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DĂ©chet militaire

La notion de « déchet militaire » peut concerner de nombreux types de déchets, produits de l'amont à l'aval des filières militaires et de l'armement, avec une double spécificité :

  • ces dĂ©chets sont parfois stratĂ©giquement « sensibles » (armes, rĂ©acteurs et infrastructures nuclĂ©aires…) ;
  • leur manipulation, dĂ©mantèlement ou traitement final peuvent ĂŞtre très dangereux (explosifs, dĂ©chets radioactifs, armes chimiques, bactĂ©riologiques, biologiques) et sont classĂ©s comme dĂ©chet industriel spĂ©cial.

Une meilleure gestion des déchets est l'un des thèmes du développement durable que certaines autorités militaires cherchent à intégrer dans leurs stratégies.

Histoire des déchets militaires

Coque du porte-avion Clemenceau à Brest en 2008). Démantelé au Royaume-Uni.
Cimetière de bateaux militaires français de Landévennec sur l'Aulne, en Bretagne avec 2 avisos escorteurs réformés en brise-lames en, août 2006.
Porte-avion USS Oriskany (CVA 34), éliminé à moindre frais le , comme récif artificiel dans le Golfe du Mexique, après un nettoyage sommaire
Cet avion Grumman A-6E Intruder de l'US Navy (BuNo 155670) a aussi été jeté en mer, en lui attribuant un rôle de récif artificiel

C'est à partir de la Première Guerre mondiale et avec l'industrialisation de l'armement que les déchets militaires sont devenus préoccupants, parce que plus dangereux et produits en quantité très importante.

Depuis plus d'un siècle, de nombreux corps d'armée ou États se sont débarrassés de leurs munitions non explosées ou non utilisées et périmées en les immergeant dans des lacs (en Suisse par exemple, dont dans le lac de Thoune) ou en mer (plus d'une centaine de sites de munitions immergées sont répertoriés le long de tout le littoral européen).

Certains navires de guerre ou blindés « en fin de vie » ont été également immergés, éventuellement via des opérations présentées comme création de récifs artificiels. Quelques navires de guerre ou sous-marins retirés du service ont été recyclés comme « bateau-musée » ou sont utilisés comme « épis » pour lutter contre l'érosion de berges.

Dans certains pays, une tradition de vente des surplus militaires existe aussi, permettant de recycler une partie des matériels usagés ou non utilisés (vêtements en particulier) ;

La réflexion porte surtout depuis les années 1990 outre sur les « consommables », sur un démantèlement plus propre et sûr (avec récupération de matière première ou recyclables)

  • des munitions conventionnelles
  • des engins « porteurs » (navires, y compris coques de sous marins dĂ©nuclĂ©arisĂ©es, blindĂ©s, avions ou hĂ©licoptères et autres vĂ©hicules), bâtiments, etc.
  • des munitions chimiques (dont le dĂ©mantèlement et la destruction sont contraintes par la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, et que le droit international (Convention de Londres) interdit maintenant de jeter en mer ou faire « pĂ©tarder » en mer, hormis pour le dĂ©minage de mines par exemple).

Dans un souci d'économies par le recyclage et un moindre gaspillage, ou pour diminuer leur empreinte écologique (verdissement des administrations), certaines autorités militaires ont une démarche de gestion plus rationnelle et sûre des déchets directement ou indirectement produits par les activités militaires.

