se pourvoyant Ă©galement dans les trois annĂ©es, demander la nullitĂ© de leur renonciation, sans qu'il soit besoin de lettres de rescision ; et aprĂšs ce terme, ils n'y seront plus reçus, mĂȘme en prenant des lettres de rescision.

Article 9

Il sera incessamment pris une détermination relativement au mode et au prix du rachat des droits conservés, sans préjudice du paiement qui sera fait des rentes, redevances et droits échus et à échoir jusqu'au jour du rachat.

Portée et limites

Le décret du 15 mars 1790 prétend « détruire entiÚrement le régime féodal ». En réalité, ce sont les droits seigneuriaux plus que les droits féodaux qui sont abolis. L'essentiel des droits féodaux sont quant à eux non pas supprimés mais rendus rachetables. Certes le décret déclare abolis les droits féodaux qui ne seraient pas justifiés par une concession primitive de fonds. Mais le décret précise également que la « preuve contraire » (prouver l'absence de concession de fonds) est à la charge de celui souhaitant l'abolition des droits. Et comme le paysan n'est pas en mesure d'apporter une telle preuve, le principe énoncé par le décret est sans véritable effet[3] - [4] - [5] - [6] - [7].


« L’AssemblĂ©e (...) affirme, avec une Ă©nergie extrĂȘme, que le seigneur sera prĂ©sumĂ© avoir fait cette concession de fonds, tant que le tenancier n’aura pas apportĂ© la preuve contraire. Cet article (l’article 2 du titre II de la loi du 15 mars) a pour objet trois espĂšces de droits, savoir : les droits fixes (comme la rente fonciĂšre, payĂ©e tous les ans), les droits casuels dus Ă  la mutation des propriĂ©taires et les droits casuels dus tant Ă  la mutation des propriĂ©taires qu’à celle des seigneurs (c’est en rĂ©alitĂ© l’ensemble des droits onĂ©reux qui pĂšsent sur les paysans)... Ces trois espĂšces de droits ont cela de commun qu’ils ne sont jamais dus Ă  raison des personnes, mais uniquement Ă  raison des fonds et parce qu’on possĂšde des fonds qui en sont grevĂ©s. Cet article soumet ces droits Ă  deux dispositions gĂ©nĂ©rales.

La premiĂšre que dans la main de celui qui possĂšde (et dont la possession est accompagnĂ©e de tous les caractĂšres et de toutes les conditions requises en cette matiĂšre par les anciennes lois, coutumes, statuts ou rĂšgles), ils sont prĂ©sumĂ©s ĂȘtre le prix d’une concession primitive de fonds.

La seconde que cette prĂ©somption peut ĂȘtre dĂ©truite par l’effet d’une preuve contraire, mais que cette preuve contraire est Ă  la charge du redevable et que, si le redevable ne peut pas y parvenir, la prĂ©somption lĂ©gale reprend toute sa force et le condamne Ă  continuer le payement...

C’était la condamnation des paysans Ă  perpĂ©tuitĂ©. Car comment leur eĂ»t-il Ă©tĂ© possible de fournir la preuve contraire ? La preuve nĂ©gative est toujours malaisĂ©e Ă  administrer. Le seigneur, lui, Ă©tait dispensĂ© de fournir la preuve positive. Il Ă©tait dispensĂ© de produire le titre primitif en vertu duquel ses ascendants avaient concĂ©dĂ© un fonds de terre, moyennant une redevance perpĂ©tuelle et fĂ©odale.

Pour le seigneur, la possession valait titre. Comment le paysan pourra-t-il renverser ce titre ? Comment pourra-t-il Ă©tablir qu’à l’origine, dans le lointain obscur et profond des siĂšcles, ses pauvres aĂŻeux n’avaient pas reçu ces fonds de terre du seigneur, mais qu’ils avaient Ă©tĂ© astreints Ă  une redevance fĂ©odale, soit parce que le seigneur leur avait avancĂ© de l’argent et avait abusĂ© de sa qualitĂ© de crĂ©ancier pour les lier d’une chaĂźne de vassalitĂ© indĂ©finie, soit simplement parce que le seigneur avait usĂ© envers eux de violence et de menaces, soit enfin parce qu’ils Ă©taient esclaves et serfs et que le droit fĂ©odal est la rançon de leur libertĂ© ?

Demander aux paysans de remonter ainsi le sombre cours de l’histoire, c’est demander aux cailloux, lentement usĂ©s par les eaux, la source inconnue du torrent. »

— Jean JaurĂšs, Histoire socialiste de la RĂ©volution française : La lĂ©gislative

Il a fallu d'ailleurs attendre le décret du 17 juillet 1793, pour que l'Assemblée nationale abolisse tous les privilÚges féodaux sans indemnité en contrepartie.

Articles connexes

Sources et références

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