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Croix de la Passion

Dans le symbolisme chrĂ©tien, la croix de la Passion correspond Ă  une croix installĂ©e en extĂ©rieur ou dans une Ă©glise, ou bien peinte ou sculptĂ©e, caractĂ©risĂ©e par la reprĂ©sentation des « instruments de la Passion Â» du Christ, dans le but de rappeler au fidèle la succession de ses Ă©vĂ©nements.

Vignette d’un livre catalan de 1852
Croix de procession, musée municipal de Caxias do Sul (Brésil), fin XIXe s.
Croix Ă  Saint-VĂ©ran
Altwindeck (Allemagne) : arma christi sculptés en bas-relief sur la croix

DĂ©finition

La croix de la Passion est parfois appelĂ©e « croix du Coq Â» lorsqu’elle est surmontĂ©e de l’image de cet animal. Ce peut ĂŞtre une croix monumentale (croix de mission), ou une croix portative (croix de procession) qui peut d’ailleurs ĂŞtre de grandes dimensions. La croix latine dite aussi croix christique est parfois appelĂ©e « croix de la Passion Â», ce qui peut prĂŞter Ă  confusion. La croix de la Passion se caractĂ©rise par la prĂ©sence des Arma Christi, en quantitĂ© variable, les plus frĂ©quents Ă©tant la lance, l’échelle et les outils : marteau, clous, tenailles, etc.

Il n’y a pas de règle pour la disposition des instruments. Les éléments longs (lances, échelle, sont souvent symétriquement en diagonale, du pied de la croix à l’extrémité des traverses. Les objets sont posés sur la traverse ou sont accrochés en dessous. Les éléments uniques (linge de Véronique, tunique) sont de préférence au centre, sur le montant vertical. Le coq trône tout en haut.

La croix de la Passion se diffĂ©rencie du crucifix en ce que le personnage du Christ crucifiĂ© n’y figure pas obligatoirement. En revanche, certaines croix de la Passion en Allemagne (notamment dans la ForĂŞt-Noire) montrent en plus le centurion Longin et sont pour cela appelĂ©es « croix de Longin Â» (Longinkreuz). Les personnages traditionnels de la Vierge et de saint Jean peuvent Ă©galement ĂŞtre prĂ©sents.

Histoire

Les reprĂ©sentations de la Crucifixion regroupant les diffĂ©rents « instruments Â» sont d’abord des images et des peintures murales, dès le Moyen Ă‚ge. Elles permettent de raconter d’une manière synthĂ©tique la succession des Ă©vĂ©nements, pour l’édification des fidèles. Le Psautier d'Utrecht (IXe s.) en est un bon exemple. Pendant le Moyen Ă‚ge les reprĂ©sentations sont le plus souvent des fresques. Les croix en tant qu’objet se rĂ©pandent Ă  l’époque de la Contre-RĂ©forme.

« Instruments de la Passion Â»

Aussi appelĂ©s en latin Arma Christi (« armes Â» du Christ, au sens hĂ©raldique et non guerrier), les principaux Ă©lĂ©ments que l’on trouve sont les suivants. Ils sont rarement tous prĂ©sents, mais ils peuvent figurer en très grand nombre, comme sur une Creu dels Improperis catalane qui n’en compte pas moins de 214 (certains Ă©tant reprĂ©sentĂ©s en plusieurs exemplaires)[1] :

  • le rameau de l’accueil de JĂ©sus Ă  JĂ©rusalem (et aussi symbole du martyre)
  • le calice et le pain de la Cène

Arrestation de JĂ©sus au Jardin des Oliviers :

  • la lanterne et les torches des gardes (Jean 18.3) et la lanterne de la femme qui reconnaĂ®t Pierre
  • l’épĂ©e de saint Pierre et l’oreille coupĂ©e au lĂ©gionnaire Malchus (Jean 18.10)
  • le coq qui chante le reniement de saint Pierre (Matthieu 26.33)

Procès de Jésus

  • le vase ou aiguière avec lequel Ponce Pilate se lave les mains (Matthieu 27.23)

Flagellation :

  • la colonne oĂą JĂ©sus est attachĂ©
  • le fouet garni de pointes (Jean 19.1)
  • une main (la gifle donnĂ©e Ă  JĂ©sus par le grand prĂŞtre) (Jean 18.22). Elle peut aussi reprĂ©senter la main de Dieu (en).
  • la couronne d’épines (Matthieu 27.30)
  • la tunique sans couture de JĂ©sus, et
  • les dĂ©s avec lesquels les soldats la jouent (Jean 19.23)
  • le manteau rouge jetĂ© sur ses Ă©paules (Matthieu. 27.27)
  • le sceptre de roseau

Calvaire :