Tendances

  • Principe pollueur-payeur : il tend Ă  s'imposer dans le monde comme principe et condition d'un dĂ©veloppement plus juste et Ă©quitable, plus soutenable et durable, avec pour consĂ©quence l'exigence que le producteur d'un dĂ©chet contribue Ă  son traitement, recyclage ou Ă©limination sĂ»re et propre. Le monde militaire commence Ă  l'appliquer[1], Ă  ceci près que dans ce cas, c'est par l'impĂ´t que la dĂ©pollution est financĂ©e, et que les armĂ©es disposent de nombreux privilèges et dĂ©rogations.
    Dans plusieurs pays dont en France, les sites militaires doivent ainsi être dépollués par l'armée avant d'être vendus ou donnés aux collectivités. Au Canada, USA, Russie, Japon, Chine et en Europe, on commence aussi à s'intéresser aux séquelles anciennes (sites et sols pollués) d'anciennes activités de fabrication, essais, déminage, décontamination ou démantèlement de munitions chimiques ou conventionnelles, etc.).
  • Principe de prĂ©vention : Surtout depuis les annĂ©es 1990, pour ne pas renouveler les erreurs du passĂ©, pour Ă©pargner la santĂ© et les budgets des militaires eux-mĂŞmes, plusieurs groupes industriels travaillent Ă  une « Ă©coconception » des matĂ©riels militaires ou Ă  la production de munitions moins toxiques (parfois dites munitions vertes, sans plomb ou sans mercure toxiques par exemple, comme on le fait aussi pour les munitions de chasse, avec les cartouches sans grenaille de plomb et sans amorces au mercure depuis les annĂ©es 1980 aux États-Unis et plus tardivement et incomplètement en France).
    En Allemagne et au Royaume-Uni, depuis les années 2000, ce sont les mêmes services qui gèrent les ventes d’armement, de pièces de rechange et d’occasion et les prestations de démantèlement, ce qui facilite une approche de précaution de la conception jusqu'à la « fin de vie » (rebut, recyclage, élimination) des matériels et munitions.
  • Suivi : Il est parfois dĂ©licat pour des raisons de confidentialitĂ© gĂ©ostratĂ©gique liĂ©es aux activitĂ©s militaires, mais il est de plus en plus transparent et exigĂ© par certains pays.
    Le matériel vendu d’occasion par l'armée anglaise est par exemple assorti d'obligations de cartographies de substances dangereuses, et de démantèlement en fin de vie selon les normes environnementales et sanitaires strictes. Un tel système est une possibilité étudiée en France. Malgré les progrès des techniques de traçabilité, le contexte de mondialisation du traitement des déchets rend le suivi parfois difficile ou impossible, avec des risques de dérives (trafic et blanchiment d'armes ou déchets, y compris concernant les matières nucléaires, dont le plutonium et l'uranium enrichi, le parlement et la commission européenne reconnaissant eux-mêmes en 1992 que la « faillite d'un système fondé sur l'absence de séparation entre les aspects civils et militaires du nucléaire a conduit à une situation de grand danger, en ce qui concerne tant la gestion des installations nucléaires que le contrôle des substances radioactives »[2]). À titre d'exemple, le : g d'uranium 235 (de qualité militaire, enrichi à 80 %) ont été saisis par la DST à Paris, en possession de deux trafiquants. Il aurait été volé dans un laboratoire ou dans un centre de démantèlement de sous-marins nucléaires[3].

MĂ©thode

Les militaires peuvent bénéficier des progrès faits dans le suivi et traitement des déchets d'activités civiles, mais ils travaillent de plus en plus avec des Agences, ministères (de l'environnement, de la santé..) voire avec des associations de défense de l’environnement.

De manière gĂ©nĂ©rale, dans le domaine des dĂ©chets, « le dĂ©chet le moins coĂ»teux Ă  Ă©liminer est celui qu'on ne produit pas Â», ce qui signifie que la rĂ©duction Ă  la source devrait toujours ĂŞtre privilĂ©giĂ©e rappelle Stephan Robinson[4], qui dĂ©plore le gaspillage de matĂ©riel lors des exercices et de l’entraĂ®nement et le manque d'Ă©coconception et d'analyse du cycle de vie de ces matĂ©riels.

En France, une convention lie le ministère de la dĂ©fense au ministère de l'environnement et trois confĂ©rences se sont tenues dans un cycle DĂ©fense et environnement (la dernière en date du )[1] - [5]. En France, le ministère chargĂ© de la dĂ©fense s'est dotĂ© d'un directeur chargĂ© du dĂ©veloppement durable ; Ă  la Sous-direction du patrimoine, au sein de la Direction de la mĂ©moire, du patrimoine et des archives (DMPA). Ce ministère doit intĂ©grer l’environnement dans la conduite des programmes d’armement[6]. Il a annoncĂ© qu'Ă  la suite du Grenelle de l’environnement, il a programmĂ© « 108 millions € pour le dĂ©mantèlement ». L'armĂ©e française doit notamment faire dĂ©truire 22 000 MLRS (systèmes de lance-roquettes multiples) devenus interdits par le traitĂ© sur les armes Ă  sous-munitions[1].

En France : de 270 000 t de matĂ©riel sont Ă  dĂ©manteler sur la pĂ©riode de programmation 2009-2014. 140 000 t correspondent Ă  170 coques et engins flottants. S'y ajoutent plus de 800 aĂ©ronefs, et près de 100 000 t de vĂ©hicules et blindĂ©s, une quantitĂ© croissante de matĂ©riel Ă©lectroniques et informatique et des milliers de tonnes de bombes, obus, mines (27 000 missiles, torpilles et roquettes divers, dont 22 000 roquettes et des milliers d’obus Ă  sous munitions, aujourd'hui interdits d’emploi par la convention de Dublin et l’accord d’Oslo). Toujours selon le ministère de la dĂ©fense, ce sont de 90 Ă  160 millions d’euros qui seront nĂ©cessaires (selon le cours des mĂ©taux)[1].

