Conversion de Paul
La conversion de Paul, décrite dans le Nouveau Testament, se réfère à l'un des événements de la vie de Paul de Tarse. C'est une fête des Églises chrétiennes célébrée le 25 janvier selon le Martyrologe romain[1].
Autour de cette date a lieu chaque année la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens.
Récits de la conversion
Épîtres de Paul
Dans ses épîtres, qui constitue une source de première main, Paul traite de sa conversion de manière brève.
« Et après [avoir été vu de] tous, il a aussi été vu de moi, comme de l’avorton ; car je suis le moindre des apôtres, et je ne suis même pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. »
— 1 Corinthiens 15,8-9 ; traduction Bible annotée de Neuchâtel[n 1].
« Or je vous fais connaître, frères, que l’Évangile qui a été annoncé par moi n’est point selon l’homme ; car je ne l’ai reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. […] Mais quand il plut à Celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les païens, aussitôt, je ne consultai point la chair et le sang, et je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui avaient été apôtres avant moi ; mais je m’en allai en Arabie, et je revins de nouveau à Damas. »
— Galates 1,11-12 et 15-16 ; traduction Bible annotée de Neuchâtel.
Actes des Apôtres
Dans le livre des Actes des Apôtres, la conversion de Paul est abordée à trois endroits différents, et cette expérience y est beaucoup plus détaillée que dans les épîtres. Ils décrivent la conversion comme un évènement qui s'est déroulé au moment où Paul était en route vers Damas. Jésus lui apparaît sous la forme d'une lumière, et il tombe de cheval à la suite de cette vision et il devient aveugle. Paul est ensuite emmené à Damas, où il est baptisé 3 jours plus tard par Ananie, qui lui rend en même temps la vue, Ananie aurait reçu l'ordre de Dieu de l'accueillir parmi les saints. Les trois récits de cette conversion se situent en 9,3-9, 22,5-11, et 26,13-19. Le premier est raconté par l'auteur des Actes des Apôtres, tandis que les deux autres sont racontés par Paul, lorsqu'il est emprisonné à Jérusalem puis à Césarée. Ils diffèrent entre eux à différentes échelles.
Différences entre les récits
Il y a des divergences plus ou moins légères dans le dialogue entre Jésus et Paul, mais il y en a une qui est nette entre ce que les gens de la caravane, qui accompagnaient Paul virent ou entendirent (ou non) et ce qu'ils firent :
« Or les hommes qui faisaient route avec lui s’étaient arrêtés muets, entendant [φωνῆς, phonês] bien la voix, mais ne voyant personne. » (Ac 9,7)
« Or ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils n’entendirent [ἤκουσαν, ēkousan] pas la voix de celui qui me parlait. » (Ac 12,9)
« au milieu du jour, je vis, ô roi, sur le chemin, une lumière qui venait du ciel, et dont l’éclat surpassait celui du soleil, resplendir autour de moi et de ceux qui faisaient route avec moi. Et nous tous étant tombés par terre, j’entendis [φωνὴν, phonèn] une voix qui me dit en langue hébraïque […] » (Ac 16,13-14a)
Dans le premier récit, Paul voit la lumière et ses compagnons entendent la voix ; dans le deuxième, ils tombent par terre à cause la lumière, mais seul Paul entend la voix ; dans le dernier, Paul et ses compagnons tombent et sont enveloppés de lumière, mais seul Paul entend la voix. Ἄκούω signifie « entendre » mais aussi « comprendre » quelqu'un ou quelque chose[2], et φωνῆ « faire entendre un son de voix »[3]. La Tradition apologétique chrétienne croyant la Bible inerrante, elle suppose que les caravaniers entendirent, mais ne comprirent pas ce que Jésus dit à Paul, car le premier aurait parlé « en langue hébraïque » : « Il n’était pas moins naturel que le Seigneur, s’adressant à un Israélite, employât sa langue maternelle, celle de son enfance et de ses impressions religieuses les plus profondes »[4]. « De même, ils ne virent personne, aucune forme distincte, mais seulement une lumière[5]. »
Fiabilité du récit des Actes
Des exégètes, même chrétiens, ont toutefois relevé que l'épisode du chemin de « Damas n'a jamais été relaté par Paul dans ses lettres », la mention de l'avorton évoquant « un événement extérieur, mais sans en esquisser le moindre récit »[6].