Crucifixion

  • les croix des deux larrons
  • l’écriteau INRI (Jean 19.17)
  • le marteau
  • les clous (Jean 19.17)
  • la lance du centurion Longin qui perce le flanc du Christ
  • l’éponge imbibĂ©e de vinaigre (Jean 19.28), au bout d’une lance ou d’une branche d’hysope
  • la coupe de boisson amère, le calice de l’agonie
  • deux mains, deux pieds percĂ©s, un cĹ“ur enflammĂ© reprĂ©sentant les cinq blessures du Christ
  • les tenailles et
  • l’échelle de la descente de croix (Marc 15.46)
  • la bourse donnĂ©e Ă  Judas pour sa trahison, et les trente deniers (Matthieu 26.14)
  • la corde avec laquelle Judas s’est pendu (Matthieu 27.3)
  • le soleil et la lune (l’éclipse au moment de la mort de JĂ©sus) (Luc 23.44)
  • le linceul
  • deux anges

Peuvent aussi figurer d’autres éléments, comme une représentation du donateur, le crâne d’Adam au pied de la croix, le serpent de la Tentation, etc.

Croix de marinier

La croix de marinier ou croix des mariniers est un type de croix de la passion particulier. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă  protĂ©ger l’embarcation qui naviguait sur les fleuves ou canaux, et Ă©tait placĂ©e Ă  l’avant. La hauteur Ă©tait gĂ©nĂ©ralement comprise entre 80 et 180 cm. Sur le RhĂ´ne, les bateaux circulaient en convoi, la rigue, et seule la « barque capitaine Â», celle du patron, arborait la croix (dite aussi pour cette raison, croix patronale). S’ajoutent aux Ă©lĂ©ments de la croix une barque, un tonneau, une gourde paillĂ©e, les autres arma christi Ă©tant simplement interprĂ©tĂ©es selon le mĂ©tier de marinier (la lanterne est un fanal, etc.).

Ă€ la fin de sa carrière, le patron marinier offrait sa croix Ă  l’église. Dans les communes riveraines on peut voir des « croix de marinier Â» monumentales.

Répartition géographique

Les croix de la Passion se retrouvent un peu partout dans l’espace catholique.

En France, dans les Alpes (Savoie, Queyras), de nombreuses croix de mission sont des croix de la Passion.

Une spécificité stylistique a été identifiée au nord des Marches de Bretagne : des croix de bois votives sculptées en "bas-relief" à même le fût

En Catalogne (française et espagnole), la Creu dels Improperis (« croix des outrages Â») se rencontre frĂ©quemment, aussi bien monumentale, que portĂ©e par des pĂ©nitents lors des processions, comme la Procession de la Sanch Ă  Perpignan et les grandes processions de la Semaine sainte dans les villes espagnoles.

En Italie, les croix de la Passion font partie de nombreuses processions : la Croce del Gallo (« croix du coq Â») de Savone est cĂ©lèbre.

Bouteille de la Passion

Bouteille de la Passion, musée de Mylau (Allemagne)

On retrouve des « croix de la Passion Â» en miniature enfermĂ©es dans des bouteilles de verre, Ă  la manière des bateaux en bouteille fabriquĂ©s par les marins : bouteille de la Passion, ou bouteille-passion. Parfois les instruments de la Passion sont simplement suspendus par des fils Ă  l’intĂ©rieur de la bouteille, accrochĂ©s Ă  des protubĂ©rances en forme de bulles. L’origine de cette pratique, remontant au XVIIIe siècle, est sans doute Ă  chercher Ă  Liesse (Aisne) oĂą une fontaine miraculeuse attirait de nombreux pèlerins[2]. Chacun repartait avec une bouteille remplie de cette eau. On fabriqua alors des sortes d’ampoules de verre, dans lesquelles on accrochait de petites figurines en verre filĂ© colorĂ©, reprĂ©sentant deux types d’objets : d’une part, les instruments de la Passion, d’autre part des personnages et objets liĂ©s Ă  la lĂ©gende de Liesse. Ces fioles Ă©taient ensuite remplies de l’eau miraculeuse.

La pratique existait en Allemagne, dans les montagnes de l’Allgäu et de l’Erzgebirge, oĂą l’on rĂ©alisait des scènes diverses et des croix de la passion, sous le terme Geduldsflasche (de) (« Bouteille de patience Â»). Par la suite cette mode se rĂ©pandit et on fabriqua ces bouteilles un peu partout, notamment en Bretagne oĂą l’art de mettre les bateaux en bouteille existait dĂ©jĂ [3] puis dans de nombreux pays jusqu’au QuĂ©bec.

Notes et références

  1. Setmana santa, vocabulari (catalan)
  2. Notre-Dame de Liesse
  3. Objets d’hier

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