Spécificités, cas particuliers

Le cas des munitions, missiles et torpilles

Démanteler des munitions anciennes ou rendues interdites par des traités internationaux coûte beaucoup plus cher que les produire, d'autant qu'il existe peu de filières spécialisées. Cela est aussi plus dangereux et exige des moyens et filières adaptés.

En France : des stocks importants se sont accumulĂ©s. Par exemple, en France, l'armĂ©e estime que plus de 20 000 tonnes de munitions seraient Ă  dĂ©truire de 2009 Ă  2015. La France manquant de filière adaptĂ©e, ce dĂ©mantèlement pourrait devoir se faire en Allemagne selon le rapport de Xavier Lebacq[1].

Le cas des navires et sous-marins

Les autorités militaires doivent gérer les déchets produits par le fonctionnement et l'entretien du navire, par la vie à bord, puis par la « fin de vie » du matériel (ainsi que les accidents, réparations, etc.).

Le problème des antifoolings toxiques, la gestion des polluants liés à la motorisation, aux peintures, aux huiles, etc. ne sont pas a priori propres aux navires militaires, hormis pour les matériels ou matériaux « sensibles ».

Le démantèlement et recyclage des sous-produits des navires (à propulsion nucléaire notamment) pose cependant des problèmes illustrés par les tribulations du porte-Avion Clemenceau (« Q-790 »).

La convention de Hong Kong du mise en place par l'Organisation maritime internationale (OMI) ne concerne en effet que les navires civils. Et les appels d'offres n'intègrent pas toujours les principes et critères élémentaires du développement durable.

Ă€ titre d'exemple, en France et en 2008, pour les navires de surface dĂ©sarmĂ©s, une trentaine de navires (plus de 500 t chacun), pour un total d'environ 80 000 t Ă©taient en attente de dĂ©mantèlement Ă  LandĂ©vennec notamment. Il faut y ajouter environ 5 000 t correspondant Ă  70 bâtiments auxiliaires et engins portuaires, puis 5 Ă  10 navires annuellement retirĂ©s du service (soit 10 000 t par an environ, de 2009 Ă  2014). 5 sous-marins de la sĂ©rie « Le Redoutable » Ă©taient en attente de traitement en 2008. En 2008, 200 â‚¬ Ă©taient en moyenne nĂ©cessaire pour traiter une tonne de coque mĂ©tallique, et plus pour les coques dĂ©gradĂ©es qu'il faut traiter sur place[1].

Un passeport vert (fiche d'identitĂ© du navire en fin de vie listant notamment les risques potentiels induits par les matĂ©riaux et substances prĂ©sents sur le navire (inflammabilitĂ©, explosivitĂ©, corrosivitĂ©, toxicitĂ©, Ă©co-toxicitĂ©, CMR…).) a Ă©tĂ© proposĂ© par l'OMI comme devant accompagner tout nouveau navire civil, afin de rassurer les pays par lesquels ces navires devraient transiter oĂą ils devront ĂŞtre dĂ©mantelĂ©s[7]. Le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède et la France avaient dĂ©jĂ  en 2008/2009 produit quelques passeports verts pour des navires militaires (la France a annoncĂ© un investissement de 8 millions € (1,6 million €/an, de 2008 Ă  2012, soit 100 000 â‚¬ par navire pour cette pĂ©riode) pour en financer d'autres[8]).

Le cas de l'amiante

Le dĂ©samiantage est maintenant Ă  gĂ©nĂ©raliser pour les blindĂ©s, navires et aĂ©ronefs qui contiennent presque tous de l'amiante, considĂ©rĂ© comme « dĂ©chets dangereux ». Ă€ titre d'exemple, le porte-avion Clemenceau contenait environ 700 tonnes d'amiante ou matĂ©riaux amiantĂ©s. Le ministère de la dĂ©fense souhaiterait un amĂ©nagement au dĂ©cret amiante de 1996[9].

Le cas des déchets électroniques, informatiques électriques et de bureaux

Les déchets banals et les déchets électroniques (DEEE) font l'objet de filières particulières, éprouvées ou en développement en Europe, etc. Les matériels « sensibles » doivent être broyés ou détruits avant que leurs matériaux puissent être recyclés.

Cas des déchets médicaux et vétérinaires militaires

Depuis l'Antiquité, des armées se déplaçant rapidement d'un pays à l'autre, et fréquentant des zones à risque, ou en situation de guerre ont pu contribuer à véhiculer des microbes et diffuser des épidémies ou pandémies.