Les Actes des apôtres, s'ils furent longtemps attribués à Luc comme l'Évangile selon Luc sont des récits pseudépigraphiques — l'auteur est inconnu. Le Pseudo-Luc écrit à l'époque de la troisième génération de chrétiens (80 et 100 ap. J.-C.) ce qui s'est passé entre les années 30 et les années 60, il a un projet théologique et historique qui va orienter son récit. Le récit s'insère dans l'ouverture du christianisme vers les païens plutôt que vers les juifs : « Luc montre ainsi comment Dieu élargit le cercle des élus » note le pasteur Élian Cuvillier. Ce dernier note encore que Paul ne parle pas de « conversion » mais d'une « révélation »[7].
Fête
La conversion de saint Paul est fêtée dans le calendrier liturgique chrétien le 25 janvier[1] (attestation de la date à partir du IXe siècle dans les martyrologes du Moyen Âge) et conclut la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens[8].
Références culturelles
Peinture
La conversion de saint Paul a été représentée par de nombreux artistes, parmi lesquels Albrecht Dürer, Giovanni Bellini, Fra Angelico, Fra Bartolomeo, Pieter Brueghel l'Ancien, Rubens, William Blake et Luca Giordano. Le peintre italien Le Caravage a réalisé deux tableaux sur ce thème : La Conversion de saint Paul et La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas.
Traditionnellement représenté à pied, une nouveauté principale au XIIe siècle est l'introduction du cheval dans l'iconographie de l'événement de Damas (alors que le récit biblique ne mentionne pas cette monture, rarissime dans l'Antiquité, les voyageurs ordinaires circulant à pied). Cette nouvelle tradition iconographique s'avère n'être pas sans signification spirituelle et anthropologique : terrassé dans son orgueil, Saul tombe de très haut[10].
Littérature
Le chapitre 17 du roman Homme invisible, pour qui chantes-tu ? de Ralph Ellison évoque cette conversion[11].
La conversion de Paul est également évoquée, sans la mentionner directement, dans le roman Pour qui sonne le glas d'Ernest Hemingway, à propos des remords de Pablo à la suite de sa trahison de la bande de Robert Jordan, la nuit précédant l'attaque du pont.
Notes et références
Notes
- Sauf mention contraire, toutes les traductions des extraits bibliques présentés dans cet article sont de la BAN.
Références
- « Conversion de Saint Paul », sur nominis.cef.fr (consulté le )
- Bailly 2020, p. 153.
- Bailly 2020, p. 2509.
- Commentaire de la Bible Annotée pour Actes 26.
- Commentaire de la Bible Annotée pour Actes 9.
- Etienne Trocmé, L'enfance du christianisme, Paris, Hachette, , 215 p. (ISBN 978-2-01-270541-8), p. 83
- Elian Cuvillier, « La conversion de Paul, regards croisés », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 6 | 2009, mis en ligne le 18 septembre 2009, consulté le 13 juin 2021. URL : http://journals.openedition.org/cerri/373 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cerri.373
- Yves Congar, Essais œcuméniques : le mouvement, les hommes, les problèmes, Le Centurion, , p. 41
- Alexis Merle du Bourg, Peter Paul Rubens et la France, Presses Univ. Septentrion, , p. 116
- François Boespflug, « La conversion de Paul dans l'art médiéval », in Paul de Tarse, Cerf, 1996, p. 147-168.
- (en) Barbara Foley, Wrestling with the Left. The Making of Ralph Ellison’s Invisible Man, Duke University Press, , p. 410