Les armées disposent souvent de systèmes hospitaliers et sanitaires propres, qui peuvent aussi contribuer à des expériences ou exercices impliquant des organismes ou produits à risque (cf. armes bactériologiques, chimiques, nucléaires, etc. ou générant des déchets à risques (à la suite des décontaminations par exemple).

Autres cas particuliers

Pour l'historien et le rudologue (celui qui étudie les déchets), il existe aussi des catégories encore floues, mais posant des problèmes environnementaux et de développement soutenable, tels que les déchets laissés sur les champs de bataille (séquelles de guerre) ou perdus lors des exercices.

  • DĂ©chets en faibles quantitĂ©s dispersĂ©es : ils sont particulièrement difficiles Ă  gĂ©rer et Ă  suivre - car souvent sans responsable identifiĂ© et Ă©mis de manière dispersĂ©e ou dispersĂ©e par les explosions ; ce sont par exemple les dĂ©chets toxiques en quantitĂ©s dispersĂ©es (DTQD), ou gaz Ă  effet de serre et autres polluants perdus lors des combats et exercices, dans l'air, dans les mers, sur les sites d'essais, etc.). Un exemple parmi d'autres est celui de l'uranium appauvri utilisĂ© dans certaines munitions lors de conflits rĂ©cents dont en Europe, au Kosovo. Les ventes de matĂ©riels d’occasion contenant gĂ©nĂ©ralement des produits dangereux sont aussi une source de dispersion future de ces dĂ©chets, souvent vers des pays pauvres manquant des moyens de les bien traiter.
  • DĂ©chets Ă  risque, anciens (parfois oubliĂ©s) et sans responsables aujourd'hui solvables ou juridiquement reconnus : ils peuvent Ă©galement ĂŞtre toxiques ou dangereux (explosifs) ou comportent des Ă©lĂ©ments toxiques (exemple : munitions immergĂ©es, et autres munitions non explosĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es lors de la reconstruction des zones rouges ou autres zones de conflit ; ou ensuite dans les filets de pĂŞche ou lors des labours ou travaux de terrassements.
    Ces munitions de toutes provenances, proviennent en Europe des guerres mondiales ou font suite à ces dernières. D'autres conflits en ont produit et laissé de grandes quantités ailleurs dans le monde (Viêt Nam, Cambodge…). On s'en est débarrassé dans la nature, dans des lacs, gouffres, étangs, puits ou galeries ou en mer…
    Ces déchets du passé plus ou moins lointain, sans responsables aux yeux de la loi, sont encore juridiquement et concrètement mal pris en compte.
  • gaz Ă  effet de serre Ă©mis par les avions et les navires militaires, ou les moyens civils transportant des matĂ©riels ou personnels militaires. Ce sont des dĂ©chets particuliers, non pris en compte par le Protocole de Kyoto. Les quantitĂ©s peuvent en ĂŞtre importantes. Aux États-Unis, c'est plus de 70 % des Ă©missions de GES dues aux activitĂ©s de tous les services de l'État.

Notes et références

  1. Synthèse de 20 pages du Rapport (200 pages) sur le démantèlement des matériels d'armement, faisant suite à une mission sur le démantèlement des matériels d’armement conduite en 2008 par le CGARM (Xavier Lebacq, Franck L’hoir) et le Bureau-Environnement de la DMPA (avec états-majors et services concernés)
  2. résolution du parlement européen sur le trafic illicite des matières nucléaires ()paragraphe C. de la page 1 du document référencé PE 182.023 (g:\PV_SEANCE\definiti\adoptes\94-09-29.FR)
  3. Brève (Nouvel'Obs/Science et Avenir sur le « trafic d'uranium, plutonium, césium... » ; Dec 2001, consultée 2009/07/17
  4. Stephan Robinson, directeur du programme international de désarmement de l’ONG Green Cross International
  5. Conférences organisé par le bureau d’études 3Bconseils et dont la synthèse a été communiquée au ministre de la Défense
  6. Page du ministère de la défense sur ses missions au sein de la stratégie nationale du développement durable (page mise à jour 31/03/2009, consultée 2009 07 16)
  7. La convention régulant la fin de vie des navires émergera, au mieux, en 2015 (Article de Gaëlle Dupont pour Le Monde – du 2009/02/01)
  8. voir l'annexe, page 19/20 du DOSSIER DE PRESSE du ministère de la défense, 2007/11/27 (consulté 2009/07/17)
  9. C'est une des propositions de la synthèse du rapport Le démantèlement des matériels d’armement (p 4/20)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Synthèse du rapport sur le dĂ©mantèlement des matĂ©riels d'armement, IGA Xavier Lebacq (2008)
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